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Les Notes de l’IDéT
Bâtir l’intelligence territoriale
Institut du Développement Territorial
Note n° 8 – 10 février 2016
* S’ouvrir aux mondes de demain, depuis 1871.
Dynamiques Territoriales
Le petit commerce est mort, vive le
commerce de proximité !
Sébastien BOURDIN, Professeur à l’EM Normandie
« Nos centres villes se meurent »
Les maires des communes rurales s’inquiètent des fermetures successives des commerces de
proximité et s’interrogent sur les solutions pour revitaliser leur centre-bourg. Le taux de vacance
des locaux commerciaux ne cesse de progresser (5,4 % en 2000 - 8,5 % en 2015). Mais toutes
les villes ne sont pas logées à la même enseigne ! Les petites villes sont plus touchées. Le
« petit commerce » est considéré dans ces dernières comme faiseur de lien social et animateur
du cœur de la commune. L’enjeu est donc primordial. Dans les centres des grandes villes, les
commerçants se plaignent d’une fréquentation insuffisante et d’une concurrence directe des
grands centres commerciaux situés en périphérie. Même les grandes enseignes ne sont pas
épargnées, en témoigne la faillite de Virgin Megastore en 2013. Le petit commerce est-il mort ?
« Ils sont partout »
Pas tout à fait ! Depuis cinq ans, on assiste à l’arrivée des grands distributeurs en centre-ville.
Alors qu’en périphérie se joue la guerre du gigantisme avec des surfaces commerciales toujours
plus conséquentes, une bataille du petit commerce se déroule aujourd’hui dans nos centres
villes. C’est ainsi que des Carrefour Market, Carrefour City (en ville) ou Contact (en milieu rural),
U Express ou Marché U fleurissent au pied des immeubles en centre-ville depuis le milieu des
années 2000. Les supérettes d’autrefois deviennent des grands distributeurs de proximité. Rien
n’y change puisqu’elles sont ouvertes sept jours sur sept et ont une amplitude horaire
d’ouverture importante (en général 08h/21h). On y vient pour se restaurer le midi (grande
disponibilité de sandwichs et autre solutions « rapides ») et faire des achats « de dépannage »
le soir en sortant du travail. Cette nouvelle bataille entre les grandes enseignes pour gagner
des parts de marché en centre-ville a le mérite d’être au bénéfice du consommateur. Alors que
le consommateur se plaignait autrefois des prix excessifs des supérettes, il peut se réjouir
désormais de la concurrence entre les grandes enseignes qui sont obligées de proposer des
prix attractifs.
« Les gens ne veulent plus sortir de chez eux »
Un autre problème de plus en plus prégnant est celui de la dualité entre distribution « réelle »
(achat dans le commerce) et distribution « virtuelle » (achat en ligne). Alors que les magasins
traditionnels peinent à améliorer leur fréquentation de manière très significative, le e-commerce
a fait un bon de 20 % entre 2014 et 2015 ! Un exemple parlant est celui des vendeurs de
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chaussures dont les magasins deviennent des lieux d’essayage pour les cyberacheteurs. Les
petites librairies du centre-ville ne sont pas non plus épargnées avec la concurrence des sites
de vente en ligne comme Amazon. Pour pallier cette nouvelle difficulté, les commerces de
proximité doivent concevoir cette dualité comme une complémentarité. Les petits commerçants
doivent devenir aussi des cybervendeurs comme le font certains libraires avec la plateforme
« place des libraires ». Le numérique, c’est ce à quoi l’agence de développement du commerce
à Bruxelles (ATRIUM) incite les commerçants… et ça marche ! D’autres commerçants tirent
parti du e-commerce. Ils deviennent des points relais dans lesquels on vient retirer son colis
acheté en ligne, bénéficiant ainsi d’une fréquentation supplémentaire. Et pour faire concurrence
au développement du Drive par les grandes surfaces, certains commerçants s’organisent. Leur
contre-attaque consiste à créer un « drive urbain » comme à Villefranche ou encore à Sceaux,
où un site marchand regroupe les boutiques du centre-ville.
« Et la qualité dans tout ça ? »
Le commerce de proximité c’est aussi le commerce non-sédentaire : le fameux marché
dominical. 6000 de nos 35 000 communes possèdent leur marché dit « forain ». Soixante
pourcent des ventes qui y sont réalisées concernent l’achat de produits alimentaires. On vient
y chercher des prix bas, de l’authenticité… et des relations sociales. Loin des fruits et légumes
« formatés » des grands distributeurs, on y retrouve des produits frais et de qualité.
Le commerce de proximité peut être nomade. C’est l’idée même des camions ambulants. Et
cette activité est en plein essor puisque l’on ne compte pas moins de 300 camions-cantines en
France en 2015 alors qu’ils étaient une petite centaine en 2012. Ça roule pour les « food
trucks » ! Les « sans cuisine fixe » proposent des produits cuisinés à forte valeur ajoutée et
sont très rentables… à condition d’être bien localisés. C’est d’ailleurs pour cette dernière raison
que Franprix ou encore Monoprix se lancent sur ce marché ! Les grandes enseignes veulent
décidément être partout…
« Mais que fait l’État ? »
C’est dans ce contexte que la loi « Artisanat, commerce et TPE » a été adoptée le 18 février
2014. Elle vise à simplifier les régimes de l’entreprise individuelle et des baux commerciaux,
dynamiser les commerces de proximité, renforcer la diversité commerciale et valoriser le savoirfaire des artisans. Elle simplifie et accélère les procédures d’autorisation d’implantation
commerciale. Deux ans après, il est encore difficile de voir les effets réels de la législation. Une
chose est sûre, plus que jamais, les Français sont attachés à l’économie de proximité.
« Et maintenant, on fait quoi ? »
L’évolution des genres et des modes de vie au cours de ces cinquante dernières années a
modifié la relation que les habitants entretiennent avec les commerçants. L’étalement urbain a
favorisé une redistribution des fonctions urbaines et un desserrement des activités
économiques et de l’habitat. La motorisation a accentué les mobilités et l’organisation spatiale
de la ville et des pratiques urbaines ont changé. La ville du piéton a mué en une ville de la
voiture. L’enjeu aujourd’hui pour les petits commerces est de s’appuyer sur ces dynamiques
pour repenser leurs business models et inventer le commerce de demain.
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