Système de services intégrés pour patients diabétiques type 2 du
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Système de services intégrés pour patients diabétiques type 2 du
Système de services intégrés pour patients diabétiques type 2 du Territoire de Côte-des-Neiges : Analyse des effets Décembre 2003 André-Pierre Contandriopoulos, Ph.D. Charo Rodríguez, M.D., Ph.D. Danielle Larouche, M.Sc. Louise Nasmith, M.D., M.Ed. Vania Jimenez, M.D. Robert Marchand, M.D., M.Sc. Brigitte Côté, M.D., M.Sc., F.R.C.P. Lise Philibert, M.Sc. Tricia Bourdages, M.Sc. Tereza Maria Ferreira, M.Sc. Partenaires décideurs : Jacques Lorion Financement fourni par : La Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé (FCRSS) Le Fonds de recherche en santé du Québec (FRSQ) Le CLSC Côte-des-Neiges (CLSC CDN) Le Département de médecine familiale de l’Université McGill Le GRIS et le Département d’administration de la santé de l’Université de Montréal Chercheur principal : André-Pierre Contandriopoulos, Ph.D. Professeur Département d'administration de la santé (DASUM) Université de Montréal Boîte Postal 6128 CENTREVILLE Montréal (Québec) H3C 3J7 Téléphone : (514) 343-6171 Télécopieur : (514) 343-6181 Courriel : [email protected] Ce document est disponible sur le site Web de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé (www.fcrss.ca). Pour obtenir de plus amples renseignements sur la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé, communiquez avec la Fondation : 1565, avenue Carling, bureau 700 Ottawa (Ontario) K1Z 8R1 Courriel : [email protected] Téléphone : (613) 728-2238 Télécopieur : (613) 728-3527 This document is available on the Canadian Health Services Research Foundation web site (www.chrsf.ca). For more information on the Canadian Health Services Research Foundation, contact the foundation at: 1565 Carling Avenue, Suite 700 Ottawa, Ontario K1Z 8R1 E-mail: [email protected] Telephone: (613) 728-2238 Fax: (613) 728-3527 Table des matières Principales implications pour les décideurs............................................................. i Sommaire ................................................................................................................ ii Le contexte...............................................................................................................1 Les implications pour les décideurs.........................................................................3 L’approche ...............................................................................................................4 Le cadre d’analyse et les hypothèses ...........................................................4 Le devis d’étude ...........................................................................................7 Les données..............................................................................................................8 Les fichiers administratifs............................................................................8 Les entrevues................................................................................................8 Les résultats .............................................................................................................9 Les patients ..................................................................................................9 Caractéristiques générales des patients à l’étude .................................9 Description des patients interviewés ...................................................10 Appréciation des effets du programme par les patients.......................11 Les médecins de famille .............................................................................13 Les infirmières ...........................................................................................15 Interprétation des résultats ........................................................................18 Ressources additionnelles ......................................................................................23 Recherche plus approfondie...................................................................................23 Références ..............................................................................................................24 Principales implications pour les décideurs • Il est possible d’améliorer le contrôle du diabète de type 2 par une intervention intégrée. La très grande majorité des personnes qui ont un diabète de type 2 (même si elles sont économiquement et socialement défavorisées) peuvent contrôler leur maladie quand elles ont accès à un programme individualisé d’éducation, de services de base (diète, soins des pieds, glucomètre) et des services médicaux offerts par une équipe multidisciplinaire intégrée. • Autant il est facile d’accroître le volume et l’éventail des services offerts, autant il est difficile de créer les conditions nécessaires au développement d’une véritable coopération entre des professionnels différents travaillant dans des contextes différents. La coopération demande plus que de la bonne volonté, il faut qu’elle soit encouragée par un système d’incitations cohérent avec ce qu’elle exige. Concrètement, il faudrait que la rémunération des professionnels concernés tienne compte du temps consacré à la coopération, il faudrait que les activités effectuées dans d’autres organisations que la leur soient reconnues et valorisées et il faudrait développer des systèmes d’information qui soient véritablement utiles et utilisables pour tous les membres de l’équipe. • La réussite du programme repose sur la participation et la formation des personnes diabétiques. Le plan individualisé de service, élaboré conjointement par l’équipe multidisciplinaire du projet et chaque participant, est l’élément central de l’intervention. • Il faudrait repenser le concept de projet pilote. Le fait de mettre en œuvre une intervention nouvelle, à l’occasion d’un financement de courte durée, limite considérablement la propension des professionnels à s’engager dans des activités qui modifient leur façon de pratiquer et qui risque de les laisser, eux-mêmes et leurs patients, dans une situation difficile au terme du projet. Ils pourraient même hésiter ultérieurement à accepter de participer à de nouvelles initiatives. i Sommaire Le contexte Le projet dont nous rapportons ici les résultats vise à évaluer les effets d’un système intégré de prise en charge des patients diabétiques de type 2 (SIDi), un an après sa mise en œuvre dans le territoire du CLSC Côte-des-Neiges (CLSC CDN), à Montréal. Le modèle de services intégrés évalué part de l’idée que les services pour les patients diabétiques doivent être sous la responsabilité d’une équipe intégrée constituée des médecins de famille, des patients et de l’équipe multidisciplinaire. L’équipe multidisciplinaire est réunie autour d’une infirmièrecontact, qui assure les liens entre le médecin de famille, l’équipe, la personne diabétique et son entourage. Les implications pour les décideurs L’étude montre qu’il est possible d’améliorer le contrôle du diabète modéré ou sévère de type 2 en mettant en place des programmes intégrés qui capitalisent sur l’éducation des patients, rendent accessibles des services de base et rapprochent l’expertise des médecins de famille et celle des infirmières. Le plan individualisé de services constitue l’élément central de l’intervention. Il permet de coordonner les activités des membres de l’équipe et donne au patient un guide pour adopter les comportements nécessaires au contrôle de son diabète. Plus il se traduit en actions concrètes, plus il entraîne des changements de comportements. La principale difficulté dans la mise en place d’un programme intégré pour le diabète est de développer une véritable coopération entre les médecins de famille et les autres professionnels. La participation active des médecins pourrait être encouragée par la rémunération du temps consacré à ces activités, le rapprochement physique de l’équipe multidisciplinaire et des médecins de famille ainsi que l’assurance de la pérennité du projet, si les résultats sont satisfaisants. Pour être durable, l’intégration des soins demande que se constitue un système explicite de gouverne, c’est-à-dire que la coordination des activités soit encouragée par des incitations financières adéquates, par un apprentissage du travail en équipe et par l’accès aux informations nécessaires pour la coordination des fonctions de chaque membre de l’équipe. ii L’approche Il s’agit d’une étude de cas unique avec des niveaux d’analyse imbriqués. Cette approche vise à vérifier si l’ensemble des résultats attendus est observé, autrement dit si la théorie de l’intervention résiste à l’épreuve des faits et si les différents acteurs concernés s’entendent sur les effets du programme. Plusieurs sources de données ont été utilisées : 1) les fichiers administratifs de SIDi (dossier patient, éducation, médication, suivi médical); 2) des entrevues auprès de patients participant au projet; 3) des entrevues auprès de médecins de famille participant au projet; 4) des entrevues auprès des infirmières participant au projet. Les résultats Après un an d’implantation du SIDi, aussi bien les patients que les médecins estiment que le programme a permis un meilleur contrôle du diabète. Les patients ont de meilleures connaissances sur la maladie et son traitement, et estiment que c’est grâce au programme qu’ils ont modifié leurs habitudes de vie. L’élément central du programme est sans aucun doute l’éducation des patients par les infirmières. Les retombées positives de cette approche ont été appréciées autant par les patients que par les médecins traitants. L’adoption par les infirmières d’un modèle de changement de comportement par étape a permis, non seulement d’adapter les services aux besoins spécifiques et particuliers de chaque patient, mais aussi aux infirmières de jouer un nouveau rôle au sein d’une équipe multidisciplinaire. L’absence d’accord sur la philosophie de l’intervention a rendu difficile une véritable coopération entre les médecins de famille et les infirmières. Les médecins se voyaient comme les responsables de l’ensemble des soins dont ils déléguaient l’exécution à l’équipe multidisciplinaire, alors que les membres de l’équipe multidisciplinaire, en particulier les infirmières, se concevaient comme le pivot du programme. Le projet SIDi a permis de mettre en place et de mobiliser une équipe multidisciplinaire autour de l’infirmière. Les médecins, qui sont restés à l’extérieur de cette équipe, ont cependant rapidement reconnu l’importance des services donnés par l’équipe multidisciplinaire, et ils ont particulièrement apprécié le rôle joué par l’infirmière dans la définition du plan individualisé de iii services et dans le suivi des patients. Le projet a aussi permis de montrer qu’il est possible de faire travailler ensemble des professionnels d’organisations différentes autour d’une problématique particulière. L’amélioration de l’accès aux services de deuxième et troisième lignes a aussi contribué à renforcer l’intérêt du projet pour les médecins de famille. Pour les membres de l’équipe multidisciplinaire et en particulier pour les infirmières, le projet SIDi a permis une valorisation de leur rôle auprès d’une clientèle souffrant d’une maladie chronique. Le plan individualisé de services est au centre de la transformation des pratiques des infirmières. Il est simultanément un outil permettant de coordonner le recours aux services de l’équipe multidisciplinaire et un outil concrétisant la démarche éducative menée par l’infirmière. Les médecins participants ont préféré continuer à travailler avec leurs dossiers papier et communiquer par téléphone ou télécopieur, malgré la mise en place d’un réseau informatique. Recherche plus approfondie Trois éléments caractérisent notre recherche. • La durée et le moment de notre évaluation ne permettent pas d’apprécier les effets à long terme du programme; • notre appréciation des effets du programme, qui repose sur les perceptions des participants, bénéficierait d’une validation par des mesures objectives, notamment quant au contrôle du diabète • l’ajout de services qui a accompagné les initiatives d’intégration des services ne nous a pas permis de distinguer les effets propres des deux éléments de l’intervention. iv Le contexte Le projet dont nous rapportons ici les résultats vise à évaluer les effets d’un système intégré de prise en charge des patients diabétiques de type 2 (SIDi), un an après sa mise en œuvre dans le territoire du CLSC Côte-des-Neiges (CLSC CDN), à Montréal. L’élaboration, la mise en œuvre et l’analyse de l’implantation du programme SIDi, soutenues par le Fonds pour l’adaptation des services de santé (FASS), ont déjà fait l’objet d’un rapport déposé auprès de l’organisme (Nasmith et al., 2001). Le modèle de services intégrés retenu par l’équipe du CLSC CDN (Figure 1) part de l’idée que les services pour les patients diabétiques doivent être sous la responsabilité d’une équipe intégrée constituée des médecins de famille concernés, quel que soit le milieu où ils pratiquent (CLSC, cabinet privé, unité de médecine familiale), et de l’équipe multidisciplinaire du CLSC CDN. Figure 1 : Le système intégré de prise en charge du diabète ° Partenaires (pharmaciens, org. communautaires) Patient diabétique et Patient son diabétique et entourage son entourage Équipe multidisciplinaire Médecin de famille Infirmière-contact Nutritionniste Travailleuse sociale RN soin des pieds Spécialistes (ophtalmo, endocrino) TERRITOIRE DU CLSC CÔTE-DES-NEIGES 1 Hôpital, clinique pour diabète L’équipe multidisciplinaire du CLSC réunit autour d’une infirmière-contact, une diététiste, une infirmière en soins des pieds, une travailleuse sociale, une psychologue, un éducateur physique et une organisatrice communautaire. L’infirmière-contact assure, au cours du temps, les liens entre le médecin de famille, l’équipe multidisciplinaire, la personne diabétique et son entourage. Elle est en particulier responsable de l’évaluation du patient, de l’élaboration avec lui, à partir du modèle théorique de changement de comportement par étapes (Prochaska & DiClemente, 1982; Prochaska, 1994; Edwards et al., 1999), d’un plan individualisé de services et de la coordination des services offerts par l’équipe SIDi. Le modèle comprend plusieurs autres composantes • des activités d’éducation et la distribution d’un glucomètre et d’un journal de bord à chaque patient pour l’aider à accroître sa capacité à vivre avec sa maladie (empowerment), et à favoriser l’adoption d’habitudes de vie plus salutaires; • des médecins-ressources qui veillent à ce que les normes de bonne pratique médicale pour le diabète soient connues des médecins de famille et qui facilitent l’accès aux services de deuxième ligne; • une plate-forme informatique unique de communication entre les cliniques participantes et l’équipe multidisciplinaire du CLSC pour favoriser la coordination des soins et l’accès aux informations cliniques; • des activités d’éducation médicale continue : un CD-ROM contenant les lignes directrices de l’Association canadienne du diabète est remis aux médecins participants qui sont invités à des conférences scientifiques traitant de cette maladie ainsi qu’un outil d’auto-évaluation (audit), assorti de crédits de formation continue; • un inventaire des ressources communautaires existant sur le territoire pour les patients diabétiques est remis aux patients et aux médecins participant à l’étude. Cette étude tente d’apprécier les effets du programme tant sur le degré d’intégration des soins aux patients que sur le contrôle de leur diabète par les patients. L’analyse se centre sur l’influence de l’intervention sur : 1) les connaissances, les attitudes et les comportements des patients diabétiques du programme à l’égard de leur maladie; 2) leur satisfaction et leur opinion 2 sur la qualité des soins reçus; 3) les pratiques ainsi que les opinions des médecins de famille et des infirmières impliqués dans le programme. Les implications pour les décideurs • L’étude montre qu’il est possible d’améliorer le contrôle du diabète modéré ou sévère de type 2, pour au moins les trois quarts des personnes affectées, en mettant en place des programmes intégrés qui capitalisent sur l’éducation des patients, qui rendent accessibles des services de base (diète, soins des pieds, glucomètre) et rapprochent l’expertise des médecins de famille et celle des infirmières. • L’élaboration pour chaque patient d’un plan de services qui tient compte de son degré d’acceptation de la maladie, de la sévérité de son diabète, de ses représentations et de son environnement social et familial, constitue l’élément central de l’intervention. • Le plan individualisé de services constitue l’outil qui permet de coordonner les activités de tous les membres de l’équipe et donne à chaque patient un guide pour adopter les comportements nécessaires au contrôle de son diabète. Plus le plan de services se traduit en actions concrètes, plus il entraîne des changements de comportement. • La principale difficulté dans la mise en place d’un programme intégré pour le diabète est de développer une véritable coopération entre les médecins de famille et les autres professionnels. • La participation active des médecins pourrait être encouragée par : ° L’élimination du problème des incitations économiques dû au paiement à l’acte, afin de favoriser le travail en équipe. Au Québec, l’utilisation de paiement forfaitaire ou la rémunération mixte pourraient encourager les médecins de famille à participer à des programmes intégrés de soins en rémunérant le temps consacré à ces activités. ° Le rapprochement physique de l’équipe multidisciplinaire et des médecins de famille. Il serait souhaitable que les services de l’équipe multidisciplinaire soient dispensés dans les cabinets privés des médecins lors des visites de routine des patients. Cela faciliterait les échanges entre les médecins et les autres professionnels. Cela entraînerait, en outre, des gains substantiels de temps et d’énergie pour les patients. ° Le maintien du programme en cas de réussite. Il faudrait donner aux médecins le temps de constater les effets bénéfiques de l’intervention sur leurs patients et garantir 3 à tous les professionnels que l’intervention mise en place est là pour durer si elle donne des résultats satisfaisants. • Pour être durable, l’intégration des soins demande que se constitue un système explicite de gouverne, c’est-à-dire que la coordination des activités soit encouragée par des incitations financières adéquates, par un apprentissage du travail en équipe et par l’accès aux informations nécessaires pour la coordination des fonctions de chaque membre de l’équipe. L’élaboration des systèmes d’information favorables au travail en équipe devrait découler d’une réflexion collective sur les besoins d’information et de coordination et non pas être imposée. L’approche Le cadre d’analyse et les hypothèses La progression rapide des maladies chroniques, particulièrement dans les pays occidentaux, est un des facteurs importants qui forcent le changement dans l’organisation des systèmes d’offre de soins (Contandriopoulos, 2000) et dans la pratique clinique des professionnels de la santé, tout particulièrement des médecins. Pour mettre fin à la fragmentation des soins, il est nécessaire que se développent des pratiques coopératives. L’intégration des services de santé, qui en est la conséquence, constitue un des principaux thèmes abordés par la littérature sur l’organisation et la gestion des services de santé à l’heure actuelle (Provan & Milward, 1995; Shortell et al., 1996; Rodriguez, 2000; Contandriopoulos et al., 2000). L’intégration des soins serait à la base de l’amélioration de la qualité de vie et de la santé des patients, ainsi que de l’accroissement et de l’efficience du système de soins. Toutefois, force nous est de reconnaître que, même si la littérature sur l’intégration dans le secteur de la santé est abondante, le nombre de travaux sur l’évaluation des résultats des expériences d’intégration est encore limité (Leatt et al., 2000; Lamarche et al., 2003) et que la performance de tels systèmes se trouve même quelquefois remise en question (Walston et al., 1996; Friedman & Goes, 2001). 4 Ceci dit, la Commission Clair (CESSSS, 2000) a vu dans l’intégration des soins la solution aux problèmes de la première ligne au Québec et, en particulier, une façon de prendre en charge de façon efficiente les patients atteints de maladies chroniques ou les patients âgés en perte d’autonomie. La Commission reprend les arguments d’auteurs tels que Davies (1999), Leggat et Walsh (2000) et Béland et al. (2001), qui montrent que l’intégration est d’autant plus utile que les patients ont besoin de plusieurs types de services pendant de longues périodes de temps. Le diabète est souvent cité en exemple comme étant une maladie où le partenariat entre le patient et les professionnels soignants est indispensable (Macpherson & Prince, 1997). Plus les patients diabétiques peuvent compter sur une équipe intégrée, composée d’intervenants concernés par cette problématique, plus les chances de contrôler leur diabète augmentent (Meltzer et al., 1998). Les principales caractéristiques du programme SIDi peuvent se décrire en fonction des grandes dimensions du processus d’intégration : l’intégration des soins, l’intégration de l’équipe clinique, l’intégration fonctionnelle et l’intégration normative (Contandriopoulos et al., 2001; Shortell, 1993; Champagne, 2001). Ce processus vise essentiellement à améliorer la globalité et la continuité des soins (Haggerty, 2002). L’intégration fonctionnelle vise à articuler de façon cohérente les systèmes de financement, d’information et les modalités de gestion, de façon à : 1) favoriser des décisions (répartition des tâches et des responsabilités) cohérentes avec le projet clinique; 2) obtenir et distribuer les ressources financières nécessaires au bon fonctionnement du projet; 3) mettre sur pied un système d’information et l’utiliser pour suivre et orienter le déroulement du projet. La capacité du programme à atteindre ses buts repose sur la cohérence qui, au cours du temps, existe entre les différentes dimensions de l’intégration. Les liens entre les caractéristiques du programme et les effets attendus sont schématisés à la Figure 2, qui résume en quelque sorte la théorie du programme SIDi et permet de visualiser le réseau d’hypothèses sur lesquelles repose l’obtention des résultats ultimes de l’intervention. Notre évaluation des effets vise à confirmer la validité du réseau d’hypothèses, en postulant que si elles sont vérifiées, le programme aura eu les effets attendus. 5 Figure 2 – Théorie du programme SIDi et hypothèses sur les effets INTÉGRATION NORMATIVE Approche de disease management Participation des patients (empowerment) Approche populationnelle Compréhension mutuelle Confiance Disposition à la coopération (H1) INTÉGRATION FONCTIONNELLE •Budget FASS •Personnel dédié •Coordonnatrice de Projet •Système de suivi du projet •Communication et coordination •Flow sheet INTÉGRATION DES SOINS •Évaluation et plan individualisé de services •Adoption de normes de pratiques •Glucomètre et journal de bord •Accès 2e et 3e lignes •Guide des ressources du territoire Gestion : -financière -humaine -de la qualité Qualité continuité globalité des soins (H3, H4, H5) Connaissances des patients (H6) Attitudes des patients (H7) Modifications styles de vie (H8) CONTRÔLE DU DIABÈTE (H9) QUALITÉ DE VIE DES PATIENTS (H10) SATISFACTION (H11, H12) INTÉGRATION DE L’ÉQUIPE CLINIQUE •Équipe multidisciplinaire •Intégration des médecins •Médecins-ressources •Infirmières-contact •Éducation des patients •Formation continue des médecins Coordination Ajustement mutuel Définition des tâches (H2) Hypothèses de l’évaluation des effets L’intervention contribue à : H1 Accroître la confiance et la compréhension mutuelle entre les membres de l’équipe H2 Améliorer la coordination des tâches H3 Améliorer la globalité et la continuité de la prise en charge des patients selon la perception des professionnels (médecins et infirmières) H4 Améliorer la qualité des soins selon la perception des patients H5 Améliorer la qualité des soins selon la perception des professionnels (médecins et infirmières) H6 Améliorer les connaissances des patients sur leur maladie 6 H7 Améliorer les attitudes des patients envers leur maladie H8 Faire adopter des styles de vie plus salutaires par les patients H9 Assurer un meilleur contrôle du diabète H10 Améliorer la qualité de vie des patient H11 Accroître la satisfaction des patients H12 Accroître la satisfaction des professionnels (médecins et infirmières) Le devis d’étude L’intervention que constitue le projet SIDi s’est développée au fur et à mesure de son implantation et au fil des discussions et des négociations entre les différents acteurs concernés. Le plan d’étude initialement envisagé, qui prévoyait un devis quasi expérimental (post-test avec groupe contrôle non équivalent), où les patients suivis par le programme SIDi auraient été comparés aux patients éligibles au programme mais en attente, n’a pu être utilisé. Le programme SIDi a en effet été modifié en cours de route pour offrir des services intégrés à tous les patients diabétiques référés au programme par les médecins du territoire. Au lieu d’une entrevue individuelle avec chaque nouveau patient, des entrevues de groupe ont été organisées pour établir les plans individualisés de services et éliminer les listes d’attente. Si ce type de changement est courant dans les programmes d’intervention clinique qui visent avant tout à donner aux patients les meilleurs soins possible avec les ressources disponibles, il oblige l’évaluateur à adapter son approche évaluative à la réalité évolutive de l’intervention. En conséquence, une approche synthétique (Contandriopoulos et al., 1990) a été choisie. Le devis retenu correspond à une étude de cas unique avec des niveaux d’analyse imbriqués (Yin, 1994). Cette approche plus qualitative vise à vérifier si l’ensemble des résultats attendus est observé, autrement dit, si la théorie de l’intervention résiste à l’épreuve des faits et si les différents acteurs concernés par le projet SIDi, les patients, les médecins et les infirmières s’entendent sur les effets du programme. La validité des résultats dépend ainsi moins des caractéristiques méthodologiques du devis, comme c’est le cas pour les approches expérimentales, que de la cohérence théorique des résultats obtenus et de la convergence des résultats entre les différents groupes d’acteurs impliqués (Brinberg & McGrath, 1985; Yin, 1994). 7 Les données Les fichiers administratifs Les données disponibles grâce au système d’information du projet ont été organisées en quatre fichiers : • Le dossier patient, qui contient les informations obtenues lors de la première rencontre d’évaluation du patient (date d’inscription, âge, sexe, pays d’origine, langue, co-morbidité, etc.); • Le fichier éducation, qui comptabilise les rencontres d’éducation avec les personnes-ressources (date, type, sujet, etc.); • Le fichier médication, qui contient des informations sur les médicaments consommés (date de la prescription, dose, posologie, etc.); • Le dossier de suivi médical (flow sheet) qui contient les données cliniques (taille, poids, IMC, tension, glycémie, hémoglobine glyquée, etc.). Le contenu détaillé de ces fichiers est présenté à l’Annexe A. Les entrevues Trois instruments de collecte des données ont été élaborés pour évaluer les effets du programme : un questionnaire pour les patients et deux grilles d’entrevue, une pour les médecins et une pour les infirmières. • Le questionnaire aux patients (Annexe B) : Le questionnaire élaboré spécifiquement pour cette recherche est conçu pour une entrevue en personne, menée par un intervieweur. Les questions portent sur les connaissances, les comportements et les attitudes des patients vis-à-vis du diabète, avant et après leur participation au projet. Il mesure aussi la durée, la sévérité et la perception du contrôle de la maladie. Le degré de participation des patients est mesuré pour chacune des grandes dimensions du programme. Finalement, on y recueille des données socio-démographiques, économiques et des informations sur la densité et la diversité du réseau social ainsi que sur les retombées du programme pour les personnes diabétiques et leur entourage. Pour accroître la participation des patients, les entrevues ont eu lieu soit au CLSC CDN, soit à domicile; 8 • La grille d’entrevue pour les médecins (Annexe C) : La grille d’entrevue aborde quatre grands thèmes : a) le degré et la nature de la participation du médecin au projet ; b) les apports du projet; c) l’aspect relationnel avec l’équipe et la perception du rôle et des responsabilités des infirmières et du médecin de famille; d) l’application du projet à d’autres types de clientèle; • La grille d’entrevue pour les infirmières (Annexe D) : La grille d’entrevue aborde 5 thèmes : a) la perception du patient diabétique et du traitement offert; b) l’acquisition de connaissances et l’impact sur leur mode de pratique professionnelle; c) les rôles d’infirmière éducatrice et de personne-contact; d) la coordination et les relations du projet; e) l’approche populationnelle. Les résultats Les patients Caractéristiques générales des patients à l’étude Des 345 patients référés à l’équipe d’intervention du CLSC par les 44 médecins de famille participants, 260 (75.3 %) ont participé plus ou moins intensément au projet. La participation se définit par le fait d’avoir eu un plan individualisé de services. Une caractéristique importante de la clientèle du CLSC est sa multiethnicité. Les participants proviennent de 50 pays différents. Ils résident au Canada en moyenne depuis 18 ans (écart-type = 14). Près de 50 % des participants sont mariés ou vivent en union libre, et près de 28 % vivent seuls. Un peu plus de 20 % ont des enfants à la maison, dont l’âge varie entre 5 et 37 ans, pour une moyenne de 20 ans. Ils peuvent compter, en moyenne, sur 5 personnes de soutien dans leur entourage (é.t.= 3). Les caractéristiques des participants et des non-participants ont été comparées. Peu de différences significatives ont été observées entre les deux groupes. On note chez les nonparticipants un pourcentage plus élevé d’anglophones et un nombre inférieur de personnes sous médication pour hyperglycémie, hypertension ou hypercholestérolémie. 9 Description des patients interviewés Des 260 participants, 87 (33 %) ont été interviewés. Pour les patients dont la langue maternelle était autre que le français (n = 63) ou l’anglais (n = 20), un interprète a été mis à contribution (n = 4). Les caractéristiques des répondants et des non-répondants ont été comparées à l’aide des fichiers administratifs du projet. Les répondants étaient plus âgés, étaient plus souvent des femmes, plus souvent des francophones, prenaient plus de médicaments et étaient atteints de dyslipidémie dans une plus grande proportion. Les fichiers administratifs ont permis de décrire les caractéristiques des patients interviewés ainsi que leur participation au programme (Tableau 1). Tableau 1 – Caractéristiques des patients interviewés et leur participation au programme Âge moyen 62 ans (é.t.=11,8) Femme 59,8 % Études secondaires 40,0 % Études collégiales 30,0 % Études universitaires 30,0 % Né à l’extérieur du Canada 41,4 % Francophone 72,0 % Anglophone 31,0 % Allophone 32,0 % Sur le marché du travail 36,8 % Sans soutien à domicile 5,0 % Durée moyenne de la maladie 5,6 ans (é.t.=5,3) Durée moyenne du suivi médical 6,3 ans (é.t.=5,7) Sévérité du diabète : légère 35,0 % Sévérité du diabète : modérée 42,0 % Sévérité du diabète : sévère 22,0 % Très bon contrôle du diabète avant la participation 17,2 % Bon et très bon niveau de connaissances avant la participation 20,6 % Dyslipidémie 50,0 % Hypertension 43,0 % Obésité 32,0 % Coronaropathie 15,0 % Néphropathie 10,0 % Neuropathie 3,0 % Rétinopathie 2,0 % Aucune médication 40,0 % Fumeur 9,0 % Nombre moyen de rendez-vous 6 (é.t.=4,4) Durée moyenne de participation 173 jours Nombre moyen de rencontres individuelles 5 (é.t.=3) Nombre moyen de rencontres en ateliers 2 (é.t.=1,9) Nombre moyen de rencontres de groupes 1 (é.t.=0,53) 10 Appréciation des effets du programme par les patients Lors de l’entrevue, chaque patient a été invité à donner sa perception du rôle du programme dans l’amélioration de ses connaissances, de ses habitudes de vie et du contrôle du diabète (résultats détaillés dans l’Annexe E). • Connaissances : La Figure 3 montre le rôle du programme dans l’amélioration des connaissances. On constate que les patients comprennent très bien ce qu’il faut faire dans le quotidien pour contrôler leur diabète (79 à 89 %). Par ailleurs, ils comprennent mieux les complications associées au non-contrôle du diabète (63 à 69 %). Enfin, les connaissances les plus difficiles à acquérir portent sur le stress et les effets physiologiques (entre 29 et 37 %). • Habitudes de vie : La Figure 4 permet de constater que la grande majorité des participants estiment que le programme les a aidés à améliorer leur comportement à l’égard du diabète. De 73 à 94 % d’entre eux ont modifié leur comportement à l’égard des soins des pieds, de la diète et de l’utilisation du glucomètre. Ils sont un peu moins nombreux (60 à 65 %) à avoir changé leur comportement en ce qui concerne l’activité physique et le contrôle du stress. • Contrôle du diabète : On peut remarquer, de façon générale, que 80 % des patients contrôlent mieux leur maladie (Figure 5). Ce résultat remarquable est, comme on le constate plus loin, confirmé par les médecins. Des analyses ont été effectuées pour savoir si l’importance des améliorations observées est associée à l’intensité de la participation au programme. Il en ressort que ni le nombre de rencontres ni la diversité des personnes rencontrées n’expliquent le degré de réussite du programme. 11 Figure 3 – Effet du programme sur l’acquisition de connaissances 29.9 Meilleur contrôle du stress 37.9 Effets physiologiques du diabète 49.4 Effets des médicaments Symptômes de l'hyperglycémie 63.2 Que faire en cas d'hypoglycémie 63.2 64.4 Symptômes de l'hypoglycémie 65.5 Prévenir complications à long terme 69.0 Prévenir maladies associées 72.6 Meilleure utilisation glucomètre 79.3 Activité physique 86.1 Régularité de prise de médicaments 86.2 Soins des pieds 87.4 Alimentation régulière 88.5 Diète équilibrée 0 20 40 60 80 100 *Cette figure rapporte seulement les pourcentages de « oui beaucoup. » Figure 4 – Changements d’habitudes de vie apportés par le programme Figure 5 – Changement du contrôle de la maladie (%) 59,7 contrôle du stress non applicable 1,1 65,4 activité physique utilisation du glucomètre 73,1 80,4 amélioration 75,9 diète 40 60 80 18,4 aucun 94,2 soins des pieds 100 0 *Cette figure rapporte seulement les pourcentages d’amélioration. 12 20 40 60 80 100 Les médecins de famille Douze des 44 médecins participants ont été interviewés à l’occasion de l’analyse des effets. Leurs opinions sont regroupées autour des thèmes abordés durant l’entrevue. Participation au projet : Les médecins ont reçu avec intérêt l’offre du CLSC de collaborer au projet SIDi. Ce qui les a surtout intéressés dans ce projet a été la possibilité d’offrir à leurs patients de meilleurs services (accès à de nouvelles ressources : diététiste, infirmière- contact, soins des pieds) : « C’est sûr qu’il y avait un besoin et le projet a répondu à ce besoin, alors on a embarqué assez vite. Moi j’étais très contente de l’arrivée de ce projet. Quand les patients voient qu’ils auront un suivi et des services qui leur seront fournis, ils voient qu’ils ont quelque chose à y gagner. » Apports du projet : D’après les médecins, ce que leurs patients ont le plus apprécié a été l’accès aux nouvelles ressources et aux nouveaux services offerts par l’équipe multidisciplinaire : « La nutritionniste, l’éducatrice et l’infirmière spécialisée en soins des pieds sont des intervenants très, très importants. Les patients ont beaucoup apprécié ces rencontres, ça permettait au patient d’avoir de l’information, du support et de l’éducation. » Ils ont aussi apprécié l’accès plus facile à des services spécialisés de deuxième ligne : « Avec le projet, c’était très bien organisé : on avait accès assez rapidement à un spécialiste si le patient n’en avait pas. » Les médecins ont peu utilisé le système informatisé. Ils trouvaient plus efficace de continuer à utiliser leurs propres dossiers et à communiquer par téléphone et télécopieur : « Je n’ai pas beaucoup utilisé ce système, j’ai surtout utilisé mon suivi et ma gestion de dossier. » 13 Les médecins ont noté que le projet SIDi avait eu un effet positif sur leurs patients diabétiques; ils ont remarqué qu’ils avaient tendance à mieux accepter leur maladie, à changer leurs habitudes de vie et à mieux contrôler leur diabète. Les efforts faits dans le projet pour donner à tous les patients un glucomètre et leur apprendre à l’utiliser ont été perçus comme très positifs par les médecins. Rôles et responsabilités des membres de l’équipe : Il y a eu une bonne collaboration entre les membres de l’équipe multidisciplinaire et les médecins ont eu le sentiment de faire partie d’une équipe. De plus, ils ont apprécié le respect des compétences professionnelles, le climat de collaboration et les efforts de communication. « Je peux dire que, oui, je faisais partie d’une équipe multi, dont les intervenants pivots étaient le médecin et l’infirmière. Il y avait un bon fonctionnement du travail en équipe. » Les médecins perçoivent le rôle de l’infirmière-contact comme essentiel dans un système de service intégré : « Elle joue un rôle d’éducation, de sensibilisation, de support et de suivi. » Néanmoins, ils pensent qu’ils doivent continuer à être les principaux responsables des soins aux patients. « Moi aussi, j’ai beaucoup apprécié le rôle de l’infirmière. Autant les patients que les médecins pouvaient avoir des contacts avec cette infirmière et c’est très important; l’infirmière est très importante pour donner de l’information au patient et assurer un bon suivi dans le projet. Les patients aiment revoir les mêmes personnes. Je dirais que le médecin joue un rôle de collaborateur mais qui est central et important au niveau des soins au patient. » Applicabilité de l’expérience à d’autres types de clientèle: Les médecins croient que l’expérience acquise dans le projet pourrait être appliquée à d’autres types de clientèle ayant des maladies chroniques, en particulier l’asthme, l’hypertension, les maladies 14 cardiaques, le VIH et les problèmes de santé mentale. Leur expérience avec le projet diabète les amène à croire que tout patient ayant une maladie chronique devrait avoir accès à une équipe de base composée au moins d’un médecin, d’une infirmière et d’une diététiste : « Oui, je pense que c’est un modèle de projet applicable à la majorité des maladies chroniques. » En résumé, le projet n’a pas vraiment changé les pratiques des médecins. Il a principalement permis à leurs patients d’avoir des soins plus complets et mieux coordonnés. Néanmoins, les médecins ont réalisé qu’il faut du temps pour apprendre à travailler en équipe et que cela est possible et souhaitable. Ils pensent qu’il serait bon de généraliser la constitution d’équipes multidisciplinaire pour la prise en charge des personnes ayant d’autres maladies chroniques. Ils regrettent qu’au moment où le travail en équipe commençait à donner des résultats, le projet ait dû s’arrêter : « Que le projet soit terminé est un peu frustrant, car c’était l’idéal pour le suivi de nos patients diabétiques. » Les infirmières Trois des quatre infirmières du projet ont été interviewées. Leurs opinions sont regroupées autour des 5 thèmes abordés durant l’entrevue Perception du patient diabétique et du traitement offert : Avant le projet, les infirmières percevaient le patient comme quelqu’un qui n’avait pas toute l’information nécessaire sur sa propre maladie pour se prendre en charge. Le patient ne savait pas établir les liens entre la maladie et ses conséquences sur sa vie quotidienne; il n’avait pas accès à des cliniques d’information sur le diabète dans le territoire CDN. « Dans ma pratique des dernières années, quand on questionnait les clients sur leur diabète souvent ils disaient rien, ils savaient rien, ils savaient même pas c’était quoi la maladie. Ils avaient peu de connaissances ou ceux qui en avaient, bien, c’était très théorique. » 15 Elles ont appris que le patient doit participer au processus de prise en charge en se fixant des objectifs à atteindre; que chaque patient a son propre rythme et que chaque culture a une perception différente de la maladie. « C’était phénoménal le changement chez certains et le non-changement chez d’autres. La personne n’est pas prête à changer donc on la laisse tranquillement cheminer à son rythme, qu’est-ce qui fait qu’il n’était pas prêt à entendre? Ça pouvait être des raisons très banales pour nous, mais ça faisait que cette personne-là était bloquée dans son cheminement de prise en charge. » « Évidemment le client doit être au centre du plan d’interventions et il doit être le premier consulté quant à la manière de l’aider à adopter des habitudes saines de vie à fin de bien contrôler le diabète. » Les infirmières ont réalisé que la continuité dans les relations avec les patients est importante. « Les clients avec lesquels on a retardé cette relance pour des raisons logistique se sont sentis abandonnés; donc les clients ont une certaine attente de relance et il faut être très fidèle à ça. » Enfin, les infirmières avaient sous-estimé l’ampleur de la maladie dans le territoire du CLSC CDN : « Ma perception était qu’il y avait beaucoup de diabétiques, mais je n’avais jamais réalisé qu’il y en avait autant. L’ampleur du phénomène m’a surprise. » Acquisition de connaissances par les infirmières et impact sur leurs pratiques professionnelles : Les connaissances acquises par les infirmières dans le projet SIDi leur ont permis de changer leurs perceptions initiales du patient diabétique et de leur rôle. « Si ça a modifié ma pratique? Oh, mon Dieu, à 100 %! Je dirais que ça a été un tournant à 180 degrés parce qu’en poussant la connaissance sur la patho-physio du diabète, la maladie elle-même, on prend conscience de l’ampleur du phénomène, des facteurs de risque, tout ce qui pouvait 16 précipiter un diabète chez les gens, les comportements, les habitudes de vie, ça change la façon dont on pouvait agir avant, la façon de prévenir même l’apparition d’un diagnostic du diabète, toutes ses connaissances et surtout une façon de transmettre les connaissances, pas juste des connaissances théoriques, mais tout un volet de prise en charge de la maladie par le patient. Maintenant, le plus drôle c’est que ça a déteint sur ma pratique, peu importe le domaine où je travaille. C’est imprégné, ça fait partie des problèmes de santé. On parle toujours de comportement, alors c’est dans tout. » Rôles d’infirmière éducatrice et de personne-contact : Les infirmières ont compris que leurs rôles d’éducatrice et de personne-contact étaient indissociables. Le rôle d’infirmière éducatrice visait à favoriser l’autogestion de la maladie par le patient. Il consistait à suivre les changements de comportement par étape et à ajuster le niveau de connaissances à transmettre en fonction de l’étape où le patient était rendu. Le rôle de personne-contact consistait à coordonner les soins offerts par l’équipe multidisciplinaire, le médecin de famille, le patient et son entourage et à faciliter l’accès du patient diabétique aux ressources offertes dans la communauté : « L’infirmière personne-contact et l’éducatrice sont des rôles qui ont été développés en cours du projet. L’idée qui a guidé le développement de ces rôles c’est vraiment de prendre le patient où il en était dans sa motivation et de le faire cheminer jusqu’au maintien de son contrôle de la maladie. Donc, c’était notre guide tout le long du projet SIDi. » Coordination du projet : La reconnaissance des compétences des différents professionnels travaillant dans le projet SIDi a permis de créer un climat propice à la coopération : « Je pense que c’est dans le respect qu’on se fait confiance et quand on sent que l’autre est aussi compétent dans son domaine. Donc moi je suis convaincue que l’équipe était très compétente, et la perception du client, c’est d’avoir eu la chance d’être pris en charge par une équipe de professionnels compétents qui se faisaient confiance. » 17 Approche populationnelle : Le projet SIDI a permis de réduire la fragmentation de la prise en charge des patients diabétiques en coordonnant les services donnés dans la communauté : « Donc, c’est ce rôle-là qu’on aurait souhaité jouer dans la communauté pour vraiment intégrer, dans le vrai sens d’intégration, et être complémentaire, travailler plus ensemble avec les autres ressources du territoire qui offrent des services pour la même problématique de santé. » Interprétation des résultats Les effets perçus par les différents acteurs du programme SIDi convergent : après un an, aussi bien les patients que les médecins estiment que le programme a permis un meilleur contrôle du diabète. Les patients ont de meilleures connaissances sur la maladie et son traitement et ils estiment que c’est grâce au programme qu’ils ont modifié leurs habitudes de vie Ces résultats sont particulièrement intéressants parce qu’ils ont été obtenus dans un territoire où une importante proportion de la population est défavorisée et qui a une forte concentration d’immigrants, de différrentes ethnies, langues et cultures. Pour mieux apprécier l’importance de ces résultats, considérons de nouveau la Figure 2 et essayons de comprendre comment les éléments constitutifs des différentes dimensions de l’intégration ont interagi. Le diabète de type 2 est une maladie chronique très fréquente, dont la prévalence augmente dans nos sociétés occidentales (Meltzer et al. 1998). Mal ou pas contrôlé, il entraîne des dommages irréversibles à plusieurs organes : vaisseaux sanguins, yeux, reins, cœur et nerfs (American Diabetes Association, 1998) et génère des dépenses considérables (Boyages et al., 1999; Norris et al., 2002a). Par ailleurs, comme le diabète de type 2 est relativement facile à contrôler par une diète sévère, de l’exercice et une médication appropriée, il est apparu comme un terrain idéal pour tester l’efficacité de différents programmes intégrés de gestion de la maladie (Ellrodt et al., 1997). 18 Il est aujourd’hui démontré que la coordination séquentielle des soins pour des maladies chroniques est coûteuse et peu efficace (Norris et al., 2002b) et que, en revanche, les interventions intégrées qui mettent l’accent sur l’éducation des patients et sur le rôle de l’infirmière comme éducatrice et coordonnatrice des services sont efficaces (Renders et al., 2001; Weingarten et al., 2002; Norris et al., 2002b). Intégration normative : Le programme SIDi a été construit autour de trois idées maîtresses : l’empowerment du patient par le biais de l’éducation, l’approche populationnelle et l’approche de gestion de la maladie. L’élément central du programme est sans aucun doute l’éducation des patients par les infirmières. Les retombées positives de cette approche ont été appréciées autant par les patients que par les médecins traitants. L’adoption par les infirmières du modèle de Prochaska a permis, non seulement d’adapter les services aux besoins spécifiques et particuliers de chaque patient (attitude par rapport à la maladie, langue, culture, soutien social, etc.), mais aussi aux infirmières de jouer un nouveau rôle au sein d’une équipe multidisciplinaire. La fait que les infirmières reconnaissent que le diabète est un véritable problème de santé publique les a conduites à développer des contacts avec toutes les organisations qui, dans leur territoire, luttent contre cette maladie. En situant le programme SIDi dans une approche populationnelle, les infirmières voyaient une possibilité de renforcer la capacité des patients à mieux contrôler leur diabète et aussi la possibilité d’intervenir auprès de personnes ayant un diabète encore léger. Depuis le début du projet, le concept de gestion de la maladie a été compris différemment par les médecins de première ligne et les membres de l’équipe multidisciplinaire. Les médecins se voyaient comme les responsables de l’ensemble des soins, dont ils déléguaient l’exécution à l’équipe multidisciplinaire, alors que les membres de l’équipe multidisciplinaire, en particulier les infirmières, se concevaient comme le pivot du programme. L’absence d’accord sur la philosophie de l’intervention (Benson, 1975) a 19 rendu difficile une véritable coopération entre les médecins de famille et les infirmières pour élaborer ensemble la façon de prendre en charge les patients diabétiques dans le cadre du projet. Intégration fonctionnelle : La coordination des activités dans le projet SIDi devait résulter d’une communication permanente entre tous les membres de l’équipe clinique, grâce à l’informatisation des communications. Or, les médecins participants, qui ont tous reçu un ordinateur et ont été mis en réseau, n’ont pas utilisé le système. Ils ont continué à travailler avec leurs propres dossiers papier et à communiquer par téléphone ou par télécopieur. Ce comportement prévisible (Zuckerman et al., 1998) montre que le développement de nouvelles pratiques de coopération demande plus que l’introduction d’un système d’information (Anderson, 1997). Il aurait fallu que des efforts plus grands soient faits pour renforcer l’intégration fonctionnelle en créant des incitations financières favorables à une plus grande participation des médecins et en formalisant la coordination des tâches. Intégration de l’équipe clinique : Le projet SIDi a permis de mettre en place et de mobiliser une équipe multidisciplinaire autour de l’infirmière coordonnatrice du projet. Les médecins, qui sont restés à l’extérieur de cette équipe, ont cependant rapidement reconnu l’importance des services donnés par l’équipe multidisciplinaire et, en particulier, apprécié le rôle joué par l’infirmière-contact (éducatrice et agente de liaison) dans la définition du plan individualisé de services et dans le suivi des patients. Cette appréciation positive de l’approche multidisciplinaire proposée par le programme SIDi est cohérente avec la littérature (i.e. Safran, 2003). Le projet a aussi permis de montrer qu’il est possible, autour d’une problématique particulière, de faire travailler ensemble des professionnels d’organisations différentes (CLSC, cliniques privées, polycliniques) qui, avant le projet, travaillaient de façon totalement indépendante. L’amélioration de l’accès aux services de deuxième et troisième lignes a aussi contribué à renforcer l’intérêt du projet pour les médecins de famille. Globalement, les résultats du projet SIDi en termes d’intégration de l’équipe clinique sont encourageants. 20 Intégration des soins : L’impact du projet SIDi sur la création des nouvelles formes de pratiques nécessaires à l’amélioration de la continuité des soins (Haggerty, Reid, McKendry, 2002) est mitigé. Les médecins ont trouvé l’expérience positive pour leurs patients, fondamentalement en termes d’ajout de services non disponibles auparavant. Par contre, les activités d’éducation médicale continue incluses dans le projet n’ont pas eu beaucoup de succès et on n’a pas documenté de plus grande adhérence aux normes de l’Association canadienne du diabète. Fondamentalement, les médecins participants ont continué à pratiquer de la même façon, tout en sachant que leurs patients avaient accès à de nouveaux services. Leur intérêt pour le projet vient principalement de ce fait. Pour les membres de l’équipe multidisciplinaire et en particulier pour les infirmières, le projet SIDi a permis une valorisation et une mise à jour de leurs rôles d’éducatrices et de coordonnatrices de soins pour les patients ayant des problèmes de santé chroniques et graves. Le plan individualisé de services est au centre de la transformation des pratiques des infirmières. Il est simultanément un outil permettant de coordonner le recours aux services de l’équipe multidisciplinaire et, en même temps, un outil concrétisant la démarche éducative menée par l’infirmière, à partir de l’approche de changement de comportement par étape. Il permet d’organiser la programmation des activités de l’équipe multidisciplinaire et de guider le patient vers les comportements à adopter pour contrôler son diabète. L’absence de relation qui a été observée entre le nombre de contacts des patients avec l’équipe SIDi d’une part et, d’autre part, l’acquisition de nouvelles connaissances et l’adoption des comportements favorables au contrôle de leur maladie est intéressante. Cette absence de relation semble suggérer que l’élément central dans le contrôle du diabète résulte de l’acquisition, par la personne malade, des notions lui permettant de modifier ses comportements (Fannel et Anderson, 2003). Ce n’est pas le nombre de rencontres qui compte, mais plutôt la qualité de la relation qui s’établit entre le patient et l’infirmière. 21 Par ailleurs, l’accès à des services indispensables – comme les soins des pieds, les conseils diététiques, l’usage d’un glucomètre – a été fortement apprécié par les patients et les a certainement incités à se conformer à leur plan individualisé de services. Figure 6 – Les effets du programme SIDi INTÉGRATION NORMATIVE Accord sur les grands principes (+) Meilleures connaissance et reconnaissance du travail des autres Vision différente des rôles par les médecins et les RN (+) (-) INTÉGRATION FONCTIONNELLE INTÉGRATION DES SOINS Gestion : • financière • Globalité et continuité des soins • humaine • Qualité des soins (+) (+) • Connaissances des patients (+) • Attitudes des patients (+) • Modifications du style de vie (+) • de la qualité • CONTRÔLE DU DIABÈTE (+) • QUALITÉ DE VIE DES PATIENTS (+) • SATISFACTION (+) INTÉGRATION DE L’ÉQUIPE CLINIQUE (+) Coordination des tâches Il faut enfin observer que l’idée d’intégration des soins n’est pas la même pour les médecins et les infirmières. Pour ces dernières, elle signifie l’accroissement des relations entre l’équipe du CLSC et les organismes communautaires, alors que pour les médecins, elle signifie qu’il leur est possible de déléguer certains aspects du suivi de leurs patients à l’équipe du CLSC. La Figure 6 résume l’ensemble des résultats et permet d’apprécier leur cohérence. 22 Ressources additionnelles Le projet SIDi a été présenté aussi bien au Québec et au Canada qu’à l’étranger. Les publications et les présentations sont répertoriées à l’Annexe F. Recherche plus approfondie Trois éléments caractérisent notre recherche : y Un certain manque de recul par rapport aux résultats. Le contrôle du diabète qui résulte de changements dans les habitudes alimentaires et les activités physiques demande du temps. La durée de notre évaluation ne permet pas de savoir si les résultats obtenus sont transitoires ou permanents. y Une appréciation indirecte des effets du programme. Les résultats de notre évaluation reposent sur les perceptions des patients et des professionnels et non sur des mesures directes (biologiques) du contrôle du diabète. y Le succès du programme repose sur un ajout de services. Il faudrait savoir si le meilleur contrôle de la maladie s’accompagne d’une réduction à long terme des services de santé qui, sur le plan économique, pourrait justifier le déploiement de ressources nouvelles (soins des pieds, diète-type, services d’une infirmièrecontact). 23 Références y American Diabetes Association. (1998). Report of the expert committee on the diagnosis and Classification of Diabetes Mellitus. Diabetes Care, 21 (Suppl. 1), S5-S19. y Anderson, J.G. (1997). Clearing the way for physicians’ use of clinical information systems. Communications of the ACM, 40 (8) : 83-9 y Benson, J.K. (1975). The interorganizational network as a political economy. 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