Raymond Queneau, cet insatiable bricoleur

Transcription

Raymond Queneau, cet insatiable bricoleur
Le Soir Jeudi 24 et vendredi 25 décembre 2009
laculture 35
Henning Mankell, l’écrivain suédois, auteur des aventures du commissaire
Wallander, va écrire le scénario d’une série télé sur la vie du metteur en scène
Ingmar Bergman. Mankell a épousé Eva, la fille du cinéaste. © BRITTA PEDERSEN/EPA.
LE LIVRE DU JOUR
L’album
de Noël
des hardeux
U
n album noir à filer la
transe aux vinyles
junkies ! Cent pages
de bandes dessinées énervées, format 33 tours, pour
hurler une ode puissante à Nous sommes Motörhead
la liberté. Nous sommes
COLLECTIF
Motörhead n’est pas un livre, Dargaud
c’est un manifeste givré en 100 p., 29 euros
hommage à Lemmy, le rockeur dont le sang est un venin de sueur, de bitume, d’alcool,
d’essence et d’acide.
Tout l’underground de la nouvelle bande dessinée française
s’est donné rendez-vous pour graver cette BD « de la mort métal ». Appollo, Blanquet, Bouzard, Menu, Sattouf, Tanquerelle,
Brüno, Konture... chacun revendique « une énorme paire de
couilles » et l’envie de « braver les mythes ».
Pute borgne ! Avec The ace of spades, Motörhead a explosé le
woofer et mis trois siècles d’écart entre parents et enfants
dans l’échelle des décibels. Nous sommes Motörhead met des
images sur ces idées coupables, ces trognes d’affreux vilains
qui puent le cuir clouté et le cheveu graisseux. Lemmy Kilmister et sa bande flirtent avec des Croix de Malte tatouées sur les
biscoteaux.
Au casque, la basse monstrueuse fait décoller le cerveau en fusée. Sur papier, la sauvagerie crasseuse du trio barbare de
Motörhead secoue : noir et blanc gothique, couleurs électriques, trait écorché... Ce mix de bande dessinée est écrit avec
un talent assourdissant. Et comme dit Lemmy, « si vous trouvez
que ça cogne trop fort, c’est que vous êtes trop vieux pour le
rock’n roll ».
Pour dessiner comme ça, il faut avoir entendu la Bête, vu la lumière noire, poussé le cri primal en jetant son âme sous un
trente tonnes. Les cases tremblent au souffle sismique des basses. Tout au bout de cet enfer, il y a le cosmos, l’odeur du
néant sans fin, celle d’« Orgasmatron », d’« Overkill » et de
« Bomber ». A lire à fond, une corde de Rickenbacker entre les
dents.
DANIEL COUVREUR
Expo / L’artiste à l’honneur sous toutes ses formes
Raymond Queneau,
cet insatiable bricoleur
D
ès l’entrée, un clin d’oeil : le Q de Raymond Queneau, en gras au centre de
l’affiche de la dernière exposition en
date à Bruxelles, dédiée au virtuose de la langue française, en 1975. Des liaisons aussi nombreuses qu’improbables jalonnent le parcours
du visiteur, semblables aux amitiés qu’a cultivées l’homme avec les artistes du siècle dernier. Le fil conducteur est une ligne du temps,
déchirée sur du carton. Aussi rigide que la pensée de l’auteur : elle ondule. Les œuvres abondent. Plus de 500 pièces commentées, fiches
descriptives de leurs auteurs à l’appui. Tout
est là pour s’évader.
L’exhibition offre une rétrospective fouillée,
pour découvrir ou redécouvrir le grand Keno.
D’un poème écrit à 17ans jusqu’à des éléments
troublants de sa correspondance, récemment
mis au jour. En passant par les gouaches et
huiles réalisées entre la Libération et 1950.
La déclaration du surréalisme de 1925 marque un temps révolu, qui a marqué à jamais
l’artiste. Comme l’explique Jean-Michel Pochet, commissaire de l’exposition, si « Queneau a quitté André Breton pour des raisons
personnelles », il a vraiment fermé le volet surréaliste. Une base du mouvement, « c’est de
laisser aller l’inconscient, notamment par
l’écriture automatique. Queneau, au contraire, est un auteur qui écrit ses textes en souffrant. C’est un explorateur de la langue, qui a
su mêler philosophie et langage populaire ».
SUR 500 OBJETS présentés, 490 sont conservés au
royaume. Belgique, pays des Queneauticiens ? © D. R.
L’ESSENTIEL
● La Maison du Livre de SaintGilles dédie une exposition à
Raymond Queneau.
● Une première à Bruxelles, depuis celle d’Europalia de 1975.
● Des centaines de documents
originaux jalonnent la visite, y
compris des inédits.
Musique / La chanteuse était en concert au Music Village
Ah ! La voix de Fanny Bériaux !
L
CRITIQUE
es chanteuses de jazz se sontelles jamais aussi bien vendues qu’aujourd’hui ? Mélody
Gardot, Madeleine Peyroux, Diana Krall, Dee Dee Bridgewater...
En Belgique aussi, le genre accouche de talents : Mélanie de
Biasio, Chrystel Wautier, Barbara Wiernick, Lena Ayal, Tutu Puoane, Judy Niemack (Indonésienne, Sud-Africaine et Américaine mais vivant en Belgique)...
Et voilà qu’une nouvelle chanteuse surgit dans cet humus fertile :
Fanny Bériaux.
Nous avions dit (Le Soir du 12
novembre) combien nous avions
aimé son premier album, Blow
up my world. Quinze chansons
de jazz qu’on écoute sans jamais
se lasser, conquis par la versatilité de la voix et du talent de Fanny Bériaux. Mais cela n’est rien
par rapport à la scène. Nous
avons eu le plaisir de la voir et de
l’entendre, mardi soir, au Music
Village, à Bruxelles. La flamme
du club de jazz archiplein a été
difficile à éteindre à la toute fin
de la prestation. Les sifflets d’enthousiasme secouaient les vieux
murs, les bravos n’en finissaient
pas, les « encore encore » résonnèrent longtemps. Quand le public a la chance de participer à
un événement, il en redemande.
Mais Fanny était épuisée. Elle
avait évidemment tout donné
d’elle-même pour conquérir les
amateurs.
Pourquoi ce coup de cœur absolu ? D’abord parce que Fanny
Bériaux a de la voix, une belle
voix qui s’enfonce dans les graves
et surfe sur les aigus, qui se fait
gaie ou mystérieuse, ironique ou
amoureuse. Ensuite, surtout, parce qu’elle vit ce qu’elle chante. Elle est dans ses musiques, multiple, mosaïque, impliquée, tendue ou zen, groovy ou explosive
selon les morceaux.
Comme le groupe qui l’entoure, Manu Bonetti à la guitare,
Martin Mereau à la batterie et
Boris Schmidt à la contrebasse,
qui se fait doux dans les balades,
inventif dans les morceaux ironiques, endiablé dans les swings et
même psychédélique dans un
jazz-rock fusion complètement
déjanté.
De ce concert, on n’oubliera
pas le superbe « Cézanne », l’autodestructeur « Chaotic » ni le
gospel électrisant et émouvant
chanté par Fanny seule, a cappella, en rappel, ni la reprise rockée,
en fin de concert, de ce vieux blues chanté par B.B. King et Lou
Rawls, « I’d rather drink muddy
water ». Une finale impressionnante et enthousiasmante pour
une artiste qu’on attend encore
plus loin sur scène. Avec piano et
cuivres peut-être ? ■
FANNY Bériaux a
été puiser au
fond d’elle-même l’énergie folle
de son concert.
© ARNAUD GHYS.
JEAN-CLAUDE VANTROYEN
Lorsqu’il crée l’OuLiPo, l’Ouvroir de Littérature Potentielle, avec François Le Lionnais,
son but est bel et bien « de rechercher de nouvelles contraintes » pour l’écriture, afin d’en
multiplier les possibles. L’exposition consacre
notamment un « tableau de Queneleïev », parodie de Mendeleïev, sur lequel Queneau répertorie de nouvelles formes d’écriture.
Quelle meilleure illustration qu’Exercices
de style. Une brève histoire, déclinée 99 fois
selon autant de genres. Les connaisseurs ont
de quoi s’extasier, tant les variations sur ce mythe sont nombreuses. En chanson, par les Frères Jacques et Yves Robert, en gravure ou traduit par Umberto Eco. Sont également présentés neuf tapuscrits, griffonnés par Queneau,
les 90 autres étant à la Bibliothèque du Havre. Tout aussi mythique, Zazie dans le métro
a suscité une myriade de reprises, tant sur l’original que sur sa transposition par Louis Malle. Il y a peu encore, Kroll la parodiait.
L’œuvre de Queneau n’est pas seulement visible au musée du livre, elle est aussi palpable.
A travers une multitude de photos, d’objets et,
surtout, du M3 de Robert Kaiser. La sculpture donne à voir Cent mille milliards de poèmes
dans sa totalité. Dix sonnets de 14 vers interchangeables à l’envie. Décidément. Avékeno,
la languette innée puis à bleu. ■
G. S. (st.)
Jusqu’au 12 février au Musée du Livre de Saint-Gilles,
rue de Rome. www.lamaisondulivre.be
Livres / La Bibliothèque du « Soir »
Le Rouge et le Noir,
de Stendhal
a Bibliothèque idéale,
L
c’est ce que vous
propose Le Soir
chaque semaine.
La littérature française en 24 volumes, choisis et préfacés par
Jean d’Ormesson. Quatrième
volume : Stendhal. Jean d’Ormesson le présente.
«Publié quelques mois après
les Trois Glorieuses de 1830,
Le Rouge et le Noir est l’un des
deux ou trois plus grands romans du siècle et l’un des chefsd’œuvre de la littérature universelle.
Inspiré d’un fait divers célèbre de l’époque – Antoine Berthet avait été condamné à
mort en 1828 par les assises de
l’Isère pour tentative de meurtre sur la personne de Mme Michoud chez qui il était précepteur –, Le Rouge et le Noir est
l’histoire d’un jeune homme
ambitieux qui se sert des femmes pour réussir et qui rachète
ses erreurs par une inflexible
énergie.
Manuel de l’ambition et de
la rébellion, Le Rouge et le
Noir est aussi et d’abord un roman d’amour. Julien Sorel annonce peut-être, en un sens, la
lutte des classes. Marchant
dans les pas de Valmont et de
Don Juan, il annonce aussi
tous les thèmes de la liberté
sexuelle d’aujourd’hui. Julien
Sorel passe et les femmes tombent dans ses bras.
Ce qui frappe, chez Stendhal,
c’est le contraste entre l’échec
en son temps et son prodigieux
succès dans le nôtre. Il a
échoué dans la vie et dans sa
chasse au bonheur ; il a réussi
au-delà de toute espérance
dans sa quête de futur. « Je
mets, disait-il, un billet à la loterie dont le gros lot se réduit à
ceci : être lu en 1935 ».
Soixante-quinze ans après
la date fixée, Stendhal, méprisé et moqué par ses contemporains, est adulé par les nôtres.
Valéry et Gide saluent en lui le
romancier le plus intelligent
de notre littérature et un classique de la modernité. ■
Jean d’Ormesson
de l’Académie française
Le Rouge et le Noir
STENDHAL
9,90 euros avec
le bon en page 32
www.fannyberiaux.com
THÉÂTRES
GRAND BRUXELLES
CENTRE CULTUREL DES RICHES-CLAIRES (r. des Riches-Claires, 24 ; 02-548.25.80 ; www.lesrichesclaires.be) Jusqu’au 9/1 (20 h 30) : Où sont les hommes ?
de et par Nicolas Dubois et Patrice Mincke. Mise en scène : Vincent Raoult.
CENTRE CULTUREL ET ARTISTIQUE D’UCCLE (r. Rouge, 47 ; 02-374.64.84 ; www.ccu.be) Jusqu’au 31/12 (le
24/12 à 19 h, le 25/12 à 16 h) : Le père Noël est une ordure du Splendid, par Argan 42. Mise en scène : Daniel Hanssens.
COMÉDIE CLAUDE VOLTER (av. des Frères Legrain, 98 ;
02-762.09.63 ; www.comedievolter.be) Jusqu’au 31/12
(20 h 15) : Une folie de Sacha Guitry. Mise en scène : Danielle Fire.
LA FLÛTE ENCHANTÉE (r. du Printemps, 18 - Ixelles ; 02660.79.50 ; http://www.lafluteenchantee.be) Jusqu’au
31/12 (J., V. à 20 h 30) : La bonne Anna de Marc Camoletti, par la Flûte enchantée. Mise en scène : Jean-Luc Duray.
LA SAMARITAINE (r. de la Samaritaine, 16 ; 02-511.33.95 ;
http://www.lasamaritaine.be) Jusqu’au 26/12 (20 h 30 ;
rel. le 25/12) : Vous vous trompez avec Lorette Goosse.
Textes des auteurs belges Dominique Breda, Patrick Chaboud, Bernard Cogniaux, Christian Dalimier, Lorette Goosse, Jean-Louis Leclercq, Marie-Paule Kumps, Layla Nabulsi, Evelyne Rambeaux, Véronique Stas, Bernard Tirtiaux.
Mise en scène : Evelyne Rambeaux.
MAGIC LAND THÉÂTRE (r. d’Hoogvorst, 14 ; 02-
www.lesoir.be
23/12/09 21:47 - LE_SOIR
245.50.64 ; www.magicland-theatre.com) Jusqu’au 30/12
(20 h 30) : Mélopolis, de Patrick Chaboud, par le Magic
Land Théâtre. Mise en scène de l’auteur.
PALAIS DES BEAUX-ARTS (r. Ravenstein, 23 ; 02507.82.00 ; www.bozar.be) Jusqu’au 31/12 (J. à 19 h) : Mozart vs Mozart (0900-40.850 ; http://tickets.lesoir.be).
THÉÂTRE DE LA TOISON D’OR (Galerie de la Toison
d’Or, 396-398 ; 02-510.05.10 ; http://www.ttotheatre.be)
Jusqu’au 16/1 (20 h 30) : Cendrillon, ce macho ! de Sébastien Ministru. Mise en scène : Nathalie Uffner.
THÉÂTRE DE POCHE (chemin du Gymnase, bois de la
Cambre ; 02-649.17.27 ; http://www.poche.be) Jusqu’au
26/12 (20 h 30) : Agamemnon. A mon retour du supermarché, j’ai flanqué une raclée à mon fils de Rodrigo Garcia, par le Théâtre de Poche et la Cie du Singe
nu. Mise en scène : Pietro Varrasso (rés. 0900-40.850 ;
http://tickets.lesoir.be).
THÉÂTRE DES MARTYRS (pl. des Martyrs, 22 ; 02223.32.08 ; http://www.theatredesmartyrs.be) Jusqu’au
9/1 (20 h 15) : Faire le malin est le propre de tout imbécile d’après Georges Courteline, par la Fabuleuse Troupe. Mise en scène : Valéry Massion. Jusqu’au 3/1
(20 h 15) : Théâtre sans animaux de Jean-Michel Ribes,
par le Théâtre de Namur. Mise en scène : Eric De Staercke.
THÉÂTRE LE PUBLIC (r. Braemt, 64-70 ; 0800-944.44 ;
www.theatrelepublic.be) Jusqu’au 31/12 (20 h 30 ; rel. le
25/12) : Rain man de Dan Gordon, par le Théâtre Le Public et le Théâtre de Namur. Mise en scène : Michel Kacenelenbogen (rés. 0900-40.850 ; http://tickets.lesoir.be).
Jusqu’au 31/12 (20 h 30 ; rel. le 25/12) : Stib - Suite de
trajets infrahumains balisés de Geneviève Damas par
l’Albertine. Mise en scène : Janine Godinas. Jusqu’au 31/12
(20 h 30, rel. le 25/12) : Un jour j’irai à New York avec
toi de Bruno Belvaux et Jean Lambert, par le Théâtre Le
Public et le Théâtre de Namur. Mise en scène des auteurs.
THÉÂTRE ROYAL DE TOONE (Petite rue des Bouchers ;
02-511.71.37, www.toone.be) Jusqu’au 2/1 (J., V. à
20 h 30) : La Nativité et le massacre des innocents
de M. de Ghelderode, par les marionnettes de Toone.
THÉÂTRE ROYAL DES GALERIES (Galerie du Roi, 32 ;
02-512.04.07 ; www.theatredesgaleries.be) Jusqu’au 31/1
(20 h 15 ; rel. le 25/12) : La Revue 2010 avec Richard Ruben, Bernard Lefrancq, Marc De Roy, Angélique Leleux,
Pierre Pigeolet, Laure Godisiabois, Cendrine Ketels, Anne
Chantraine, Véronique Lievin, Antoine Pedros, Kylian
Campbell. Mise en scène : David Michels et Bernard Lefrancq.
THÉÂTRE VARIA (r. du Sceptre, 78 ; 02-640.82.58 ;
www.varia.be) Jusqu’au 9/1 (20 h 30 ; rel. le 25/12) : Gibier de potence de Feydeau et L’affaire de la rue de
Lourcine de Labiche, par le Théâtre Varia. Mise en scène :
Michel Dezoteux.
WALLONIE
ITTRE
Théâtre de La Valette (pl. Saint-Rémy, 11 ; 067-64.81.11)
Jusqu’au 27/12 (J., V. à 20 h 15) : Les derniers devoirs de
Louis Calaferte. Mise en scène : Xavier Letroye.
1NL
du 24/12/09 - p. 35