Manet peintre d`histoire

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Manet peintre d`histoire
Manet peintre d’histoire
Qu’est ce que la peinture d’histoire pour un homme moderne, avant-gardiste (peut être malgré lui), comme Manet. Est-il le dernier
peintre classique, ou le chantre de la modernité ? Sans doute les deux… C’est un indépendant qui s’intéresse aux valeurs établies,
traditionnelles, à la peinture espagnole, mais aussi un novateur extraordinaire. Peintre inclassable, isolé et célèbre, chef de file de
l’Avant garde, il est le seul à pratiquer la peinture d’histoire.
Manet et la peinture religieuse
01-Edouard MANET-Le Christ mort et les anges dit Le Christ aux anges-1864-179x150-New York, Met
Il annonce en novembre 1863 à l’abbé Hurel, son ami « Je vais faire un Christ mort, avec des anges, une variante de la scène de la Madeleine au
sépulcre selon Saint Jean ». Dès 1864, un an après le Salon des refusés, nouveau choc : Manet expose son Christ aux anges contraire à
tous les usages de la peinture religieuse. Ses modèles viennent d'Italie ou d'Espagne. Le réalisme semble poussé à l'extrême,
notamment le visage du Christ immobile, face au spectateur, au même niveau que le drap d'un blanc éclatant. Manet introduit dans
l’art sacré des éléments réalistes crus. Il se fait une nouvelle fois éreinter par la critique ! La peinture religieuse est alors dans les mains
des académistes et/ou des traditionnalistes.
Théophile Gautier n’a su que glousser que le Christ de Manet « ne semble pas avoir connu jamais l’usage des ablutions. La lividité de la mort se
même chez lui a des demi-teintes crasseuses, à des ombres sales et noires dont jamais la résurrection ne le débarbouillera, si un cadavre tellement avancé peut
ressusciter toutefois », alors que cette composition d’un homme déposé, lourd, à l’air hébété (et, de plus, blessé sur le mauvais flanc), et des
deux anges androgynes au visage si doux, est une nouveauté radicale dans la peinture religieuse. Manet propose la représentation
d’un homme qui a souffert.
Manet a lu « la vie de Jésus » d’Ernest Renan, biographie polémique à grand succès, qui fit de la personne du Christ un homme dont
la déification tenait à des éléments qu’il fallait voir comme des phénomènes rationnels et non pas spirituels. Manet est un homme de
son temps, qui sans remettre en question la religion, se pose les question inhérentes au dogme.
C’est le réalisme qui choque, le contraste de la chair et du linge blanc (comme Olympia), le traitement plastique !
Quant aux anges… s’ils ont délateurs, ils possèdent également leur cercle d’amateurs ! Comme Thoré-Burger « Oh ! Les drôles d’ailes
d’un autre monde, coloriés d’un azur plus intense que le fin fond du ciel ! on ne voit point pareil plumage aux oiseaux de la terre. Mais peut-être les anges, ces
oiseaux du ciel, portent-ils de telles couleurs, et le public n’a pas le droit d’en rire, puisqu’il n’a jamais vu d’anges, pas plus qu’il n’a vu de sphinx (…) au
quatorzième siècle et même un peu plus tard, presque tous les peintres d’Europe (…) teignaient en bleu, en vert ou même en rouge, les ailes des anges (…)- des
anges et des couleurs, il ne faut pas disputer »
Les anges sont admirables, d’un autre monde. Si celui de droite est de douceur, celui de gauche de tristesse.
Afin de diffuser l’image, il en réalise une version aquarellée, inversée, qui sert de base à la gravure. La dernière version étant plus
proche du tableau
02-Edouard MANET-Le Christ mort et les anges dit Le Christ aux anges-v.1865-1867-mine de plomb, aquarelle,
gouache, plume et encre de Chine-32,4x27-Paris, musée d'Orsay
03-Edouard MANET-Le Christ mort avec les anges dit Le Christ aux anges-v.1866-1867-eau-forte et lavis
d'aquatinte Ier état-40,3x33,2 (planche), 33,5x19,4 (image)-Paris, Bibliothèque nationale de France
04-Edouard MANET-Le Christ mort avec les anges dit Le Christ aux anges-v.1866-1867-eau-forte et lavis
d'aquatinte 3ème état-40,3x33,2 (planche), 33,5x19,4 (image)-New York, The New York Public Library
Présenté au salon avec Olympia, un autre Christ… Manet, s’il entend démontré son savoir-faire, connait aussi le système de sélection.
Il présente un Christ aux outrages qui ne peut être refusé par le jury. En acceptant cette œuvre, le jury ne pouvait refuser la seconde
œuvre Olympia… le jury avait peut d’un autre Salon des Refusés !! Les deux œuvres sont assassinées par la critique, montrant une
fois de plus l’hostilité vis à vis du peintre.
05-Edouard MANET-Jésus insulté par les soldats dit Le Christ aux outrages-1865-191,5x148,3-Chicago, The Art
Institute of Arts
Le traitement, la couleur, la position, le contraste linge/chair et surtout les visages des bourreaux sont objets de critiques ! Les
personnages sont sordides, vulgaires, inconvenants !!! Dans la tradition académique, ce type d’œuvre doit être traitées dans le bon
gout, dans l’esprit du beau idéal !
Mais Manet quelque soit le thème n’est pas là pour cela. Il se moque de peindre à rebrousse poil, il est exigent pour lui même et pour
la peinture.
L’iconographie suit le texte de saint Mathieu. (Chap XXVII, v. 27-31) « Alors les soldats du gouverneur prirent Jésus avec eux dans le prétoire, et
ils assemblèrent autour de lui toute la cohorte. L'ayant dévêtu, ils jetèrent sur lui un manteau écarlate. Ils tressèrent une couronne avec des épines, qu'ils posèrent
sur sa tête, avec un roseau dans sa main droite; et, fléchissant le genou devant lui, ils lui disaient par dérision: " Salut, roi des Juifs! " Ils lui crachaient aussi
dessus et, prenant le roseau, ils en frappaient sa tête. Après s'être moqués de lui, ils lui retirèrent le manteau, lui remirent ses vêtements et l'emmenèrent pour le
crucifier. »
La scène paraît odieuse, mais Manet retient la brutalité, la violence. Ce tableau religieux, nourri de la tradition, fort bien composé et
peint, reste une énigme. Il apparaît comme une tentative de combler un vide grandissant entre deux mondes de la peinture. Il ne
réalisera plus jamais de sujet de ce type
Le rationalisme semble l’emporter dans ces années ’60, c’est aussi le début de la baisse de fréquentation des églises. S’il veut être
peintre d’histoire, il lui faut trouver des sujets parlant à ses contemporains. La période va lui fournir différents exemples, des
événements concernant la France, mais pas seulement…
Manet et la peinture d’histoire contemporaine. Manet a toujours agi en peintre d'histoire, par ambition d'abord, puis par
souci de coller à l'actualité politique.
L’affaire du Kearsarge et de l’Alabama et la guerre de Sécession
Lors de la guerre de Sécession américaine, un combat naval opposa le 19 juin 1864 un navire de la marine confédérée, le CSS
Alabama (Sudiste) à un navire de la marine de l'Union, l'USS Kearsarge (Nordiste) au large du port français de Cherbourg dans la
Manche et se conclut par le naufrage du navire sudiste.
L’Alabama, sloop de guerre, armé pour la course, ayant comme capitaine, Seemes, très populaire en Angleterre, avait besoin d’une
bonne remise en état et de se ravitailler en eau et en charbon, et fait donc escale à Cherbourg le 11 juin 1864. La nouvelle de sa
présence atteint rapidement un navire de la marine de l’Union, le USS Kearsarge, qui veut en découdre. Il fait aussitôt voile vers la
Manche pour vérifier l’information. Après une semaine d’attente, le Kearsarge aperçoit l’Alabama qui, sur une mer tourmentée, tente
coûte que coûte de l’affronter. Accompagné du cuirassé français Couronne, l’Alabama se retrouve à 11h en dehors des eaux
territoriales. Il se place à un kilomètre du Kearsarge et ouvre le feu. L’attaque est lancée, un tir généralisé s’engage sur les deux
bateaux qui, dans un bruit assourdissant, crachent des boulets parfois lourds de plus de 80 kilos. Seemes se rend compte que son
bateau coule par l’arrière, il ordonne alors immédiatement de hisser les couleurs et d’évacuer le navire. Le capitaine est récupéré ainsi
que 85 de ses hommes par le Kearsarge et quelques bateaux aux alentours. L’Alabama sombre. Après un combat incessant, bien qu’il
ait tiré 370 fois contre seulement 173 pour son adversaire, l’Alabama n’est plus qu’un squelette sombrant par 60 mètres de fond dans
la Manche, devant des milliers de spectateurs rassemblés sur la rade de Cherbourg. Cette bataille annoncée, avait eu un grand écho
dans la presse et s'était déroulée sous les yeux de centaines de badauds. Manet va peindre d’après des documents et des témoignages.
06-Edouard MANET-Le Combat du Kearsarge et de l'Alabama-1864-134x127-Philadelphia The John Johnston
Collection
Manet se veut exact : le voilier français qui s’élance au secours des hommes à la mer, porte le drapeau blanc cerné de bleu
réglementaire des bateaux pilotes… On ne voit pas bien les protagonistes… Manet cache le Kearsarge derrière un écran de fumée de
canon.
Le fait que les deux bateaux soient relégués si loin en arrière-plan n'a pas été sans susciter des interrogations, Barbey d'Aurevilly ayant
été jusqu'à avancer que ce choix de l'artiste rend la mer bien plus impressionnante que le combat lui-même. « C’est une sensation de nature
et de paysage (…) très simple et très puissante (…) M .Manet a rejeté ses deux vaisseaux à l’horizon. Il a eu la coquetterie de les y rapetisser par la distance,
mais la mer qu’il gonfle alentour, la mer qu’il étend et amène jusqu’au cadre de son tableau (…) est plus terrible que le combat (…). Très grand- cela d’exécution et d’idée8 (…) Aujourd’hui, avec sa marine de l’Alabama, il l’a épousée, la nature »
La mer occupe les ¾ de la toile, laissant ainsi place à la critique telle celle de Cham (caricaturiste) : « le Kearsage (sic) et l’Alabama
considérant la mer de M. Manet comme invraisemblable vont combattre dans les bordures du cadre » i Il semble que Manet ait pris comme point de
vue, celui de la hauteur, derrière le bateau pilote.
07-Edouard MANET-Bateau de pêche arrivant vent arrière, le Kearsarge à Boulogne-1864-81x99,4-CP
A l’été 1864, il revient à Boulogne. Et retrouve le Kearsarge. Les marines de Manet sont nombreuses !! La composition est analogue,
mais dans un esprit japonisant. Il renouvelle ainsi l’esprit de la marine, thème traditionnel de la peinture classique.
Henri Rochefort
Henri Rochefort, publiciste, polémiste et franc-maçon, aux allégeances ambiguës (ni pour, ni contre la Commune) et changeantes (il
finira antidreyfusard et boulangiste) a défrayé la chronique. Violemment révolté contre le régime impérial, Rochefort avait fondé en
1868 un journal pamphlétaire, La Lanterne. Le journal, bientôt interdit, est édité à Bruxelles. C’est à lui que l’on doit la formule « la
France compte 25 millions de sujets sans compter les sujets de mécontentement ».
En 1873, le journaliste est condamné au bagne pour son rôle pendant la Commune. Il s’évade du bagne de Nouvelle-Calédonie en
1874. Après le triomphe des Républicains au Sénat et à la Chambre, en janvier 1879, une loi d'amnistie des communards est votée en
juillet 1880 permettant le retour en France de Rochefort, qui demeurait aux Etats unis après son évasion. Rentré à Paris, il créera le
journal L’intransigeant, tribune radicale et socialiste. Boulangiste, il s’exile à Bruxelles, puis rentre en France en 1889. Il mettra alors sa
plume au service d’un nationalisme exacerbé, d’un antisémitisme profond étant un antidreyfusard virulent !
08-Edouard MANET-Portrait de M. Henri Rochefort-1861-81,5x66,5-Hambourg, Kunsthalle Le portrait de Rochefort,
nous le montre sur un fond uni, dans l’attitude traditionnelle d’un actif au repos que la pose ennuie, aux bras croisés.
09-Edouard MANET- L'Evasion de Rochefort-1860-1861-146x116-Zurich, Kunsthaus
010-Edouard MANET-L’ Evasion de Rochefort-1880-1881-180x73-Paris, musée d'Orsay
Son évasion spectaculaire et rocambolesque par la mer, en 1874, inspire à Manet, six ans après l'événement, cette étrange
composition. Il destine son tableau au Salon de 1881. En commémorant un événement encore dans toutes les mémoires, Manet
révolutionne le genre de la peinture d'histoire traditionnellement cantonné dans des représentations antiques et mythologiques.
Le héros à peine reconnaissable à sa chevelure blonde ébouriffée figure ici à l'arrière d'une barque minuscule voguant au milieu des
vagues. A ses côtés se trouvent ses complices, Pain, Grousset et Jourde. L'effet de solitude et de danger est rendu palpable par la taille
de l'esquif. Une mer électrique et phosphorescente, traitée à l'aide de petites touches fouettées, envahit toute la toile. Elle "monte
jusqu'en haut du cadre" où apparaît le navire qui va recueillir les fugitifs. Manet a choisi l'imprécision pour représenter un événement
vieux de six ans et auquel il n'a pas assisté. Mais il brosse un superbe morceau d'infini marin pour évoquer le danger et le drame.
C’est finalement le portrait qui sera présenté au salon !
L’Exécution de Maximilien
L'exécution de l'empereur Maximilien constitue le dernier épisode de la guerre du Mexique.
Frère de l'empereur François-Joseph Ier d'Autriche, il nait au château de Schönbrunn, près de Vienne en Autriche. D'autres
prétendaient, sans réelle preuve, qu'il était en réalité le fils du duc de Reichstadt dont sa mère avait été très proche (ce que croyait
Napoléon III) et donc le petit fils de Napoléon 1er !!!
Personnalité brillante, il était le préféré de sa mère l'archiduchesse Sophie. Son frère l'empereur le jalousait tout en se méfiant de ses
idées libérales. Il était marié à la princesse Charlotte de Belgique, fille de Léopold Ier, roi des Belges et de Louise-Marie d'Orléans (qui
sera atteinte de folie).
La France participa à l'expédition du Mexique aux côtés des Espagnols, des Anglais et d'une légion belge. Placé sur le trône avec le
soutien de Napoléon III qui voulait conserver une mainmise économique et politique sur le pays pour rivaliser de puissance avec les
Etats-Unis sur le continent américain, Maximilien n'était pas de taille à maîtriser les événements.
Maximilien, trompé par quelques conservateurs mexicains qui l'assuraient de l'appui du peuple, accepta le trône du Mexique en 1863
que lui offrirent les conservateurs soutenant la position de la France. Il arriva au Mexique le 28 mai 1864 par le port de Veracruz. Ses
difficultés avec le maréchal français Bazaine eurent pour conséquences que les troupes de Napoléon III (menacé par la Prusse en
Europe) se retirèrent plus vite que prévu. Les libéraux et les républicains, menés par Benito Juárez, purent alors s'opposer ouvertement
à Maximilien. Napoléon III refusa tout soutien. Les révolutionnaires arrêtèrent l'empereur Maximilien et ses généraux Miguel
Miramón et Tomás Mejía. Ils seront exécutés le 19 juin 1867 sur ordre de Juárez.
La nouvelle de sa mort arrive à Paris le 1er juillet. Il s’agit pour certain du petit fils de Napoléon1er !!! La presse s'empare alors de
l'événement et fait de Maximilien une victime. Durant le mois de juillet 1867, les accusations se retournent vers Napoléon III, à qui on
reproche d'avoir abandonné Maximilien. Très vite, il sera l'une des figures emblématiques du despotisme du Second Empire, au
double titre de héros et de martyr. L'article du journaliste Wolff notamment, paru dans Le Figaro du 11 août et commentant des
photographies qui lui ont été communiquées, sert de base documentaire à l'artiste.
011-Edouard MANET-L ‘Exécution de Maximilien-1867-196x259,8-Boston, Museum of Fine Arts.
012-Francisco de GOYA y LUCIENTES--Le 3 mai 1808 à Madrid-1814-266x345-Madrid, musée du Prado
013-Edouard MANET-L ‘Exécution de Maximilien-1867-196x259,8-Boston, Museum of Fine Arts.
014-Edouard MANET-L’ Exécution de Maximilien-1867-252x305-Mannheim, Städtische Kunsthalle
Édouard Manet, scandalisé par cet événement, travailla plus d'un an à la réalisation de plusieurs œuvres, dont L'Exécution de Maximilien.
Manet, républicain fervent fortement opposé à la politique de Napoléon se met au travail presque immédiatement. Il décide
d'immortaliser cet événement sur un format de peinture d’histoire, c’est à dire traditionnellement réservée pour des scènes de l'histoire
ou de la Bible.
L existe plusieurs versions de l’événement. Celle de Boston est la première de la série. La seconde existe mais fragmentaire et quasi
illisible (National Gallery London), une esquisse Copenhague et la version finale de Mannheim.
Dans la première version conservée à Boston, les soldats du peloton d'exécution portent les habits et le sombrero des républicains, les
condamne sont masqués par un écran de fumé. Déjà la figure de droite (nouvelle par rapport à la composition de Goya), est présente,
isolée. La version est floue, fumeuse, incertaine. Les fusillés ont disparu dans un nuage, le visage du sous-officier chargé de donner le
coup de grâce, face à nous, reste indistinct. Toute la scène flotte dans un brouillard. C’est une peinture d’histoire nouvelle, un grand
genre qui se retire derrière des effets de forme, de ligne, de lumière, là aussi aux antipodes de ce qui s’est fait jusque là dans ce genre.
La composition est issue du tres de mayo de Goya (Prado). Comme Goya, il dénonce une scène de guerre. Comme lui, il mettra en scène
des soldats en uniforme français. Mais si la composition semble calquée sur le tableau de Goya, l'ensemble est cependant traité d’une
manière radicalement différente. L'Exécution de Maximilien semble en effet dénuée de toute émotion violente : les soldats abattent
tranquillement les généraux tandis que l’un d’eux est occupé à charger son fusil, pour l’exécution suivante, celle de l’empereur.
L'impassibilité dénuée d'émotion des soldats culmine dans cette figure tournée vers le spectateur.
Peinte immédiatement, conformément à l'idée qu'il se fait de la scène, la toile est un laboratoire d’idées, exécutée en pleine émotion,
mais qui ne peut rester en l’état car la distanciation est nécessaire pour peindre une peinture d’histoire !
Dans sa version finale, Manet les vêt d’uniformes de l’armée impériale française. La scène se passe alors dans une caserne et non dans
un paysage. La version finale comprend 6 soldats tous identiques, dans la même position, plus le sous-officier qui arme son fusil pour
porter le coup de grâce. Au fond du tableau, derrière le mur, un groupe de paysans regarde la scène, tandis qu'un autre groupe est
assis plus loin dans l'herbe. Ces péons aux figures torturées (derrière le mur), représentent le peuple mexicain. Maximilien, au visage
clair, est entouré par les deux mexicains à la peau plus sombre. Le tableau se situe à l'instant où Méjia reçoit le coup fatal, tandis que
Maximilien tient la main de Miramon à sa gauche. Les traits de Maximilien sont délibérément effacés, tandis que Mejia réagit
involontairement à la fusillade par un spasme. L’empereur, telle une figure christique ne faillit pas !
Il a théâtralisé la scène, dans une composition lisible, dénonçant un scandale. C’est un image forte, une composition qui sera reprise…
Dernière barricade de la Commune
015-ANONYME-La barricade détruite, rue de Rivoli-23-24 mai 1871-Paris, Bibliothèque nationale de France
016-Edouard MANET-La Barricade-1871-lavis d'encre de Chine, aquarelle et gouache, sur mine de plomb-46,2x32,5Budapest, Szépmüvészeti
Républicain convaincu, Manet s'engage dans la Garde nationale au moment de la guerre de 1870. Après la capitulation, il séjourne à
Oloron Sainte Marie, près d’Arcachon, puis au Pouliguen, Tours avant de retrouver Paris. A t il assisté à la « semaine sanglante » ?
Les derniers soubresauts de la Commune déchirent Paris. Il regarde avec horreur le caractère sauvage de la répression et l'exprime
dans ce lavis où les fusilleurs dessinés de dos évoquent l'exécution de Maximilien.
Il prit une épreuve de sa lithographie qu’on l’avait empêché de publier en 1869 et en fit un calque qu’il semble avoir transféré ensuite
par pression, sur une nouvelle feuille. Manqua-t-il d’imagination, comme cela a été proposé ? Mais pourquoi changer une composition
efficace qui a demandé déjà tant d’investissement ? Mais le tableau ne fut pas présenté au Salon. D’après Tabarant, Manet sombra
dans une dépression nerveuse à la suite de la guerre, et ce ne fut qu’au printemps 1872 qu’il se remit sérieusement au travail. Il
abandonna le projet de grand tableau d’histoire sur la Commune. C’est le dernier document qui témoigne d’un Manet au cœur de
son temps et des événements. Il a peu de tableaux d’histoire, mais ceux qui existent sont des jalons importants pour mieux
comprendre l’homme qu’il était.