Les interventions économiques des collectivités locales

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Les interventions économiques des collectivités locales
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b) Les règles applicables aux personnels sportifs
Outre son rôle de définition des conditions de recrutement du
personnel des services municipaux des sports (par l’arrêté du 16 mai 1966), le
ministère des sports enrichit régulièrement la liste des brevets d’Etat
nécessaires pour encadrer ou enseigner les différentes disciplines sportives.
Ces dispositions indispensables pour la sécurité des sportifs se révèlent parfois
inadaptées aux besoins des collectivités locales, qui ne peuvent trouver les
personnels disposant des compétences et des qualifications requises.
Les collectivités territoriales rencontrent ainsi des difficultés à mettre
en œuvre leur politique sportive lorsqu’elles ne peuvent recruter le personnel
nécessaire pour la mener à bien. En raison de la multiplication des conditions
de compétence et de diplôme, et des changements fréquents de la
nomenclature des brevets d’Etat délivrés par le ministère de la jeunesse et des
sports, certaines collectivités territoriales sont contraintes de renoncer à leurs
projets.
De plus, dans certaines disciplines récentes, les brevets d’Etat
n’existent pas encore. Les collectivités territoriales hésitent alors à recruter des
personnels ayant une pratique sûre de ces disciplines, mais dont les
compétences ne sont pas sanctionnées par un diplôme, la responsabilité de
l’autorité exécutive de la collectivité locale pouvant être engagée en cas
d’accident.
VII. LES INTERVENTIONS ÉCONOMIQUES DES COLLECTIVITÉS
LOCALES
A.
LA
SITUATION
ANTÉRIEURE
JURISPRUDENTIEL RESTRICTIF
À
1982 :
UN
CADRE
Les collectivités territoriales sont elles-mêmes des agents
économiques de premier plan par le seul exercice de leurs compétences
traditionnelles. Les flux financiers que produit l'accomplissement de leurs
missions leur donnent une place importante dans l'économie locale en tant
qu'acheteurs comme en tant qu'employeurs. Ce rôle économique essentiel se
distingue de celui d'intervenant au profit des entreprises du secteur marchand.
Les relations entre les collectivités locales et l’économie n’ont
longtemps été appréciées qu’à travers ce qu’il est convenu d’appeler
l’« interventionnisme économique » c’est-à-dire le moment où la collectivité
publique intervient dans un domaine réservé à l’initiative privée. Ces
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interventions sont demeurées soumises à des conditions très restrictives sinon
à une interdiction totale et très largement définie par la jurisprudence
administrative. Mais les lois de décentralisation de 1982 ont marqué un
tournant décisif en reconnaissant et en confirmant les capacités d'intervention
des collectivités locales dans le secteur économique.
Auparavant, les interventions économiques des collectivités locales
évoluaient dans un cadre jurisprudentiel restrictif.
Dans de nombreux avis ou décisions du Conseil d'Etat, apparaissent
plusieurs préoccupations : souci de ne pas fausser les règles du droit
commercial et en particulier celles qui concernent la faillite ; souci de
respecter les règles de la concurrence qui se trouveraient violées si des aides
publiques pouvaient être attribuées à des entreprises privées ; nécessité de
sauvegarder les finances locales contre les risques financiers encourus dans
une gestion de type privé.
Le juge administratif considérait que seules des circonstances
particulières de temps et de lieu ou un intérêt public local pouvaient justifier
une intervention des collectivités locales.
Mais les premières transformations apportées par le Conseil d'Etat à
sa position traditionnelle ont été progressivement élargies : ainsi a-t-il été
admis qu'une commune crée un service dès lors que son prix était plus
modique et ses conditions plus favorables que ceux du secteur privé (Syndicat
des exploitants de cinématographes de l'Oranie, 12 juin 1959) ; quant à la
notion d'intérêt public local, elle a été élargie des besoins primordiaux aux
besoins les plus divers.
Allant encore plus loin, le Conseil d'Etat a admis des interventions des
collectivités locales justifiées par leur nature même, parce qu'elles se
rattachent à un service public de nature administrative : création par une
commune d'un service de consultation juridique à l'occasion de la réalisation
d'un lotissement (Sect. 23 décembre 1970, préfet du Val-d'Oise et ministère de
l'intérieur contre commune de Montmagny).
Dans le domaine des services publics industriels et commerciaux, la
Haute Juridiction a considéré qu'un tel service pourrait être assuré dans le cas
où il constitue le prolongement d'un service existant. Poursuivant cette
évolution, le Conseil d'Etat en est venu à admettre des aides directes aux
entreprises en vue du développement économique.
- 442 -
B.
LES LOIS DE DÉCENTRALISATION : PRINCIPES ET LIMITES
La loi n° 82-213 du 2 mars 1982 autorise explicitement pour la
première fois les collectivités locales à intervenir en faveur des entreprises.
Son article 5 dispose, en effet, que « la commune peut intervenir en matière
économique dans les conditions prévues au présent article ».
Dans le même esprit, la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, relative à la
répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions
et l'Etat, dispose dans son article premier que ces mêmes collectivités règlent
par leurs délibérations les affaires d'intérêt local : « A ce titre, elles concourent
avec l'Etat à l'administration et à l'aménagement du territoire, au
développement économique, social et culturel, ainsi qu'à la protection de
l'environnement et à l'amélioration du cadre de vie ».
De plus, la loi n° 83-645 du 13 juillet 1983, définissant les choix
stratégiques, les objectifs et les grandes actions du développement de la Nation
pour le IXe Plan reconduit les règles établies par le plan intérimaire en ce qui
concerne les interventions économiques des collectivités locales, sous réserve,
en cas de besoin d'un réexamen à mi-parcours.
Dans le même temps, la liberté des collectivités locales était renforcée
par la suppression de tous contrôles a priori remplacés par une possibilité de
recours juridictionnel dans le seul cas de violation de la loi.
La nouvelle législation établit une distinction entre, d'une part, les
interventions proprement dites en faveur du développement économique et,
d'autre part, l'aide aux entreprises en difficulté et la protection des intérêts
économiques et sociaux.
S’agissant de l’action en faveur de l’intervention économique, la
loi distingue entre les aides directes, limitativement énumérées et strictement
encadrées, et les aides indirectes, en principe libres, car elles sont censées ne
pas profiter à l'entreprise en établissant un lien financier entre elles et la
collectivité qui les accorde.
L'aide aux entreprises en difficulté et la protection des intérêts
sociaux est également libre, sous réserve de conditions peu contraignantes. En
particulier, les conditions et les modalités de l'aide doivent être formalisées par
une convention conclue entre la collectivité et l'entreprise, et il ne peut être
pris aucune participation dans le capital d'une société commerciale hormis les
sociétés d'économie mixte locales et, pour les régions, les sociétés de
développement régional et les sociétés de financement.
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Hormis les conditions particulières propres à telle ou telle catégorie
d'aides, le législateur, principalement sous l'influence du Sénat, a établi trois
grandes limites de principe à la nouvelle liberté des collectivités locales :
- la première limite concerne le respect des compétences de l'Etat :
ce dernier « a la responsabilité de la conduite de la politique économique et
sociale ainsi que la défense de l'emploi » ;
- la deuxième tient à la réaffirmation du principe selon lequel
l'intervention économique des collectivités locales s'exerce « sous réserve du
respect de la liberté du commerce et de l'industrie et du principe de l'égalité
des citoyens devant la loi » ;
- enfin, les interventions économiques des collectivités locales doivent
respecter « les règles de l'aménagement du territoire ».
S’ajoute à ces limites de droit interne l’exigence de la compatibilité
des aides des collectivités locales avec les dispositions du droit
communautaire relatives aux aides publiques, en particulier l'article 92 du
Traité de Rome, lequel dispose que « sauf dérogations prévues par le Traité,
sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent
les échanges avec les Etats membres, les aides accordées par les Etats, ou au
moyen de ressources d'Etat, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou
menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou
certaines productions ». Les aides des collectivités locales sont assimilées à
des aides de l’Etat.
C.
LE DISPOSITIF RÉSULTANT DE LA NOUVELLE LÉGISLATION
1.
L’action en faveur du développement économique
L’action en faveur du développement économique regroupe les
interventions en direction des entreprises et de leur environnement, afin de
favoriser la création et l’extension des entreprises.
Faute d’être dégagé par la loi elle-même, le critère de
entre aides directes et aides indirectes l’a été par la
administrative1 : l’aide directe se traduit par la mise à disposition
financiers à l’entreprise bénéficiaire, avec une conséquence
(immédiate ou potentielle) dans son compte de résultats.
1
distinction
juridiction
de moyens
comptable
Conseil d’Etat, 18 novembre 1991, Département des Alpes-Maritimes, avec les conclusions
du Commissaire du Gouvernement Pochard.
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Quant aux aides indirectes, elles recouvrent toutes les autres formes
d’aides consistant soit à mettre à la disposition des entreprises des biens
immeubles, soit à améliorer leur environnement économique et à faciliter
l’implantation ou la création d’activités.
a) Les aides directes au développement économique
L’utilisation par les collectivités locales des aides directes en faveur
du développement économique s’effectue sous une quadruple contrainte.
Première contrainte, ces aides sont limitativement énumérées par la
loi (art. 4 de la loi n° 82-6 du 7 janvier 1982). Il s’agit de la prime régionale à
la création d’entreprises, de la prime régionale à l’emploi, de prêts,
avances et bonifications d’intérêts.
Aucune forme nouvelle d’aide directe ne peut être envisagée en
dehors de ces dispositions, sous réserve d’une habilitation législative expresse
donnée aux collectivités locales1.
Deuxième contrainte, le régime des aides directes se caractérise par
la prééminence conférée à la région dans la loi du 2 mars 1982 : les initiatives
éventuelles des départements et des communes sont ainsi subordonnées à
l’intervention préalable de la région.
Cette prééminence de la région comporte trois conséquences pour les
autres collectivités :
- les communes et les départements ne peuvent que compléter l’aide
régionale lorsque celle-ci n’atteint pas le plafond fixé par décret ;
- elles ne doivent intervenir que dans les zones et les secteurs
d’activités retenus par le conseil régional (art. L 1511-2 al. 2 du code général
des collectivités territoriales) ;
- elles ne peuvent accorder une aide directe à une entreprise que si la
région a décidé, au préalable, de lui octroyer une aide.
Toutefois, la région ne peut rien faire qui s’apparenterait à une mise
sous tutelle des départements et des communes.
Troisième contrainte, ayant trait à la forme, l’octroi des aides
directes résulte, pour toutes les catégories d’aides, d’une décision de
1
Conseil d’Etat, 15 février 1993, Région Nord-Pas-de-Calais. Voir aussi Conseil d’Etat, 6 juin
1986, Département de la Côte-d’Or, A.J.D.A. 1986, p 594 et Conseil d’Etat, 1er octobre 1993,
Commune de Vitrolles c/ M. Catalan pour des exemples de délibérations de collectivités
locales jugées illégales.
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l’exécutif local prise en exécution d’une délibération de l’assemblée locale.
C’est une compétence qui ne peut faire l’objet d’aucune délégation.
Quatrième et dernière contrainte, de pure logique, les aides directes
destinées aux entreprises ne peuvent être versées que si l’entreprise se trouve
dans une situation régulière au regard de ses obligations fiscales et sociales.
Ces contraintes s’appliquent aux différentes aides directes, que l’on
peut regrouper en deux catégories : d’une part les primes, d’autre part les
prêts, avances et bonifications d’intérêts.
La prime régionale à l’emploi (PRE) est accordée aux entreprises
ayant pour objet l’une des activités déterminées par le conseil régional et
réalisant une création, une extension ou une reconversion. Son montant varie
de 10 000 F à 20 000 F par emploi, dans la limite de trente emplois (il est de
40 000 F dans les zones de montagne et dans celles ayant bénéficié de
l’ancienne aide spéciale rurale). La PRE ne peut être cumulée avec la prime
d’aménagement du territoire (PAT).
La prime régionale à la création d’entreprises (PRCE) a un
montant forfaitaire, à la différence de la précédente : d’un montant maximum
de 150 000 F, elle peut être accordée aux entreprises ayant pour objet l’une
des activités définies par le conseil régional, qui s’engagent à créer un certain
nombre d’emplois.
Les primes sont donc encadrées par des dispositions strictes. En outre,
la prime à la création d’entreprise est réservée aux entreprises créées depuis
moins d’un an, la prime régionale à l’emploi à celles dont le chiffre d’affaires
ne dépasse pas 300 millions de francs. Les emplois créés doivent être à durée
déterminée.
Les prêts, avances et bonifications d’intérêts, accordés à des
conditions plus favorables que celles du marché font l’objet d’une
réglementation uniforme, qui ne varie pas en fonction d’un zonage
géographique1. Il doit s’agir de prêts à long terme, impliquant des créations
d’emplois (jusqu’à 30 pour une création d’entreprise) et respectant un écart
maximum avec le taux moyen du marché des obligations2. Les avances ne
comportant pas paiement d’un intérêt sont interdites.
1
Selon le ministère de l’intérieur, les aides des collectivités aux conditions du marché sont
libres.
2
Défini par un arrêté du ministre des finances du 23 janvier 1996.
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b) Les aides indirectes
Contrairement aux aides directes, les aides indirectes sont libres. Les
trois catégories de collectivités locales (communes, départements, régions)
sont donc placées sur un pied d’égalité pour octroyer, seule ou conjointement,
des aides indirectes en faveur du développement économique.
Cette liberté autorise un foisonnement d’initiatives : promotion
aides à la commercialisation de produits, conseil en gestion, actions
faveur de l’immobilier d’entreprises, crédit bail immobilier, toléré
manière exceptionnelle, en particulier dans le domaine du commerce et
l’artisanat.
et
en
de
de
Une première exception à cette liberté concerne les rabais consentis
sur les loyers ou les prix de vente d’un bâtiment qui ne sont autorisés que
dans des conditions strictes.
La liberté des collectivités locales est également fortement encadrée
en matière de garanties d’emprunts, en raison de l’utilisation massive par les
collectivités locales de ce procédé, qui n’entraîne pas de charge immédiate
pour celles-ci mais peut se révéler très lourd de conséquences en cas de
défaillance de l’emprunteur1. A la règle initiale du plafonnement des
engagements, le législateur a ajouté des règles prudentielles nouvelles2
concernant les garanties accordées à des personnes privées3 pour les emprunts
qu’elles souscrivent.
Autre limite à la marge d’initiative des collectivités locales, elles ne
peuvent, en principe, sauf autorisation par décret en Conseil d’Etat, prendre de
participation dans le capital de sociétés commerciales autres que les SEM.
Cependant, afin de faciliter la mutualisation des risques et de limiter les
conséquences financières des aléas assumés par les collectivités locales, la loi
les autorise à participer au capital de sociétés anonymes ayant pour objet
exclusif de garantir des concours financiers octroyés à des personnes de droit
privé, notamment à des entreprises nouvellement créées. Les modalités de
constitution et de fonctionnement de ces sociétés de garantie ont été
fortement encadrées par le décret n° 88-491 du 2 mai 1988.
1
Voir les rapports publics de la Cour des Comptes, 1983 et 1988, Journaux officiels, et son
rapport public particulier de novembre 1996.
2
Art. 10, 11 et 12 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d’amélioration de la décentralisation..
3
Ces règles ne s’appliquent pas aux personnes morales de droit public (collectivités locales,
établissements publics dont les chambres consulaires...).
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2.
La protection des intérêts économiques et sociaux de la
population
Cette protection constitue le second volet de l'intervention
économique des collectivités locales ; elle recouvre les aides aux entreprises
en difficulté, les actions destinées à assurer le maintien des services
nécessaires à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural et
subsidiairement les aides en faveur des entreprises exploitant un cinéma.
a) Les aides aux entreprises en difficulté
Le régime actuel de ces aides se caractérise selon l'origine de
celles-ci : interdites lorsqu'elles proviennent des communes, elles sont
autorisées lorsqu'elles émanent des départements ou des régions.
En ce qui concerne le département (alinéas 1 et 2 de l'article
L. 3231-3 du code général des collectivités territoriales), les aides aux
entreprises en difficulté, qui ont pour objet la mise en œuvre de mesures de
redressement, ne sont pas subordonnées à une intervention préalable de la
région et sont prévues en des termes extrêmement larges. Il n'y a pas en la
matière la distinction entre aides directes et indirectes qui existe à propos des
aides économiques ; toutefois, une exception vise la prise de participation au
capital d'une société commerciale, interdite en l'absence d'autorisation par
décret en Conseil d'Etat, même dans le cas d'une entreprise en difficulté.
Quant à la région, sa compétence est affermie par l'article 4211-1-6°
du code général des collectivités territoriales.
Elle a pour mission, dans le respect des attributions des départements
et des communes et, le cas échéant, en collaboration avec ces collectivités et
avec l'Etat, de contribuer au développement économique, social et culturel de
la région par toutes interventions dans le domaine économique, dans les
mêmes conditions et limites que celles prévues pour le département et après
consultation préalable des conseils municipaux et des conseils généraux
concernés.
La circulaire n° 82-102 du 24 juin 1982 du ministère de l'intérieur et
de la décentralisation a précisé que la notion de protection des intérêts
économiques et sociaux de la population « doit être interprétée à la lumière
des circonstances propres de chaque affaire, une certaine proportion devant
exister entre l'importance de la collectivité concernée et la gravité des
conséquences prévisibles du sinistre qui pourrait se produire faute d'une
tentative de sauvetage de l'entreprise ».
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La même circulaire a tenté de donner quelques critères, juridiques et
économiques, destinés à guider les élus dans leurs interventions.
• Critères juridiques :
Ce sont la cessation de paiement, le dépôt de bilan, la suspension provisoire des
poursuites, le règlement judiciaire. Ces critères ont l'inconvénient de ne pouvoir être
constatés qu'une fois la situation gravement détériorée. C'est pourquoi il convient de les
compléter par des critères économiques dont l'évolution est plus progressive.
• Critères économiques :
Il s'agit de baisses du carnet de commandes, d'incidents de paiement des
cotisations sociales, de chômage technique ou de mesures de licenciement.
L'aide de la collectivité est subordonnée, on l'a vu, à la conclusion
d'une convention prévoyant les mesures nécessaires au renflouement de
l'entreprise.
b) Le maintien des services nécessaires à la population
Les articles L. 2251-3, L. 3231-3 et L. 4211-1 (6°) du code général
des collectivités territoriales qui trouvent leur source dans les articles 5 et 66
de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiés par la loi n°88-13 du 5 janvier
1988) autorisent respectivement les communes, les départements et les régions
à accorder des aides directes et indirectes, lorsque cette intervention a pour but
« d'assurer le maintien des services nécessaires à la satisfaction des besoins
de la population en milieu rural et que l'initiative privée est absente ou
défaillante ».
L'intervention des collectivités locales est donc subordonnée à trois
conditions :
- elle doit porter sur un service nécessaire à la satisfaction des besoins
de la population, sans qu'il s'agisse nécessairement d'un service public.
Peuvent être aidées toutes sortes d'activités publiques ou privées dès lors
qu'elles concourent à satisfaire des besoins de la population : stations-service,
hôtels, restaurants, magasins d'alimentation, débits de tabac ou de boissons,
etc. ;
- le service concerné doit être nécessaire à la satisfaction des besoins
de la population en milieu rural (notion plus large que la notion de commune
rurale qui est limitée aux communes de moins de 2.000 habitants) ; peuvent
être pris en compte non seulement les besoins de la population résidente mais
aussi ceux de la population de passage ;
- l'initiative privée doit être défaillante.
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Ces interventions obéissent aux règles applicables aux actions en
faveur des entreprises en difficulté.
c)
Les subventions des communes aux entreprises exploitant un
cinéma
Prévue à l'article L 2251-4 du code général des collectivités
territoriales qui reprend les dispositions de l'article 5 § IV de la loi n° 82-213
du 2 mars 1982, cette intervention concerne les communes rurales. Elle
s'adresse aux entreprises existantes ayant pour objet l'exploitation des salles
de spectacle cinématographique dans des conditions fixées par décret en
Conseil d'Etat, à l'exclusion des entreprises spécialisées dans la projection des
films visés à l'article 279 bis du code général des impôts. Elle est subordonnée
aux stipulations d'une convention entre l'exploitant et la commune.
D.
LE BILAN QUANTITATIF ET QUALITATIF
Les interventions économiques des collectivités territoriales sont mal
connues parce que leur recensement n'est ni complet ni fiable. D'autre part, le
phénomène lui-même est mal encadré, car les règles communautaires sont
difficiles à assimiler, peu suivies et rarement contrôlées. Quant aux règles
nationales mises en places depuis 1982, elles sont apparues en décalage avec
les réalités locales, au point que des réformes ont été envisagées dès 1988 sans
jamais pourtant être conduites à terme.
Il est difficile aujourd'hui encore de recenser les instruments de
mesure des aides accordées par les collectivités territoriales. En revanche, il
est plus aisé de percevoir les écarts de pratique entre les collectivités et
l'assouplissement de fait imposé au cadre juridique communautaire et national.
On distingue mal la combinaison entre les interventions de l'Union européenne
et celles de l'Etat et entre ce dernier et les autres niveaux d'administration
décentralisée.
Trois aspects de cette tentative de bilan se dégagent toutefois.
• Les aides des collectivités territoriales aux entreprises sont restées
modérées (rapportées au montant de leurs dépenses) mais elles n'ont fait que se
développer et se diversifier.
• Le cadre juridique communautaire et national éclate sous le coup
des nécessités pratiques.
• L'efficacité de ces interventions reste difficile à mesurer.
- 450 -
1.
Le développement constant des aides aux entreprises
Les interventions des collectivités territoriales se sont intensifiées
sous l'effet de plusieurs facteurs : le déclin ou la disparition d'activités
industrielles traditionnelles, les restructurations entraînées par l'introduction
des techniques nouvelles de production ou de gestion des entreprises,
l'accentuation de la concurrence et la mobilité accrue des entreprises.
Les collectivités territoriales ont donc été soit contraintes d'intervenir
(déclin, restructuration) pour lutter contre le chômage, soit tentées de le faire
(accentuation de la concurrence, mobilité accrue) pour provoquer une décision
d'implantation.
a) Il n’est pas aisé de mesurer l’importance des aides accordées.
Le recensement quantitatif des interventions économiques des
collectivités locales se révèle par nature :
• incomplet : depuis 1991, seules les collectivités de plus de
5.000 habitants sont prises en compte au lieu de celles de 700 habitants
auparavant. Or, les communes de moins de 5000 habitants regroupent 40% de
la population et 95% des communes ;
• peu fiable : les définitions des catégories d'aides diffèrent selon les
caractéristiques retenues par le ministère des finances et la loi, en particulier
pour ce qui concerne la distinction entre aides directes et indirectes.
Toutefois, un bilan quantitatif des interventions économiques des
collectivités locales peut être fait globalement puis par secteur d'activité,
nature de collectivités et par nature des aides accordées.
- 451 -
◊ Le bilan global : une part réduite dans les budgets locaux
Entre 1984 et 1994, les aides au développement économique
accordées par les collectivités locales au secteur privé ont triplé (4,4 milliards
de francs à 14,3 milliards de francs) pour se stabiliser ensuite (13,8 milliards
de francs en 1998). Elles représentent en 1984 comme en 1998 la quasi-totalité
des interventions économiques des collectivités locales (95,9 % et 99,5 %). Au
regard de leurs dépenses totales, les aides représentent une part minime de
l'effort des collectivités locales : 1,50 % pour les communes, 1,60 % pour les
départements et 5,15 % pour les régions en 1998. La prudence des collectivités
locales et l'interdiction faite aux communes par la loi n° 88-13 du 5 janvier
1988 d'aider les entreprises en difficulté explique ce phénomène.
Au total des aides accordées par les collectivités locales, il faut
ajouter les garanties d'emprunts dont l'encours s'élevait à 235 milliards de
francs en 1998. Les communes interviennent pour 62 % dans l'encours des
garanties d'emprunts et le logement représente 93 % de cet encours.
◊ Les collectivités concernées : la prédominance des régions
En 1998, la part des communes et groupements représente près de la
moitié (47,1 %) des interventions des collectivités locales et celle des
départements le quart (25,2 %). La part des régions qui atteignait en 1994
40,9 % des interventions a diminué (27,7 % des interventions en 1998).
Toutefois, cette analyse doit être mesurée à l'aune des moyens budgétaires de chaque collectivité ; ainsi les interventions économiques
représentaient, en 1994, 4,7 % des dépenses d'équipement des communes,
5,2 % de celles des départements et 10,3 % de celles des régions.
◊ La répartition par secteur d'activité : l'industrie, le commerce,
l'artisanat et le logement en tête
Deux grands secteurs d'activité concentrent près des deux tiers des
aides : l'industrie, le commerce et l'artisanat (40,1 %) et le logement (23,1 %).
La part de l'industrie est en diminution constante depuis 1984 puisqu'à cette
date, ce secteur représentait 50 à 55 % du total des aides.
Trois autres secteurs d'activité méritent attention :
• l'agriculture qui reçoit 11,6 % des aides et dont la part a le plus
chuté depuis 1984 (-17,4 %) Ce sont les régions qui contribuent le plus sous
formes de subventions (63,7 %) ;
- 452 -
• le tourisme qui, en 1998, réunit 5,1 % des aides dont 45 % en
provenance des départements ; ce secteur a vu sa part osciller entre 8 % et 5 %
entre 1984 et 1998 ;
• le bâtiment et les travaux publics dont la part dans le total des aides
est de 8,4 % soit une valeur moyenne depuis 1983 ; les communes représentent
83 % de l'effort consenti en faveur de ce secteur.
◊ La nature des aides accordées : la prééminence des aides
directes
Les aides directes représentent plus de 75 % du total des aides
(10,5 milliards de francs en 1998 soit 75,94 %) ; cette prépondérance est
encore plus marquée pour deux types de collectivités : les départements
(83,7 %) et les régions (82,9 %).
Les secteurs qui bénéficient des aides directes étaient, par ordre
décroissant, en 1998 : logement (25,6 %), industrie commerce et artisanat
(30 %), agriculture (13,6 %), bâtiment et travaux publics (9,5 %).
Les aides indirectes (hors garanties d’emprunts et de cautionnements)
qui sont en progression de 2,1 % en 1998 par rapport à 1997, représentent
moins d'un quart des aides des collectivités locales (24 % en 1998) et sont
essentiellement octroyées par les communes (63,25 % en 1998).
Les prises de participation des collectivités locales dans les sociétés
mixtes locales, les sociétés de développement régional ou autres sociétés
représentent 30,4 % des aides indirectes en 1998.
La participation aux fonds de garantie est extrêmement réduite (1,5 %
en 1998), ce qui prouve que ces fonds sont vraiment tombés en désuétude.
b) La multiplication des initiatives, parfois au-delà du cadre légal
Les difficultés économiques et la dégradation de l'emploi ont
provoqué, à la faveur des lois de décentralisation, une implication directe plus
forte des élus locaux dans le développement, qu'elle soit volontaire ou
contrainte. Ils sont devenus des acteurs du développement très sollicités.
Le cadre était souple ; les collectivités ont fait preuve d’imagination ;
les aides se sont diversifiées. Finalement, le développement des initiatives aux
différents niveaux d'administration publique a débouché sur une certaine
confusion institutionnelle. Les objectifs des lois de décentralisation ne se sont
pas traduits dans les faits dans la mesure où les régions auxquelles la loi avait
octroyé une compétence d'impulsion, de coordination et d'initiation,
parallèlement à celle de l'Etat, ont rarement exercé ce rôle, en raison du
- 453 -
caractère très localisé des interventions Les départements ont souvent conduit
leur propre politique.
Les contrôles des chambres régionales des comptes de même que les
enquêtes de la Direction générale des collectivités locales, indiquent que les
aides directes notamment les primes régionales à la création d'entreprises
(PRCE) et les primes régionales à l'emploi (PRE) sont relativement délaissées
et que les collectivités agissent largement sans référence au cadre législatif
de 1982.
Les collectivités sont plutôt tentées d'accorder des prêts et avances à
taux très bonifiés ou nuls. L'utilité économique de ces prêts à taux faible ou
nul est mise en avant par les collectivités lorsqu'ils sont destinés à l'artisanat ou
à des PME dans la mesure où ils permettent d'accroître les capitaux
permanents de ces entreprises. Ils répondent ainsi pour partie au manque de
fonds propres des sociétés petites ou moyennes. Les collectivités se substituent
donc aux établissements bancaires sous le coup de la nécessité.
S’agissant des aides indirectes, les garanties d'emprunt ou les
cautionnements apportés à des entreprises privées par les collectivités
territoriales (principalement les communes) ont un peu décliné en nombre,
mais cette diminution n'a pas été compensée par un recours accru aux fonds de
garantie dont la loi n°88-13 du 5 janvier 1988 entendait faire un instrument de
mutualisation des risques pris par les collectivités en matière de garantie
d'emprunt.
Cette loi a autorisé la participation de plein droit des régions, des
départements et des communes au capital de sociétés anonymes ayant pour
objet exclusif de garantir des concours financiers octroyés à des personnes de
droit privé (en 1994, seuls cinq régions et cinq départements participaient au
capital de ces sociétés de garantie).
Les sociétés de capital-risque, qui permettent un soutien en fonds
propres aux PME-PMI afin de les aider dans leur phase de démarrage ou de
développement, rencontrent une faveur plus grande auprès des collectivités
même si ces participations restent modestes.
Les collectivités ont également développé des actions d'animation
pour la promotion économique de leur territoire, la prospection d'investisseurs
nationaux ou internationaux, le conseil et la diffusion d'informations.
Cependant, l'essentiel des interventions des collectivités territoriales
reste concentré sur les aides à l'immobilier d'entreprise et aux terrains :
aménagement de zones d'activités économiques, réalisation d'ensembles
immobiliers destinés à accueillir des entreprises, aides foncières et aides à la
construction d'immeubles destinés à des entreprises particulières. Or, il s'avère
- 454 -
qu'avant même de profiter à des entreprises déterminées, ces aménagements
sont de lourdes charges pour les collectivités jusqu'à ce qu'ils trouvent
preneurs.
Enfin, d’une façon générale, les collectivités locales ont aussi délégué
une partie de leur compétence dans le domaine de l’action économique en
ayant recours, au-delà même des actions de promotion et de prospection, à des
structures spécialisées de droit privé, placées sous leur contrôle (« agences
économiques » ou « comités d’expansion »).
2.
Les interventions économiques des collectivités territoriale
sont-elles efficaces ?
Les collectivités territoriales se proposent de favoriser la création ou
l'extension d'entreprises et plus particulièrement de PME-PMI. A cet objectif
correspondent des aides sous forme d'avances de garanties d'emprunts,
d'apports en capitaux propres ou de primes à la création d'emplois.
Ces mesures peuvent avoir leur utilité Mais comme l’ont mis en
évidence les travaux du Sénat sur la proposition de loi présentée par nos
collègues Jean-Pierre Raffarin et Francis Grignon, tendant à favoriser la
création et le développement des entreprises sur les territoires, les outils dont
disposent les collectivités locales pour soutenir la création de PME-PMI,
pourraient être perfectionnés1.
Les dispositifs existants de soutien à la création d’entreprises
souffrent, en effet, d’une insuffisante prise en considération des besoins réels
des petites et moyennes entreprises
En outre, les entreprises sont très attentives à un niveau modéré de
charge fiscale locale. Au-delà, il ressort de toutes les enquêtes d'opinion
auprès des chefs d'entreprise qu'ils sont particulièrement sensibles au contexte
de développement offert par les collectivités publiques : aménagement de
l'espace, y compris de zones d'activités ; voirie et infrastructures ; services
publics de la formation professionnelle et de l'emploi, mise en réseau des
initiatives privées et publiques et développement de synergies (par exemple, en
matière de transferts de technologie et de savoir-faire).
1
Cf. rapport (n°
affaires économiques, saisie au fond, ainsi que les avis (n°
200, 1999-2000) de M.
la commission des finances, saisies pour avis.
Paul Girod,
- 455 -
Autrement dit, les entreprises attendent d'abord des collectivités
territoriales, agents économiques et sociaux de premier plan, qu'elles exercent
leurs compétences propres et traditionnelles.
Les interventions économiques répondent également à l’objectif
d'aménagement du territoire. Certaines régions ont moins d'atouts ou sont
entrées dans une phase de déclin. En l'absence d'intervention publique, la
stagnation voire la régression économique de ces territoires nuiront à la
collectivité et à ses membres. Il y a donc nécessité de rééquilibrer. La loi du
4 février 1995 a défini des « zones d'aménagement du territoire ». Il appartient
aux collectivités territoriales par les aides économiques qu'elles accordent de
renforcer les effets de cette politique en lui apportant des moyens financiers
supplémentaires.
Les collectivités territoriales veulent aussi aider les entreprises les
plus petites à anticiper et à financer les progrès qualitatifs indispensables à
leur survie, au maintien de leurs positions ou à leur développement. Les outils
qui correspondent à cet objectif sont notamment les fonds d'aide au conseil, à
la communication, à l'embauche de cadres, à l'exportation.
Les effets sont cependant parfois décevants.
Tout d’abord, l’impact sur le comportement des entreprises, qui obéit
à des lois économiques, est incertain. Dans le domaine économique, les
collectivités territoriales n'ont aucune assurance d'avoir une influence
déterminante sur le comportement des entreprises pour deux raisons : la
décision d'investir et de recruter ne leur appartient pas ; les résultats obtenus
peuvent être remis en cause à court, moyen ou long terme par une multitude de
facteurs sur lesquels elles n'ont aucune prise : stratégie des groupes
internationaux, conjoncture économique, capacités de gestion des dirigeants
des entreprises aidées...
En second lieu, la dispersion des initiatives peut s’avérer inefficace.
La multiplicité des niveaux d'intervention (communal, intercommunal,
départemental, régional, étatique, européen) encourage les « chasseurs de
primes » et peut provoquer de coûteux doubles emplois.
En troisième lieu, la concurrence entre les collectivités peut leur être
préjudiciable. Les entreprises d'une taille importante et désireuses de changer
d'implantation ou de créer de nouvelles unités peuvent, en effet, être tentées de
mettre en concurrence plusieurs collectivités françaises ou même une
collectivité française et une collectivité étrangère.
Les collectivités territoriales prennent elles-mêmes conscience des
risques de cette concurrence. Cinq présidents de région du Grand-Est ont ainsi
- 456 -
signé le 15 mars 1995 une clause de non-concurrence destinée à éviter toute
délocalisation d'une région vers une autre.
En quatrième lieu, le risque d’une neutralisation des politiques
d'aménagement du territoire existe. Les collectivités qui bénéficient d'un
niveau d'activité économique supérieur, voire très supérieur, à la moyenne
nationale disposent, à pression fiscale égale et malgré l'existence de dispositifs
légaux de péréquation, de moyens financiers beaucoup plus importants pour
aider les entreprises installées ou s'implantant sur leur territoire. Leurs
interventions risquent de neutraliser le soutien différencié que l'Etat et l'Union
européenne s'efforcent d'apporter, par leurs politiques d'aménagement du
territoire, aux zones défavorisées.
Enfin, les collectivités peuvent encourir des risques financiers. Ces
risques sont relatifs lorsque les sommes en cause, quoique élevées,
représentent une fraction minime du budget de la collectivité concernée mais il
est arrivé que certaines collectivités fragiles aillent jusqu'à la cessation
temporaire de paiement.
E.
UN CADRE JURIDIQUE EN DÉCALAGE AVEC LA RÉALITÉ
La pratique des collectivités territoriales s'est souvent écartée des
règles en vigueur mais, à la décharge de celles-ci, il convient de signaler que
ces règles soulevaient de véritables difficultés d'interprétation et donc d'application dues à leur imprécision.
Tout d'abord, la loi de 1982 a créé des catégories sans les définir :
aides directes et aides indirectes. L'administration a fini par admettre que les
aides directes se traduisent par l'octroi de moyens financiers aux entreprises
bénéficiaires et que les aides indirectes consistent, soit à louer ou vendre à des
entreprises des immeubles, soit à favoriser l'environnement économique
général, à faciliter l'implantation ou la création d'activités économiques ou à
créer les conditions propices à un meilleur développement économique. Cette
distinction ne semble pas avoir suffi à lever les incertitudes qui demeurent sur
le régime juridique applicable.
1.
Les manquements aux règles
• Les collectivités territoriales créent des régimes d'aides directes ou
versent des concours financiers aux entreprises sans fondement juridique. Les
plafonds des primes et les taux des prêts, avances et bonification d’intérêts ne
sont pas toujours respectés. De nombreux départements accordent des aides
alors que la région ne les octroie pas.
- 457 -
• En matière d’aides indirectes à l'immobilier d'entreprises,
l’interdiction de consentir des rabais sur les locations ou rétrocession aux
entreprises situées dans des zones non éligibles à la prime d'Etat
d'aménagement du territoire (PAT) n'est pas toujours respectée et, dans les
zones éligibles, le plafonnement du rabais (25 % de la valeur vénale) est le
plus souvent ignoré.
D'autre part, les collectivités territoriales, d’après la Cour des
comptes, feraient un usage abusif du crédit-bail.
• Les irrégularités concernant l'octroi des garanties, la participation
à des fonds de garantie, à des sociétés de capital-risque et au capital
d'entreprises sont moins nombreuses. Toutefois, reste entier le problème des
collectivités qui ont pris des participations dans des sociétés privées en dehors
des conditions fixées par la loi.
• Certaines collectivités, par « satellites » interposés, interviennent
dans le secteur concurrentiel, hors de leur champ de compétence. Cette
intervention peut soulever des difficultés au regard du principe de la liberté du
commerce et de l'industrie et de celui de l'égalité des citoyens devant la loi.
• La pratique confiant à des tiers l'octroi de concours publics fait
encourir aux collectivités locales le risque de gestion de fait.
2.
Les difficultés d'interprétation et de contrôle
a) Les incertitudes du cadre juridique résultent tout d’abord du
droit communautaire
Le Traité de Rome pose comme principe que les aides accordées par
les Etats sous quelque forme que ce soit sont incompatibles avec le marché
commun dans la mesure où elles affectent les échanges entre les Etats
membres. Cependant, ce principe admet des exceptions : sont possibles les
aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de
certaines régions... La Commission se réserve de statuer sur leur légalité lors
de son examen de la compatibilité des régimes nationaux d'intervention
économique avec les règles de la Communauté. Les aides des collectivités
territoriales sont donc indirectement soumises au respect des obligations
communautaires.
Dans le contrôle qu'elle exerce, la Commission apprécie les effets
que les aides peuvent produire sur les marchés concernés. Cette
appréciation est très largement fondée sur des circonstances de fait, telles que
l'intensité de l'aide, l'importance de l'entreprise bénéficiaire et des courants
-
-
conjoncturelles et structurelles), les éventuelles conséquences sur d'autres
La Commission dispose ainsi d'une
et d'un
, sous le contrôle de la Cour de justice des
d'assurer la protection des droits des tiers (Etats, entreprises concurrentes et
dispensateurs d'aides que par rapport à celles de la Commission.
l'obligation de notifier
de permettre à la Commission de procéder à son examen préalable
ne peut être mis en œuvre avant que la Commission ait reconnu définitivement
En matière d'aides, le droit communautaire
aides directes ou indirectes
régulières sur le plan national ne le seront pas forcément au regard du droit
difficulté tient à ce fait justement que les dispositions applicables en droit
demeure incertaine. La Cour de justice ne s'est pas encore prononcée sur la
Enfin, ni les administrations déconcentrées de l'Etat ni les collec
territoriales ne sont suffisamment informées des obligations de notification à la
d’ailleurs seules en cause.
- 459 -
Le droit communautaire des aides aux entreprises
Les principes à partir desquels seront examinées au niveau communautaire les
aides accordées par les Etats membres aux entreprises sont contenus dans des
communications de la Commission qui sont dénommés « encadrements » ou « lignes
directrices ».
Ces documents n’ont pas de portée juridique mais ils constituent la doctrine de la
Commission en matière d’aides et leurs dispositions s’imposent dans les faits aux Etats
membres dans la mise en oeuvre de leurs régimes d’aides.
Les principaux encadrements publiés à ce jour sont :
- l’encadrement des aides d’Etat aux petites et moyennes entreprises (paru au
JOCE le 23 juillet 1996) qui prévoit que les taux d’aide maximaux à l’investissement
sont de 15 % brut pour les petites entreprises (moins de 50 salariés) et de 7,5 % pour les
moyennes entreprises (moins de 250 salariés). Dans les zones éligibles à la prime
d’aménagement du territoire pour les projets industriels, le taux d’aide est plafonné à 30
%. Dans les DOM, il peut atteindre 75 % .
- l’encadrement des aides à finalité régionale pour la période 2000-2006 (paru au
JOCE le 10 Mars 1998 pour application au 1er janvier 2000) établi des règles
d’attribution des aides dans les zones en retard de développement (zones éligibles à la
PAT « industrie » et DOM) ;
- l’encadrement des aides pour la protection de l’environnement (parue au JOCE le
10 mars 1994) concerne les aides aux investissement permettant de réduire ou d’éliminer
la pollution. Il fixe des taux d’aide maximaux qui varient selon la nature de l’aide, la
taille de l’entreprise concernée et sa localisation ;
- l’encadrement des aides à la recherche et au développement (paru au JOCE le 17
février 1996) régit les aides liées directement à la production ultérieure et à la
commercialisation de nouveaux produits, procédés ou services. Les taux d’aide
maximaux varient en fonction de l’activité aidée, la taille de l’entreprise concernée et sa
localisation ;
- enfin, la communication « de minimis » (paru au JOCE le 6 mars 1996) qui fixe
un seuil d’aide au-dessous duquel la Commission considère que l’aide ne peut fausser la
concurrence, ce qui la dispense d’une notification préalable. Ce seuil est fixé à 100 000
euros par entreprise sur trois ans.
Il est à noter que le règlement du Conseil du 7 mai 1998 (JOCE du 14 mai 1998)
habilite la Commission à arrêter des règlements d’exemption de notification sur les aides
en faveur notamment des PME, de la recherche et du développement et de la protection de
l’environnement. Ceux-ci, non encore arrêtés, auront vocation à remplacer les
encadrements actuels.
460 -
La réglementation nationale est également génératrice de
difficultés
territoriales au profit du secteur marchand s'insèrent dans le droit administratif,
mais elles coexistent par définition avec le droit bancaire, celui des sociétés et
Devant l'abondance de questions juridiques non résolues, il n'est pas
surprenant que le
s'exerce malaisément surtout lorsque les
aides sont versées à partir d'un fonds global ou par l'intermédiaire d'un tiers.
; elles peuvent
émaner, pour une même opération ou plusieurs opérations liées entre elles, de
affaires régionales, la préfecture du département et une sous-préfecture
peuvent, à propos d'une même affaire, être amenés à exercer leur contrôle de
Mais les préfets doivent prioritairement apporter leur concours au
développement économique local et à la lutte contre le chômage. Or, tels sont
Gouvernement de l'obligation de participer activement à la sauvegarde et au
développement de l'emploi alors que les moyens dont il dispose sont limités et
Au surplus, l'Etat n'est fréquemment plus capable de dégager, en face
des crédits des fonds structurels européens qu'il doit mettre en œuvre, les
d'additionnalité. Celles-ci sont alors négociées auprès des collectivités
territoriales. Un contrôle strict de la légalité de l'intervention de ces dernières
certains financements communautaires.