La saudade selon Nelson Freire - La Chaux-de
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La saudade selon Nelson Freire - La Chaux-de
MERCREDI 8 FÉVRIER 2012 L’EXPRESS-L’IMPARTIAL CINÉMA SP La résilience faite film «Monsieur Lazhar» de Philippe Falardeau avait ému le public du Festival de Locarno l’an passé. Le voici dans nos salles et son auteur en interview. PAGE 16 LE MAG ÉVÉNEMENT Unique récital en Suisse du grand pianiste brésilien à La Chaux-de-Fonds. La saudade selon Nelson Freire deuxième partie. Là, j’ai cherché un changement de couleurs avec les Visions fugitives de Prokoviev, tout l’impressionnisme russe! Puis, un peu de soleil espagnol avec Granados et j’achèverai par Liszt que j’adore (Nelson Freire vient de consacrer un disque aux «Harmonies du soir», Decca). PROPOS RECUEILLIS PAR CATHERINE FAVRE Londres – Madrid – La Chaux-de-Fonds – Vienne – Washington... Cherchez l’intrus! Entre deux escales de prestige, le pianiste Nelson Freire donnera son unique récital en terre helvétique vendredi à la Salle de musique de la cité horlogère. Dans cette même salle où l’immense artiste a enregistré son tout premier disque avec Martha Argerich, son «âme sœur», en 1982. Trente ans plus tard, celui qui est considéré au Brésil comme un dieu vivant, au même titre que le roi Pelé, continue de regarder le monde avec les yeux émerveillés du petit menino de Boa Esperança, sa ville natale. On le dit secret, farouche, avare d’interviews; c’est un homme généreux, à l’écoute, prompt à partir d’un grand éclat de rire ensoleillé, qui s’est prêté au jeu des questions-réponses. Vous vous faites rare, les grandes métropoles se disputent vos faveurs et pourtant, vous donnez à La Chaux-de-Fonds votre unique récital en Suisse. Qu’est-ce qui nous vaut cet honneur? Ah oui... La Chaux-de-Fonds! C’est de bons, très bons souvenirs. J’y suis venu deux fois, non pour des concerts, mais pour des enregistrements. C’est là que j’ai fait mon premier disque avec Martha Argerich, en 1982, un grand succès. Je suis revenu ensuite dans les années 2000 pour un récital Beethoven. J’aime cette salle avec sa très belle acoustique, et j’aime la ville, très sympathique, chaleureuse... ... Oui, enfin... pour la chaleur... le thermomètre affiche – 17 degrés ces jours-ci! On dit que votre incroyable virtuosité vous dispense de travailler les œuvres au piano; il vous suffit de les étudier dans votre tête. C’est une légende? Comme tout le monde, j’ai des facilités pour certaines choses et des difficultés pour d’autres. C’est vrai que j’ai une très bonne lecture, je déchiffre rapidement, ce qui facilite les choses. Et les difficultés? Je ne vais pas vous les dire! Les difficultés, il ne faut pas les montrer! pas été si difficile à Vienne, tout «seulSiàçal’âgen’avait de quatorze ans, j’ignore ce qu’auraient été ma vie et ma musique...» NELSON FREIRE PIANISTE Combien?... Mon Dieu! A Paris aussi, il fait très froid, mais quand même... Au moins il n’y a pas de vent? ... Non, non, juste une petite bise. Vous verrez, sous la neige et le soleil hivernal, c’est magique. Parleznous de votre concert. Vous rechignez à divulguer à l’avance vos programmes, paraît-il. On dit cela parce que ça prend du temps d’arriver à quelque chose d’harmonieux. Parfois, un programme a l’air parfait, et quand je le teste, ça ne marche pas. Rubinstein parlait d’un menu à apprêter selon les goûts, les couleurs, les tonalités... Alors quelles seront les saveurs du menu de vendredi? En entrée, j’ai choisi la Fantaisie de Schumann, très romantique; avec l’Arabesque que je jouerai également, cela fera une belle préparation à la Martha Argerich dit que vous êtes «un chat déguisé en chien». Un peu sauvage? Là, elle voulait plutôt dire que derrière une apparence douce, il faut éviter de me fâcher. Je sais aussi donner des gifles même si je ne montre pas que je suis énervé. Avec Martha, c’est un jeu, on se comprend à l’instinct. Lors de vos concerts communs, on vous présente parfois comme «le pianiste accompagnant Martha Argerich». Ça vous énerve? Non, parce que ce n’est pas du tout cela. On se connaît depuis plus d’un demi-siècle, c’est une très grande amie, mais elle a sa vie et j’ai la mienne, personne n’accompagne personne. Enfant prodige, vous avez débuté votre carrière à l’âge de cinq ans. Aujourd’hui, 61 ans plus tard, qu’est-ce qui vous donne encore cette force d’enchantement? La saudade? L’amour de la musique, la saudade, une certaine nostalgie et toutes les émotions de la vie... c’est difficile à expliquer. La musique est une chose infinie, on ne s’arrête jamais. Et comme hobby, j’adore les vieux films américains des années 1940 et 50, j’en regarde chaque soir avant de m’endormir. Aujourd’hui on est très gâtés avec toutes les chaînes de télévision, j’enregistre tous les films de ces années-là. Le problème, c’est que je les ai bientôt tous vus. Et le cinéma d’aujourd’hui? J’aime moins! Les années 1950, c’est mon enfance. J’allais alors beaucoup au cinéma, c’était ma grande passion avec le piano. Ces films, ce sont des petits bouts de ma jeunesse. Dans vos rares interviews, vous parlez souvent du bonheur, des joies quotidiennes, mais aussi de l’impossibilité d’être totalement heureux en Europe où vous vivez pourtant une partie de l’année. Il y a du bonheur dans ma vie, mais aussi beaucoup de tristesse. La première fois que je suis venu en Europe, j’avais quatorze ans, je me suis retrouvé à Vienne pour mes études de musique dans un univers totalement différent du Brésil: le climat, les gens, la langue, les habitudes, tout m’était étranger et en plus, il y avait la solitude. Mais si ça n’avait pas été si difficile à Vienne, tout seul à l’âge de 14 ans, j’ignore ce qu’auraient été ma vie et ma musique. L’une ne va pas sans l’autre, dans la musique il y a la vie. + INFO La Chaux-de-Fonds: Salle de musique, vendredi à 20h15, www.musiquecdf.ch, rés. 032 967 60 50 ou 032 717 79 07. LA CHAUX-DE-FONDS Les CMC consacrent dimanche leur premier concert de la saison au compositeur Olivier Messiaen. De drôles d’oiseaux à entendre au Musée d’histoire naturelle Depuis maintenant quinze ans, les Concerts de musique contemporaine (CMC) élaborent des saisons à haute valeur transdisciplinaire. Ne dérogeant pas à la règle, la nouvelle programmation, qui débutera ce dimanche au Musée d’histoire naturelle de La Chaux-de-Fonds, garantira de belles découvertes mâtinées de concepts. Petit aperçu de ce cru à la saveur millésimée. Changement et permanence, voici deux termes qui pourraient être la pierre angulaire de la nouvelle saison des CMC. Changement tout d’abord avec le nouveau logo, qui procure aux CMC, une identité visuelle plus affir- mée et plus forte. La permanence, elle, tient dans le fait que les CMC cherchent chaque fois à recréer les codes du concert tout en intégrant de nouvelles formes d’expression musicale. Preuve flagrante de cette ouverture d’esprit, le mini-cycle dédié à la musique électroacoustique et électronique entre mars et juin, cherchera à bouleverser les perceptions. Cristallisant l’essence même des CMC, la soirée anniversaire du 19 mai prochain verra divers plasticiens (vidéo, peinture, sculpture et performance) entrer en contrepoint du matériau musical. Avec comme toute con- Les cinq musiciennes se mêleront aux «drôles d’oiseaux» du MHNC, dimanche. SP trainte celle de modéliser le matériau sonore, les artistes présenteront des œuvres où le son se fait image. En étroite collaboration avec le Musée des beaux-arts, les CMC auront carte blanche pour penser et rêver le lieu lors de la nuit des musées programmée le même soir. Les concerts intitulés «Les phares» consacreront la musique de John Cage, Pierre Boulez, Iannis Xenakis et Olivier Messiaen, autant de compositeurs qui tout au long du 20e siècle, illuminèrent la musique par des idées nouvelles, parfois clés de voûte de nouveaux paradigmes. C’est la musique d’Olivier Mes- siaen qui ouvrira cette série de trois rendez-vous. Donné au Musée d’histoire naturelle, ce concert sera entrecoupé d’interventions loufoques du comédien Daniel Vouillamoz, tirant son nectar des manies de Messaien. En résonance avec le lieu, Cécile Baehler et Mireille Bellenot au piano, Estefania Casanovas au clavecin, Enza Pintaudi à la flûte, Jeanne Freléchoux au violoncelle interpréteront quelques belles pages de l’insatiable chercheurcompositeur. LUDOVIC HUGUELET + INFO La Chaux-de-Fonds: Musée d’histoire naturelle, dimanche, 17h, www.les-cmc.ch