pierre costes quitte la présidence de mg france

Transcription

pierre costes quitte la présidence de mg france
costev6
28/11/06
15:23
Page 2
54 a c t u a l i t é s
PIERRE COSTES
QUITTE LA
PRÉSIDENCE
DE MG FRANCE
Le Dr Pierre Costes quitte la présidence du syndicat
MG France, après 14 années passées au service
de la médecine générale. Retour sur le parcours
d’un généraliste pressé.
——————
ierre Costes est un homme
pressé. Celui qui préside aux
destinées du premier et seul
syndicat de généralistes est
un fonceur et un pragmatique. En
1980, lauréat de la faculté de méde-
DR
P
PHARMACEUTIQUES _ DÉCEMBRE 2006
cine de Paris, installé dans une commune drômoise qu’il n’a plus quittée depuis, le généraliste observe ce
qu’il nomme alors la « dégradation
des conditions de travail » de ses collègues. Quatre années plus tard, il
croise le chemin d’une autre généraliste, le Dr Nicole Renaud, qui sonne
le tocsin depuis la ville de Rodez pour
un séminaire national de médecine
générale qui fera date. Ce sera le
point de départ d’un mouvement
d’action spécifique aux généralistes.
Au terme d’un ralliement plus large
des médecins du premier recours de
tout le pays, l’alerte donne lieu, en
novembre 1986, à la création de MG
France. Il y a donc tout juste 20 ans.
Le généraliste y adhère sans l’ombre
d’une hésitation et fonde un syndicat
départemental dans la Drôme.
Très rapidement, Pierre Costes
trouve sa place dans la toute jeune
structure qui a des idées plein les cartons -un « contrat de santé » pour les
assurés, précurseur du médecin référent- et une « short-list » de revendications qu’elle fera aboutir en moins
d’une décennie. Organisateur logisticien né, il considère que « les batailles se gagnent par l’organisation
plutôt que par la gesticulation ». Il le
prouvera dans ses activités parallèles
de médecin de catastrophe, en Arménie où il se rend en 1988, comme
en Iran en 1991, où il fonce à chaque
fois au pied levé. Au plus fort de la
contestation, alors que son syndicat
ne vit que de cotisations et de l’engagement bénévole de généralistes
de terrain, Pierre Costes crée des
« task-forces », monte des opérations
de communication et de recrutement et, progressivement, prend du
galon dans une structure qui n’a besoin que de bonnes volontés pour
avancer. En 1992, le Drômois accède
au poste de secrétaire général adjoint, puis, un an plus tard, à celui de
secrétaire général.
Sur tous les échiquiers. Le syndicat
commence alors à décoller et se dote
de toutes sortes d’antennes pour la
formation continue, la télétransmission, la recherche, la gestion agréée
ou encore la communication. Huit
ans plus tard, celui qui voulait soigner, soigne toujours, mais est aussi
devenu un manager syndical. Entretemps, son syndicat a joué sur tous
les échiquiers de la vie politique, soutenant Juppé quand la maison d’en
face (la CSMF) hurle au loup, signant
en 1997 la première convention spécifique à la médecine générale contre
vents et marées et réitérant son affaire sous les gouvernements successifs, avec le soutien affiché de la
CFDT à la CnamTS. Le manager gé-
costev6
28/11/06
15:23
Page 3
55
néraliste rompu à l’organisation, qui
pour les généralistes, y compris les
se ressource chaque fin de semaine
référents, dont les mêmes praticiens,
dans sa Drôme, apprend aussi la poà 10 % près, ne veulent pas. En 2004,
litique syndicale et ses arcanes. En
contesté par une aile gauche qui lui
2000, son patron, le Dr Richard Boureproche d’avoir manqué d’audace
ton, annonce qu’il
en 2002 (lors des grèves
passe la main. Le synsur les questions de la
dicat est au bord de
permanence des soins
Les batailles
la faillite, même s’il
et de la revalorisation
n’est pas en manque
des honoraires) et qui
se gagnent par
d’idées. Pierre Costes
fera scission, le Dr
l’organisation
prend les rênes d’un
Costes applaudit à l’ansyndicat isolé, honni
nonce de la loi portant
des médecins qui ne
réforme de l’assurance
lui ont pas renouvelé leur confiance
maladie, votée en août, et de la naisaux élections professionnelles de
sance du médecin traitant. Il espère
juin. La boutique se fissure, les
une traduction conventionnelle qui
conflits internes et de pouvoir emne remette pas en cause les fondapoisonnent le quotidien. Le nouveau
mentaux, notamment le médecin réprésident se fixe un nouveau cap : reférent.
dresser la maison et la redynamiser,
notamment en se rapprochant des
Coalition. C’est la déception. Son
autres syndicats de professionnels de
syndicat refuse de signer la convensoins primaires avec lesquels il créera
tion de janvier 2005 et redevient un
une « InterPro ». Fidèle à son mot
syndicat d’opposition. Retour aux
d’ordre préféré, « voir loin et être
sources. « La réforme de 2005 est un
proche », il se bat sur le terrain syndileurre », estime le patron de MG
cal et rafle toutes les mises possibles
France, qui repart dans une nouvelle
bataille des élections pour les Unions
professionnelles de médecins
(URML), en juin dernier. MG France
en sortira en tête avec 32,25 % des
voix dans le collège des généralistes,
avant de rallier une coalition de
contestataires hostiles majoritairement à la convention médicale de
2005.
Avant de passer la main, le 9 décembre, Pierre Costes donnera sa
feuille de route à un syndicat qui,
vingt ans après sa création, est solidement campé dans le paysage médicosocial. Sur cette feuille figurent de
nouvelles batailles : pour la reconnaissance de la discipline, devenue
spécialité à part entière, à l’université,
pour les jeunes installés, aux yeux
desquels les honoraires restent peu
attractifs, pour des conditions d’exercice améliorées, avec des maisons de
santé en appui. Le président pragmatique cède sa place, contrat rempli. Le
généraliste, lui, retourne, à plein
temps, dans son cabinet médical. ■
JEAN-JACQUES CRISTOFARI