12.VACCINATION DES PROFESS

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12.VACCINATION DES PROFESS
PRÉVENTION
Vaccination des professionnels de santé
contre l’hépatite B
PARTIE 3
LES ACCIDENTS D’EXPOSITION AU SANG
J.-F. Gehanno
Médecin des hôpitaux - Service de médecine du travail et des pathologies professionnelles - CHU Rouen
Résumé. En France, dès 1982, une circulaire a recom-
The hepatitis B vaccination for healthcare
workers
mandé la vaccination contre l’hépatite B chez le personnel de santé. Cette recommandation a été
transformée en obligation pour les professionnels de
santé des établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins « exerçant une activité
professionnelle l'exposant à des risques de contamination » par la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991. Ainsi, le
chef d'établissement est tenu de mettre à disposition les
moyens nécessaires à leur immunisation et de s'assurer
du respect de cette obligation vaccinale. Si le vaccin
contre le VHB a prouvé son efficacité, il existe néanmoins, au plan individuel, des sujets faiblement voire
non répondeurs. Les sujets habituellement considérés
« bons répondeurs » sont ceux qui développent un taux
d’anticorps supérieur à 10 UI/l. Les sujets faiblement
répondeurs (entre 1 et 9 UI/l) semblent protégés vis-àvis de l’hépatite B, au moins de formes symptomatiques et un rappel peut être proposé avec un contrôle
sérologique 1 mois après. Les sujets « non répondeurs »,
ne développant pas d’anticorps après la troisième injection, semblent avoir le même risque de contracter une
hépatite B, aiguë ou chronique, que les sujets non vaccinés. Bien que l'incidence de l’hépatite B semble diminuer dans la population générale, l'attention vis-à-vis de
ce risque ne doit pas faiblir et la vaccination doit être
largement promue chez les professionnels de santé et
une conduite à tenir pour les non-répondeurs étudiée
en fonction des risques encourus.
Abstract. In 1982, in France, a circular recommended
that healthcare workers should be vaccinated against
hepatitis B. The law n°91-73 of 18th January 1991 made
this recommendation compulsory for the staff of public or
private healthcare and prevention facilities who “carry
out an occupational activity with an exposure to contamination risks”. This means that the manager of the
facility has to make sure that the staff have the means to
be vaccinated and make sure that the vaccination is carried out. The hepatitis B vaccination has been proved
to be efficient, only some persons respond poorly or not at
all. The persons that respond well are those who develop
an antibody rate over 10 UI/1. The persons that respond
poorly (between 1 and 9 UI/1) seem to be protected
against hepatitis B, at least against the symptomatic
forms, and a booster and a screening can be proposed a
month later. The persons that do not respond do not
produce antibodies after the third injection and they
seem to have the same risk of contracting acute or chronic hepatitis B as those who have not been vaccinated.
Even if hepatitis B incidence seems to be going down globally, the attention must not be slackened, the vaccination must be encouraged for all healthcare workers and
the way to deal with persons who do not respond must be
studied according to the risks undertaken.
Mots-clés: Hépatite B – Vaccination – Personnel de santé –
Key-Words: Hepatitis B – Vaccination – Healthcare Wor-
Législation – Calendrier Vaccination – Ligne Directrice.
kers – Legislation – Immunization Schedule - Guidelines.
'HÉPATITE B EST, SELON L'OMS, une des plus importantes pathologies de l'espèce humaine et représente un sérieux problème de santé publique dans
le monde. Sur les deux milliards d'individus qui ont été
infectés par le virus de l'hépatite B (VHB), près de
400 millions sont atteints d'une infection chronique. Ce
nombre serait de l’ordre de 100 000 en France et l'Ins-
L
HYGIENES - 2003 - VOLUME XI - N°2
Dr Jean-François
Gehanno
CHU Charles Nicole
1 rue Germont
F- 76031 Rouen
cedex
titut national de la santé et de la recherche médicale
(INSERM), évalue à près de 1 000 le nombre des personnes qui meurent chaque année en France des complications d'une hépatite chronique à virus B.
En effet, dans les pays développés, on estime
qu’environ 10 % des porteurs chroniques du VHB évoluent vers la cirrhose et il a été démontré que ces por1
VACCINATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ CONTRE L’HÉPATITE B
teurs chroniques avaient un risque accru de développer
un carcinome hépato-cellulaire, de l’ordre de 40 à 100
fois plus important que celui d'individus non infectés.
Nécessité de vacciner les soignants
Historiquement, l’infection par le virus de l’hépatite
a été reconnue dès les années 50 comme un risque
professionnel pour les personnels de soins, à la suite de
la survenue de cas groupés d’hépatites après accident
exposant au sang (AES) à partir d’un patient source porteur du virus (24).
Il fallut néanmoins attendre les travaux de BARUCH
BLUMBERG et l’identification en 1966 de l’antigène HBs,
pour voir se développer des études séro-épidémiologiques. Elles confirmèrent le risque élevé d’infection
des professionnels de santé (médecins et dentistes)
par le VHB, évalué entre trois et cinq fois supérieur à
celui de la population générale. Dans les années 70,
près d’un soignant sur cinq apparaissait porteur d’anticorps anti-HBs (5). Le CDC (Centers for Disease Control)
estimait alors que 100 à 200 soignants américains mourraient chaque année des conséquences d’une infection chronique par le VHB. Dans le même temps, des
cas d’infection soignant-soigné par le VHB étaient rapportés (11) et des mesures pour limiter le risque de
contamination des soignants apparaissaient alors indispensables.
Parmi les mesures de prévention, celles concernant
le risque d’exposition au sang des patients porteurs
chroniques du VHB furent les premières envisagées
avec la publication par le CDC dès 1970 du manuel Isolation Techniques for Use in Hospitals, contenant un
chapitre « Blood precautions ».
Dans le même temps, les premiers essais chez
l’homme d’un vaccin d’origine plasmatique, en particulier en France (16), aboutirent à la mise sur le marché
de ce vaccin dès 1981, en France comme aux États-
Unis. La recherche d’une alternative à l’origine plasmatique, initiée dans le milieu des années 70, aboutit à
la mise sur le marché de vaccins recombinants en 1988
en France. Les vaccins actuels, produits par génie génétique, sont constitués d'antigènes de surface du VHB
(protéine S +/- protéines pré-S2).
Dès 1982, une circulaire de la Direction Générale de
la Santé recommande la vaccination chez le personnel
de santé. Cette recommandation est transformée en
obligation vaccinale pour les professionnels de santé
des établissements ou organismes publics ou privés
de prévention ou de soins « exerçant une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination » par la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991.
Le schéma vaccinal en quatre injections (trois injections à un mois d'intervalle, la quatrième un an après la
première) est resté préconisé en milieu professionnel
jusqu'en 1999 (Avis du Conseil Supérieur d'Hygiène
Publique de France (CSHPF) du 16 avril 1999), où un
schéma vaccinal unique en trois injections, du type 01-6 a été adopté, sauf en cas de besoin d'une immunisation rapide.
En France, le chef d'établissement est tenu de mettre
à la disposition des personnels exposés professionnellement les moyens nécessaires à leur immunisation. Il a la responsabilité de s'assurer du respect de
cette obligation vaccinale, y compris pour les médecins (chirurgiens) et personnels médicaux temporaires.
L'article R. 242-16 du code du travail stipule que le
médecin du travail veille, sous la responsabilité du chef
d'établissement, à l'application des dispositions du code
de la santé publique sur les vaccinations obligatoires
et qu'il procède lui-même ou fait procéder à ces vaccinations, le salarié restant maître du choix du médecin
vaccinateur.
Efficacité de la vaccination
Réponse anticorps
Tableau I - Nombre de cas d'hépatites professionnelles
reconnues par la CNAM.
(Source : DR ANNE DELÉPINE INRS).
Année
2
Nombre
de cas
Année
Nombre
de cas
1973
533
1987
135
1974
653
1988
83
1975
740
1989
77
1976
746
1990
63
1977
581
1991
91
1978
483
1992
98
1979
597
1993
93
1980
497
1994
75
1981
438
1995
62
1982
381
1996
53
1983
295
1997
42
1984
285
1998
42
1985
242
1999
53
1986
223
2000
51
L'efficacité du vaccin plasmatique a fait l'objet de
nombreuses publications au début des années 80, tant
dans la population générale que dans des sous groupes
à risques tels que les homosexuels ou les personnels
soignants (6). Après trois injections, 97 % des sujets vaccinés développaient un taux d'anticorps protecteur (10
UI/l). Ce pourcentage a été retrouvé également par la
suite dans des études menées avec les vaccins recombinants (26).
Le pourcentage de sujets répondant au vaccin varie
toutefois en fonction de certains paramètres. Ainsi, une
étude rétrospective réalisée dans le Minnesota auprès
de 10 hôpitaux de court séjour (595 soignants) avait
montré que le tabagisme actif, le sexe masculin, l’âge
supérieur à 40 ans, l’obésité constituaient des facteurs
indépendants de mauvaise réponse au vaccin (27).
L’effet de la voie d’injection sur l’efficacité de la vaccination a fait l’objet d’un certain nombre d’investigations. La meilleure réponse anticorps est obtenue par la
voie intramusculaire dans le deltoïde (19). Néanmoins,
deux études turques portant sur 200 et 400 enfants de
2 mois à 6 ans ont étudié l’effet de la vaccination intradermique d’Ag HBs. L’administration de dose de 2 µg
par voie intradermique ou 10 µg en intra-musculaire à ces
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enfants montrait une efficacité satisfaisante à 5 ans,
sans différence significative entre les deux vaccins
(7,14).
Efficacité clinique et épidémiologique du vaccin
contre le VHB
Elle peut être estimée collectivement à partir des
données d'incidence de l'hépatite B chez les personnels
de santé. En effet, on observe dans les pays développés ayant préconisé ou imposé ce vaccin chez ces personnels une diminution du nombre de nouveaux cas.
Ainsi, les professionnels de la santé représentaient aux
Etats Unis 9 % des nouveaux cas d'hépatite B aiguë
en 1985 contre 0,9 % en 1994-1995 (4).
Peu de données de cette nature sont disponibles en
France. La première source de données est constituée
par les hépatites déclarées en maladie professionnelle
au titre du tableau 45 du régime général, créé en 1967.
Les principaux écueils de cette source sont de ne pas
tenir compte de la fonction publique hospitalière, de ne
recenser que les hépatites déclarées et reconnues en
maladie professionnelle et de ne faire la distinction
entre les différentes hépatites virales que depuis 1998.
En dépit de ces réserves, on peut constater dans le
tableau I une très nette diminution des cas.
Les données de la fonction publique hospitalière ne
sont pas connues, mais le suivi des cas d'hépatite B
reconnues en maladie professionnelle au sein de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, qui emploie environ 55 000 personnels paramédicaux fait apparaître une
nette diminution des cas reconnus : près de 100 cas
en 1984 contre quatre cas en 2001 (Source : Dr BENKÉTIRA, Service Central de Médecine Administrative et de
Contrôle).
Ces diminutions sont probablement en grande partie dues à l’amélioration de la couverture vaccinale des
soignants, patente sur la dernière décennie, mais la
diminution de l’incidence et de la gravité des accidents
exposant au sang sur cette période a probablement
également exercé une influence.
Différentes réponses à la vaccination ?
Ainsi, le vaccin contre le VHB a prouvé son efficacité dans la prévention des hépatites B des personnels
soignants. Néanmoins, au plan individuel, il existe des
sujets faiblement, voire non répondeurs.
LES BONS RÉPONDEURS
Un taux seuil protecteur de 10 UI/l d'Ac anti-HBs a été
proposé par de nombreuses études au début des
années 80 (voir la revue publiée par WEST et CALENDRA
en 1996) (25). Les sujets bon répondeurs sont donc
ceux qui développent un taux d’anticorps supérieur à 10
UI/l. Néanmoins, des hépatites B cliniquement symptomatiques, avec présence dans le sang de l’Ag HBs,
ont été décrites dans les années 80 chez certains sujets
vaccinés par le vaccin plasmatique, en dépit d’une
réponse sérologique attestée. Ainsi, l'équipe de MAUPAS (16) a rapporté le cas d’un interne, faiblement répondeur à la vaccination (2,1 UI/l) qui a développé une hépatite B cytolytique anictérique mais asthéniante. Dans
cette étude, sur 97 soignants vaccinés avec un taux
d’AC anti HBs supérieur à 2,1 UI/l dans les dix mois
suivant la vaccination, cinq avaient eu une antigénémie
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HBs transitoirement positive, sans élévation des transaminases. Par ailleurs, dans la cohorte d’homosexuels
masculins étudiés par SZMUNESS (21), un individu parmi
les 549 vaccinés avait développé une hépatite B chronique. L’intensité de la réponse immunitaire ainsi que
la date de l’épisode par rapport à la vaccination n’étaient
toutefois pas précisées.
Des épisodes de séroconversion vis-à-vis de l’anticorps anti HBc, témoignant d’un contact avec le virus
puis d’une réplication virale, ont également été signalés
dans le passé. Dans une étude d’efficacité de la vaccination portant sur 666 soignants, un tel épisode avait été
rapporté chez un anesthésiste, qui avait pourtant développé un taux d’anticorps post vaccination de 16 UI/l
(6). Dans l’étude de SZMUNESS (21), ce type d’événement concernait 2,7 % des vaccinés et 3,7 % des non
vaccinés sur la période d’étude.
Il convient toutefois de signaler que de tels événements (hépatite B symptomatique ou cytolytiques, présence de l’antigène HBs dans le sang) n’ont pas été
rapportés dans la littérature récente, ce qui peut possiblement s’expliquer par une efficacité meilleure, ou
plus constante, des vaccins recombinants.
LES FAIBLES RÉPONDEURS
Le risque réel des sujets faiblement répondeurs
(entre 1 et 9 UI/l) reste mal étudié. Bien qu’ils semblent
protégés vis-à-vis de l’hépatite B, au moins de formes
symptomatiques, il est raisonnable de proposer un rappel avec un contrôle sérologique 1 mois après l’injection
pour tenter d’atteindre un taux considéré comme protecteur, tant dans les études publiées (25) que dans la
réglementation actuelle (Calendrier vaccinal). Par ailleurs,
les cas d’hépatites documentés chez ces sujets dans les
années 80, détaillés plus haut, doivent inciter à la prudence et à une surveillance plus attentive des marqueurs sérologiques, et en particulier des anticorps anti
HBc.
LES NON- RÉPONDEURS
Les sujets non répondeurs à la vaccination, c’est-àdire ne développant pas d’anticorps après la troisième
injection, semblent avoir le même risque de contracter une hépatite B, aiguë ou chronique, que les sujets
non vaccinés, ainsi que cela a été mis en évidence dans
plusieurs des études portant sur l’efficacité vaccinale réalisées à la fin des années 70 et au début des années 80
avec les vaccins plasmatiques (16,20).
Conduite à tenir face à un sujet
non répondeur
Affirmer la réalité de la non réponse
En effet, il existe des disparités entre les différents
tests utilisés pour la détection des Ac anti HBs, et
HEIJTINK, et al (12) ont observé des différences parfois
sensibles entre 4 tests commercialisés. La différence
de préparation des antigènes entre les différents tests
peut probablement être incriminée et il peut être opportun de reprendre les sujets considérés comme non
répondeurs avec d’autres tests (Test VIdas par exemple).
Les différences observées apparaissent toutefois faibles.
Il faut également vérifier que la recherche d’anticorps n’a pas été faite trop à distance de l’injection (1
3
VACCINATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ CONTRE L’HÉPATITE B
mois d’un rappel). Enfin, il convient de réaliser une sérologie complète pour éliminer un portage chronique du
virus de l’hépatite B.
Si l’absence de réponse est confirmée, un ou plusieurs rappels peuvent être indiqués, éventuellement en
utilisant un vaccin contenant des protéines S et pré S.
Le nombre optimal d’injections n’a pas fait l’objet de
publications définitives mais le calendrier vaccinal 2000
précise que « le médecin du travail procédera à l'évaluation de l'opportunité de doses additionnelles, sans
excéder un nombre de six injections au total (y compris les trois injections de la première série vaccinale) ».
La voie d’administration du vaccin peut représenter
une piste de recherche intéressante. Plusieurs publications récentes ont ainsi mis l’accent sur la tolérance
et l’efficacité, y compris chez des non répondeurs, de
l’injection intra dermique de doses réduites (1/10e de la
dose habituelle soit 2 µg d’Ag HBs). Ainsi, EGEMEN (7)
observait une réponse similaire à 2 mois chez 400 nourrissons et enfants d’âge préscolaire, entre l’injection
intramusculaire et intradermique de 10 et 2 µg d’Ag
HBs. Une équipe australienne a étudié l’effet d’injections
intradermiques (entre 1 et 4) de 5 µg d’Ag HBs sur 18
sujets non répondeurs à la vaccination, c’est-à-dire ayant
reçu entre cinq et dix injections du vaccin en IM dans le
deltoïde sans réponse anticorps détectable. À l’issue
des injections intradermiques, 17 (94 %) sujets avaient
développé un taux d’anticorps variant de 25 à plus de
1 000 UI/ml (17). L’existence d’une réponse importante
(plus de 1 000 UI/l) chez 6 individus dans les deux
semaines suivant la première injection intra dermique
laisse toutefois planer un doute sur la réalité de leur
non réponse antérieure.
Aptitude du soignant non-répondeur
En cas de non réponse vraie, il faut estimer que le
sujet n’est donc pas protégé, au même titre que celui
qui présente une contre-indication et qui n’a jamais été
vacciné. Dès lors, la question de l’aptitude du soignant
se pose. En effet, bien que la vaccination, et l’immunisation, soit obligatoire pour les soignants, l’arrêté du
26 avril 1999 (fixant les conditions d'immunisation des
personnes visées à l'article L. 10 du code de la santé
publique) stipule que « sont exemptées de l'obligation
de vaccination les personnes qui justifient, par la présentation d'un certificat médical, d'une contre-indication à une ou plusieurs vaccinations. Le médecin du
travail apprécie le caractère temporaire ou non de la
contre-indication et détermine s'il y a lieu de proposer
un changement d'affectation pour les personnes concernées. »
Le point fondamental réside alors dans l’évaluation
du risque encouru par le soignant.
Ce risque dépend principalement du type de population prise en charge par le soignant (prévalence du
portage d’antigène HBs) et du type et de la fréquence
des accidents exposants au sang. Il est difficile d’agir sur
le premier paramètre, d’autant qu’un certain nombre
de sujets sont porteurs asymptomatiques. Les efforts
doivent donc porter sur la réduction du risque d’AES, via
le respect des mesures de précautions standard, et en
particulier le port de gants, et l’utilisation de matériels
protégés. Une affectation à un poste moins exposant au
4
risque peut être également envisagée. Enfin, il ne faut
pas méconnaître la possibilité d’une immunisation passive par immunoglobulines après un AES potentiellement contaminant. L’information du soignant sur les
risques qu’il encoure, et sur la conduite à tenir immédiate
en cas d’accident s’avère ainsi primordiale.
Lorsqu’un sujet répond correctement
à la vaccination, peut-on considérer qu’il est
durablement protégé ? Quelle est la nécessité de
rappels ultérieurs ?
Les connaissances sur la durée de la protection
induite par le vaccin contre le VHB, et ses déterminants,
ont notablement évolué depuis sa mise sur le marché.
Dans les premières années d'utilisation du vaccin,
des études séro-épidémiologiques ont mis en évidence
une relation entre le taux d'anticorps anti-HBs et la protection vis-à-vis de l'infection par le VHB. La force de la
réponse immune a été historiquement évaluée par
l’intensité de la réponse anticorps, dont semblait également directement dépendre la durée de la protection.
En effet, il apparaît que les anticorps anti HBs diminuent avec le temps, avec une vitesse variable selon les
individus et plus rapidement les premières années que
les années suivantes (13).
En 1995, une revue des nombreuses études menées
à la fin des années 80 et au début des années 90, montrait déjà qu’un certain nombre de sujets anciennement
vaccinés restaient immunisés après la disparition des
anticorps (25). Ceci a été depuis confirmé in vitro (15),
et le recul actuel semble indiquer que cette immunité
persiste au moins quinze ans.
Cette évolution des connaissances avait fait l’objet
d’une synthèse en 1998 par un groupe de travail européen. Il avait proposé que les sujets immunocompétents ayant répondu à une première série vaccinale ne
soient pas revaccinés (8)
Cette démarche a été appliquée en France avec la
recommandation du CSHPF d’avril 1999. La nécessité
de contrôle de l’efficacité de la vaccination, pour les
personnes qui sont susceptibles d'être exposées au
sang et autres produits biologiques dans le cadre d'activités professionnelles ou bénévoles peut être discutée.
Pour certains, une vaccination avant l’âge de 25 ans ne
nécessite pas d’investigations complémentaires. Néanmoins, la possibilité, même faible, d’une mauvaise
réponse chez ces sujets particulièrement exposés,
d’une part, et le risque d’être confronté chez ces individus à un AES quelques années plus tard, avec un taux
d’anticorps anti-HBs négatifs, sans que l’on puisse alors
savoir si le sujet a été auparavant bon répondeur, et
reste donc protégé, d’autre part, rend nécessaire le
dosage des Ac anti-HBs dès que possible (en laissant
néanmoins s’écouler un délai d’un mois après vaccination). Une copie du résultat du dosage des anticorps
doit être donnée au soignant, afin de faciliter la gestion
d’un éventuel accident exposant au sang ultérieur Cette
démarche peut par ailleurs permettre de prescrire un rappel, sans excéder toutefois un nombre de 6 injections
au total (y compris les 3 injections de la première série
vaccinale).
Enfin, ce contrôle systématique de l’immunité est
celui adopté par le Canada ou les États-Unis.
HYGIENES - 2003 - VOLUME XI - N°2
VACCINATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ CONTRE L’HÉPATITE B
En l’état actuel des connaissances, il apparaît qu’il
peut être utile de suivre à long terme certains marqueurs d’infection transitoire, et en particulier les anticorps anti HBc, dans la population des soignants.
Effets secondaires
Les effets secondaires de la vaccination contre l’hépatite B ont fait l’objet de débats passionnés et de multiples publications.
Les vaccins actuellement sur le marché en France
sont constitués d'antigène de surface du VHB, adsorbés
sur de l'hydroxyde d'aluminium. Il faut noter qu'un composé mercuriel, le mercurothiolate sodique (thiomersal), était retrouvé à l'état de trace dans les vaccins
recombinants de la génération précédente.
Sclérose en plaques et affections auto-immunes
Selon le rapport de la Mission d’expertise sur la politique de vaccination contre l’hépatite B en France (Rapport DARTIGUES, 15 février 2002), le suivi des cas notifiés
d’effets indésirables attribués au vaccin avait permis
de dénombrer, au 31 mars 2001, 862 atteintes neurologiques dont 771 atteintes démyélinisantes aiguës
centrales. Quarante-six pour cent des cas notifiés étaient
survenus dans les deux mois après la vaccination. Ces
chiffres doivent toutefois être relativisés considérant
que 22 à 29 millions de personnes avaient été vaccinés en France durant cette période, avec 86,5 millions
de doses de vaccin vendues, et que l’incidence de la
sclérose en plaque (SEP) est estimée en France, à partir d’une étude Dijonnaise, à 4,3/100 000 habitants. Par
ailleurs, à la date de mars 2001, aucun cas d’affection
démyélinisante aiguë n’avait été observé en France
chez un enfant de moins de deux ans.
Plusieurs études cas-témoins, françaises ou étrangères, ont été consacrées au risque de survenue d'affections démyélinisantes du système nerveux central
après vaccination par le vaccin VHB. Les études s’intéressaient aux antécédents de vaccination dans les 2
mois (22), 6 mois (23,28) 12 mois (étude anglaise citée
dans le rapport DARTIGUES, mais non encore publiée) ou
24 mois (1) précédant la découverte de l'affection
démyélinisante.
Les risques relatifs étaient respectivement de 1,8
(IC95 % (0,7-4,6)), 1,3 (IC95 % (0,4-4,8)), 1,7 (IC95 %
(0,5-6,3)), 1,2 (IC95 % (0,7-2,3)) et 0,7 (IC95 % (0,31,7)). On peut noter dans la plupart de ces études un
excès de risque modéré, mais non significatif. L’étude
d’ASCHERIO, seule à montrer une diminution du risque,
a été critiquée en raison de la durée de la période de
latence et de l’exclusion de nombreux sujets pour lesquels une preuve de la vaccination ne pouvait être apportée. En effet, l’analyse des données incluant ces patients
aboutissait à un risque relatif de 1.
L’analyse de ces études est compliquée par le fait
qu’elles reposent sur l’identification clinique des cas,
alors que la démyélinisation précède souvent l’apparition des signes cliniques de plusieurs mois (3).
L’étude de SADOVNICK et SCHEIFELE (18) portait sur
l’incidence de la SEP chez près de 300 000 enfants
canadiens de 11-12 ans vivant en Colombie Britannique,
avant et après le lancement en 1992 d’une campagne
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de vaccination dans cette tranche d’âge. Dans ces
groupes d’enfants, l’incidence de la SEP n’était pas
significativement différente avant et après la mise en
place de la vaccination. En dépit, des incertitudes portant sur l’exhaustivité du recueil des cas, les résultats
de cette étude sont concordants avec ceux des études
mentionnées auparavant.
L’analyse des résultats publiés n’est pas en faveur
d’une relation causale entre la vaccination contre le
VHB et l’apparition d’une SEP. Il apparaît néanmoins
qu'il ne peut être exclu qu'une injection vaccinale quelle
qu’elle soit, y compris avec le vaccin contre le VHB,
soit responsable d'une poussée d'affection démyélinisante chez un sujet déjà atteint par cette affection, y
compris à un niveau infra-clinique. La prudence doit
probablement s'appliquer dans le cas d'autres affections auto-immunes.
Effets du thiomersal
Les effets de l'injection d'un dérivé organique du
mercure ont provoqué des interrogations aux ÉtatsUnis, et un rapport de l'Académie Américaine de Pédiatrie proposait en 1999 de ne plus utiliser de vaccins
contenant du thiomersal dans le calendrier vaccinal des
enfants (2). L'évaluation des risques se basait sur l'hypothèse que la toxicité de l'éthylmercure (composé du
thiomersal) était identique à celle du méthylmercure
(très étudié depuis la pollution de la baie de Minamata
au Japon). Les principaux effets retrouvés étaient des
réactions locales, mais avec possibilité d'une injection
de dose cumulée excédant chez l'enfant la limite proposée par l'Environmental Protection Agency américaine. Cette dose n'apparaissait toutefois pas dépassée chez l'adulte. Le thiomersal a été supprimé des
vaccins utilisés en France.
Effets de l’hydroxyde d’alumine
Les relations entre l'injection intramusculaire d'hydroxyde d'aluminium, adjuvant de nombreux vaccins
(dont le vaccin contre le VHB) et la survenue de myofaciite à macrophage a fait l'objet de préoccupations
récentes, qui ne sont pas encore tranchées.
Cette pathologie, qui s'observe principalement chez
l'adulte de plus de 45 ans, a été identifiée en 1997 (9)
et se caractérise par des symptômes non spécifiques,
associant myalgie et fatigue, parfois accompagnées
d’arthralgies, de céphalées, de douleurs abdominales ou
de dyspnée. Des inclusions intra-cytoplasmiques contenant de l'hydroxyde d'aluminium semblent être retrouvées dans les macrophages de la plupart des patients
(10). Une étude récente portant sur 50 patients retrouvait pour tous un antécédent de vaccination contenant
de l'hydroxyde d'aluminium (hépatite B, hépatite A,
tétanos) entre 3 et 96 mois précédent le diagnostic histologique (10). Les relations entre cette nouvelle entité
nosologique et l’injection d'hydroxyde d'aluminium font
actuellement l'objet d'études et aucune décision d'interdiction de vaccins ou de modification de la voie d'injection n'a été proposée.
Conclusion
Les soignants font donc partie d'un groupe professionnel qui a payé dans le passé un lourd tribut à l'hé5
VACCINATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ CONTRE L’HÉPATITE B
patite B. Bien que l'incidence de cette pathologie dans
la population générale semble diminuer, en grande partie en raison des programmes élargis de vaccination,
l'attention vis-à-vis de ce risque ne doit pas faiblir et la
vaccination doit être largement promue chez ces professionnels. Cette démarche doit néanmoins s'appuyer
sur une évaluation approfondie du rapport bénéficerisque, en particulier chez les individus présentant une
contre-indication à la vaccination, et d’une information
compréhensible sur les risques et les bénéfices des
vaccinations. Enfin, considérant les différents germes
susceptibles d’être transmis en cas d’accident exposant au sang, l'ensemble des moyens visant à prévenir
une contamination accidentelle doit être mis en œuvre.
Dans l'avenir, l'influence de la vaccination des nourrissons, dont certains deviendront des soignants, et
l'apport des nouveaux vaccins feront probablement
évoluer les recommandations actuelles.
■
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HYGIENES - 2003 - VOLUME XI - N°2

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