Homélie pour la fête de sainte Claire au monastère Notre Dame du
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Homélie pour la fête de sainte Claire au monastère Notre Dame du
Homélie de Mgr Hubert HERBRETEAU pour la fête de sainte Claire au monastère Notre Dame du Sacré Cœur (Clarisses) à Nérac, le dimanche 10 août 2014 Os 2, 16b.17b.21-22 ; Ph 3, 8-14 ; Lc 14, 25-33 Chers amis, frères et sœurs, En cette fête de sainte Claire, l’occasion nous est donnée, une fois de plus, d’approfondir la spiritualité franciscaine dont nos sœurs clarisses témoignent avec tant de simplicité, d’authenticité et de générosité. Les lectures de la liturgie présentent les axes de cette spiritualité : identification au Christ pauvre, obéissant et chaste ; contemplation du Christ dans son incarnation ; joie profonde de vivre en amitié avec le Christ. La contemplation du Christ pauvre Je me suis plongé en juillet dans la lecture très enrichissante d’un ouvrage sur quelqu’un qui a beaucoup compté dans la vie de Claire : Agnès de Prague. Ce livre, Sainte Agnès de Prague (Éditions franciscaines – Éditions du Cerf, 2013), après une longue introduction, présente « La vie primitive de sainte Agnès de Bohème » et les lettres de Claire à Agnès. C’est sur ces lettres que je voudrais m’attarder parce qu’elles expriment bien le fond de spiritualité de sainte Claire. Mais tout d’abord, qui était Agnès de Prague ? Les historiens s’interrogent au sujet de la date de sa naissance (1205 ou 1211 ?). Le choix, disons officiel, des documents du XIXe siècle est en faveur de 1211. Les dates de son entrée au monastère (1234) et de sa mort (1282) sont, elles, avérées. Agnès est la fille du roi de Bohème Premsyl Ottokar 1er. Dès l’âge de trois ans, elle est promise en mariage. Et comme c’est la coutume dans les familles nobles, la future épousée fut envoyée et élevée dans un monastère proche de l’environnement de son futur époux. Ce fut le monastère cistercien de Trzebnica. Beaucoup plus tard, elle renonce au mariage, fait le choix de la pauvreté et découvre la spiritualité franciscaine. Elle entre en contact avec Claire d’Assise qui lui écrira quatre lettres. Dans la première, en 1234, Claire s’adresse à Agnès en lui donnant du « Vous ». Ce qui s’explique par le fait que les relations ne sont pas encore familières. Et Claire s’adresse à une fille de roi. Puisque Agnès a choisi la chasteté et la pauvreté, Claire déclare : « Vous avez choisi un époux de race plus noble encore : notre Seigneur Jésus Christ, qui gardera toujours pure et intacte votre virginité… (…) Armez-vous de courage pour le service de Dieu sous le glorieux étendard de l’inviolable virginité et de la très sainte pauvreté, conservez au cœur le brûlant désir de vous unir au Christ pauvre et crucifié… ». Le brûlant désir de vous unir au Christ ! Tout est dit bien sûr, dans ces mots, de la vocation monastique, mais peut-être aussi de toute vie de baptisés. De son côté, le livre d’Osée exprime bien cette relation intime que nous pouvons avoir avec le Christ, le « cœur à cœur » avec lui. La vie des sœurs clarisses est tout entière consacrée au Seigneur : « Tu seras ma fiancée, et je t’apporterai la justice et le droit, l’amour et la tendresse. » Une deuxième lettre peut être datée des années 1235-1238. Claire tutoie désormais Agnès et s’exprime avec clarté sur la pauvreté : « Remets-toi toujours en mémoire les principes de base qui te font agir : ce que tu as acquis, conserve-le soigneusement ; ce que tu fais, fais le bien ; ne recule jamais ; hâte-toi au contraire et cours d’un pas léger, sans achopper aux pierres du chemin, sans même soulever la poussière qui souillerait tes pieds ; va, confiante, allègre et joyeuse. (…) C’est au Christ pauvre que, vierge pauvre, tu dois rester attachée ». On peut noter dans cette lettre le vocabulaire de la course légère, comme dans le Cantique des cantiques, mais aussi dans saint Paul : « Je poursuis ma course pour saisir tout cela, comme j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. » ; « Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but… » Suivre le Christ, c’est une affaire d’empressement, mais aussi de renoncement. Renoncement à ce qui encombre : les richesses inutiles, mais aussi les regrets, les rancunes et les rancœurs, les « j’aurais dû ! » Une troisième lettre, avant 1238, revient sur la pauvreté : « De toute la force de ta foi, tu tiens dans tes bras de pauvre le trésor caché dans le champ du monde et du cœur humain, trésor incomparable puisqu’il est acheté à Celui qui a fait toutes choses de rien » Claire traite aussi de la question du jeûne en enjoignant Agnès de modérer avec sagesse et discernement la rigueur exagérée de son abstinence. L’allusion à la parabole de Jésus est belle. La valeur marchande du trésor importe peu pour cet homme qui a trouvé un trésor. L’important, c’est le mouvement qu’il entraîne, l’enthousiasme qu’il suscite. La spiritualité des clarisses est caractérisée par cette joie profonde. Dans la quatrième lettre, en 1252, Claire invite à contempler le Christ. Elle utilise les termes mêmes du Cantique des cantiques. Cette lettre est un nouveau témoignage pour sa fille lointaine et un hymne de joie dans la contemplation et l’union avec le Sauveur. Le cœur de la contemplation de Claire est l’humanité du Christ, une vie de souffrances, d’humilité et de pauvreté. Cette quatrième lettre illustre parfaitement aussi l’idéal de fraternité qu’elle désire réaliser. L’humilité de sainte Claire Un article du Frère franciscain Antonin Alis dans Lien des moniales n° 194 pose la question : autour de quel axe se construit la fraternité selon sainte Claire ? « Sainte Claire a vraiment voulu vivre avec des sœurs. (…) Elle a fondé un Ordre où la vie fraternelle est essentielle. Sœurs pauvres, ces deux termes sont incontournables. » Comme François, Claire veut vivre l’Évangile, c’est là son objectif et cela va se concrétiser particulièrement par l’imitation de Jésus pauvre et humble. Frère Antonin Alis ajoute : « Claire parle de pauvreté et d’humilité. Comment comprendre ces mots ? Ils ne peuvent se comprendre que dans une véritable démarche de foi, une démarche de conversion intérieure comme le souligne François d’Assise dans les Admonitions. » « Parler d’humilité peut entretenir des confusions. Il ne s’agit pas de devenir un paillasson sur lequel on peut impunément s’essuyer les pieds. L’humilité n’est pas l’abandon de sa personnalité mais plutôt la reconnaissance que si je suis, d’une part, une personne unique, je ne suis pas l’émanation de moi-même, je viens d’un Autre, Dieu, et que, d’autre part, je ne suis pas un être isolé, je ne suis pas toute seule, mais en relation avec d’autres. » Comme ce message est pertinent dans le monde d’aujourd’hui ! Beaucoup de nos contemporains pensent en effet que l’homme se fait tout seul. Il est son propre maître. Pour François et Claire, nous ne devenons véritablement nous-mêmes que dans la mesure où nous correspondons à ce que Dieu attend de nous. Saint François parle de la « volonté de Dieu qui ne saurait nous égarer ». « Le chemin proposé par Claire est un chemin difficile mais c’est le chemin de l’Évangile, le chemin du Christ. Il passe par la croix. Mais au bout il y a la joie, celle promise aux bienheureux dans le Royaume. Notre vie est rude parfois, c’est un chemin étroit, bordé d’épines, mais c’est un chemin de vie. Claire est une vivante et elle invite à la vie. Elle sait ce qui conduit à la mort : l’orgueil, le pouvoir, la domination, l’accumulation et l’accaparement des biens. Bienheureux les pauvres, bienheureux les humbles, bienheureux ceux qui souffrent persécution à cause de mon nom… François dans les Admonitions ne cesse de répéter ce mot : bienheureux. Le bonheur est là, dans ce choix de la pauvreté-humilité, choix refait chaque jour pour toujours. » Voilà de quoi nourrir notre réflexion et notre vie spirituelle. Amen ! Mgr Hubert HERBRETEAU Monastère Notre Dame du Sacré Cœur, le 10 août 2014