Dumas, du portrait à l`autoportrait.

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Dumas, du portrait à l`autoportrait.
Séquence : Dumas, du portrait à l’autoportrait.
Objectifs : repérer l’organisation du texte descriptif, les caractéristiques du portrait et
ses fonctions
: écrire un portrait en employant un vocabulaire précis
: organiser une sortie au musée Alexandre Dumas.
Perspective dominante : déterminer ce qu’est le point de vue.
Perspective secondaire : analyser l’image en lien éventuellement avec le professeur
d’Arts plastiques
Public : 4e, éventuellement 3e
Supports : extraits des romans de Dumas
Source : site de la BNF, http://gallica.bnf.fr/
Plan de la séquence
Séance 1 : Lecture analytique, qu’est-ce qu’un portrait ?
Activités en langue.
Séance 2 : Lecture analytique, le point de vue
Ecriture.
Séance 3 : Lecture analytique, l’importance du regard.
Lecture cursive et analyse de l’image
Séance 4 : Sortie pédagogique, les visages de Dumas.
Séance 5 : Lecture analytique, de l’image au texte.
Séance 6 : Lecture analytique, quand un auteur décrit ce qu’il est.
Séances 7, 8, 9 : Bilan, évaluation, correction.
Seules les séances 7 et 9 ne sont pas développées.
Entre 9 et 10 heures.
Séance 1 : Qu’est-ce qu’un portrait ?
Objectifs : définir ce qu’est un portrait et déterminer sa fonction.
La reine Margot s’inscrit dans un cycle appelé trilogie des Valois que viennent
compléter La dame de Montsoreau et Les Quarante-cinq. Dumas rend compte dans son
portrait de l’intelligence et de la culture de cette femme qui écrira Poésies et Mémoires.
Ce roman débute par une fête qui a lieu au Louvre, le 18 août 1572. On y célèbre en
effet les noces de Marguerite de Valois et d’Henri de Navarre, futur Henri IV. Ce
mariage a pour but de rapprocher les Catholiques et les Protestants afin de faire cesser
les tensions entre clans. Mais en secret, la mère de la jeune fille Catherine de Médicis et
son frère qui n’est autre que le roi Charles IX souhaitent briser le parti protestant. Le
massacre de la Saint-Barthélémy aura lieu cinq jours plus tard. Le roman rend compte
de cette lutte fratricide ainsi que de l’amour qu’éprouve Margot pour un gentilhomme
protestant, La Mole. Amour tragique car le roi meurt empoisonné, et son amant en sera
accusé.
« Et cependant que tout continuait d’être riant à l’intérieur, et même un
murmure plus doux et plus flatteur que jamais courait en ce moment par tout le
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Louvre : c’est que la jeune fiancée, après être allée déposer sa toilette d’apparat,
son manteau traînant et son long voile, venait de rentrer dans la salle de bal,
accompagnée de la belle duchesse de Nevers, sa meilleure amie, et menée par son
frère Charles IX, qui la présentait aux principaux de ses hôtes.
Cette fiancée, c’était la fille de Henri II, c’était la perle de la couronne de
France, c’était Marguerite de Valois, que dans sa familière tendresse pour elle, le roi
Charles IX n’appelait jamais que ma sœur Margot.
Certes jamais accueil, si flatteur qu’il fût, n’avait été mieux mérité que celui
qu’on faisait en ce moment à la nouvelle reine de Navarre. Marguerite à cette
époque avait vingt ans à peine, et déjà elle était l’objet des louanges de tous les
poètes, qui la comparaient les uns à l’Aurore, les autres à Cythérée. C’était en effet
la beauté sans rivale de cette cour où Catherine de Médicis avait réuni pour en faire
ses sirènes, les plus belles femmes qu’elle avait pu trouver. Elle avait les cheveux
noirs, le teint brillant, l’œil voluptueux et voilé de longs cils, la bouche vermeille et
fine, le cou élégant, la taille riche et souple, et, perdu dans une mule de satin, un
pied d’enfant. Les Français, qui la possédaient, étaient fiers de voir éclore sur leur
sol une si magnifique fleur, et les étrangers qui passaient par la France s’en
retournaient éblouis de sa beauté s’ils l’avaient vue seulement, étourdis de sa
science s’ils avaient causé avec elle. C’est que Marguerite était non seulement la
plus belle, mais encore la plus lettrée des femmes de son temps, et l’on citait le mot
d’un savant italien qui lui avait été présenté, et qui, après avoir causé avec elle une
heure en italien, en espagnol, en latin et en grec, l’avait quittée en disant dans son
enthousiasme : « Voir la cour sans voir Marguerite de Valois, c’est ne voir la France
ni la Cour ».»
La reine Margot, Dumas, chapitre I, 1845.
Notes :
Henri II : (1519/1549) roi de France et époux de Catherine de Médicis
Charles IX : (1550/1574), fils des précédents et roi de France
Cythérée : autre nom d’Aphrodite
Des questions visant à préparer la lecture de ce texte en classe peuvent être posées
aux élèves. On leur demandera de rédiger et de justifier leurs réponses par des
citations inscrites entre guillemets.
On peut les interroger sur :
• Les temps utilisés et d’en déduire le type de discours
• L’objet décrit par le texte de manière à introduire la notion de portrait
• Les termes mélioratifs, les hyperboles qui visent à exprimer le jugement
favorable du narrateur sur le personnage
Activités en Langue
Dans cette séquence, on pourra en grammaire travailler sur
— la valeur des temps verbaux
— les expansions du nom.
Dans la phase d’observation, pourquoi ne pas exploiter l’extrait précédent, en
demandant aux élèves de procéder à des suppressions? On effectuera ensuite un autre
exercice en remplaçant les termes modifiés. La consigne pourra être la suivante :
1.Ôtez les termes donnant des renseignements sur les substantifs. Que remarquezvous ?
« Elle avait les cheveux noirs, le teint brillant, l’œil voluptueux et voilé de longs cils,
la bouche vermeille et fine, le cou élégant, la taille riche et souple, et, perdu dans
une mule de satin, un pied d’enfant. »,
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2.Compléter les noms par des expansions du nom qui expriment le contraire du texte
initial.
On leur fera remarquer l’indigence de la phrase et le rôle des expansions du nom qui
seront précisées par la suite dans la leçon.
L’activité en grammaire pourra être complétée par des recherches plus
approfondies sur le vocabulaire du portrait. On pourra apporter de nouveaux termes
pour
— qualifier les particularités physiques
— qualifier les particularités psychologiques
— donner son avis sur ses particularités : les suffixes péjoratifs.
Ce dernier point peut-être relié au travail d’écriture.
Séance 2 : le point de vue
Objectif : repérer les termes péjoratifs et les procédés comiques employés dans le
portrait et montrer l’importance du point de vue.
Succès dès sa parution en 1844, Les trois Mousquetaires sera complété par Vingt ans
après en 1845 puis en 1848 par Le Vicomte de Bragelonne, dernier épisode de cette
trilogie de cape et d’épée. Dumas profitera de cette vague de popularité pour fonder un
quotidien en 1853 intitulé… Le Mousquetaire ! On sait que Dumas s’est inspiré des
Mémoires de d’Artagnan et a collaboré avec Auguste Maquet, professeur d’histoire que
lui a présenté Gérard de Nerval, pour créer ce roman (dans tous les sens du terme)
historique.
La narration des Trois Mousquetaires commence par le fait que « Le premier lundi du
mois d'avril 1625, le bourg de Meung, » se retrouve « du côté de l'hôtel du Franc
Meunier » : la rumeur et la curiosité incitent les villageois à se réunir armés pour
accueillir d’éventuelles troupes ennemies.
« Arrivé là, chacun put voir et reconnaître la cause de cette rumeur.
Un jeune homme... - traçons son portrait d'un seul trait de plume : figurezvous don Quichotte à dix-huit ans, don Quichotte décorcelé, sans haubert et sans
cuissards, don Quichotte revêtu d'un pourpoint de laine dont la couleur bleue s'était
transformée en une nuance insaisissable de lie-de-vin et d'azur céleste. Visage long
et brun ; la pommette des joues saillante, signe d'astuce ; les muscles maxillaires
énormément développés, indice infaillible auquel on reconnaît le Gascon, même
sans béret, et notre jeune homme portait un béret orné d'une espèce de plume,
l'oeil ouvert et intelligent ; le nez crochu, mais finement dessiné ; trop grand pour
un adolescent, trop petit pour un homme fait, et qu'un oeil peu exercé eût pris pour
un fils de fermier en voyage, sans sa longue épée qui, pendue à un baudrier de
peau, battait les mollets de son propriétaire quand il était à pied, et le poil hérissé
de sa monture quand il était à cheval.
Car notre jeune homme avait une monture, et cette monture était même si
remarquable, qu'elle fut remarquée : c'était un bidet du Béarn, âgé de douze ou
quatorze ans, jaune de robe, sans crins à la queue, mais non pas sans javarts aux
jambes, et qui, tout en marchant la tête plus bas que les genoux, ce qui rendait
inutile l'application de la martingale, faisait encore également ses huit lieues par
jour. Malheureusement les qualités de ce cheval étaient si bien cachées sous son
poil étrange et son allure incongrue, que dans un temps où tout le monde se
connaissait en chevaux, l'apparition du susdit bidet à Meung, où il était entré il y
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avait un quart d'heure à peu près par la porte de Beaugency, produisit une sensation
dont la défaveur rejaillit jusqu'à son cavalier.
Et cette sensation avait été d'autant plus pénible au jeune d'Artagnan (ainsi
s'appelait le don Quichotte de cette autre Rossinante), qu'il ne se cachait pas le côté
ridicule que lui donnait, si bon cavalier qu'il fût, une pareille monture ; aussi avait-il
fort soupiré en acceptant le don que lui en avait fait M. d'Artagnan père. Il n'ignorait
pas qu'une pareille bête valait au moins vingt livres ; il est vrai que les paroles dont
le présent avait été accompagné n'avaient pas de prix.
Avec un pareil vade-mecum, d'Artagnan se trouva, au moral comme au
physique, une copie exacte du héros de Cervantès, auquel nous l'avons si
heureusement comparé lorsque nos devoirs d'historien nous ont fait une nécessité
de tracer son portrait. Don Quichotte prenait les moulins à vent pour des géants et
les moutons pour des armées, d'Artagnan prit chaque sourire pour une insulte et
chaque regard pour une provocation. Il en résulta qu'il eut toujours le poing fermé
depuis Tarbes jusqu'à Meung, et que l'un dans l'autre il porta la main au pommeau
de son épée dix fois par jour ; toutefois le poing ne descendit sur aucune mâchoire,
et l'épée ne sortit point de son fourreau. Ce n'est pas que la vue du malencontreux
bidet jaune n'épanouît bien des sourires sur les visages des passants ; mais, comme
au-dessus du bidet sonnait une épée de taille respectable et qu'au-dessus de cette
épée brillait un oeil plutôt féroce que fier, les passants réprimaient leur hilarité, ou,
si l'hilarité l'emportait sur la prudence, ils tâchaient au moins de ne rire que d'un
seul côté, comme les masques antiques. D'Artagnan demeura donc majestueux et
intact dans sa susceptibilité jusqu'à cette malheureuse ville de Meung. »
Les trois Mousquetaires, Dumas, chapitre1, 1844.
Notes :
Décorcelé : néologisme, sans armure
Haubert : cotte de mailles
Pourpoint : vêtement masculin couvrant le torse
Baudrier : étui en cuir porté en bandoulière qui contenait l’épée
Bidet : cheval de petite taille
Javart : maladie s’attaquant au pied du cheval
Martingale : courroie qui sert à diriger le cheval
Incongrue : qui n’est pas convenable
Rossinante : cheval de Don Quichotte
Vade-mecum : ce que l’on emporte avec soi, se dit normalement d’un livre, d’un guide.
Cervantès : (1547/1616) auteur espagnol, créateur de Don Quichotte
Différentes pistes peuvent être suivies pour étudier ce texte :
• le texte descriptif, son organisation et ses temps verbaux
• le portrait moral et psychologique
• le jugement du narrateur et des spectateurs concernant la monture du jeune
homme
• le rôle du portrait, dont on rappellera qu’il intervient dans l’incipit du roman.
Activités en Ecriture
Exercices d’écriture en classe
Les premiers textes de ce groupement ont montré les traitements péjoratif et
mélioratif que l’on pouvait faire du portrait.
On divisera la classe en deux parties et à partir d’une photographie ou d’un texte
donnant des informations objectives, on énoncera la consigne suivante, par exemple :
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Rédigez un texte descriptif bref (10 lignes) ayant pour objet le personnage représenté
sur cette photographie et portez sur celui-ci un regard favorable ou défavorable.
On réfléchira avec les élèves aux moyens d’exprimer son jugement : termes
mélioratifs/péjoratifs, présence d’humour, adverbes, suffixes péjoratifs,
comparaisons…
La production de l’élève peut faire l’objet d’une évaluation par la classe et d’une
correction par le professeur.
Autre exercice possible : les textes révélant des éléments physiques et
psychologiques ; on pourra travailler cette fois-ci davantage sur l’intériorité du
personnage.
Exemple de consigne : choisissez avec un camarade un personnage public. Dans un
tableau à deux colonnes, vous indiquerez 5 qualités et 5 défauts. À partir de cela,
rédigez deux phrases pour développer 1 défaut/qualité.
Enfin, ces exercices peuvent donner lieu à une évaluation : voici le sujet que l’on peut
éventuellement proposer.
Travail d’écriture : Vous réaliserez le portrait physique et psychologique de votre
meilleur (e) ami (e) en prenant soin d’émettre un jugement sur la personne que vous
décrivez. Vous utiliserez un vocabulaire précis et varié ainsi que des comparaisons
(trois obligatoires) pour le décrire.
Pour vous aider, vous pouvez consulter la grille d’évaluation suivante
Critères
Le texte que j’ai écrit est une description
J’ai employé les temps correspondant au texte descriptif
Des éléments physiques et psychologiques développés
apparaissent
Le portrait est organisé et logique
Mon jugement sur la personne apparaît clairement
J’ai employé au moins trois comparaisons
Mon vocabulaire est varié et précis
J’ai vérifié l’orthographe et la grammaire
Points
/2pts
/3pts
/ 3pts
/3pts
/2pts
/2pts
/3pts
/2pts
Remarque : la grille peut être ou non distribuée aux élèves par le professeur. Ce dernier
peut simplement s’en servir pour corriger et expliquer sa notation aux élèves
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Séance 3 : l’importance du regard
Objectif : déterminer le point de vue interne
La dame de Montsoreau évoque la France d’Henri III, dans laquelle évolue le héros de ce
roman de cape et d’épée : « Louis de Clermont, plus connu sous le nom de Bussy
d’Amboise » et se situe pendant les guerres de religion, très précisément en 1578.
Cette époque a déjà été traitée par Dumas au théâtre dans la pièce Henri III et sa cour
(1828). Le roman s’ouvre sur les noces de Saint-Luc, favori du roi qui n’apprécie guère
le mariage de son ami. À ces noces, participe également Bussy, gentilhomme au service
du Duc d’Anjou (frère et rival d’Henri III), qui provoque ses ennemis, favoris du roi.
Alors qu’il traverse Paris, la nuit, il est attaqué par ces derniers. Il remporte ce combat
l’opposant à cinq adversaires mais le laissant évanoui, dans la rue. Voici qu’il reprend
conscience…
« Cependant, soit que, dans ce cerveau surexcité par la colère et la
souffrance, la vie persistât sous les apparences de l’évanouissement, soit que cet
évanouissement cessât pour faire place à une fièvre qui fit place à un second
évanouissement, voici ce que Bussy vit ou crut voir, dans cette heure de rêve ou de
réalité, pendant cet instant de crépuscule placé entre l’ombre de deux nuits.
Il se trouvait dans une chambre avec des meubles de bois sculpté, avec une
tapisserie à personnages et un plafond peint. (…)
Entre les deux fenêtres, un portrait de femme était placé, éclatant de
lumière ; seulement il semblait à Bussy que le cadre de ce portrait n’était autre que
le chambranle d’une porte. Bussy, immobile, fixé sur son lit comme par un pouvoir
supérieur, privé de tous ses mouvements, ayant perdu toutes ses facultés, excepté
celle de voir, regardait tous ces personnages d’un œil terne, admirant les fades
sourires de ceux qui portaient des fleurs, et les grotesques colères de ceux qui
portaient des épées. Avait-il déjà vu ces personnages ou les voyait-il pour la
première fois ? C’est ce qu’il ne pouvait préciser, tant sa tête était alourdie.
Tout à coup la femme du portrait sembla se détacher du cadre, et une
adorable créature, vêtue d’une longue robe de laine blanche, comme celle que
portent les anges, avec des cheveux blonds tombant sur ses épaules, avec des yeux
noirs comme du jais, avec de longs cils veloutés, avec une peau sous laquelle il
semblait qu’on pût voir circuler le sang qui la teintait de rose, s’avança vers lui.
Cette femme était si prodigieusement belle, ses bras étendus étaient si attrayants,
que Bussy fit un violent effort pour aller se jeter à ses pieds. Mais il semblait retenu
à son lit par des liens pareils à ceux qui retiennent le cadavre au tombeau, tandis
que, dédaigneuse de la terre, l’âme immatérielle monte au ciel. (…)
À la vue de cette femme, les personnages de la muraille et du plafond
cessèrent d’occuper Bussy. La femme du portrait était tout pour lui, et il cherchait à
voir quel vide elle laissait dans le cadre. »
La Dame de Montsoreau, Dumas, chapitre III, 1846
Voici le second portrait du même personnage, Diane de Méridor, qui avait disparu à
peine rencontrée. Bussy vient de retrouver celle qui l’avait recueilli et sauvé. Est-il
nécessaire de dire qu’il en tombe follement amoureux ? Mais, Diane de Méridor est
promise au comte de Montsoreau et convoitée par le Duc d’Anjou.
« Il regardait Diane avec l’étonnement de l’admiration ; il n’avait pas osé
croire que la femme qu’il cherchait pût soutenir la comparaison avec la femme de
son rêve, et voilà que la réalité surpassait tout ce qu’il avait pris pour un caprice de
son imagination.
Diane avait dix-huit ou dix-neuf ans, c’est-à-dire qu’elle était dans ce
premier éclat de la jeunesse et de la beauté qui donne son plus pur coloris à la fleur,
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son plus charmant velouté au fruit ; il n’y avait pas à se tromper à l’expression du
regard de Bussy ; Diane se sentait admirée, et elle n’avait pas la force de tirer Bussy
de son extase. »
La Dame de Montsoreau, Dumas, chapitre III, 1846
Notes :
Dédaigneux : plein de mépris
Immatériel : qui ne peut être touché, senti…
Extase : Joie si forte qu’elle transporte l’âme
On pourrait s’attacher à montrer les particularités de cet extrait :
• le mélange des discours narratif et descriptif
• le point de vue interne
• la perception lacunaire que Bussy a de cette femme et les effets que cela produit
chez le lecteur
Le deuxième extrait peut venir comme un complément de lecture ou être inséré à
l’étude du premier portrait.
Lecture cursive et analyse de l’image
Il serait peut-être judicieux de proposer aux élèves une liste des œuvres écrites par
Dumas et dont sont extraits les passages étudiés lors de la séquence. Les élèves
choisiraient alors et expliqueraient leur choix, donneraient leur avis dans une sorte de
comité de lecture que l’on organiserait en classe ou au CDI.
On peut également leur demander de lire une œuvre que l’on aura choisie : Les trois
mousquetaires (existant en version abrégée chez L’école des Loisirs) ou La reine
Margot . Cette lecture pourrait être l’occasion d’aborder la lecture de l’image en
proposant ensuite aux élèves d’étudier les adaptations cinématographiques,
abondantes pour Les trois mousquetaires et plus restreinte dans le cas de la seconde
œuvre.
Une autre possibilité serait de ne travailler que sur les séquences où apparaissent les
personnages principaux en confrontant textes et versions. On s’appuierait par exemple
sur les deux adaptations de La Reine Margot de Chéreau et celle de Dréville (version de
1954) avec Jeanne Moreau et dont Abel Gance a écrit le scénario.
Cela pourrait être l’occasion d’aborder le vocabulaire cinématographique.
Séance 4 : les visages de Dumas.
Objectif : découvrir le musée Alexandre Dumas et analyser l’image.
Perspective dominante : l’art du portrait (peinture et écriture)
Possibilité de créer un projet interdisciplinaire autour du portrait et de cette visite avec
le professeur d’Arts Plastiques.
Pour consulter les offres pédagogiques du Musée Alexandre Dumas :
http://www.arpp.org
Une visite personnelle au préalable semble judicieuse pour découvrir la collection du
musée et rencontrer le responsable afin de concevoir ensemble, thème, objectif et
activités de cette sortie pédagogique.
Il serait peut-être utile de travailler sur l’image au préalable de manière à établir des
notions sur lesquelles s’appuyer lors de cette sortie.
Le musée propose des représentations d’Alexandre Dumas diverses et particulièrement
riches. On pourrait travailler d’après ces portraits en présentant un questionnaire afin
que l’image soit analysée : portrait flatteur, caricatures, Dumas jeune, Dumas célèbre …
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Puis en créant des groupes, on demanderait par exemple aux élèves d’écrire à
plusieurs le portrait de Dumas d’après ce qu’ils voient. On confrontera ensuite les
textes que l’on pourra, après la sortie, collecter et rediffuser à l’ensemble de la classe
une fois qu’ils auront été saisis informatiquement.
Il peut s’agir aussi d’une simple prise de notes, afin d’éveiller des impressions que l’on
exploitera dans un travail d’écriture en classe. La visite peut également donner lieu à la
réalisation d’un portrait de l’auteur réalisé cette fois-ci en Arts Plastiques
Enfin, on pourra confronter ses portraits avec son autoportrait et les photographies de
Nadar.
Séance 5 : de l’image au texte
Objectif : le portrait psychologique
Perspective secondaire : retrouver dans le portrait de Nadar des éléments aperçus dans
la collection du musée.
Remarque : pour ce texte, il conviendrait d’expliquer aux élèves les origines de Dumas.
Son père Thomas-Alexandre Dumas-Davy de la Pailleterie est le fils d’un marquis
installé à Saint-Domingue et d’une esclave, Louise-Cessette Dumas. Son portrait
renvoie au métissage dont il est issu.
Félix Nadar (1820/1910) fut dessinateur, journaliste, écrivain et surtout photographe.
Sa prédilection : les portraits et notamment ceux d’écrivains illustres tels que Nerval,
Baudelaire et Alexandre Dumas à propos duquel il a écrit cet article.
« Alexandre Dumas »
« Six pieds tout à l’heure, en buste moins qu’en jambes. Elles sont d’un dessin
merveilleux, et il aime les montrer.
Un cou de proconsul.
Le teint bistré clair.
Le nez fin.
L’oreille microscopique.
L’œil bleu.
Les lèvres lippues à la mode de Mésopotamie, pleine de méandres.
Dans cet ensemble, une irradiation magnétique, des effluves irrésistibles de
bienveillance et de cordialité.
Passionné par tempérament, rusé par instinct, courageux par vanité, bon de cœur,
faible de raison, imprévoyant de caractère.(…)
Superstitieux quand il pense, religieux quand il écrit, sceptique quand il parle.
Nègre d’origine et Français de naissance, il est léger même dans ses plus
fougueuses ardeurs.
L’être le moins logicien qui soit, le plus antimusical que je connaisse (comme tous
les gens qui font des vers : Hugo, Gautier, De Banville).
Menteur en sa qualité de voyageur, avide en sa qualité d’artiste, généreux comme
un poète.
Trop libéral en amitié, trop despote en amour ; vain comme une femme, ferme
comme un homme, égoïste comme un Dieu !(…)
Franc avec indiscrétion, obligeant sans discernement, oublieux jusqu’à
l’insouciance, vagabond de corps et d’âme, cosmopolite par goût, révolutionnaire
par occasion, libéral toujours, riche en illusion et en caprice, pauvre de sagesse et
d’expérience, gai d’esprit, médisant de langage, spirituel d’à-propos : Don Juan la
nuit, Alcibiade le jour (il a son chien), véritable Protée, échappant à tous et à luimême ; aussi aimable par ses défauts que par ses qualités, plus séduisant par ses
vices que par ses vertus. Voilà Dumas tel qu’on l’aime ou tel qu’il me paraît, car
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obligé de l’évoquer pour le peindre, je n’ose affirmer qu’en face du fantôme qui
pose devant moi, je ne sois pas sous quelque charme magique ou magnétique
influence. »
« Contemporains de Nadar », Félix Nadar dans Le journal amusant, n°147 du
23/10/1 858
Notes :
Proconsul : gouverneur d’une province chez les Romains
Bistré : hâlé, basané
Mésopotamie : ancien nom de l’Irak
Irradiation : rayonnement
Magnétique : exerçant une influence, une attirance à la manière d’un aimant
Effluve : vapeur, parfum se dégageant de certains organismes
Sceptique : incrédule, distant
Nègre : noir, sans connotation raciste à l’époque
Cosmopolite : capable de vivre dans n’importe quel pays
Don Juan : héros de la littérature séduisant les femmes sans les aimer
Alcibiade : (460/404) homme d’état grec, séduisant et débauché, qui coupa la queue de son chien
pour que l’on parle de lui à Athènes
Protée : dieu grec connaissant l’avenir qu’il ne révélait que forcé et changeant de forme afin d’éviter
les questions
On pourra demander aux élèves dans ce texte
• de relever des éléments qui font de ce texte un portrait tout à fait original
• de rechercher dans un dictionnaire, les noms de Hugo, Gautier, De Banville et
d’établir des points communs entre eux
• de définir le point de vue du photographe sur Dumas
Séance 6 : quand un auteur décrit ce qu’il est
Objectif : définir ce qu’est l’autoportrait et analyser le rôle de l’anecdote.
Vous trouverez de plus amples informations concernant cette œuvre autobiographique
en cliquant sur Séquences pédagogiques puis sur L’écriture autobiographique selon
Dumas.
Dans ses Mémoires, Dumas décrit l’enfant qu’il était à l’âge de dix ans au moment où
celui-ci va effectuer sa rentrée au collège de l’abbé Grégoire, situé à Villers-Cotterêts.
« En général, à l’âge que j’avais, je n’étais pas très aimé des autres enfants de
la ville ; j’étais vaniteux, insolent, rogue, plein de confiance en moi-même, rempli
d’admiration pour ma petite personne, et cependant, avec tout cela, capable de
bons sentiments, quand le cœur était mis en jeu et place de l’amour-propre ou de
l’esprit.
Quant au physique, je faisais un assez joli enfant : j’avais de longs cheveux
blonds bouclés, qui tombaient sur mes épaules, et qui ne crêpèrent que lorsque
j’eus atteint ma quinzième année ; de grands yeux bleus qui sont restés à peu près
ce que j’ai encore aujourd’hui de mieux dans le visage ; un nez droit, petit et assez
bien fait ; de grosses lèvres roses et sympathiques; des dents blanches et assez mal
rangées. Là-dessous, enfin, un teint d’une blancheur éclatante, lequel était dû, à ce
que prétendait ma mère, à l’eau-de-vie que mon père l’avait forcée à boire pendant
sa grossesse, et qui tourna au brun à l’époque où mes cheveux tournèrent au crépu.
Pour le reste du corps, j’étais long et maigre comme un échalas. (…)
De mon côté, cette entrée était une grande affaire : on m’avait fait tailler, dans une
redingote de mon grand-père, un habillement complet. Cet habillement était café
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au lait foncé, tout chiné de points noirs. J’en étais assez satisfait, et je pensais qu’il
produirait une certaine sensation sur mes camarades.
À huit heures du matin, un lundi d’automne, je m’acheminai donc vers le puits où
j’allais boire la science à pleines lèvres, marchant d’un pas grave, levant le nez d’un
air fier, portant sous le bras toute ma bibliothèque de grammaires, d’Epitome
historiae sacrae, de dictionnaires et de rudiments, tout cela neuf comme mes
habits, et jouissant d’avance de l’effet qu’allait produire mon apparition sur le
commun des martyrs.
On entrait dans la cour de l’abbé Grégoire par une grande porte faisant voûte assez
prolongée, et donnant sur la rue de Soissons. Cette porte était toute grande ouverte.
Mes yeux plongeaient dans la cour : elle était vide. Je crus un instant que j’étais en
retard, et qu’on était déjà en classe. Je franchis rapidement le seuil ; en même
temps, la porte se ferma derrière moi, de grands cris de joie retentirent, et une
rosée, qui ressemblait fort à une averse, tomba sur moi du haut d’un double
amphithéâtre de tonneaux.
Je levai les yeux : chaque élève, sur un tonneau, posait dans l’attitude et dans
l’action du Manneken-Pis de Bruxelles. Les grandes eaux jouaient pour mon
arrivée. »
Mémoires, Dumas, tome 1, chapitre XXVI, 1851.
Notes :
Vaniteux : personne qui est satisfaite d’elle-même
Rogue : qui méprise les autres
Échalas : pieu en bois que l’on plante à côté d’un arbuste et qui sert de tuteur
Redingote : longue veste croisée, vêtement masculin
Epitome historiae sacrae : Abrégé d’histoire sacrée
On pourra afin d’établir la notion nouvelle d’autoportrait interroger les élèves sur :
• l’objet de cette description notamment en leur faisant relever les pronoms
personnels
• les aspects physiques et psychologiques de celle-ci évoqués par le biais des
champs lexicaux
• le rôle de l’anecdote.
Séance 7 : bilan
Séance 8 : évaluation
L’extrait présente un personnage que vous avez déjà rencontré dans sa jeunesse ; Vingt
ans après, publié en 1846, relate les aventures de quatre amis célèbres. L’action est
située en 1648 alors que la révolte des nobles couve : d’Artagnan et Porthos sont au
service de Mazarin, tandis qu’Aramis et Athos sont du côté des frondeurs. Finalement,
cette opposition politique n’aura pas raison de leur amitié et cette dernière parviendra
d’une certaine façon à apaiser les tensions.
Le point de vue porté sur d’Artagnan a évolué : c’est un héros vieillissant qui nous est
présenté. On pourrait d’ailleurs placer l’étude de ce texte après la première occurrence
de ce héros afin d’établir un travail de comparaison.
« D'Artagnan n'avait pas manqué aux circonstances, mais les circonstances
avaient manqué à d'Artagnan. Tant que ses amis l'avaient entouré, d'Artagnan était
resté dans sa jeunesse et sa poésie; c'était une de ces natures fines et ingénieuses
qui s'assimilent facilement les qualités des autres. Athos lui donnait de sa grandeur,
Porthos de sa verve, Aramis de son élégance. Si d'Artagnan eût continué de vivre
avec ces trois hommes, il fût devenu un homme supérieur. Athos le quitta le
premier, pour se retirer dans cette petite terre dont il avait hérité du côté de Blois;
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Porthos, le second, pour épouser sa procureuse; enfin, Aramis, le troisième, pour
entrer définitivement dans les ordres et se faire abbé. À partir de ce moment,
d'Artagnan, qui semblait avoir confondu son avenir avec celui de ses trois amis, se
trouva isolé et faible, sans courage pour poursuivre une carrière dans laquelle il
sentait qu'il ne pouvait devenir quelque chose qu'à la condition que chacun de ses
amis lui céderait, si cela peut se dire, une part du fluide électrique qu'il avait reçu du
ciel.
Ainsi, quoique devenu lieutenant de mousquetaires, d'Artagnan ne s'en
trouva que plus isolé; il n'était pas d'assez haute naissance, comme Athos, pour que
les grandes maisons s'ouvrissent devant lui; il n'était pas assez vaniteux, comme
Porthos, pour faire croire qu'il voyait la haute société; il n'était pas assez
gentilhomme, comme Aramis, pour se maintenir dans son élégance native, en tirant
son élégance de lui-même. Quelque temps le souvenir charmant de Madame
Bonacieux avait imprimé à l'esprit du jeune lieutenant une certaine poésie; mais
comme celui de toutes les choses de ce monde, ce souvenir périssable s'était peu à
peu effacé; la vie de garnison est fatale, même aux organisations aristocratiques.
Des deux natures opposées qui composaient l'individualité de d'Artagnan, la nature
matérielle l'avait peu à peu emporté, et tout doucement, sans s'en apercevoir luimême, d'Artagnan, toujours en garnison, toujours au camp, toujours à cheval, était
devenu (je ne sais comment cela s'appelait à cette époque) ce qu'on appelle de nos
jours un véritable troupier.
Ce n'est point que pour cela d'Artagnan eût perdu de sa finesse primitive; non
pas. Au contraire, peut-être, cette finesse s'était augmentée, ou du moins paraissait
doublement remarquable sous une enveloppe un peu grossière; mais cette finesse il
l'avait appliquée aux petites et non aux grandes choses de la vie; au bien-être
matériel, au bien-être comme les soldats l'entendent, c'est-à-dire à avoir bon gîte,
bonne table, bonne hôtesse.
Et d'Artagnan avait trouvé tout cela depuis six ans rue Tiquetonne, à l'enseigne de
La Chevrette.
Dans les premiers temps de son séjour dans cet hôtel, la maîtresse de la
maison, belle et fraîche Flamande de vingt-cinq à vingt-six ans, s'était
singulièrement éprise de lui; et après quelques amours fort traversées par un mari
incommode, auquel dix fois d'Artagnan avait fait semblant de passer son épée au
travers du corps, ce mari avait disparu un beau matin, désertant à tout jamais, après
avoir vendu furtivement quelques pièces de vin et emporté l'argent et les bijoux. On
le crut mort; sa femme surtout, qui se flattait de cette douce idée qu'elle était veuve,
soutenait hardiment qu'il était trépassé. Enfin, après trois ans d'une liaison que
d'Artagnan s'était bien gardé de rompre, trouvant chaque année son gîte et sa
maîtresse plus agréables que jamais, car l'une faisait crédit de l'autre, la maîtresse
eut l'exorbitante prétention de devenir femme, et proposa à d'Artagnan de
l'épouser.
- Ah! fi! répondit d'Artagnan. De la bigamie, ma chère! Allons donc, vous n'y pensez
pas!
- Mais il est mort, j'en suis sûre.
- C'était un gaillard très contrariant et qui reviendrait pour nous faire pendre.
- Eh bien, s'il revient, vous le tuerez; vous êtes si brave et si adroit!
- Peste! ma mie! autre moyen d'être pendu.
- Ainsi vous repoussez ma demande?
- Comment donc! mais avec acharnement!
La belle hôtelière fut désolée. Elle eût fait bien volontiers de M. d'Artagnan non
seulement son mari, mais encore son Dieu: c'était un si bel homme et une si fière
moustache! »
Vingt-ans après, Dumas, chapitreVI, 1845.
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Notes :
Ingénieux : malin, astucieux
Verve : qualité de celui qui a de l’esprit, de la fantaisie dans une conversation
Mme Bonacieux : personnage des Trois mousquetaires aimé de d’Artagnan
Troupier : soldat
Cette évaluation pourrait prendre la forme d’un questionnaire visant à demander aux
élèves
• d’expliquer en quoi il s’agit d’un portrait. Relever le temps des verbes
employés et un champ lexical précis permettra de répondre à la
question
• de montrer grâce à l’antithèse que le narrateur suggère que la
personnalité de d’Artagnan s’est modifiée au contact de ses amis et il
n’est rien sans eux.
• De comparer le sort des personnages et de montrer que le jugement
du narrateur se fait plus dur pour son héros.
Séance 9!: correction
Pour un autre exemple de séquence fondée sur l’étude de la narration dans le romanfeuilleton et s’appuyant sur les œuvres de Dumas :
http://lettres.ac-aix-marseille.fr/fran/roman-feuil.htm
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