La réhabilitation aujourd`hui - Coordination Handicap Psychique

Transcription

La réhabilitation aujourd`hui - Coordination Handicap Psychique
La réhabilitation aujourd'hui :
une dynamique renouvelée
N°94-95
La lettre de la Mission Nationale d’Appui
en Santé Mentale
Janvier-Février 2012
Voici un numéro double de Pluriels consacré aux notions complexes de réinsertion,
réadaptation et réhabilitation psychosociales, concepts anciens, exportés et revenus rénovés des pays anglo-saxons, qui se
situent aux interfaces des domaines sanitaires, sociaux et médico-sociaux.
Par ce numéro de Pluriels, nous souhaitons
mettre en lumière une dynamique nouvelle, porteuse d'espoirs, confortée par la
reconnaissance du handicap d'origine psychique et le développement conséquent,
dans les champs social et médico-social, de
services dédiés à la participation sociale et
la citoyenneté des personnes.
Le travail de réhabilitation recouvre aujourd'hui un ensemble d'actions, faites de soins
et d'accompagnement des personnes,
visant à leur permettre de recouvrer des
compétences et un « pouvoir agir » sur la
qualité de leur vie quotidienne et la relation avec leur environnement. Pour les
tenants du concept, ce processus permet
in fine le « rétablissement », c'est-à-dire cette
capacité de la personne à reprendre possession de sa vie et surmonter ses troubles sans
en être nécessairement « guérie » 1.
De quoi s’agit-il ? Soins, remédiation cognitive, apprentissages, accompagnement à la
recherche de stratégies de compensation…
ou tout cela à la fois ? Comment chacun,
dans son domaine de soignant ou d’accompagnant, peut-il y trouver sa place, en complémentarité ?
Nous avons souhaité témoigner de la communauté des concepts, de la diversité des
pratiques et de la convergence des objectifs de ceux qui situent leur action dans le
domaine de la réhabilitation. Il nous est
apparu que la référence quasi constante
des acteurs de la réhabilitation à la notion
de rétablissement marque actuellement un
changement de paradigme déterminant. À
l'inverse de la notion de « stabilisation »
1. Pour les définitions, voir le numéro 85/86 de
Pluriels : « Participation de patients rétablis
aux interventions dans les services de soins.»
(médicale et référée aux symptômes), elle
promeut l'alliance entre les professionnels
et les usagers de la psychiatrie et ouvre,
chemin faisant, des horizons nouveaux aux
collaborations entre professionnels du soin
et de l'accompagnement social ou médicosocial aux côtés des personnes.
Ce premier numéro est consacré aux
concepts. Bernard Durand essayera d’éclairer ce dédale de notions évolutives et évoquera les remous et désaccords qu'ils
suscitent en psychiatrie. Bernard Pachoud
précisera ce que réhabilitation et rétablissement introduisent de changement dans la
conception du soin et du rôle de chacun
auprès des personnes. Un interview croisé
du mouvement Réh@b et de l’association
Agapsy mettra en perspective deux
conceptions, plus convergentes qu’opposées, de la réhabilitation. Nous avons aussi
donné la parole aux personnes elles-mêmes
et à leurs proches pour qu’ils nous disent
S O M M A I R E
P2
P4
1. Réadaptation et réhabilitation
psychosociale.
Bernard Durand
II. - Interview croisée Réh@b/Agapsy.
Propos de Marie-Claude Barroche et
Elisabeth Giraud Baro recueillis par
Martine Barres
- Les grands principes de la réabilitation psychosociale.
Cnaan
P12
III. Le rétablissement comme processus.
- L’expérience du rétablissement, un
changement de perspective et de
posture pour chacun des acteurs de
la santé mentale.
Bernard Pachoud
- Le rétablissement raconté par les
adhérents du groupe d’entraide
mutuelle.
- Rétablissement ou amélioration?
L’expérience des familles de
l’Unafam.
Bertrand Escaig
Le terme de réhabilitation psychosociale s’est substitué progressivement dans la psychiatrie française à celui de réadaptation. À quelle logique répond vraiment ce changement de
vocabulaire en dehors de la facilité d’un alignement sur les
modèles anglo-saxons, comme on le voit également avec le
DSM et le dernier concept à la mode « d’empowerment » ? Peuton assimiler réhabilitation psychosociale et réadaptation,
sachant qu’il n’existe pas d’autre mot que « rehabilitation »
pour traduire « réadaptation » en anglais ?
La question centrale, sous-jacente à ces querelles de mots, est
bien celle de l’articulation du champ du soin et du social, dans
une configuration qui prenne en compte à la fois la particularité de la maladie mentale, l’environnement familial et le
contexte socio-économique, et qui peut être repensée à l’aune
de la nouvelle définition du handicap qui impacte également la
psychiatrie.
Si la première définition du handicap, avec la classification de
Wood qui faisait du handicap une conséquence des maladies, a
permis de sortir de l’opposition binaire malade/handicapé, elle
était néanmoins encore très médicale et centrée sur des préoccupations de santé. Avec la Classification Internationale du
Fonctionnement, du Handicap et de la Santé (CIF) 1, les critères
médicaux sont laissés de côté et le handicap n’est plus lié à l’incapacité de la personne, mais d’abord aux obstacles que la
société met à leur participation.
Le terme de réadaptation renvoie plutôt à la première définition du handicap : d’abord utilisé dans les suites de la chirurgie
traumatique et de la pathologie neurologique (suites des accidents vasculaires cérébraux), il correspondait à la discipline
appelée « médecine physique et de réadaptation ». Il a été
importé ensuite en psychiatrie, au tournant des années cin-
quante, par P. Sivadon et L. Le Guillant, au moment où ils
créent, avant la mise en place de la sectorisation, les Centres de
traitement et de réadaptation sociale (CTRS) de Villejuif et de
Ville-Évrard qui étaient à l’époque des services de pointe.
Un peu plus tard, B. Jolivet, médecin directeur de la SPASM a
développé le concept de soins de réadaptation, inscrit dans un
espace-temps particulier entre les soins curatifs et la réinsertion
dans la vie sociale pour des malades assez stabilisés. Ce
concept reste néanmoins problématique car ces soins de
réadaptation sont assurés par des soignants sous autorité médicale (même si l’on précise qu’il doit s’agir de personnels formés spécialement). Ils se situent donc exclusivement du côté
sanitaire et ne font que reporter à plus tard la question de l’articulation de la prise en charge thérapeutique avec le social.
Ces soins de réadaptation correspondent cependant assez bien
à la définition que Patrick Fougeyrollas, qui a décrit ce qu’il a
appelé le processus de production du handicap (PPH), donne
de l’intervention d’adaptation ou de réadaptation : « regroupement, sous forme d’un processus personnalisé, coordonné et
limité dans le temps, des différents moyens mis en œuvre pour
permettre à une personne handicapée de développer ses capacités physiques et mentales et son potentiel d’autonomie
sociale » 1, mais à la différence de Jolivet, Fougeyrollas ne précise nullement que les moyens déployés relèvent du champ du
soin (au sens de sanitaire).
Qu’est-ce que la réhabilitation psychosociale apporte de plus à
cette problématique ? Derrière ce concept anglo-saxon, on
observe en France des pratiques diversifiées, depuis les
démarches de réinsertion soutenues dans des ESAT (dits souvent « de transition ») ou des centres de réadaptation plus ou
moins spécifiques, jusqu’à des pratiques qui visent quasiment à
refonder la psychiatrie.
Si l’on retient la définition de la réhabilitation psychosociale
proposée par Marianne Farkas, chercheur et directrice du
centre de réhabilitation psychosociale de l’OMS au sein du
centre de réhabilitation psychosociale de Boston, à savoir « la
somme des actions à développer pour optimiser les capacités
persistantes d’un sujet et atténuer les difficultés résultant de ses
conduites déficitaires ou anormales. Son but est d’améliorer le
fonctionnement de la personne afin qu’elle puisse remporter
des succès et éprouver des satisfactions dans un milieu de son
choix et avec le moins d’interventions professionnelles possibles », on constate qu’elle prend surtout en considération la
composante du handicap et qu’elle ne relève pas nécessairement des compétences de la psychiatrie.
1. La Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santé
(CIF), Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
1. « À part égale », Office des personnes handicapées au Québec, 1984.
ce qu’évoque pour eux, qui en ont l’expérience intime, la réhabilitation et le rétablissement.
Dans un Pluriels à venir très prochainement, vous trouverez
diverses expériences qui illustreront quelques-unes des pratiques actuelles de réhabilitation en psychiatrie et dans le
champ social et médico-social.
Docteur Catherine Isserlis
I. Réadaptation et réhabilitation
psychosociale.
Pluriels n°94-95 Janvier-Février 2012
2
derniers, conduisant ainsi non plus à une succession d’espacetemps comme avec les soins de réadaptation, mais à une
conjonction de problématiques parallèles et simultanées, il est
important de préciser que les procédures standardisées de
réhabilitation ne peuvent se substituer aux soins.
Ce travail de réhabilitation commence par une évaluation ressemblant à un bilan diagnostique qui n’a cependant rien à voir
avec le mode de pensée habituelle du clinicien : les outils utilisés ne sont plus du registre du savoir psychiatrique et cette évaluation ne relève donc pas du registre du soin, mais des moyens
que l’on peut se donner pour limiter les conséquences des
troubles dans le registre social et favoriser l’insertion de la personne. Ces démarches ont fait prendre conscience aux psychiatres qu’il y avait d’autres professionnels susceptibles de
posséder des techniques qu’ils ne possédaient pas nécessairement et avec lesquels il était fondamental d’instaurer de nouvelles collaborations.
Ainsi, on peut considérer que le modèle de la réadaptation, lié
à un modèle médical plus ou moins impérialiste, est aujourd’hui obsolète ; le modèle de la réhabilitation psychosociale est
en revanche plus congruent à l’objectif de limitation des conséquences des troubles psychiatriques dans le registre social et
contribue à la construction du projet de vie évoqué dans la loi
du 11 février 2005.
Ainsi, ce que nous avions tendance à traiter comme un problème de réadaptation sous influence du soin est devenu un
projet de vie de la personne reconnue dans sa citoyenneté. Ce
ne sont plus les seuls soignants qui peuvent être maître
d’œuvre de celui-ci. Comme l’écrit Jean-Paul Arveiller, « le projet de vie englobe maintenant le projet de soin et non plus l’inverse, n’en déplaise à certains soignants nostalgiques » 1.
Bernard Durand, psychiatre,
Président de la FASM - Croix Marines
(Fédération d'Aide à la Santé Mentale)
Il faut d’ailleurs noter que cette définition est proche de celle
de la réadaptation proposée par l’OMS, qui la définit comme
« l’ensemble des mesures ayant pour objet de rendre au malade
ses capacités antérieures et d’améliorer sa condition physique
et mentale, lui permettant d’occuper par ses moyens propres
une place aussi normale que possible dans la société ». On
remarquera néanmoins que l’une parle des capacités antérieures d’un malade, et l’autre des capacités persistantes d’un
sujet, et qu’il y est question également du moins d’interventions professionnelles possible. L’une se situe donc encore dans
le registre médical, l’autre davantage dans l’exercice des conditions de la vie sociale et se rapproche davantage de l’esprit de
la CIF.
Et pourtant, en France, la réhabilitation psychosociale est prioritairement encore dans les mains des psychiatres, qui tiennent
à garder l’exclusivité du « champ psychique ». Cela va même
plus loin, car certains psychiatres ont tendance à confondre les
outils de la réhabilitation psychosociale avec les soins, en préconisant d’emblée approche psycho-rééducative, remédiation
cognitive, entrainement aux habiletés sociales dans une visée
adaptative parfois exclusive. Cela peut même aller jusqu’à récuser toute démarche psychopathologique et à faire des altérations cognitives et du traitement de l’information le noyau
essentiel de la schizophrénie. Ces déficits précéderaient les
manifestations cliniques classiques, négligées par ces praticiens
qui dénient qu’elles puissent avoir un sens ontologique, transformant ainsi la psychiatrie en rééducation sous autorité médicale, au grand dam des cliniciens d’obédience
psychodynamique qui valorisent la dimension des soins relationnels comme un préalable à l’inscription sociale et considèrent que les références cognitivo-comportementales ignorent la
dimension du sujet.
On peut ainsi considérer de manière schématique que les partisans des soins de réadaptation importent un modèle médical
dans le champ de la réadaptation et que les plus férus des théories cognitivistes importent un modèle de réadaptation dans les
soins. Si cette opposition nous renvoie à la dialectique processus pathologique/handicap, il faut rappeler qu’à la différence
de nombreuses maladies où l’on peut distinguer un temps de la
maladie et un temps du handicap (qui correspond le plus souvent aux séquelles de la maladie), le patient psychotique est
simultanément malade et en situation de handicap, d’où l’intérêt d’inscrire d’emblée la question de l’insertion sociale pour
les patients psychotiques. Mais si le processus de réhabilitation 1
peut commencer dès le stade des soins, et parallèlement à ces
4. Arveiller J-P., Traitement, soin, réadaptation, réhabilitation : qui fait quoi ? In
Les handicaps psychiques, Presses de l’EHESP, sous la direction de Zribi G. et
Beulné T., Rennes, 2009.
1. Arveiller J-P., Bonnet C., L’insertion du malade mental, Éditions Érès,
Toulouse, 1994.
3
Pluriels n°94-95 Janvier-Février 2012
développer les ressources communautaires, et les dispositifs de
soins accessibles.
La réhabilitation, c’est donc, conjointement, un ensemble d’actions de soins au sens large à l’intention de la personne souffrant de troubles psychiques, et un ensemble d’actions en
direction de la société afin qu’elle soit plus porteuse et plus
apte à l’accueillir.
Mais, et peut-être avant tout, la réhabilitation psychosociale est
un processus personnel qui va amener la personne souffrant de
troubles psychiques à gérer sa maladie et/ou les conséquences
de cette dernière, à faire face à ses limitations, à s’appuyer sur
ses forces pour retrouver un équilibre dans sa vie quotidienne
et dans son environnent social.
Des auteurs ont pu dire que la réhabilitation, c’est l’association
de techniques et de rêves et que les unes ne seraient rien sans
les autres.
Cette part de rêve trouve sa réalisation dans le concept de rétablissement (« recovery ») qui, depuis les années 2000, a fondamentalement bouleversé le mouvement de la réhabilitation
psychosociale. Se rétablir est défini comme avoir retrouvé ou
trouvé un sens à sa vie, un sentiment de bien-être, une place
dans la société selon son choix, après avoir souffert ou en dépit
de troubles psychiques. Ce concept de rétablissement va de
pair avec celui de réappropriation ou reprise du pouvoir d’agir
qui traduit « l’empowerment » et qui signifie la reprise de rôles
sociaux.
Ce concept est bien documenté et des études (Harding,
Tsuang…) montrent que plus de 50 % des personnes accèdent
à ce rétablissement avec ou sans l’aide de professionnels. C’est
une dimension d’espoir qui vient contredire les préjugés stigmatisants.
Les récits des personnes rétablies décrivent un processus dynamique, lent, non linéaire, pas toujours superposable aux aléas
symptomatiques, fortement corrélé au sentiment d’estime de
soi, d’efficacité personnelle, aux rencontres interpersonnelles
positives et aussi parfois aux expériences spirituelles.
Le rétablissement a redirigé les cibles des interventions de la
réhabilitation sur les choix de la personne et non pas ceux des
intervenants, l’organisation des services vers une politique individuelle et participative.
Le mouvement de réhabilitation a complètement intégré le
rétablissement qu’il a en quelque sorte contribué à promouvoir.
II. Interview croisée Réh@b/
Agapsy.
Nous remercions Madame Marie-Claude Barroche, présidente
de la fédération AGAPSY, et le Docteur Élisabeth Giraud
Baro, présidente de Réh@b, Comité français pour la réhabilitation psychosociale, d'avoir bien voulu répondre aux questions de Pluriels.
Comment définissez-vous les concepts de réhabilitation
psycho-sociale et de rétablissement ? Qu’est-ce qu’ils ne
sont pas ?
Réh@b. La réhabilitation psychosociale peut être définie
comme l’ensemble des actions mises en œuvre auprès des personnes souffrant de troubles psychiques par un processus
visant à favoriser leur autonomie et leur indépendance dans la
communauté. Ainsi, la réhabilitation est définie tant par son
déroulement : « somme des actions à développer pour optimiser les capacités persistantes d’un sujet », que par son but :
« améliorer le fonctionnement de la personne pour qu’elle
puisse remporter des succès et éprouver des satisfactions dans
un milieu de son choix et avec le moins d’interventions professionnelles possibles ».
La réhabilitation psychosociale est également un mouvement
politique qui a fait suite à la désinstitutionalisation, et a associé
les usagers de la psychiatrie se retrouvant dans la communauté,
leurs proches et des professionnels en recherche, ensemble, de
solutions pragmatiques aux problèmes posés par la situation de
« handicap psychique » dans la société.
On peut donc dire que les actions de réhabilitation relèvent de
deux dimensions complémentaires :
– la première dimension consiste à assurer un accès à des soins
et services modernes et de qualité aux patients les plus en difficulté dont il faut, après évaluation individualisée, s’attacher à
optimiser les ressources psychiques personnelles et entraîner
les habiletés cognitives et sociales. C’est le versant le plus sanitaire de la réhabilitation psychosociale. Cette dimension sanitaire va, le cas échéant, s’articuler et se prolonger dans
l’accompagnement et l’organisation de services dans le secteur
médicosocial et social. Il faudra en effet parfois contribuer à
leur assurer une insertion sociale et professionnelle, éventuellement protégée, et veiller à ce que se mettent en place les dispositifs et aides à la vie quotidienne, à la gestion d’un logement ou
des ressources financières ;
– la seconde dimension consiste à œuvrer de manière collective à une diminution de la stigmatisation du malade mental, à
Pluriels n°94-95 Janvier-Février 2012
Agapsy. Pour les professionnels de l'accompagnement social et
professionnel des personnes en situation de handicap psychique que représente la fédération Agapsy, c'est moins au
niveau des définitions, nombreuses et relativement conver-
4
gentes, que nous souhaitons nous positionner, mais plutôt sur
des champs de pratiques qui nous sont spécifiques.
Les professionnels parlent d’acquisition de compétences quand
ils évoquent la réhabilitation psychosociale. Pour eux, la personne doit pouvoir prendre conscience de ses compétences
quitte à le formaliser au travers d’un groupe. Ils estiment que la
personne doit apprendre à vivre avec ses symptômes pour pouvoir mettre en action un projet de vie : on parle alors de compétences à acquérir. Cette conception des compétences
permet de se projeter positivement dans le futur en nous rappelant qu’il n’y a pas d’échec, mais apprentissage par ses
erreurs.
La réhabilitation et le rétablissement se situent dans un long et
même processus. La personne rétablie est celle qui est en capacité de vivre parmi les autres, dans la cité, comme un citoyen
ordinaire. Il demeure certes un citoyen fragile, mais qui a repris
confiance en lui et peut alors se réapproprier son destin.
Pour nous, dans le champ social et médico-social, la réhabilitation psychosociale et le rétablissement ne sont ni dans l'assistanat, ni dans l'occupationnel, ni bien sûr dans le soin.
L'accompagnement se définirait plutôt comme un compagnonnage, individuel et collectif, vers une citoyenneté reconquise.
Le rétablissement est un processus qui va permettre à la personne de retrouver l'espoir, de redéfinir son identité, de retrouver un nouveau sens à sa vie et, au terme de beaucoup
d'épreuves et d'apprentissages, se sentir responsable de son
propre rétablissement.
Dans le processus orienté vers une meilleure santé mentale, on
pourrait reprendre la définition de Jean Furtos : « une santé suffisamment bonne, c'est la capacité de vivre et de souffrir, dans
un environnement donné et transformable, avec soi-même et
avec autrui, sans destructivité, mais non sans révolte ».
Une réhabilitation psychosociale bien conduite devrait permettre à la personne de parvenir à cette forme de rétablissement qui agit sur l'environnement et engage la personne dans
la réalisation des projets qu'elle aura choisis pour son accomplissement personnel et au service des autres.
Au terme de son rétablissement, la personne ne sera pas forcément libérée de ses symptômes. Elle saura mieux les gérer,
trouver éventuellement de l'aide, avoir confiance dans ses capacités. Elle pourra même parvenir à concevoir sa maladie
comme un réel enrichissement. Bien accompagnées, certaines
personnes, après plusieurs années d'expérience, auront envie
de transmettre leur expertise à leurs compagnons d'infortune
et deviendront d'excellents promoteurs de la santé mentale en
participant à la lutte contre la stigmatisation. Ils seront en capacité de prendre de multiples initiatives d'entraide et de service,
Présentation de Réh@b :
Comité français de
réhabilitation psychosociale.
Le groupe Erhob réunit des psychiatres, des équipes des
champs social et médico-social, des familles et des usagers
engagés dans les soins de réhabilitation vers le rétablissement.
Réh@b est porté par le Comité français de réhabilitation
psychosociale (CFRP) affilié à l’association mondiale de
réhabilitation. La réhabilitation psychosociale est aujourd’hui porteuse des espoirs des usagers et des familles
frappés par les pathologies psychiatriques les plus graves
(comme les schizophrénies). Attachée au concret, privilégiant le résultat fonctionnel, la réhabilitation a, ces dernières années, clarifié ses concepts et ses méthodes.
Réh@b, au fil de ses congrès nationaux (« Les journées de
Réh@b ») a fait focus sur le handicap psychique et les
avancées de la loi du 11 février 2005, sur l’articulation
sanitaire-médicosocial, sur les avancées des neurosciences, l’intérêt des approches cognitives et de l’éducation thérapeutique, sur la dimension écologique des
interventions, sur le concept de rétablissement, d’empowerment et des ressources personnelles. Le prochain
congrès aura lieu à Lyon, les 7 et 8 juin 2012 sur le thème :
« Des outils et des hommes ».
dans une véritable attention à l'autre. De telles démarches
signent, pour nous, l'accomplissement d'un réel rétablissement.
Y a-t-il des personnes qui ne se rétablissent pas ?
Réh@b. Les études laissent entendre que 30 % des personnes
n’atteindraient pas ce rétablissement. On connaît, bien sûr, des
cas de personnes qui n’atteignent pas une autonomie suffisante
pour vivre dans un logement individuel et qui demeurent incapables de faire des choix personnels, qui se mettent en danger…
Ces personnes ont besoin de soins et de services pour les accompagner. Il est important que ces services puissent apporter à la
personne tout ce qui pourra favoriser le rétablissement : la
déstigmatisation (les professionnels de la psychiatrie sont reconnus comme « champions » de la stigmatisation), le soutien psychologique et la reconnaissance en tant qu’individu pouvant se
rétablir, l’amélioration des troubles cognitifs dont on sait le rôle
majeur dans la dépendance aux soins institutionnels, l’améliora-
5
Pluriels n°94-95 Janvier-Février 2012
• Une prise de conscience que la santé mentale c'est l'affaire de
tous. Le succès du premier Colloque international de psychiatrie citoyenne en témoigne. Nos professionnels sont conscients
de la nécessité de sensibiliser l'environnement. « Même si la
réhabilitation psychosociale a été bien conduite, disent-ils,
nous n'avons fait que 50 % du travail si toutes les portes se ferment devant eux (logement, travail, participation citoyenne…).
• Nous pouvons constater que les publics que nous
accueillons, s'ils sont en grande difficulté et précarité, sont
aussi de plus en plus jeunes. Cette précocité dans le soin et l'accompagnement devraient favoriser un meilleur rétablissement.
• Les traitements laissent augurer de progrès considérables :
par exemple, des équipes constatent qu'après 20 à 25 ans, 50 %
des personnes souffrant de schizophrénie n'ont plus besoin de
médicaments.
• Les initiatives de plus en plus nombreuses, privées ou collectives à travers les GEM et les associations d'usagers, montrent à
l'évidence que de nombreux usagers de la santé mentale osent
sortir de l'ombre et concrétiser de véritables entreprises
citoyennes. C'est extrêmement encourageant !
La complexité de l’accompagnement des personnes en situation de handicap psychique doit nous inciter à travailler en
réseau. En mutualisant nos savoirs, nous pouvons espérer un
tion de l’estime de soi et une ouverture vers la communauté. Il
est important également, au regard des études qui portent sur le
rétablissement, d’intégrer le facteur temps et de considérer les
choix des personnes dans cette perspective temporelle.
Le rétablissement possède une dimension très subjective. Je
pense au résident d’un foyer de vie pour personne handicapées
psychiques qui, de ce fait, a une autonomie partielle, mais qui
gère efficacement ses fluctuations émotionnelles, fréquente un
club de poésie en ville, s’organise de petits séjours de vacances
et peut maintenant assumer des rôles familiaux autrefois fortement générateurs d’angoisse et de dévalorisation. Il se considère comme « rétabli de ses troubles schizo-affectifs », un de ses
critères de rétablissement étant sa lucidité à accepter des aides,
qu’il juge adaptées et facteurs d’adaptation. Il siège au conseil
de vie sociale de son lieu de vie.
Agapsy. Il y en a hélas encore beaucoup trop. En dehors des
personnes souffrant de pathologies lourdes, complexes, résistantes aux traitements pharmacologiques, il y a tous les
patients hospitalisés de manière « inadéquate » en raison du
manque criant de structures sociales ou médico-sociales adaptées pour les accueillir. Il y a ceux qui n'ont pas accès aux soins
et sont abandonnés à leur domicile, dans la rue ou en prison. Et
pourtant, nous avons des raisons d'espérer :
Qu'est ce qu'Agapsy ?
La fédération Agapsy a été créée en juin 2008 et regroupe
sur le territoire national une cinquantaine d'associations spécialisées dans l'accompagnement des personnes en situation
de handicap psychique avec des professionnels formés.
Les associations signataires de notre Charte de référence ont
la volonté commune de promouvoir la réhabilitation psychosociale et professionnelle de ces personnes.
Sa philosophie et ses valeurs
AGAPSY milite, en lien avec d'autres réseaux déjà constitués
et en alliance avec les soignants, les familles et les usagers,
en vue de :
• Mailler le territoire national par une offre de services « type »,
dans chaque bassin de vie.
• Favoriser des parcours fluides et concertés entre le sanitaire, le médico-social, le social et les milieux du travail.
• Agir en vue d’une participation pleine et entière à la vie
citoyenne des personnes ayant des troubles psychiques.
Son engagement
Les associations qui constituent la fédération s’engagent
dans une démarche effective et continue pour rechercher les
Pluriels n°94-95 Janvier-Février 2012
réponses les plus adaptées aux différents besoins des personnes en situation de handicap psychique en vue de leur
rétablissement et en application du principe de compensation du handicap.
Elle souhaite susciter une dynamique de rapprochement des
associations spécialisées dans le champ de la santé mentale
en favorisant la coopération et la mutualisation.
Ses axes prioritaires sont : l'accompagnement spécialisé, le
logement, le travail, la gouvernance et la formation.
Agapsy organise des rencontres nationales et des groupes de
travail et s'appuie sur des coordinations régionales.
L'expertise des acteurs de terrain doit être reconnue et leur
capacité de coordination soutenue par une volonté politique.
Agapsy participe au CNCPH et à différents groupes de
réflexion (DGCS, HCSP, AGEFIPH, CEDIAS-ANCREAI, etc.).
La CNSA lui a confié une recherche-action sur l'accompagnement spécifique des personnes en situation de handicap psychique.
6
Les interventions de remédiation cognitive sont également un
pivot des soins de réhabilitation. Elles visent à renforcer les
stratégies de résolution de problèmes et à améliorer les relations sociales qui font défaut dans le domaine de la vie quotidienne et socioprofessionnelle, mais encore à adapter
l’environnement aux difficultés résiduelles.
Elles doivent actuellement être sources d’études approfondies
afin de mieux cerner les relations entre les troubles constatés,
les cibles cognitives entrainées et la généralisation des effets
dans les actes de la vie quotidienne. La question des facteurs
dits subjectifs tels que l’estime de soi ou les représentations
stigmatisantes subies est centrale dans la réussite des programmes.
Les interventions d’entraînement aux habiletés sociales sont
très complémentaires des actions de remédiation cognitive et
permettent de retrouver des compétences dans les domaines
identifiés par la personne comme les plus générateurs de souffrance et de limitation.
De même, les thérapies cognitives autour de la gestion de
symptômes invalidants, le soutien de l’estime de soi, de la motivation, du concept de soi ou métacognition viennent renforcer
la dynamique du rétablissement.
Ces interventions représentent ce que l’on peut appeler les
techniques de pointe, leur dimension très technique ne doit
pas faire oublier que l’intervention de réhabilitation est un processus dynamique, contextuel et interactif où la personne est
experte tout autant que le professionnel de la technique. Nous
ne sommes pas dans une relation médecin-malade, mais dans
une co-construction au service des objectifs de la personne.
Cette position nous démarque de la pratique de la psychiatrie
conventionnelle et nous place à l’articulation avec le champ
social.
On peut dire que nous sommes complètement dans le champ
de la santé mentale, plus proches du handicap que de la maladie, dans le registre de sa prévention et de sa compensation.
Cette position est source de difficulté pour la reconnaissance
de la réhabilitation psychosociale en France.
Les interventions de réhabilitation sont souvent méconnues
dans leurs aspects théoriques et assimilées au suivi psychiatrique des pathologies d’évolution longue ou alors confondues
avec l’intervention médicosociale de nature éducative.
Un des enjeux fort de la réhabilitation est que les champs médicosocial et social de l’accompagnement puissent se saisir d’outils et de savoir faire qui prennent en compte la dimension
fonctionnelle spécifique des personnes handicapées psychiques :
les difficultés cognitives et l’importance de l’adaptation de l’en-
effet catalyseur. C’est pourquoi nous souhaitons développer le
concept de coordination des parcours pour les personnes en
situation de handicap. Mais la première étape pour un véritable
travail en réseau consiste à reconnaître ses propres manques et
à accueillir les compétences de l’autre pour développer la
notion de complémentarité.
Comment concevez-vous votre action en matière de
réhabilitation et comment la caractérisez-vous, notamment au regard de vos partenaires dans le champ de la
santé ou de l’action sociale ?
Réh@b. L’intervention de réhabilitation psychosociale va amener la personne à mieux identifier ses forces et ses faiblesses,
ses besoins et à construire ses stratégies pour surmonter les difficultés évaluées comme prioritaires et pour réussir à atteindre
les objectifs qu’elle s’est fixés.
Dans le domaine du soin, l’intervention de réhabilitation psychosociale doit intervenir tôt. Sa cible, la résultante fonctionnelle, on pourrait dire le handicap, est différente de la cible
« maladie-symptôme » de l’intervention psychiatrique conventionnelle. On peut ainsi comparer la réhabilitation à la rééducation fonctionnelle. Elle intervient au décours de l’intervention
aiguë, elle a pour objectif de préserver le pronostic fonctionnel, elle prévient le handicap. Elle est complémentaire de l’intervention de psychiatrie conventionnelle qui assure l’accueil
de crise et le suivi.
L’intervention de réhabilitation se fonde sur une évaluation fonctionnelle qui répertorie les besoins exprimés par la personne, les
besoins objectivés par l’entourage et les professionnels, les compétences adaptatives prémorbides, les stresseurs, les ressources
personnelles et environnementales, les difficultés rencontrées
dans les domaines cognitifs, psychologiques de la vie quotidienne, sociale et relationnelle. Le bilan neuropsychologique est
très important, la présence de troubles cognitifs compromettant
le pronostic fonctionnel. Il est alors indiqué de développer à leur
encontre des stratégies thérapeutiques adaptées.
À l’issue de ce bilan, les interventions se priorisent donc avec
la personne selon un schéma personnalisé, compensatoire et
écologique, c’est-à-dire en tenant compte de l’environnement
dans lequel évolue la personne. Les interventions à domicile ou
en situation sont celles qui donnent le plus de résultat.
Les interventions peuvent être toutes les actions d’éducation
thérapeutique visant une meilleure connaissance de la maladie,
des traitements, la limitation des effets secondaires stigmatisants et des rechutes. L’objectif est de motiver la personne et
son entourage à devenir un acteur éclairé et dynamique de son
traitement.
7
Pluriels n°94-95 Janvier-Février 2012
vironnement, la vulnérabilité au stress, la capacité à évoluer et (SAMSAH handicap psychique) qui propose d’emblée des
à se rétablir selon un schéma très individuel.
accompagnements à l’extérieur à visée de resocialisation.
Agapsy. La recherche-action menée récemment par le CEDIAS- Or, les difficultés de cette personne sont d’ordre cognitif :
CREAHI Ile-de-France intitulée « Quels services d'accompagne- désorganisation et conduites d’échec et ne concernent pas les
ment pour les personnes en situation de handicap d'origine contacts sociaux qu‘elle maitrise relativement bien même si
psychique ? » définit parfaitement, nous semble-t-il, les caracté- elle a besoin de réassurance.
ristiques de l'accompagnement social ou médico-social réalisé Les interventions personnalisées de réhabilitation vont dans le
par nos professionnels.
sens de pallier ces défauts d’organisation et contribuer à l’améL'ambiguïté ou les malentendus entre l'approche sanitaire de la nagement de l’environnement. Cet exemple illustre l’imporréhabilitation psychosociale, l'action sociale et l'approche édu- tance de partager l’analyse des besoins et de ne pas proposer
cative des services d'accompagnement peut se comprendre des « prestations » standardisées en regard d’un diagnostic.
comme « une différence de perspectives ».
Agapsy. Alexandre, arrivé il y a quelques années dans l'une de
Du côté de l'action sociale, les mesures visent à atténuer le dis- nos associations. Membre du GEM, il a été élu par le Conseil de
crédit que la société accole à la personne souffrant de troubles la vie sociale pour représenter les usagers, avec deux autres
mentaux et qui l'entrave dans l'accomplissement des rôles collègues, au sein du Conseil d'administration de l'association
sociaux et dans son épanouissement.
gestionnaire. Deux ans plus tard, il a présenté sa candidature au
En résumé, là où la réhabilitation psychiatrique se conçoit bureau : aux côtés des bénévoles et de la direction. Il apporte
comme un traitement en vue de recouvrir des aptitudes dispa- réellement la vision des usagers et participe pleinement à la
rues par un entraînement aux habilités sociales, l'accompagne- gestion de l'association (participation aux recrutements des
ment médico-social, quant à lui, vise à retrouver des habilités salariés, à la rédaction du Bulletin de liaison…).
sociales en vue d'insérer la personne de manière plausible dans Depuis quelques semaines, il remplace le directeur de son assoun milieu de vie ordinaire. C'est bien cette perspective ciation comme représentant au Conseil de Surveillance d'un
citoyenne qui fait toute la différence ».
établissement public de santé mentale (dans lequel il a
« La différence fondamentale entre l'accompagnement proposé d'ailleurs été hospitalisé à quelques reprises), accompagné de
par un service d'accompagnement et l'action d'un autre dispo- la psychologue de liaison.
sitif sanitaire ou social porte fondamentalement sur la place L'hôpital a accepté qu'un usager direct de la psychiatrie repréaccordée à la personne : ni patient, ni usager d'une prestation sente les usagers et parle en leur nom…
ou d'un équipement, mais d'abord citoyen ».
La participation effective des usagers eux-mêmes dans les instances officielles peut et doit se généraliser. C'est important de
Pouvez-vous donner un exemple concret ?
soutenir leur parole, mais les porte-parole que nous avons été
Réh@b. Une jeune femme souffrant de schizophrénie est suivie jusqu'ici doivent s'effacer… Comme l'a dit un jour le Dr Guy
en soins de réhabilitation avec comme objectif de s’autonomi- Baillon, seuls les usagers ont une vision globale et audacieuse
ser pour les actes de la vie quotidienne dans un appartement de la santé mentale. Qui mieux que les usagers eux-mêmes
individuel après avoir vécu un échec de vie commune et un connaissent ce dont ils ont besoin pour se rétablir ?
retour en famille après une hospitalisation.
Il a fallu commencer par un travail sur la gestion des oublis de Les pratiques de réhabilitation psycho-sociales ont-elles
traitement (cause de la rechute) qui a associé éducation théra- un impact en termes de métiers ?
peutique et remédiation cognitive (mémoire et réorganisation), Réh@b. Certainement. Les collègues italiens disent qu’en
puis un travail répété autour des habiletés de la vie sociale en « entrant en réhabilitation » on perd de sa dimension soigroupe et « in vivo » à domicile.
gnante et on devient « opérateur » certainement plus pragmaEn même temps, un travail de soutien psychothérapique sur la tique et plus engagé au sens social et plus proche des
gestion d’hallucinations résiduelles et la perte d’estime de soi a personnes. Il n’y a plus de « soignants-soignés », mais des parteété entrepris en raison de la forte dépendance aux soins. Des naires. Cette position peut être difficile à comprendre pour des
résultats relativement satisfaisants ont permis un maintien à personnels du champ sanitaire, infirmiers et médecins.
domicile et la reprise d’une vie relationnelle correcte. Le relais La place faite aux travailleurs sociaux est évidemment plus
est pris par un service d’accompagnement médicosocial importante que dans les services de soins. Les ergothérapeutes
Pluriels n°94-95 Janvier-Février 2012
8
spécialistes de l’interaction personne-environnement ont une
place primordiale ainsi que les neuropsychologues qui pratiquent les bilans mais aussi les soins de remédiation cognitive.
Dans les pays anglo-saxons, une grande place est faite aux pairs
aidants qui apportent leur expertise précieuse. On commence
à travailler en France sur ce partenariat.
regard, voire une clinique nouvelle et de nouvelles perspectives thérapeutiques ?
Réh@b. La réhabilitation apporte un changement important
dans le regard sur la maladie psychiatrique et l’organisation des
soins. Le rétablissement et la reprise du pouvoir d’agir des personnes met fin au « tout médical » qui a longtemps régit la
manière de penser la « prise en charge » (quelle expression critiquable !) des malades mentaux.
Les lois de 2002 et de 2005 ont apporté des avancées considérables dont le courant de la réhabilitation était porteur en
éclaireur.
La pratique de la réhabilitation a souvent été réduite à une normalisation sociale de la personne en référence à des techniques
d’adaptation comportementale et la dimension humaine du
processus de rétablissement qu’elle soutient est occultée. La
réhabilitation est souvent, dans un mauvais débat, opposée à la
psychanalyse qui sous-tendrait la pratique psychiatrique. Tout
cela est un peu simple et franco-français.
L’objet de la réhabilitation est le pronostic fonctionnel de la
personne dans sa dimension cognitive et comportementale
ainsi que subjective, qui se mesure par le rétablissement. Le fait
de faire focus sur le pronostic fonctionnel détrône les conceptions trop classiques d’incurabilité de la maladie mentale et les
positions soignantes abusives.
En termes de regard, la réhabilitation apporte l’espoir ; en termes
de clinique, le pragmatisme ; en termes de perspectives thérapeutiques, beaucoup d’attentes du côté des sciences neurocognitives et particulièrement du côté de la cognition sociale et du
côté de l’ergonomie au sens de l’adaptation de l’environnement.
Agapsy. La spécificité de l'accompagnement des personnes en
situation de handicap psychique impacte nécessairement les
pratiques et les métiers. On peut aller jusqu'à dire qu'elle crée
de nouveaux métiers.
Par exemple, dans nos services d'accompagnement, les accompagnateurs sont aussi des médiateurs, assurant non seulement
le suivi de la personne (en étant le référent de son contrat-projet), mais en développant pour chacun des actions en lien avec
l'environnement du service et de la personne. Ce sont, en
quelque sorte, des médiateurs de la vie sociale.
Un personnel d'entretien ne sera pas qu'un agent d'entretien. Il
aura aussi une fonction pédagogique en amenant la personne
« à faire avec » dans l'entretien de l'appartement ou des locaux
associatifs.
Des chargés d'insertion professionnelle sont amenés à développer de multiples compétences selon qu'ils sont dans une
entreprise, en lien avec des agents de Cap Emploi, dans un
entretien individuel de soutien avec un travailleur handicapé
psychique ou devant un parterre de responsables de ressources humaines.
Nos équipes sont riches de leur pluridisciplinarité, du mixage
des formations et des expériences, ce qui laisse une marge
importante à l'innovation sociale.
Cette grande diversité des professionnels enrichit le travail en
équipe et favorise de multiples approches, fluides, souples,
concertées, tout en finesse, autorisées par la clarté du cadre
d'intervention, solide et permanent.
Enfin, la culture associative, le compagnonnage avec les bénévoles et militants, l'implication des animateurs culturels ou formés à l'éducation populaire et la place de plus en plus grande
laissée aux usagers « porteurs de projets » crée une dynamique
assez exceptionnelle du savoir-être en relation, dans des formes
de management de haut niveau. Certains professionnels se
considèrent comme des artisans du lien social, comme des
acrobates parfois… Un usager a dit un jour : « Vous êtes les
luthiers de nos âmes ». Ce n'est pas un nouveau métier, ça ?
Agapsy. Passer de la « prise en charge » à « l'accompagnement »
offre déjà une nouvelle perspective. Parce qu'il va s'agir de partage (d'expériences, de points de vue…) et de co-construction
d'un projet dans lequel les choix et la liberté de la personne
accompagnée seront respectés.
On quitte la « neutralité bienveillante » pour être dans la relation engagée, dans la proximité.
On accompagne vers le soin, vers le logement, le travail, la participation citoyenne… en permettant à la personne de se saisir
elle-même des outils mis à sa disposition, des outils de droit
commun. En partant de ses besoins propres. Et on évaluera
ensemble le chemin parcouru. Chaque « échec » étant une nouvelle occasion d'apprentissage.
La personne prend son destin en main, s'exerce à l'autonomie,
Les concepts de réhabilitation psycho-sociale et de réta- s'en va, revient… Nous ne sommes là que pour soutenir sa
blissement vous paraissent-ils des perspectives nouvelles parole, ses initiatives, faciliter les liens et le réseau d'aide qui va
en psychiatrie et santé mentale, comme un nouveau constituer son étayage, faire confiance à ses capacités.
9
Pluriels n°94-95 Janvier-Février 2012
Passer de la réhabilitation au rétablissement, c'est permettre à
la personne de reprendre du pouvoir sur sa vie, de faire des
choix en vue de mener une vie pleine et significative, fondée
sur l'espoir et l'autodétermination.
De même, vous paraissent-ils ouvrir de nouvelles perspectives d’action dans le champ du handicap psychique,
comme de nouvelles formes d’accompagnement ?
Réh@b. L’intervention de réhabilitation a pour objectif de
mettre en place des facteurs de protection (selon le célèbre
schéma de Lieberman) qui empêchent l’installation et l’aggravation du handicap.
Elle a un rôle de prévention du handicap qui n’est pas assez
valorisé tant on a encore l’habitude de considérer la maladie
comme incurable et de confondre maladie et handicap.
Un apport important de la réhabilitation est la pratique de l’évaluation fonctionnelle qui devrait dynamiser la manière d’évaluer le handicap psychique.
Il est pour cela important de comprendre la plainte de la personne et de valoriser l’auto-évaluation, mais encore d’évaluer «
utile » c’est-à-dire clairement dans l’objectif de mieux développer des stratégies de compensation qui répondent aux besoins
des personnes.
Ainsi, l’accompagnement des personnes en situation de handicap psychique deviendra personnalisé et écologique, et plus
seulement spécifique et en préservant le secteur médicosocial
du risque de filiarisation, comme on a pu le voir pour les personnes présentant une déficience intellectuelle.
L’évaluation partagée, multidisciplinaire, est à développer ainsi
que la pratique de la réévaluation avec les mêmes outils, pour
une dynamique concertée et une mesure de l’efficacité qui permet de crédibiliser la démarche.
Un travail de sensibilisation des MDPH et CDAPH à ce type
d’évaluation est nécessaire si l’on veut que soient développés
des dispositifs innovants.
Le concept d’ESEHP (équipe spécialisée dans l’évaluation du
handicap psychique) est une valeur ajoutée qui illustre le
nécessaire partenariat des champs sanitaires, médicosociaux et
sociaux. Ce type de pratique permettrait certainement une
amélioration de l’accès aux soins – la personne prenant mieux
conscience de ses besoins – et apporterait une fluidité aux parcours d’insertion.
Donner une place à l'usager et aux proches dans toutes les
actions de sensibilisation et favoriser les formations transversales, l'expression du vécu des usagers et des proches. Aller audevant des intervenants de première ligne, des élus, des
politiques. Oser les médias, les expériences innovantes
(Psytrialogue, Bibliothèque des livres vivants…). Se rapprocher
du monde du travail (au travers des risques psycho-sociaux),
des milieux artistiques…
Les modes d'accompagnement doivent constamment être remis
en cause, réadaptés en fonction des nouveaux comportements
(vie affective et sexuelle, parentalité, grande précarité, entrée
dans la psychose…). Il s'agit de donner de plus en plus de
place au collectif (modules d'apprentissage, groupes d'entraide,
formation par les pairs, etc.).
Cela suppose une formation continue des professionnels, des
lieux d'échanges des savoirs, des supervisions des équipes, du
temps pour réfléchir…
La vraie perspective n'est-elle pas de considérer les usagers de
la santé mentale non comme un fardeau, mais comme une vraie
richesse pour la société ?
La réhabilitation psycho-sociale appelle-t-elle à un
renouvellement des modes de collaboration entre la psychiatrie et les acteurs sociaux et médico-sociaux ? Quels
obstacles resteraient à lever ?
Réh@b. La réhabilitation se situe à l’articulation du sanitaire et
du social en mobilisant des techniques qui trouvent leur application dans les domaines de la vie quotidienne, relationnelle et
professionnelle.
Elle amène à croiser des regards et des pratiques au service du
rétablissement de la personne.
La coordination autour du projet de la personne est la clé de
l’efficacité du service proposé. Les anglo-saxons ont, par
exemple, développé la pratique du « case management » et la
profession de case manager (gestionnaire de cas) au sein de
réseaux intégrés de soins et de services.
On peut imaginer des soins psychiatriques de première ligne et
de proximité correspondant à l’accueil aigu et au suivi (le secteur psychiatrique) articulés à un réseau de réhabilitation psychosociale comprenant une plateforme d’intervention (bilan et
techniques de pointe) et des services d’accompagnement gradués vers l’hébergement, le travail, la vie quotidienne. Le
Agapsy. Faire évoluer l'opinion publique, la peur de la folie, la concept de centre ressource Handicap psychique avancé par
méconnaissance des troubles psychiques, la stigmatisation des certains répond à cette configuration en réseau.
personnes et des institutions ; faire évoluer les représentations De tels dispositifs existent à l’étranger pour la santé mentale et
qui lient folie, dangerosité, exclusion et enfermement.
en France, pour les personnes cérébro-lésées ou les personnes
Pluriels n°94-95 Janvier-Février 2012
10
Les grands principes de la réhabilitation psychosociale 1.
Pour Cnaan, la Réhabilitation Psychosociale repose d’abord sur
deux postulats :
• Il existe en chaque individu une motivation à développer maîtrise et compétence dans des domaines de la vie qui vont lui permettre de se sentir indépendant et confiant en lui-même.
• De nouveaux comportements peuvent être appris et les individus sont capables d’y avoir recours et de les adapter pour
répondre à leurs besoins de base.
Les grands principes sont au nombre de treize :
1er principe : L’utilisation maximale des capacités humaines.
Chaque personne est capable d’améliorer son niveau de fonctionnement. La vie est un processus de croissance et de changement et
chaque individu, même sévèrement handicapé, est capable de croissance et de changement. C’est de la responsabilité des professionnels de développer le niveau d’attentes que les patients ont pour
eux-mêmes, de les aider à se percevoir comme capable de progrès
et de les soutenir dans ce processus de croissance. Il convient pour
cela d’exploiter les forces de la personne, de travailler avec les parties saines de son Moi.
2e principe : Doter les personnes d’habiletés. C’est la présence ou l’absence d’habiletés (sociales et instrumentales) et non
la disparition des symptômes cliniques qui est le facteur déterminant dans le succès de la réhabilitation. Apprendre ou réapprendre
les habiletés élémentaires pour agir dans un environnement social,
vivre de façon indépendante, garder un emploi, etc., vont être les
objectifs du traitement. Les difficultés sont dès lors appréhendées
sous l’angle comportemental, en terme de déficits ou d’excès
comportementaux.
3e principe : L’auto-détermination. Les personnes ont le droit et
la capacité de participer à la prise de décisions concernant leur vie.
Il ne s’agit donc pas de faire les choses dans le meilleur intérêt de la
personne, mais de lui permettre de prendre ses décisions et d’apprendre au travers des conséquences de ses choix. L’auto-détermination des personnes devraient concerner également la gestion des
programmes de réhabilitation auxquels elles participent. L’autodétermination implique également que la personne soit pleinement
informée sur sa maladie, ses conséquences et sur les possibilités de
traitement.
4e principe : La normalisation. Il s’agit de permettre aux personnes souffrant de maladie mentale de vivre et de fonctionner
dans les mêmes lieux que les autres (logements, loisirs, éducation,
travail) ou en tout cas dans les lieux les moins restrictifs possibles.
Ce principe s’oppose à la ségrégation. L’objectif idéal de la réhabilitation psychosociale est une vie indépendante dans la communauté
avec le minimum de soutien professionnel.
5e principe : L’individualisation des besoins et des services.
Chaque personne a des besoins propres. En conséquence, le processus de réhabilitation doit être individualisé pour ce qui est des
services, de leur durée, de leur fréquence, etc. C'est du sur-mesure
et non pas une action globalisante pour l'ensemble des patients au
long court.
6e principe : L’engagement des intervenants. Engagement personnel des intervenants qui sont soucieux du bien-être de la personne et qui ont foi dans ses capacités de progresser. Les
intervenants prennent l’initiative de garder le contact avec les personnes (coup de téléphone, visite à domicile) pour limiter les
abandons et montrer qu’ils se soucient d’elles.
7e principe : La déprofessionnalisation de la relation d’aide.
Les intervenants ne doivent pas se cacher derrière une couverture
professionnelle. Les barrières artificielles doivent être enlevées.
L’élément humain de la personne de l’intervenant est crucial dans
le processus de réhabilitation. De même les intervenants doivent
appréhender la personne comme un être humain avec toutes ses
dimensions plutôt que sous l’angle d’un seul type de service. Une
attitude de « neutralité » ne convient pas. L’intervenant répond, de
façon positive ou négative, à ce que la personne dit ou fait, même
au sujet de problèmes non-thérapeutiques.
8e principe : Intervenir précocement. Il est essentiel d’intervenir le plus précocement possible dès les premiers signes avantcoureurs de rechute ou de dysfonctionnement. Le but est d’éviter
les rechutes et les réhospitalisations et de préserver les acquis en
compétences et en liens sociaux (travail, logement, contacts
sociaux...).
9e principe : Structurer l’environnement immédiat. Les interventions doivent viser à structurer l’environnement immédiat de la
personne (la famille, réseau social, milieu de vie, de travail...) pour
qu’elle puisse en obtenir un maximum de soutien.
10e principe : Changer l’environnement plus large. Une partie des interventions doit viser à changer l’environnement plus
large de la personne, c’est-à-dire les attitudes et les modes de fonctionnement d’une société qui peuvent nuire à l’adaptation de personnes souffrant de maladie mentale sévère (informer le public,
modifier les services médicaux, les structures d’accueil...).
11e principe : Pas de limite à la participation. La réhabilitation
psychosociale est un processus continu qui nécessite continuité
des soins et du soutien et qui doit être constamment revu en fonction de l'évolution. Il importe de ne pas suspendre les services de
réhabilitation en cas d’hospitalisation. S’il n’y a pas de limite de
temps, il convient aussi de mettre le moins possible de critères de
sélection pour l’entrée dans un programme.
12 e principe : La valeur du travail. La Réhabilitation
Psychiatrique soutient la conviction que le travail, et spécialement
l’opportunité d’aspirer et de se réaliser dans un emploi rémunéré,
est un besoin et une force d’intégration pour tout être humain. Il
faut garder une foi dans le potentiel de productivité des personnes
même lourdement handicapée par la maladie mentale. Il s’agit
d’envisager un travail intégré dans la réalité sociale, pas forcément
un emploi temps plein, mais des emplois souples, diversifiés tout
en restant compatibles avec les besoins des employeurs.
13e principe : Priorité au social par rapport au médical
1. CNAAN R.A. et al. Psychosocial Rehabilitation: Toward a
Definition, Psychosocial Rehabilitation Journal, 11:4, p. 6177, 1988.
11
Pluriels n°94-95 Janvier-Février 2012
atteintes de maladie d’Alzheimer pour lesquelles la question du
maintien à domicile s’est posée en d’autres termes que pour les
personnes handicapées psychiques dont l’avenir, pendant longtemps, n’a été pensé pratiquement qu’en institution.
III. Le rétablissement comme
processus.
Le principal frein est le cloisonnement des champs sanitaires et
médico-social, tous les deux fortement institutionnalisés et peu
enclins à se plier à l’individualisation des procédures et à la participation des usagers.
L’expérience du rétablissement, un changement de perspective et de posture pour chacun
des acteurs de la santé mentale.
Beaucoup d’expériences cependant vont dans ce sens de la
prise en compte de la voix des usagers et de la demande d’une
vie la plus participative possible. Les GEM ont ouvert un champ
nouveau, parfaitement en phase avec la philosophie et les pratiques de la réhabilitation psychosociale, dont on voit bien tout
le chemin qui leur reste à parcourir dans notre pays. C’est à
cette évolution, essentielle pour le destin concret des personnes souffrant de troubles psychiques chroniques et invalidants, que s’attache le mouvement « Rehab’ ».
La notion anglo-saxonne de Recovery, traduite le plus communément par « rétablissement », doit être distinguée de la notion
de guérison – au sens de disparition de la maladie –, ou même
de rémission – qui renvoie à l’atténuation ou la disparition, au
moins temporaire, des manifestations symptomatiques de la
maladie. En fait, le rétablissement ne caractérise pas l’évolution
de la maladie, mais le devenir de la personne. Il s’agit pour
ainsi dire de « sortir de la maladie mentale » 1 : cela ne signifie
pas nécessairement que la maladie ait complètement disparu,
mais que la personne a pu se dégager d’une identité de malade
psychiatrique et recouvrer une vie active et sociale en dépit
d’éventuelles difficultés résiduelles. L’attention prioritaire se
porte alors non plus sur la maladie et son évolution, mais sur
ses conséquences sur les activités et la vie quotidienne de la
personne ainsi que sur sa vie sociale. Or, ce « devenir de la personne » – qu’il s’agit d’optimiser – n’est pas déterminé uniquement, ni même peut-être prioritairement, par les paramètres
médicaux. S’occuper du rétablissement, c’est donc prendre en
compte, et éventuellement prendre appui sur les autres déterminants du devenir des personnes, au premier rang desquels
les ressources de la personne, ses objectifs propres, mais aussi
des facteurs subjectifs tels que la croyance ou l’espoir qu’un tel
rétablissement est possible. Le rétablissement n’est donc pas
d’abord affaire de soins, il est fondamentalement une démarche
personnelle, exigeante, prolongée, dont il convient de laisser
voir et de favoriser la possibilité.
Agapsy. Il s'agit de réfléchir ensemble à tout ce qui peut permettre le décloisonnement. Les clivages de tous ordres ont
assez duré et trop longtemps stérilisé nos efforts, dans la discontinuité des parcours.
Sortir de l'hospitalo-centrisme, être de vrais partenaires (plutôt
qu'avoir des partenariats) dans une psychiatrie communautaire,
s'engager ensemble vers une psychiatrie citoyenne, acquérir
une culture commune dans l'accompagnement conjoint de parcours de vie et de soin, mettre les moyens financiers nécessaires à la coordination de ces parcours (avec retours sur
investissement assurés !).
Soutenir les mouvements fédératifs qui tentent de faire coopérer des établissements ou services, faire ensemble de la prévention et de la promotion de la santé mentale.
Créer ensemble, avec les élus, des Conseils locaux de santé
mentale là où ils n'existent pas.
Caractérisations du rétablissement.
Dans la littérature déjà abondante sur le rétablissement, il est
devenu d’usage de souligner que deux conceptions du rétablissement doivent être reconnues et distinguées.
La conception médicale du rétablissement met l’accent sur
des critères objectivables de stabilisation de la maladie (rémission des troubles, absence de réhospitalisation…) et de réinserEt surtout, avons-nous en France une vraie volonté politique tion socioprofessionnelle (reprise d’une activité de travail ou de
vis-à-vis des préoccupations de santé mentale de nos conci- formation, autonomie, restauration de relations sociales…).
toyens ?
Propos recueillis par le Dr Martine Barres,
chargée de mission à la MNASM
Les obstacles sont sans doute liés à une grande méconnaissance
entre les équipes et les pratiques respectives du sanitaire et du
social, à des organisations du travail trop hiérarchisées qui ne
donnent pas suffisamment de place et de liberté à l'initiative, à
des contraintes administratives et financières insupportables,
au manque de liberté dans les interstices du soin et du social…
Pluriels n°94-95 Janvier-Février 2012
12
Le rétablissement raconté par les adhérents
de groupes d’entraide mutuelle.
Interrogés sur ce qu’évoque pour eux la notion de « rétablissement », des usagers de la psychiatrie, adhérents des
groupes d’entraide mutuelle (Au fil de la mosaïque, Bon
pied bon œil, GEM et toi ?, Heureux coin, Janus, Juste
ensemble, Nouveau cap, Soleil, Vannes horizon) ont
répondu par de nombreux témoignages où ils expriment le
mieux-être vécu par eux dans leur GEM et le chemin que
l’entraide leur a permis de parcourir.
Ce que le GEM apporte est raconté en termes de respect,
d’écoute et de solidarité, et aussi de sentiment de sécurité
entre personnes qui peuvent se comprendre parce que partageant une même fragilité, et dont le vécu entre en résonance. Être accueilli dans son être tout entier, trouver un
énorme soutien dans les moments difficiles : l’entraide est
un phénomène mutuel, naturel et gratifiant. J’ai retrouvé
le goût des autres, dit l’un, je suis sorti de mon isolement,
dit l’autre. Chacun apporte sa raison, dit une personne, et
une autre parle d’une aide « à la Confucius » : si tu me
donnes un poisson je mangerai un jour mais si tu m’apprends à pêcher je mangerai toute ma vie !
Toutes ces personnes racontent une mise en mouvement, un
retour à un équilibre perdu avec l’apparition de la maladie,
La conception « expérientielle » du rétablissement, développée par ceux qui en ont fait l’expérience, considère le rétablissement moins comme un but, un état vers lequel il faudrait
tendre, que comme une démarche, un processus dans lequel il
est possible de s’engager. Il est significatif que l’analyse de ce
processus ait été principalement élaborée par des personnes
qui ont vécu ce parcours et ont pu en faire le récit. L’enjeu
n’est plus un retour à l’état précédant la maladie ou la restauration du niveau antérieur de fonctionnement, mais de parvenir à
se rétablir dans une vie satisfaisante ; cela suppose d’avoir
conscience de son handicap, de ses limites, mais aussi d’avoir
trouvé en soi, ou parfois aussi dans l’environnement, des ressources pour dépasser ou contourner ce handicap et ces
limites. Or, parmi les facteurs qui conditionnent cette capacité
de rebondir, l’accent est mis sur une posture subjective, un
changement d’attitude ou « du regard » de la part du sujet vis-àvis de sa situation de handicap. C’est ce qu’exprime, à partir de
sa propre expérience, Patricia Deegan : « Le rétablissement,
c’est une attitude, une façon d’aborder la journée et les difficul-
un apprentissage du vivre avec la maladie, une reconstruction : réinventer sa vie différemment, se réapproprier sa
vie. Elles disent l’espérance : Penser avoir un avenir,
prendre son envol…
Le mot « confiance » revient souvent : reprendre confiance
en soi, avoir la confiance des autres. Et aussi tous les mots
de l’estime de soi : Pouvoir donner à l’autre, donner à son
tour, se sentir capable, se trouver des dons, avoir à nouveau envie de faire des choses, reprendre de l’assurance,
participer à des décisions et des choix, prendre des responsabilités. Exister, par rapport à soi, et au regard des autres.
Il y a enfin le sentiment de retrouver une place dans la
société : se sentir sujet, citoyen à part entière, appartenir à
un groupe, une société, retrouver une place citoyenne et
politique dans la cité.
Pas à pas, nous avançons pour être nous, dit quelqu’un.
Nous remercions Daniel Bestin d’avoir organisé cet échange,
au sein du Comité National InterGEM (CNIGEM).
Retrouvez l’intégralité de ces témoignages sur le site
de la MNASM.
tés qu’on y rencontre. Cela signifie que je sais que j’ai certaines
limites et qu’il y a des choses que je ne peux pas faire. Mais plutôt que de laisser ces limites être une occasion de désespoir,
une raison de laisser tomber, j’ai appris qu’en sachant ce que je
ne peux pas faire, je m’ouvre aussi aux possibilités liées à
toutes les choses que je peux faire. » 1 Autrement dit, cette aptitude à reconnaître non seulement ses incapacités, mais à cette
occasion aussi l’empan de ses capacités, négligées ou méconnues, apparaît comme un des ressorts du rétablissement.
On retrouve cette même exigence de changement de posture,
de redéfinition de soi, au cœur du processus de rétablissement
tel que le définit W. Anthony : « Un processus profondément
personnel et singulier de transformation de ses attitudes, de ses
valeurs, de ses sentiments, de ses buts, de ses compétences et
de ses rôles. C’est une façon de vivre une vie satisfaisante, prometteuse et utile, en dépit des limites causées par la maladie.
1. Deegan P.E. (1998), Recovery: the lived experience of rehabilitation.
Psychosocial Rehabilitation Journal, 11: 11-19.
13
Pluriels n°94-95 Janvier-Février 2012
Le rétablissement implique l’élaboration d’un nouveau sens et professionnels de la santé mentale se sont ralliés à cette persd’un nouveau but à sa vie en même temps que l’on dépasse les pective. Il est très frappant que l’intérêt pour ce type de pratique ait déjà conduit la plupart des pays anglo-saxons
effets catastrophiques de la maladie mentale » 1.
(États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande)
à faire du rétablissement un principe directeur de leur politique
Les conditions et les étapes du rétablissement.
1
Des parcours de rétablissement et des études portant sur les de santé mentale .
récits qui en sont faits – études menées par les auteurs mêmes L’engouement pour cette approche ne doit cependant pas faire
de ces récits ou par des chercheurs recourant à des méthodes perdre de vue les transformations qu’elle requiert dans l’organisaqualitatives –, se dégage une série de facteurs-clés, conditions tion des prises en charge, pour que les pratiques soient véritableau processus de rétablissement ou dimensions principalement ment réorientées vers la promotion et le soutien du
concernées par ce processus. Nous nous limiterons à mention- rétablissement. La priorité n’est plus de contenir la maladie, mais
ner les facteurs les plus souvent retenus : 1) L’espoir, et pour de soutenir un projet en veillant à optimiser le recours aux rescommencer la croyance que le rétablissement est possible ; sources de la personne et à respecter la singularité de sa
2) la restauration du pouvoir d’agir (empowerment) et d’un démarche. En ce sens, ce type de pratique est guidé prioritairesentiment de contrôle sur sa vie, et par suite aussi de responsa- ment par des valeurs 2 (notamment de respect et de promotion de
bilité ; 3) la reconstruction (narrative) d’une identité person- l’autodétermination), plus que par des critères d’efficacité. Ces
valeurs constituent la dimension éthique propre à la démarche de
nelle, d’un sentiment unifié de soi ; 4) la restauration du sens.
Enfin, parmi les facteurs de soutien au processus de rétablisse- rétablissement et impliquent une assez profonde redéfinition des
ment, un des plus régulièrement soulignés concerne l’entraide rapports entre « accompagnants » et « accompagnés ».
Bernard Pachoud, psychiatre.
entre pairs et, de façon générale, la dimension relationnelle.
Enseignant
à
l’Université Paris-Diderot CREA
Si chaque parcours de rétablissement est singulier, il s’avère
(CNRS-École
polytechnique) et CRPMS
néanmoins qu’il partage avec les autres quelques étapes-types
(Université Paris-Diderot)
que plusieurs chercheurs ont tenté de spécifier 2. On retrouve
[email protected]
essentiellement l’idée d’une première phase de « moratoire »
(déni, repli, révolte ou désespoir face à la maladie), puis une
phase de prise de conscience de la possibilité du rétablisse- Rétablissement ou amélioration ?
ment, préalable à une phase de préparation (avec un repérage L’expérience des familles de l’Unafam.
de ses ressources, mais aussi de ses objectifs propres ou de ses
valeurs), avant la phase de reconstruction puis de croissance Une prudence respectueuse
dans lesquelles se développe et se consolide le rétablissement 3. Réhabilitation, restauration, rétablissement, réinsertion, mots
durs, mots difficiles ; « les mots ont peur comme des poules »,
Le tournant éthique des pratiques de soutien au réta- au dire de Verlaine. Les familles de l’Unafam sont très prudentes devant ces termes : elles expriment mieux leur expéblissement.
Développé initialement par des courants militants de per- rience en espérant voir leur proche atteindre un palier
sonnes qui ont fait l’expérience du rétablissement et souhaitent d’amélioration d’un certain « pouvoir être soi », dans un propar solidarité soutenir ceux qui s’engagent à leur tour dans gressif arrangement avec le « vivre avec » des troubles psycette démarche, ce type d’approche a fait rapidement preuve chiques, toujours latents. Les mots sont si dangereux et la
de sa pertinence et de son efficacité, au point que nombre de souffrance si grande.
Le respect des personnes qui souffrent d’abord. Parler à leur
1. Anthony WA (1993), Recovery from mental illness: the guiding vision of the place n’est pas facile. Encore moins devant la diversité si
mental health service system in the 1990s. Psychosocial Rehabilitation Journal, grande des pathologies ; l’incertitude si large des diagnostics
16, 11-23.
(schizophrénies, bipolaires, etc.), recouvrant des formes sans
2. Andresen R, Oades I, Caputi P. The expérience of recovery from schizophrenia: towards an empirically validated stage model. Aust. N Z J Psychiatry 2003 ; doute fort diverses, plus ou moins graves ; l’incertitude si éten37 (5) 586-94. Noiseux S. (2007), Schizophrénie : analyser et comprendre le rétablissement. Santé mentale, 120, 17-24.
3. Favrod J, Scheder D (2004), Se rétablir de la schizophrénie : un modèle d'intervention. Rev. Med. Suisse Romande, 2004 Apr., 124(4) : 205-8 [http://homepage.
hispeed. ch/Jerome_Favrod/retablir. pdf].
Pluriels n°94-95 Janvier-Février 2012
1. Amering, M & Schmolke M. (2009), Recovery in Mental Health. Reshaping
scientific and clinical responsibilities. Wiley-Blackwell.
2. Slade, M (2009), Personal Recovery and Mental Illness. A Guide for Mental
Health Professionals. Cambridge University Press.
14
due aussi de ce qu’il en est advenu, selon la façon dont on les a
traitées, pour reprendre à peu près les mots de Bonnafé 1. Les
personnes sont si fragiles, le social si négligé, les traitements
souvent si frustes, un éléphant dans un magasin de porcelaine,
et les premiers temps de la maladie si cruciaux, si gaspillés.
Le respect ensuite de l’immense variété de la vie, des vies, des
choix de vie. Les personnes qui souffrent de ces troubles, si
semblables à nous dans leurs envies, ne sont pas moins tentées
par la diversité du monde, la richesse des métiers, bien loin de
ce que proposent beaucoup d’ESAT. Mais il a bien fallu renoncer
« à ces continents perdus », enterrer ces envies, se convaincre
qu’on n’est pas assez intelligent pour y accéder. Cela fait moins
mal. Projet d’envies, donc, plutôt que projet de vie. Mais gare à
déterrer inconsidérément ce qu’on a mis tant de souffrance à
enterrer ! Respect, là encore, de la personne, de la particularité
et du « là où elle en est » de son parcours de vie.
Enfin le modèle du handicap psychique vînt…
Complexité du monde, complexité de l’être humain, fragilité de
la personne qui souffre de troubles psychiques. Complexités
donc des facteurs et des acteurs à mettre en œuvre. Pour aider la
personne à « faire son trou » dans la cité, avec sa personnalité, sa
maladie, ses limitations d’activité, il faut non seulement mobiliser
plusieurs métiers, mais aussi mobiliser l’entourage (car la personne est une personne « entourée »), et la partie saine de la personne. Il nous semble à l’Unafam que la notion de handicap
psychique est le facteur nécessaire de liaison entre tous ces
acteurs et qu’il fournit dès lors le cadre incontournable de toute
amélioration, indiquant la place de tous les ingrédients à harmoniser. Le logement, les ressources, par exemple, comme le médecin, le psychologue, l’éducateur, l’entourage…
En effet, la loi de 2005 reconnaissant le handicap psychique a
permis de passer d’une notion de maladie essentiellement
binaire – le malade et son thérapeute – à celle de handicap,
prise en charge multiple par l’ensemble de la société : le maire,
le conseiller général, les services sociaux… en deviennent aussi
les acteurs. L’approche récente de la notion de handicap, la
classification internationale des fonctionnements, des handicaps et de la santé (CIFHS 2), applicable au handicap psychique,
offre dès lors un langage commode permettant de clarifier la
place des divers métiers et compétences requis autour de la
personne et d’éviter que les uns fassent le métier des autres, un
écueil fréquent dans les partenariats.
1. « Nous ne connaissons de la folie que ce qu’il en advient selon la façon dont
on la traite », contribution collective de Saint Alban (1943), cité par L. Bonnafé
dans un entretien paru dans Santé Mentale, 51, (2000).
2. Adoptée par l’OMS en 2001.
Des facteurs environnementaux positifs : le regard non stigmatisant des acteurs sociaux, un accompagnement attentif de la
personne par l’entourage au sens large (familial, scolaire,
social), inclus quelques ressources (permettre des projets) et
un logement indépendant et accompagné ; si des éducateurs
savent mobiliser ses qualités ou sa « partie saine » (facteurs personnels), développer les habiletés sociales, ajuster l’effort à la
tâche, une certaine participation peut alors reprendre,
quelques activités réussir, brisant la série d’échecs. Les petites
réussites et des techniques psychologiques adaptées (remédiation cognitive…) peuvent stimuler à leur tour l’auto-compensation de certains déficits cognitifs, appuyées sur la stratégie
thérapeutique du psychiatre visant une stabilisation de la maladie tout en réduisant autant que possible les effets secondaires
les plus stigmatisants pour les activités. Ainsi, tous ensemble
une qualité de vie acceptable peut être en principe gagnée sur
la maladie : patient au niveau des facteurs personnels, entourage et aidants sociaux au niveau des facteurs environnementaux, éducateurs au niveau des activités et participations,
psychologues au niveau des déficits cognitifs (ou facteurs organiques), psychiatre au niveau de la maladie, tous partenaires,
chacun avec sa compétence et le nécessaire respect de celle de
l’autre.
Un cap, un carburant
Il faut toutefois rappeler que ce processus d’amélioration n’est
pas linéaire : il y a des reculs, des paliers et, pour certaines personnes, à certains moments de leur vie, des limites. Mais l’expérience des permanences que nous avons à l’Unafam nous
montre qu’avant de parler d’amélioration ou d’insertion éventuelle, il y a déjà pour tous une étape préalable à franchir, difficile à négocier, un cap incontournable loin d’être atteint au
sortir de l’hôpital : habiter un logement indépendant de celui
des parents. Être capable de disposer d’un lieu d’intimité personnelle, espace protégé, essentiellement à soi, d’un domicile.
Un territoire qui délimite un dedans à soi et un dehors qu’on
partage avec les autres. Une porte qui permet l’accueil de
l’autre, qui institue un soi par rapport à l’autre. Une certaine
autonomie. Plus encore que pour nous tous, c’est un élément
capital pour rassembler une personnalité éparse.
Cette autonomie ne signifie ni les affres de l’abandon et de la
solitude décrits par certains psychologues, car cela n’empêche
pas des visites régulières à la famille tout comme si la maladie
n’existait pas ; ni d’être pour autant balancé de risque en risque à
tous les vents du ciel, crainte de nombre de familles. Il faut bien
anticiper l’inévitable « après nous ». Le minimum d’habiletés
sociales pour faire à peu près ses courses, se nourrir quelques
jours, entretenir un appartement, bref, habiter un logement est la
15
Pluriels n°94-95 Janvier-Février 2012
première des compétences à acquérir. Ce
n’en est pas pour autant facile : il y faut la
mobilisation de tous, famille, psychiatre, soignants, travailleurs sociaux et dès les premiers moments, car cela prend des années et
ne réussit que si la personne est encore assez
jeune. C’est le plus urgent à entreprendre,
c’est bien souvent le plus négligé !
Les parents, quant à eux, ont un double rôle.
Dans la difficile marche de la personne vers
son autonomie, la chose la plus nécessaire, le
« carburant » de cette progression, c’est la
considération. Tous, nous avons besoin de
considération. C’est peut-être même ce dont
nous avons le plus besoin. Les personnes, les
communautés, les peuples même, dans leurs
luttes pour l’indépendance. Et c’est ce dont
manquent le plus celles et ceux qui souffrent
de psychose. On ne leur reconnaît aucune
place, aucune valeur. Leurs opinions, leurs
jugements, leurs convictions sont disqualifiés
avant même qu’ils les expriment. Or, les
parents sont probablement la principale
source de considération. Se reconnaître de
leur lignée, partager les mêmes racines, être
les héritiers d’une même tradition familiale
rassure, encourage, mobilise. Cela donne du
prix à l’appréciation qu’ils portent, à leur
soutien, à leurs égards.
Par ailleurs, les parents sont le seul appui
pérenne de la personne en situation de handicap psychique, tout le long de sa vie, au
moins tant qu’ils sont là. Malgré la permanence des soins du secteur psychiatrique,
les praticiens, les éducateurs passent, plus
ou moins bons, mais les parents restent.
Considération et pérennité sont donc les
deux apports spécifiques qui font de la
famille le pivot incontournable de toute
amélioration.
Encore faut-il que les parents soient en état
de donner cet appui. Nous avons si souvent
vu des parents désorientés, épuisés, la
famille déchirée, abattue par le manque
d’écoute, de soutien et de formation. Ce
qu’il faut préserver avant tout, c’est cette
capacité des parents à apporter le soutien
qui est le leur, car ceci n’est pas assuré. Si la
famille n’est pas aidée pour survivre, si elle
n’est pas formée et informée, si elle n’est
pas l’objet de l’attention de l’équipe soignante et des associations de famille, elle
peut voir ses chances de faire face anéanties.
Il importe donc de veiller à ne pas l’écarter
du soin, mais à construire avec elle le partenariat qui seul peut donner à la personne en
souffrance la meilleure qualité de vie possible malgré son handicap. Tous les secteurs
de psychiatrie ne le comprennent pas.
Bertrand Escaig, vice-président de
l’Unafam ([email protected])
La lettre
de la
Mission Nationale d'Appui
à la Santé Mentale
Directeur de la publication :
Catherine Isserlis
Rédacteur en chef :
Sabine Rivet
Formation continue MNASM/EHESP
“Politique et gestion en santé mentale”
Ont participé à ce numéro :
Martine Barres, Marie-Claude Barroche,
Daniel Bestin, Bernard Durand,
Bertrand Escaig,
Elisabeth Giraud Baro, Catherine Isserlis,
Bernard Pachoud
les 27, 28 et 29 mars 2012
à Paris
PLURIELS, 5 avenue d'Italie,
Consultez le programme sur
www.mnasm.com/actualites/index/
Pluriels
Inscription auprès de Marie-Ange Le Bras
[email protected]
75013 Paris
Téléphone 01.53.94.56.90
Télécopie 01.53.94.56.99
E-mail : [email protected]
sur internet
Vous pouvez trouver
tous les numéros de Pluriels
sur le site :
www.mnasm.com