Arrêter de se plaindre : tout un défi

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Arrêter de se plaindre : tout un défi
Arrêter de se plaindre : tout un défi !
Par Danielle Verville , Coup de pouce, juin 2013
On se plaint de tout et de rien, parfois sans même s’en rendre compte. Mais c’est une habitude moins inoffensive qu’il
n’y paraît. Prête à relever le défi de voir la coupe à moitié pleine plutôt qu’à moitié vide? On vous donne des pistes pour
y arriver.
«J'aime d'amour ma cousine Catherine, dit Nathalie, 44 ans, mais au fil des ans, notre relation s'est détériorée à cause de sa
propension à se plaindre. Les maladies de petite enfance de ses enfants, la météo, sa relation avec son conjoint, son travail
toujours plus prenant que celui des autres... bref, toutes les raisons sont bonnes pour rechigner, s'épancher sur ses blessures,
"faire pitié", comme dit ma mère. Pourtant, nous partageons plein d'intérêts communs et nous sommes toujours heureuses de
nous voir. Mais ses complaintes m'irritent tellement que je l'appelle de moins en moins. Nous ne nous voyons désormais qu'aux
rares partys de famille.»
Elles sont monnaie courante, ces complaintes plus ou moins hargneuses sur le temps qu'il fait, le trafic, les manies d'une
collègue ou une énième hausse de nos taxes foncières. On les entend partout: dans la file à l'épicerie, autour de la machine à
café au boulot, dans l'autobus et même autour de la table en famille. Est-ce une attitude salutaire qui permet de déverser le tropplein ou une habitude néfaste qui peut détruire des relations? Bref, devrait-on essayer d'arrêter de se plaindre? «Oui, mais il faut
d'abord faire une distinction entre se plaindre inutilement et exprimer une insatisfaction, précise Leo Bormans, auteur du livre
Optimiste. Se plaindre est une action stérile et répétitive qui n'apporte aucune solution. Tandis qu'exprimer une insatisfaction ou
une émotion peut, au contraire, être très constructif. D'ailleurs, il est prouvé scientifiquement que les gens qui expriment leurs
émotions réussissent mieux et sont plus heureux que ceux qui ne le font pas.»
Exprimer ses émotions négatives pour se libérer et éviter l'accumulation de sentiments nocifs, c'est bien, à condition que les
plaintes ne deviennent pas chroniques, prévient Lucie Mandeville, psychologue et auteure de Soyez heureux, sans effort, sans
douleur, sans vous casser la tête. «Le ratio de 3 pour 1 de la psychologue américaine Sonja Lyubomirsky veut qu'on s'en tienne
à trois commentaires positifs pour une plainte. Ce ratio fait la différence entre la détresse et le bien-être. En dessous, on serait
malheureux et on rendrait les autres malheureux.» Un autre psychologue, John Gottman, va plus loin. Il affirme que, dans un
couple, chacun des conjoints doit maintenir un ratio de cinq mots gentils pour une plainte.
Pourquoi se plaint-on?
En général, les plaintes répétitives cachent une difficulté à agir. Elles peuvent dissimuler une insatisfaction qui ne concerne pas
nécessairement l'objet de la plainte. Une femme insatisfaite de sa capacité à s'affirmer dans son couple peut se plaindre des
hommes machos, par exemple. «C'est rare qu'une personne qui est engagée dans l'action et qui tente une solution ait le temps
de chialer», constate Lucie Mandeville. Souvent, les plaintes portent sur des choses qui demeurent superficielles et touchent
rarement les questions de fond. Les gens en difficulté sont habituellement trop occupés à survivre pour se plaindre. «Chialer,
c'est, jusqu'à un certain point, le luxe de ceux qui s'ennuient dans leur existence et qui ont tout pour être heureux», croit-elle.
Certaines personnes qui se plaignent souvent ont une attitude pessimiste qui fait partie de leur personnalité. Elles voient les
choses négativement et analysent en détail chaque situation de manière à en présenter le plus mauvais côté. Elles retiennent
surtout les événements désagréables et peuvent être rancunières. D'autres se plaignent parce qu'elles en ont développé
l'habitude en côtoyant des gens négatifs. «Il faut aller vers les personnes optimistes au travail, à la maison et dans nos amitiés,
recommande Leo Bormans. Les optimistes, comme les pessimistes, sont contagieux. Les uns tuent l'enthousiasme et la
passion, les autres nous inspirent.»
Et puis, il y a ceux pour qui la plainte est devenue un mode de vie. Comme Annie, qui a cessé de se plaindre il y a trois ans. La
décision s'est imposée lorsque son patron lui a dit qu'elle devenait une leader négative pour son équipe. «Quand je prenais mon
café avec les autres employés, je me plaignais de tout et de rien: des horaires, des objectifs de travail et même des
administrateurs de la compagnie. Sans cela, j'aurais pu décrocher un bien meilleur poste. J'étais une employée performante,
mais on m'a dit que j'avais un problème d'attitude.» Pourtant, elle ne se considérait pas comme une personne négative. Elle
avait tout simplement développé une mauvaise habitude, comme des milliers d'autres qui se plaignent chaque jour autour de la
cafetière du bureau. «Nous voulons tous de l'attention, constate Leo Bormans. Se plaindre est une façon de se faire remarquer
et de faire prendre soin de soi. Certaines personnes n'ont l'impression d'exister que si elles se plaignent.»
En se plaignant sans cesse et en activant les mêmes régions de notre cerveau, on se conditionne à se plaindre encore plus et à
voir la vie en noir. Plus on chiale, plus on se prédispose à chialer. «Comme le jugement fonctionne par associations, à force de
vivre des situations pour lesquelles nous nous plaignons, nous emmagasinons des perceptions négatives qui auront un impact
sur les prochains jugements que nous porterons, explique Lucie Mandeville. Et chialer est mauvais pour notre santé. Notre
cerveau active alors des régions associées aux affects négatifs, et celles-ci produisent des hormones qui, à la longue, réduisent
l'efficacité de notre système immunitaire et nous rendent malades.»
De la plainte à l'action
La sociologue Diane Pacom voit les choses autrement. À ses yeux, se plaindre de manière conviviale autour de la cafetière
serait plutôt un geste de liberté et d'espoir. L'espace d'un instant, cela permet de fuir les contraintes et les conventions.
«Fondamentalement, je crois qu'on se plaint pour aller vers l'autre, croyant qu'il est bon que quelqu'un nous écoute. Autrement,
on se referme sur soi, on se soumet et on se conforme.»
En se plaignant, on crée des complicités et des réseaux informels. Dans nos réseaux professionnels et sociaux, on teste les
autres et on se cherche des alliés. Parfois, une plainte exprimée de manière informelle peut se transformer en plan d'action ou
mener à un grief. «Se plaindre est une façon d'établir des ponts entre les gens. Ce ne sont peut-être pas les meilleurs, mais ce
sont des ponts quand même», affirme la sociologue, en précisant que c'est aussi une question de culture. «Je suis
méditerranéenne. Pour moi, la plainte est fonctionnelle et très libératrice», conclut-elle en riant.
Se plaindre ferait donc partie des règles sociales dans certains groupes, où chialer devient une sorte de carte d'entrée qui nous
permet de nous sentir dans la gang. «Pour ma part, je préfère me taire, avoue Lucie Mandeville. J'attends que ça passe, et
quand un autre sujet plus ludique se présente, je me réinsère dans la conversation. Par contre, je ne crois pas qu'il soit utile de
faire la morale aux autres ou de se montrer plus positive qu'eux. On risque de se faire des ennemis.»
Arrêter de se plaindre, c'est possible!
On a tous droit à la tristesse et à une sorte de «pessimisme défensif», selon Leo Bormans. C'est un peu comme apporter un
parapluie quand on pense qu'il va pleuvoir, mais cela ne signifie pas qu'on doive l'ouvrir tous les jours! «L'optimisme n'est qu'à
40 ou 50 % d'origine familiale, précise-t-il. Il vient de nos parents et de nos grands-parents à travers l'éducation et la génétique.
Environ 10 % de notre attitude positive est due aux circonstances, comme le travail, la maison, l'argent ou le couple, et l'autre 40
% est une question d'état d'esprit.»
La bonne nouvelle, c'est qu'on peut agir sur notre état d'esprit et apprendre à être plus positive en mettant nos échecs en
perspective, en prenant le contrôle de notre vie, en rêvant, en cessant de se comparer aux autres, en partageant et en
cherchant toujours plus d'harmonie dans nos vies. Pour changer d'attitude, Lucie Mandeville nous suggère l'exercice suivant:
identifier un aspect qui nous irrite chez l'autre ou dans une situation donnée et penser à notre réaction dans une situation
similaire. Si, par exemple, on se plaint du fait que notre meilleure amie dévalorise toujours nos succès, on peut se demander
dans quelles circonstances il nous arrive de minimiser ou de ridiculiser les succès des autres. Serait-ce quand on est envieuse?
Bref, on reconnaît les comportements ou les attitudes qui nous indisposent pour mieux comprendre et moins juger autrui et
arriver à moins s'en plaindre.
Être optimiste, ce n'est pas nier la réalité, mais réaliser qu'on a toujours la chance de donner notre propre interprétation des
événements. Et ceux qui le font de manière optimiste ont plus de chances d'être heureux et de connaître le succès, peu importe
les circonstances.
10 astuces pour cesser de se plaindre
1. Se comparer à pire que nous. Penser aux pauvres, aux sans-abri, aux grands malades. Pas pour nier nos problèmes, mais
pour mettre en perspective des désagréments pas si graves, finalement.
2. Penser à un événement plaisant qu'on envisage dans un proche avenir : un projet, une rencontre avec un être cher, le weekend, etc. On peut aussi choisir un objet, le placer bien en vue et prendre la résolution de penser à quelque chose de positif
chaque fois qu'on le voit.
3. Chercher le beau côté ou l'occasion à saisir dans une situation négative et se concentrer là-dessus. Voir les choses dans leur
globalité plutôt que de s'attarder aux détails.
4. Tenir un journal de gratitude. La gratitude est une attitude à développer pour être plus heureux. Chaque jour, on note trois
choses positives dans un calepin ou dans notre téléphone intelligent.
5. Porter un bracelet à notre poignet gauche jusqu'à ce qu'on se plaigne: on le glisse alors à notre poignet droit. On le remet à
notre poignet gauche lorsqu'on dit quelque chose de positif. L'objectif, c'est de le garder à notre poignet gauche toute la journée.
6. Nuancer nos propos. Chaque situation peut être vue sous différents angles. On trouve au moins deux autres façons de voir
les choses avant d'en parler.
7. S'entourer de gens positifs et leur demander de nous enseigner leurs secrets.
8. Se mettre à la place d'une personne positive. Avant de réagir, on se demande ce que cette personne penserait de la situation.
9. Lire des livres et regarder des films qui nous font du bien, qui nous mettent dans un meilleur état d'esprit.
10. Se taire. Tout simplement!