Chère Rio Dessins légendés

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Chère Rio Dessins légendés
1ER DÉCEMBRE - ANNÉE 1915
Chère Rio
Je reçois à l’instant votre lettre du 27, elle s’est fait un peu attendre ; elle n’a été que mieux reçue.
Votre flegme reprend le dessus ; pas de croquis; merci pour la lettre; mais pas de bon point tout de même.
J’aimerais tant voir quelquefois de petites caricatures ; dites pas que le temps manque. Au cours de
décoration c’est si facile de dessiner ; c’est d’ailleurs à ce cours que je faisais mes dessins pour l’écho des
étudiants. Ici cela me prend quelques fois de vouloir faire de la caricature, alors je me cache entre deux
cartes d’État major ; quand quelqu’un vient on glisse tout sous un buvard ; ça me rappelle l’école : on
s’embusquait alors derrière un rempart de dictionnaires et de bouquins pour essayer de faire la binette du
prof ; d’ailleurs entre l’école et le régiment, je crois qu’on ne change pas beaucoup. Vous pouvez croire que
j’aimerais bien continuer quelques cours aux B.A. 1
Je regrette beaucoup aussi mon atelier de la rue des Deux Ponts ; les chevalets ; les sellettes et la terre à
modeler. Ici pas de progrès possible, on ne peut être que stagnant. Aussi si j’ai le bonheur de revenir je crois
que je ne perdrai pas mon temps.
Il me tarde de connaître les résultats de votre concours de déco, j’espère bien que vous allez cette fois faire
la pige aux autres concurrents. Le sujet était très chouette : le père …… en pinçait pour les chrysanthèmes ;
j’ai fait un projet de paravent : on allait chopper les fleurs aux pieds de ce bon vieux Marsyas qui s’embête
toujours la bas attaché à son tronc d’arbre.
Que fait donc ce vieux copain de Mathieu ? Est-il à l’école comme élève titulaire ?
Ces temps ci il fait un froid terrible ; la neige était tombé et la dessus la gelée ; aussi quel rhume; c’était pire
qu’en Sibérie. Heureusement que nous savons nous soigner. Chocolat au lait bien sucré. Comme dans le
grand monde à quatre heure : thé. C’est très bohème la façon dont nous le préparons; les porte-plumes et
les crayons servent à remuer le sucre ; et puis on attend que les copains aient finis pour se servir des deux
quarts qui sont en notre possession. Après ça on s’étend les pieds sur le poêle en faisant un peu de lecture.
Quelquefois l’esprit se met à chevaucher au loin, dans les guarrigues ensoleillées du Clapas. Heureux pays
des grils et des cigales.
Il me tarde de venir en perme, mais ce sera si court qu’au fond c’est un peu effrayant.
Bien des choses de ma part à Marcelle. « La vie parisienne » est là sur ma table. Je vais me lancer un peu
dans la lecture; le poêle ronfle, il fait bon. Ici des copains donneraient 10 sous pour être à ma place. Mais
tout n’a qu’un temps; qui sait ce que réserve demain, aussi profitons-en.
Je vous quitte.
Bonnes poignées de main
Votre copain
Laurent Medus
Dessins légendés :
1) « Il neigeait ! (Victor Hugo) »
2) « Le départ du permissionnaire » et « Le retour »
-1B.A. : Beaux Arts
« La représentation du soldat pendant la Grande Guerre »
Dossier du sercice éducatif et culturel de l'Historial de Péronne. (Somme - France)
© CRDP de l'académie d'Amiens, septembre 2004
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