Nicolas Dubois

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Nicolas Dubois
PRISE DIRECTE
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Nicolas Dubois,
l’épicurieux
Ce que dit le Robert de l’esthète ? « Personne qui affecte le culte exclusif et raffiné
de la beauté formelle ». La formule sied parfaitement à Nicolas Dubois, professionnel
des métiers de bouche et de l’hôtellerie et associé de la chaîne Hôtels & Préférence
depuis quinze ans. En parallèle, l’homme roule à bord d’une Porsche 912.
Rétro Passion Automobiles : Bonjour Nicolas et
merci de nous accueillir dans ce merveilleux
endroit. Nous sommes ensemble pour parler
de passion, alors dis-nous ce qui te mobilise.
Nicolas Dubois : D’abord, merci à toi d’avoir
accepté notre invitation au château de Villiers-leMahieu qui fait partie d’Hôtels & Préférence. Pour
répondre à ta question, je viens d’un métier un
peu particulier puisqu’il s’agit de la cuisine et de
la sommellerie. En 1999, après avoir monté les
échelons, j’ai décidé avec mes associés, Yannick,
Cyril et Karl, de monter un grand label hôtelier.
Nous avions envie de donner un nouveau blason
au marché français avec une entité plus proche
du client et des nouvelles passions qu’on va évoquer, à savoir la gastronomie et les voitures
anciennes. Je baigne dedans depuis petit,
puisque j’ai eu un papa qui travaillait chez Facel
Véga en tant que Maître sellier. Et je suis né au
Mans. Comme tu peux l’imaginer, j’ai vu plus
d’une fois tourner de très belles voitures à l’occasion des 24 Heures. J’ai acheté une vieille
Porsche. Mon budget ne me permettant pas
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d’avoir une 911, je me suis donc rabattu sur une
912, la mal-aimée. J’aime tout ce qui est mal
aimé parce qu’en général, ce sont des objets
qu’on arrive à faire aimer grâce à sa passion. Cela
étant, s’agissant de la 912, on devrait plutôt
l’appeler la bien aimée car lorsque Ferdinand
Porsche a lancé la 901, qui devait finalement
s’appeler 911, elle ne fonctionnait pas très bien
parce qu’elle était trop chère par rapport à la 356.
Il a eu l’idée de génie de mettre le quatre cylindres
de la 356 dans la coque de la 911, ce qui a
donné la 912. J’ai entrepris la recherche de cette
voiture et je l’ai trouvée aux États-Unis, sur E-bay
et là, mauvaise pioche. Le vendeur qui tenait un
garage là-bas m’avait assuré qu’elle était en très
bon état. En réalité, je me suis retrouvé, c’était
en 2011, avec une épave. Le premier garagiste
à qui j’ai eu affaire me dit : « Nicolas, il y a deux
solutions : soit on en fait une compression de
César, soit tu décides de la refaire de A à Z. »
Comme je suis plutôt un homme de défis, tant
dans mon métier que dans ma vie personnelle,
j’ai choisi de m’attaquer au chantier.
NICOLAS L’ACHÈTE SUR
E-BAY AUX ÉTATS-UNIS
ET LÀ, MAUVAISE
PIOCHE, LA 912 EST
UNE ÉPAVE !
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PRISE DIRECTE
PRISE DIRECTE
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1 – Sous le capot, l’album de famille avec les
stickers des rallyes et des manifs.
2 – Combinaison et sacoche sur la plage
arrière, le Porsche est parée pour une nouvelle
virée.
3 – En bonne place, clin d’œil à OSS, un orfèvre
de la restauration.
2
3
RPA : D’après ce que tu m’as dit, tu as lancé
des travaux très importants chez un spécialiste
qui s’appelle OSS et dont tu as été satisfait.
ND : La vie est faite de rencontres et j’ai eu l’occa-
LE NOUVEAU DÉFI
DE NICOLAS EST À
LA HAUTEUR DE
SES AMBITIONS :
DÉNICHER UNE
BRISTOL 404
sion, à Automédon l’année dernière, de rencontrer
trois personnes exceptionnelles : Sergio, Éric et
Florian. Ils sont les propriétaires de Old Style Spirit
à Bourron-Marlotte, près de Fontainebleau. Quand
ils ont vu la voiture, ils ont admis que j’avais commencé une belle restauration, mais qu’il y avait des
choses à terminer. En fait, ils ont tout repris en
main pendant six mois et ont refait toute la carrosserie et le moteur. Florian, le mécanicien, est un
orfèvre. C’était une première pour eux car ils
n’avaient jamais fait de Porsche. Ils font plutôt des
anglaises et des américaines et pour eux avoir une
Porsche dans le garage était un crime de lèse
majesté. Mais finalement, ils ont apprécié et
rénovent d’autres Porsche depuis. Je me souviens
d’une phrase d’Éric : « Nicolas, on va te montrer
que tous les garagistes ne sont pas des escrocs ! »
RPA : Et cela te permet maintenant de l’utiliser
au quotidien ?
ND : Ma vision de la collection fait que je ne suis
pas du tout spéculateur. Malheureusement, la spéculation enferme de très belles voitures. Une voi-
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ture, on doit la faire vivre et la partager. Tu sais que
le contact est quelque chose d’important pour
moi. Donc, oui je l’utilise souvent, mais peu dans
Paris où j’habite et où je préfère être motard. Je
n’ai pas d’autre voiture que ma 912. Là, je reviens
du Luxembourg. J’ai fait 1 000 kilomètres dans le
week-end. Et puis, il y aura les Journées du
Patrimoine, l’occasion de montrer ce que sont les
voitures anciennes à un public qui ne les connaît
pas bien. Ensuite Les Grandes Heures de l’Automobile à Montlhéry et on ira à Automédon et à
Rétromobile. Tu vois, c’est une voiture qui roule
parce qu’elle a vocation à rouler, même s’il est
parfois inquiétant d’être dans la circulation avec
un si bel objet.
RPA : Tu disais tout-à-l’heure que tu étais un
homme de défis. As-tu idée d’en relever un
nouveau avec une autre ancienne ?
ND : J’ai encore quelques détails à terminer sur
la Porsche. Je veux qu’elle soit exactement
comme lorsqu’elle est sortie de l’usine de
Stuttgart en 1967. Mais j’ai en effet un deuxième
rêve, celui d’avoir une Bristol 404. C’est encore
une voiture coup de cœur, on pourrait même dire
d’amateur éclairé. Une anglaise des années
soixante. J’adore ses formes, je trouve qu’elle est
d’une fluidité incroyable. C’est décidé ! Au grand
dam de mon garagiste qui me dit que je suis de
nouveau à la recherche d’une nouvelle saucisse.
Peut-être, mais il n’empêche, je me donne un an
pour la trouver !
RPA : Voilà une bonne nouvelle ! Je vois que tu
arrives à nourrir ta passion et à vivre ton
métier de l’hôtellerie de prestige en entretenant
des synergies entre les deux.
ND : Oui, et je te remercie de revenir sur mon
métier. Avec mes associés, nous nous sommes
aperçus que nos clients et nos clientes amateurs
de très beaux établissements, sont souvent amateurs de très belles voitures ou motos anciennes.
Ces beaux objets sont à mon avis un bon vecteur
du savoir-faire, du savoir être et du savoir-vivre à
la française. Nous nous impliquons de plus en plus
dans des événements autour de la voiture
ancienne et je pense que nous sommes les premiers en France et en Europe à le faire à ce niveau.
Je te rappelle que nous sommes très orientés vers
l’événementiel et l’organisation de séminaires.
C’est dans ce contexte que je suis en train de
créer un partenariat avec Maxime Lépissier, de
L’Étrier. Nous avons envie de mettre à disposition
des véhicules anciens pour des séminaires. Tu
imagines, arriver dans un endroit comme celui-ci,
le château de Villiers-le-Mahieu, et te retrouver sur
le parvis au milieu très belles autos, prêtes pour
un rallye touristique inoubliable ? Il y a des ponts
à jeter entre le haut de gamme et ce côté un peu
“aventure” qu’on va essayer de partager avec nos
clients. L’automobile ancienne leur correspond
tellement bien. Ce sont des gens qui ont du goût
et qui aiment les belles choses. Ce sont des
esthètes et des épicurieux, tout comme moi ! u
www.hotelspreference.com
www.oldstyle-spirit.com
Propos recueillis par Xavier Foucard,
photos Toma de Saulieu
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