L`AméricAin ne meurt jAmAis… Le Français ? de

Transcription

L`AméricAin ne meurt jAmAis… Le Français ? de
No 70. 4e trimestre 2014
Gestion collective
L’Américain ne meurt
jamais…
Le Français ?
de plus en plus tard…
par Xavier Lépine Président du Directoire, Groupe La Française
Vous connaissez le viager. Mais connaissez-vous la monétisation
de l’assurance décès ?
E
n 1972, Le Viager fait un tabac : Michel Serrault,
59 ans, n’a plus que deux ans à vivre assure
Michel Galabru à son frère Jean-Pierre Darras.
« Achète-lui sa maison en viager et indexe le
loyer du crédit-rentier sur l’aluminium, ce truc qui ne
sert à rien »… sauf à faire des avions. Le cours s’envole,
et notre naïf et sympathique crédit-rentier devient
centenaire et richissime.
Tous les ingrédients pour faire un bon film et un
mauvais placement sont réunis : le débit-rentier ne
sait pas que le crédit-rentier a statistiquement une
durée de vie supérieure à la moyenne de la population, que le risque idiosyncrasique ne suit pas, par
définition, la loi des grands nombres et qu’indexer un
placement ou un risque sans possibilité de se couvrir
ou de couper sa position est également un risque
considérable.
ans des primes… et arrête de s’assurer quand les enfants
partent, qu’il prend lui-même sa retraite et qu’il souhaite
réduire ses dépenses. Et pourtant, il est tout à fait possible de faire se rencontrer une offre et une demande
« saines », « gagnante-gagnante » pour les deux parties
dans les deux cas, et l’on voit ré-émerger des versions
contemporaines de la tontine.
L’allongement de la durée de la vie devient un véritable casse-tête (trois à quatre générations potentiellement), et le viager est l’une des solutions possibles
pour :
upermettre
aux plus âgés, qui voient globalement
leurs ressources diminuer1, de rester plus longtemps
chez eux, de ne plus avoir aucune charge de logements (charges immobilières, taxes, travaux…)2 ;
ubénéficier d’un complément de revenu et, statisti-
De fait, le viager, pour le débit-rentier, porte par cons­
truction un risque élevé : celui de voir le crédit-rentier
sortir par le haut de la table de mortalité. La contrepartie de ce risque est de deux natures : un marché
étroit et des conditions financières attractives pour le
débit-rentier afin de compenser l’absence de diversification de risque, le viager ne portant généralement
que sur un seul bien ou sur deux têtes.
Primes perdues. Aux États-Unis, les compagnies d’assurance ont constaté que l’Américain ne meurt jamais.
Il s’assure sur le décès, donc à primes perdues, quand
il commence à avoir des enfants, paye pendant trente
quement dans 85 % des cas, transmettre le paiement
initial (le bouquet) à leurs enfants ou petits-enfants
pour leur faciliter l’acquisition de leur propre résidence : autrement dit, de monétiser un bien qui,
sinon, resterait stérilisé et donc improductif pour la
collectivité.
Placement financier. S’il n’est pas considéré par le
débit-rentier comme un moyen d’acquérir un bien
spécifique, mais plutôt comme un investissement
financier, le viager, s’il est structuré de manière adéquate, devient alors un placement tout à fait intéressant.
1. Entre 45 et 75 ans, les revenus diminuent de près de 40 % en moyenne.
2. En France, 72 % des personnes de plus de 70 ans sont propriétaires de leur résidence principale (source Insee)… mais 35 % des
copropriétaires qui ne peuvent payer les travaux exceptionnels (ascenseurs, ravalement…) sont des propriétaires âgés.
37
IEIF Réflexions Immobilières
Gestion collective
graphique 1
L’impact positif du viager sur les individus
Probabilité de décès par année pour un individu de 75 ans*
Probabilité de décès par année (en %)
38
6%
Écart représentant
l’effet de l’antisélection
du viager
5%
4%
3%
2%
1%
0%
1
2 3 4
5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40
Probabilité de décès par année (espérance
de vie normalisée)
Année
Probabilité de décès (espérance de vie
par année ajustée de l’antisélection viagère)
*Écart entre un individu ne vendant pas en viager et un individu vendant en viager
(effet de l’antisélection du viager).
Source : Renée Costes Viager.
uDans la mesure où il est organisé à travers un fonds
Portefeuilles d’assurés. Aux États-Unis, la dyna-
mutualisant le risque sur un grand nombre de créditrentiers, le principe de risque moyen joue : le pricing
est alors celui du risque spécifique, et les décotes par
rapport à de l’immobilier non viager sont ainsi très
significatives ;
mique du logement étant très différente, c’est au
travers de la monétisation des assurances-décès que
la société adresse en partie la problématique de la
baisse des revenus des personnes âgées.
uLe rendement net attendu sur un horizon long (10
à 15 ans) est de l’ordre de 6 %, donc supérieur à celui
des bureaux prime (je ne parle même pas de l’OAT !),
avec des risques faiblement corrélés avec les risques
habituels (protection du fait de l’achat pour une faible
proportion de la valeur de marché) ;
uDans
la mesure où le fonds investit sur un grand
nombre de biens, à la différence d’une acquisition
sur un seul bien, il devient en 3-4 ans un produit
de cash-flow, les premières libérations se réalisant
à cette échéance (départs des occupants dans des
Ehpad ou décès).
Dans une société qui passe progressivement d’une
civilisation de la propriété à celle de l’usage, le logement est à l’évidence au cœur de la problématique
du fait de son poids dans le budget des ménages, et
nous nous devons de proposer des solutions adaptées à ces évolutions.
Constatant que l’Américain ne mourrait jamais, c’està-dire qu’il arrêtait de s’assurer à fonds perdus, les
investisseurs proposent aux personnes physiques
de racheter cash pour une fraction du capital décès
leurs droits, de se substituer à eux pour le paiement
des primes et bien évidemment d’être délégataires
de leur capital lors de leur décès.
Cynique diront certains, mais aussi utile pour permettre de vivre mieux la dernière période de sa vie. Les
États-Unis, qui sont toujours très pragmatiques, créent
des portefeuilles d’assurés par typologie de risque :
régions de résidence, catégories socioprofessionnelles,
fumeurs ou non, passé médical, etc. afin de pricer et
d’optimiser au mieux les objectifs des parties…
La finance retrouve ainsi une de ses principales fonctions : une intermédiation du temps !y