Test d`effort sur tapis roulant dv

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Test d`effort sur tapis roulant dv
LE TEST D'EFFORT SUR TAPIS ROULANT
Trois motifs de consultation peuvent justifier le recours à un test d'effort sur tapis
roulant chez le trotteur: une baisse de performance sportive (contre-performance), un mauvais
niveau de performance chez un jeune cheval (non performance) ou la présence d'un bruit
respiratoire à l'effort sans anomalie visible lors de l'endoscopique de la gorge au repos.
Si le test d'effort sur piste est intéressant car il reproduit les conditions d'entraînement, il
permet néanmoins de mesurer peu de paramètres. L'avantage du test sur tapis roulant est
double : le vétérinaire a en effet la possibilité de mesurer de nombreux paramètres témoins de
l'effort en cours et de réaliser l'endoscopie du larynx à grande vitesse, quand le cheval fait du
bruit.
ADAPTATIONS PHYSIOLOGIQUES A L'EFFORT
La fibre musculaire est tributaire d'énergie sous forme d'ATP (adénosine triphosphate),
"batterie rechargeable du muscle" dont la dégradation libère l'énergie qui permet l'effort. Les
sources d'ATP diffèrent en fonction de la durée et de l'intensité de l'effort musculaire. Chez le
trotteur, l'effort est intense et relativement prolongé. Deux mécanismes sont simultanément
mis en place pour approvisionner les muscles en ATP en "recharger la batterie" : l'oxydation
(=dégradation par l'oxygène O2) du glucose et des acides gras (voie aérobie) et la dégradation
du glycogène sans intervention de l'oxygène (voie anaérobie). La voie aérobie est utilisée par
les cellules musculaires lors d'effort d'intensité modérée mais prolongé. Les produits de
dégradation du glucose et des acides gras sont l'eau et le dioxyde de carbone (CO2). La voie
anaérobie est plus rentable en énergie mais l'effort ne peut pas être maintenu aussi longtemps
car le déchet produit, l'acide lactique, est mal toléré par le muscle (fatigue musculaire) et par
l'organisme en général (baisse du pH sanguin ou acidose). Le but de l'entraînement est
d'adapter au mieux l'organisme à approvisionner les muscles en O2, glucose et acides gras et à
gérer leur déchets comme l'acide lactique et le CO2. En résumé soit on va vite avec peu
d'oxygène et peu de temps car on produit beaucoup de déchet toxique (lactate), soit on va
moins vite mais plus longtemps car on a le temps d'utiliser l'oxygène et on produit peu de
déchet toxique.
L'adaptation du système cardio-vasculaire
Le sang apporte l'oxygène aux fibres musculaires via les globules rouges et draine les
déchets. Lors de l'effort, la perfusion sanguine des muscles s'intensifie, notamment grâce à
l'augmentation de la fréquence cardiaque. Chez le cheval, elle passe environ de 20-40 au
repos à 240-250 battements/min à l'effort intense. La pompe cardiaque du cheval est donc
exceptionnelle car chez l'homme la fréquence ne peut varier que de 50 à 190. Les effets de
l'entraînement sur le coeur sont multiples. Par exemple, sur le pied de 1,30" la fréquence
cardiaque peut varier de 170 ou 200 battements/min selon le niveau d'entraînement du
trotteur. La fatigue cardiaque est alors retardée au fur et à mesure de l'entrainement.
L'entraînement contribue aussi à "muscler" le coeur. Une anomalie cardiaque ou de mauvaises
méthodes d'entraînement, n'optimisant pas le fonctionnement du coeur peuvent être à l'origine
d'un défaut de performance.
La quantité de globules rouges dans le sang témoigne également du niveau de forme.
Un athlète performant a une quantité de globules rouges et d'hémoglobine élevée, augmentant
ainsi la capacité de transport d'oxygène par le sang. La baisse de la concentration sanguine en
globules rouges (anémie) est à l'origine d'un défaut d'oxygénation des muscles et donc d'une
fatigue prématurée.
L'adaptation du système respiratoire
On sait aujourd'hui que c'est principalement le poumon qui représente le facteur
limitant de l'effort chez le cheval. L'entraînement permet d'améliorer les capacités
respiratoires (fréquence respiratoire et volumes d'air inspiré et expiré) jusqu'à ce que celles-ci
plafonnent. Il est donc important de déceler tout anomalie du système respiratoire pouvant
entraver l'écoulement de l'air et/ou les échanges de gaz dans les alvéoles pulmonaires. Une
obstruction des voies respiratoires (lors d'anomalie des naseaux, de déplacement dorsal du
voile du palais, d'hémiplégie laryngée) réduit la quantité d'oxygène disponible dans les
alvéoles. Une inflammation pulmonaire (d'origine infectieuse ou pas) freine le passage de
l'oxygène dans le sang à travers la barrière alvéolo-capillaire. Enfin chez le trotteur
(contrairement au pur sang) la respiration doit être couplée avec la cadence des foulées: pas si
facile de respirer très vite et régulièrement quand la fréquence des foulées varie au cours d'une
course.
L'adaptation musculaire
La sollicitation régulière du muscle permet de le modeler en fonction du type d'effort.
Le muscle s'épaissit, la répartition fibres lentes/fibres rapides est ajustée, et sa vascularisation
se développe. En outre, un muscle entraîné tolère d'avantage l'accumulation d'acide lactique
(ou lactate). A partir d'une concentration sanguine de 4 mmol/l de lactate pendant l'effort, on
considère que le cheval commence à accumuler de la fatigue : c'est le seuil de fatigue et le
trotteur passe dans le rouge. La vitesse atteinte pour ce seuil est appelée V4. Chez un trotteur
de 4 ans en condition, une V4 basse est inférieure au pied de 1,36" alors qu'une V4 élevée,
chez un sujet performant, est supérieure au pied de 1,30". Donc quand on passe dans le
rouge, le déchet s'accumule si vite que l'organisme ne peut plus tenir longtemps l'effort. Le
but de l'entraînement est donc de reculer le moment ou le trotteur passe dans le rouge (travail
de fond) puis quand on commence à être dans le rouge de limiter l'accumulation du déchet
(lactate) pour garder une pointe de vitesse finale (travail de puissance ou fractionnés).
Thermorégulation
Le muscle est un véritable convertisseur d'énergie et dégage ainsi une grande quantité
de chaleur. L'évacuation de cette chaleur est essentielle au bon fonctionnement de l'organisme
qui cherche toujours à garder une témpérature centrale proche de 37°C pour un bon
fonctionnement du cœur, cerveau, foie, etc). Chez le cheval, la sudation permet l'élimination
de la chaleur. Malgré ce processus, la température centrale augmente, parfois de plus de 2°C.
Cette considération est à prendre en compte lors du test d'effort sur tapis roulant. Ainsi, des
ventilateurs puissants reproduisent le vent et favorisent le refroidissement cutané lors de la
mise à l'épreuve. De plus, la température interne est évaluée en continu grâce à une sonde
passant par la veine jugulaire et se logeant à la base du coeur.
Adaptation du squelette et boiteries
Lors de l'effort, l'appareil musculo-squelettique du cheval doit s'adapter à l'effort. Certaines
boiteries n'apparaissent qu'à grande vitesse et sont bien visibles sur le tapis puisque l'on peut
mettre le trotteur jusque sur le pied de 1,08" et le regrader à cette vitesse de tous les côtés.
Dans d'autres cas, une irrégularité est présente mais ne gène pas le cheval et ne cause pas de
douleur à l'effort ce que l'on constate en évaluant la fréquence cardiaque.
Le test d'effort sur tapis roulant a pour but de comprendre pourquoi un trotteur
apparemment en bonne santé ne court pas comme il devrait. La seule solution est en fait
de "l'ausculter" quand il fait cet effort. Par exemple, certains chevaux présentant un bruit de
"cornage" net à l'effort ont un examen au repos parfaitement normal. Inversemment, certains
trotteurs présentent un "cornage" modéré ( hémiplégie laryngée modérée) donc une résistance
à l'écoulement de l'air située dans la gorge) et peuvent néanmoins se révéler de bons
performers car ils "s'oxygènent" bien.
PARAMETRES EVALUES LORS DU TEST D'EFFORT
Un test d'effort est précédé d'un bon examen clinique et dynamique afin d'éliminer
toute anomalie pouvant fausser les résultats (ex : mauvais état dû au parasitisme interne,
anémie, broncho-pneumonie, boiterie...).
Les paramètres mesurés pendant l'exercice sont les suivants :
- la vitesse : elle augmente par palier jusqu'à la vitesse maximale. Pour reproduire l'intensité
de l'effort sur piste, le tapis est incliné de façon à imposer une légère pente montante au
patient 2,5%). Le test d'effort standard impose les vitesses par palier, ce qui permet d'évaluer
l'aptitude des athlètes les uns par rapport aux autres. Cependant, il est souvent nécessaire
d'adapter les vitesses en fonction de l'âge, du niveau, du programme d'entraînement. Si le
patient présente une fatigue prématurée, la vitesse est diminuée ou le test stoppé.
A noter que des tests standards sont également réalisables chez le galopeur.
- les paramètres cardiaques : la fréquence cardiaque est suivie en continue grâce à une montre
Polar® tandis que l'électrocardiogramme (ECG) est enregistré en continu grâce à des
électrodes fixées sur le thorax et reliées à un boîtier transmettant les informations à un
ordinateur via le système Bluetooth. On observe donc sur l'écran d'ordinateur tout
l'électrocardiogramme du cheval.
- la température interne : une fine sonde est introduite par la veine jugulaire et se loge à la
base du coeur.
- les gaz sanguins : c'est un élément clé du test d'effort: combien y a t'il d'oxygène dans le
sang artériel pendant l'effort? Un opérateur prélève du sang artériel pendant les trente
dernières secondes de chaque palier grâce à un cathéter introduit dans une artère de la tète. Un
échantillon sanguin est immédiatement analysé car le dosage des gaz sanguins doit être
rapide. La concentration artérielle en O2 et CO2 est ainsi connue et témoigne de l'efficacité du
poumon.
- la lactatémie : la concentration sanguine en acide lactique (déchet) varie rapidement au cours
de l'effort. Grâce au cathéter précédemment décrit, le sang est prélevé pendant l'exercice. La
valeur de la lactatémie mesurée est alors plus fiable.
Pendant le dernier palier (exercice intense), ou dès qu'un bruit à l'effort se fait entendre,
l'endoscope est mis en place. Il est introduit par un naseau et fixé à la tête par un licol "porteendoscope". Le fonctionnement de la gorge pendant l'effort est vu écran, enregistré, puis
analysé au ralenti voir image par image car certaines anomalies sont si rapides que ne les voit
pas à vitesse normale. Cet examen permet de déceler des anomalies n'apparaissant qu'à
l'exercice, lorsque les muscles laryngés et/ou pharyngés fatiguent.
L'utilisation du tapis roulant peut se révéler être un outil pour observer une boiterie à grande
vitesse. L'examen est pratique mais il n'égale pas l'examen à la piste qui reproduit mieux les
conditions de course : sulky, harnachement, type de sol. Enfin de nombreuse boiteries du
trotteur sont liés aux virages et le tapis roulant les évalue moins bien. C'est donc un outil
complémentaire.
Après le test, de nouveaux examens sont pratiqués. Durant les minutes suivant le test, le
fonctionnement du coeur est évalué par échographie, particulièrement en cas de souffle
persistant ou si une anomalie a été notée lors de l'ECG à l'effort. Trente minutes après
l'exercice, un lavage broncho-alvéolaire est réalisé. Le vétérinaire récolte ainsi un échantillon
de cellules et de fluides contenus dans les poumons. Des affections telles qu'un saignement
pulmonaire à l'effort ou une inflammation pulmonaire profonde active peuvent être
diagnostiquées. Enfin, la réponse musculaire post-effort est quantifiée trois heures après le
test par dosage sanguin de la CPK, une enzyme musculaire.
DEROULEMENT DU TEST D'EFFORT SUR TAPIS ROULANT
1- Le matin : habituation
Après avoir posé les protections de membres, on installe le cheval sur le tapis roulant.
Il est préférable qu'une personne à laquelle l'animal est habitué reste à la tête. Le cheval est
soumis à trois courtes phases d'habituation, au pas et au petit trot, afin d'adapter son système
locomoteur mais aussi son état psychique. Le trotteur se familiarise au personnel gravitant
autour de lui, aux ventilateurs et aux variations d'allure imposées par le tapis. Ce temps
d'habituation est essentiel car il réduit les réponses physiologiques dues au stress, lors du test
d'effort. Entre chaque phase d'adaptation le cheval est remis au boxe calme.
2- L'après-midi : déroulement du test d'effort
- La préparation du sportif doit être faite au calme et avec soin. La pose du cathéter artériel et
des capteurs thermique et cardiaque est délicate et le tout doit être correctement fixé sous
peine d'être arraché en plein exercice. Le licol "porte-endoscope" est mis en place sous un
licol ou un filet.
- L'échauffement dure dix minutes. Chez le trotteur, la pente du tapis est de 2,5° pendant tout
le test.
- L'épreuve est classiquement fractionnée en 3 paliers de 3 minutes puis un quatrième palier
d'1 minute 30 durant lequel l'endoscope est en place. Chaque palier est interrompu par une
pause d'1 à 2 minutes. Les paliers standards se font sur le pied de 2, puis le pied de 1,50, puis
sur le pied de 1,40 ou 1,30. Le dernier pallier avec l'endoscope est plus court et pousse le
trotteur jusqu'à une fréquence cardiaque d'environ 210 à 220 battements par minute ou jusqu'à
ce qu'un problème devienne visible.
- La récupération se fait à sur le pied de 2" ce qui est très important pour faire redescendre les
lactates pendant 10 min (le pas ne le permet pas).
4- Fin d'après-midi : soins et derniers prélèvements
Après le test, le cheval est douché, séché et promené au pas en main. Il retourne au
box et est laissé seul, au calme, avec du foin et de l'eau. Avant le départ, le lavage bronchoalvéolaire et la prise de sang pour dosage des CPK sont effectués.
CONCLUSION
Les données recueillies lors du test d'effort aident le vétérinaire à diagnostiquer la
cause de contre-performance du patient. Plusieurs affections sont souvent associées
:déplacement dorsal du voile du palais et hémiplégie laryngée, collapsus des replis aryépiglottiques et saignement pulmonaire à l'effort, boiterie et problème respireatoire, etc.....
Leur retentissement se manifeste par de mauvais paramètres sanguins et/ou une fréquence
cardiaque élevée. Au contraire, les paramètres témoins de la performance se révèlent parfois
corrects alors qu'une affection est diagnostiquée lors du test. Les vrais problèmes cardiaques
restent plus rares (moins de 5% des causes de non performance). Enfin, il arrive qu'aucune
affection majeure ne soit présente. Le test d'effort permet alors de distinguer les sujets mal ou
pas assez entraînés de ceux qui sont naturellement limités.
Dr Muriel HAMON
Dr Jean-Marc BETSCH
Clinique Vétérinaire Equine de Méheudin
61150 ECOUCHE

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