saint marc évangéliste

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saint marc évangéliste
LE 25 AVRIL
SAINT MARC ÉVANGÉLISTE
Le Lion évangélique
qui assiste devant le
trône de Dieu, avec
l'Homme, le Taureau et
l'Aigle,
se
montre
aujourd'hui sur le Cycle.
Ce jour a vu Marc
s'élancer de la terre au
ciel, le front ceint de la
triple
auréole
de
l'Évangéliste, de l'Apôtre
et du Martyr. De même
que les quatre grands
Prophètes,
Isaïe.
Jérémie,
Ézéchiel
et
Daniel, résument en eux
la prédiction en Israël;
ainsi Dieu voulait que la
nouvelle Alliance reposât
sur
quatre
textes
augustes,
destinés
à
révéler au monde la vie et
la doctrine de son Fils
incarné.
Les
quatre
Évangiles, nous disent les
anciens Pères, sont les
quatre
fleuves
qui
arrosaient le jardin des délices, et ce jardin était la figure de l'Église à
venir. Le premier des quatre oracles de la nouvelle Alliance est Matthieu,
qui avant tout autre initia les hommes à la vie et à la doctrine de Jésus:
nous verrons poindre son astre en septembre; le second est Marc, qui
nous illumine aujourd'hui; le troisième est Luc, dont nous attendrons le
lever jusqu'en octobre; le quatrième est Jean, que nous avons connu
près de la crèche de l'Emmanuel en Bethléem. Arrêtons-nous à
contempler les grandeurs du second.
Marc est le disciple chéri de Pierre, le brillant satellite du Soleil de
l'Église. Son Évangile a été écrit à Rome, sous les yeux du Prince des
Apôtres. Le récit de Matthieu avait déjà cours dans l'Église; mais les
fidèles de Rome désiraient y joindre la narration personnelle de leur
Apôtre. Pierre ne consent pas à écrire lui-même; il engage son disciple
à prendre la plume, et l'Esprit-Saint conduit la main du nouvel
Évangéliste. Marc s'attache à la narration de Matthieu; il l'abrège, mais
en même temps il la complète. Un mot, un trait de développement,
viennent attester à chaque page que Pierre, témoin et auditeur de tout,
a suivi de près le travail de son disciple. Mais le nouvel Évangéliste
passera-t-il sous silence ou cherchera-t-il à atténuer la faute de son
maître? Loin de là; l'Évangile de Marc sera plus dur que celui de Matthieu
dans le récit du reniement de Pierre. On sent que les larmes amères
provoquées par le regard de Jésus dans la maison de Caïphe, n'ont pas
encore cessé de couler. Le travail de Marc étant terminé, Pierre le
reconnut et l'approuva, les Églises accueillirent avec transportée second
récit des mystères du salut du monde, et le nom de Marc devint célèbre
par toute la terre.
Matthieu, qui ouvre son Évangile par la généalogie humaine du
Fils de Dieu, avait réalisé le type céleste de l'Homme; Marc remplit celui
du Lion; car il débute par le récit de la prédication de Jean-Baptiste,
rappelant que le rôle de ce Précurseur du Messie avait été annoncé par
Isaïe, quand il avait parlé de la Voix de celui qui crie dans le désert; voix
du lion qui ébranle les solitudes par ses rugissements.
La carrière d'Apôtre
s'ouvrit devant Marc lorsqu'il
eut écrit son Évangile. Pierre
le
dirigea
d'abord
sur
Aquilée, où il fonda une
insigne Église; mais c'était
trop peu pour un Évangéliste.
Le moment était venu où
l'Égypte, la mère de toutes
les erreurs, devait recevoir la
vérité, où la superbe et
tumultueuse Alexandrie allait
voir s'élever dans ses murs la
seconde
Église
de
la
chrétienté, le second siège
de Pierre. Marc fut destiné
par son maître à ce grand
œuvre. Par sa prédication, la
doctrine du salut germa,
fleurit et produisit le bon
grain sur cette terre la plus
infidèle
de
toutes;
et
l'autorité de Pierre se dessina
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dès lors, quoique à des degrés différents, dans les trois grandes cités de
l'Empire: Rome, Alexandrie et Antioche.
Sous l'inspiration de Marc, la vie monastique préluda à ses saintes
destinées, dans Alexandrie même, par l'institution chrétienne des
Thérapeutes. L'intelligence de la vérité révélée prépara de bonne heure,
dans ce grand centre des études humaines, les éléments de la brillante
école chrétienne qui commença d'y fleurir dès le second siècle. Tels
furent les effets de l'influence du disciple de Pierre dans la seconde
Église du monde.
Mais la gloire de Marc fût restée incomplète, si l'auréole du
martyre ne fût pas venue la couronner. Les succès de la prédication du
saint Évangéliste ameutèrent contre lui les fureurs de l'antique
superstition égyptienne. Dans une fête de Sérapis, Marc fut maltraité
par les idolâtres, et on le jeta dans un cachot. Ce fut là que le Seigneur
ressuscité, dont il avait raconté la vie et les œuvres divines, lui apparut
la nuit, et lui dit ces paroles célèbres qui sont la devise de l'antique
république de Venise: « Paix soit avec toi, Marc, mon Évangéliste! » A
quoi le disciple ému répondit: « Seigneur! » Sa joie et son amour ne
trouvèrent pas d'autres paroles. Ainsi Madeleine, au matin de Pâques,
avait gardé le silence après ce cri du cœur: « Cher Maître! » Le
lendemain, Marc fut immolé par les païens; mais il avait rempli sa
mission sur la terre, et le ciel s'ouvrait au Lion, qui allait occuper au pied
du trône de l'Ancien des jours la place d'honneur où le Prophète de
Pathmos le contempla dans sublime vision.
Au IXe siècle, l'Église d'Occident s'enrichit de la dépouille mortelle
de Marc. Ses restes sacrés fuient transportés à Venise, et sous les
auspices du Lion évangélique commencèrent pour cette ville les
glorieuses destinées qui ont duré mille ans. La foi en un si grand patron
opéra des merveilles dans ces îlots et ces lagunes d'où s'éleva bientôt
une cite aussi puissante que magnifique. L'art byzantin construisit
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l'imposante et somptueuse Église qui fut le palladium de la reine des
mers, et la nouvelle république frappa ses monnaies à l'effigie du Lion
de saint Marc: heureuse si, plus filiale envers Rome et plus sévère dans
ses mœurs, elle n'eût jamais néré de sa gravité antique, ni de la foi de
ses plus beaux siècles!
Dom Guéranger, Année liturgique.
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