Compte rendu de la conférence préjudice écologique d`Armateurs

Transcription

Compte rendu de la conférence préjudice écologique d`Armateurs
Compte rendu de la conférence
préjudice écologique d’Armateurs de France
INTRODUCTION PAR M. GILDAS MAIRE, PRESIDENT D’ARMATEURS
DE FRANCE
Après avoir remercié les participants pour leur présence, le président a souligné les difficultés
d’appréhender les conséquences de ce texte, notamment pour le secteur maritime.
Il a ensuite reconnu l’importance du travail fourni – notamment celui de Monsieur le député
Arnaud Leroy - sur la protection de la biodiversité, tout en rappelant que « l’exemplarité
française » peut être un handicap à la compétitivité si la France agit seule.
Il a ensuite cédé la parole à Mme Cécile Bellord, délégué général adjoint et responsable
juridique et fiscal d’Armateurs de France.
INTERVENTION DE MME CECILE BELLORD, DELEGUE GENERAL
ADJOINT D’ARMATEURS DE FRANCE
Mme Bellord a commencé par détailler le régime juridique de la réparation du préjudice
écologique, tel que prévu à l’article 4 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la
nature et des paysages :
 « Toute personne responsable d’un préjudice écologique doit le réparer ».
 Le préjudice en question est une « atteinte non négligeable aux éléments ou aux
fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de
l'environnement » : Mme Bellord souligne le fait que le terme d’ « atteinte nonnégligeable » est très largement sujet à interprétation, la marge de manœuvre laissée
au juge est donc importante.
 Concernant les personnes ayant intérêt à agir, Mme Bellord précise que la liste donnée
par le texte n’est pas exhaustive.
 Elle a ensuite rappelé que la priorité est donnée à la réparation en nature, que le juge
peut ordonner des mesures sous astreinte, et que l’action se prescrit en dix ans.
Mme Bellord a ensuite soulevé un ensemble de questions que se posent les acteurs du milieu
maritime :
 Quel est la place de ce texte par rapport aux réglementations spéciales ?
 Quel cumul devra être opéré entre les responsabilités civiles et pénales ?
 Quid des dommages subis à l’étranger ou causés par des navires étrangers ?
 Comment faire pour assurer ce risque ?
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Elle a ensuite exprimé la position d’Armateurs de France, qui considère que cette réforme est à
saluer à condition qu’elle respecte les textes maritimes et la hiérarchie des normes (article 55
de la Constitution), ce qui serait la position retenue par M. Urvoas, garde des sceaux.
Après avoir toutefois souligné le risque de distorsion de concurrence et les risques assurantiels
majeurs engendrés par ce texte, Mme Bellord a cédé la parole à M. Arnaud Leroy, député.
INTERVENTION DE M. ARNAUD LEROY, DEPUTE
M. Leroy a indiqué qu’un tel dispositif n’était pas une exclusivité française, puisque les EtatsUnis et le Mexique disposent de textes similaires.
Il a ensuite souligné le travail de longue haleine qui a conduit à l’élaboration de ce nouveau
texte.
Pour lui :
 Tout a été fait pour limiter les possibilités d’interprétation, il prend pour exemple la
notion de « non-négligeable », qui existe déjà en droit français.
 Il affirme que ce nouvel article n’a pas pour but de dénoncer les textes maritimes, que la
France ne sortirait pas des régimes internationaux, que le nouveau système vient en
complément du système existant et permet de donner plus de visibilité aux acteurs.
 Ce texte a vocation à s’appliquer à tous les navires qui viennent dans les eaux françaises,
y compris aux navires sous pavillon étranger, causant un préjudice écologique dans les
eaux françaises.
 Il a également souligné l’importance pour la France de se doter d’une agence de la
biodiversité, qui pourrait notamment être chargée du suivi des affaires de poursuite
pour préjudice écologique.
Après avoir invité les participants à regarder comment le marché américain de l’assurance
maritime avait traité la question, il a cédé la parole à M. Peter Hinchliffe, secrétaire général de
l’International Chamber of Shipping.
INTERVENTION DE M. PETER HINCHLIFFE, SECRETAIRE GENERAL
DE L’INTERNATIONAL CHAMBER OF SHIPPING
M. Hinchliffe a commencé par rappeler que la France avait déjà un système complet
d’indemnisation pour les dommages de pollution par les navires issu des textes de l’OMI,
système complet, avec un haut degré de certitude quant à l’indemnisation.
Il a ensuite souligné le fait que la réparation des « pure environmental damage » soulève des
incertitudes sur de nombreux points :
 La responsabilité : Qui est responsable ? Le capitaine ? Le propriétaire du navire ?
L’affréteur ?
 En conséquence, sur qui pèse l’obligation d’assurance ?
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Concernant l’assurance, M. Hichliffe a rappelé qu’il était peu probable que les assureurs
souhaitent s’engager pour une responsabilité illimitée ; les assureurs ne souhaiteront pas voir
leur contrat régi par le droit français.
S’il n’y a ni assurance, ni solvabilité, le risque est donc que cette réglementation soit
d’application purement théorique.
M. Hichliffe a ensuite rappelé que la France est tenue d’appliquer le droit international, sauf à
dénoncer les conventions auxquelles elle est partie (« nuclear option »).
La solution, pour lui, serait que la France émette des réserves à la loi pour prévoir l’application
du droit maritime, le but étant d’arriver à une certitude sur le contenu du texte.
Il a ensuite cédé la parole à Mme Chao Wu, représentante des P&I clubs.
INTERVENTION DE MME CHAO WU, DIRECTEUR JURIDIQUE
THOMAS MILLER P&I
Après avoir fait quelques rappels sur les P&I et leur fonctionnement, Mme Wu a dit que « La
France n’a pas besoin d’une telle loi pour les armateurs et les navires » puisque, « d’une
certaine manière, le Code Civil français est déjà incorporé dans le système international de
conventions », qui est déjà suffisamment équilibré. Elle ajoute qu’il y a un risque de violation
des engagements internationaux de la France, alors que le modèle de l’industrie maritime est le
plus sophistiqué qui soit.
Elle a ensuite souligné le fait que l’exemple de la législation américaine n’est pas pertinent, ce
pays n’étant pas partie aux conventions internationales qui régissent la responsabilité en
matière de pollution causé par les navires, d’autant plus les compagnies ont déserté le pays
après l’adoption du texte en question.
Mme Wu a également rappelé le problème de cette absence de limitation de la responsabilité
concernant la couverture des potentiels dommages par les assureurs.
Elle a conclu en disant que pour les navires, la solution se doit d’être internationale.
Un enchainement questions / réponses a ensuite eu lieu.
QUESTIONS / REPONSES
M. Leroy a commencé par dire que l’absence de référence aux textes dérogatoires dans la loi
sur la biodiversité est en fait une question de « culture juridique », et que ce texte à vocation
générale doit nécessairement s’articuler avec les textes spécifiques à certaines industries.
La question a été posée de savoir si ce n’était pas à l’OMI de préciser la notion de préjudice
environnemental. Pour M. Hitchliffe, c’est au gouvernement français de préciser sa position.
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L’ensemble de la communauté maritime s’est accordée pour dire qu’il était nécessaire que la
loi française soit modifiée pour préciser que les exceptions maritimes afin de rassurer la
communauté internationale et les assureurs.
Pour conforter cet impératif, les participants ont fait état de leurs inquiétudes sur
l’interprétation du texte par les juges ; ils ont rappelé que le juge est indépendant et qu’en
l’absence d’exceptions prévues dans les textes, le doute subsiste quant au fait de savoir si les
textes propres au domaine maritime seront bien appliqués.
CLOTURE DE LA SEANCE PAR M. ERIC BANEL, DELEGUE GENERAL
D’ARMATEURS DE FRANCE
Pour M. Banel :
 Il est nécessaire, rapidement, de consacrer juridiquement l’inapplication du texte au
transport maritime en raison de l’existence de dispositions spécifiques et dérogatoires,
ceci pour mettre fin aux incertitudes.
 Un grand travail de pédagogie est nécessaire, particulièrement auprès des magistrats.
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