comment evaluer l`enseignement des concepts
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Journal of Educational Measurement and Applied Cognitive Sciences 1 http://www.jemacs.uni.lu/ 2007 volume 1, No 1 COMMENT EVALUER L’ENSEIGNEMENT DES CONCEPTS (AVEC LES TAXONOMIES DE BLOOM ET DE GAGNE ? Sylviane Bachy, Université Catholique de Louvain, Institut Libre Marie Haps∗ Mots clés : concept, dispositif, taxonomie de Gagné et de Bloom. Résumé : L’apprentissage de la phonétique par les étudiants de BAC 1 en Haute Ecole est souvent rendu austère par le nombre de nouveaux concepts qui demandent une haute précision notamment pour le diagnostic logopédique. La taille des groupes (250 étudiants) complique souvent l’enseignement des concepts. Aussi en analysant nos examens de 2004, nous n’avons pas été étonnées de constater que les questions de définition et de classification qui évaluent les concepts étaient moins bien réussies par les étudiants que les autres types d’évaluation (choix multiples, schémas à compléter, etc). Une analyse de la qualité avec le modèle intégré de Lebrun (2005) : « un modèle pour réfléchir à la qualité d’un dispositif pédagogique », a ciblé les contenus à adapter. Sur base des taxonomies de Bloom, revisitée par Anderson et Krathwohl (2001) et de Gagné (dans Rieunier 2000) des pauses méthodologiques ont été introduites. Pour évaluer l’impact du nouveau dispositif nous proposons une évaluation quantitative (résultats aux examens) et qualitative (avec un questionnaire d’évaluation sur l’activité d’enseignement). L’ensemble des résultats nous permet de croire que le nouveau dispositif favorise l’apprentissage des concepts Introduction Enseigner un concept représente 50% de l’activité d’enseignement. Reconnaître les concepts et connaître les stratégies pour les enseigner permet à l’enseignant de concevoir un dispositif d’enseignement adapté et ainsi de préparer ses leçons plus rapidement (Rieunier, 2001). Trois façons d’évaluer le dispositif basé sur l’apprentissage des concepts sont présentées. L’évaluation porte sur une analyse de la qualité du dispositif, une analyse quantitative et une analyse qualitative. L’évaluation de la qualité de l’ancien dispositif avec le modèle intégré de Lebrun (2005) a ciblé de nouveaux objectifs à atteindre en modifiant le contenu des ∗ [email protected] Université Catholique de Louvain, place Blaise Pascal 1, 1348 Louvain-La-Neuve (Belgique), Institut Libre Marie Haps, 11 rue d’Arlon 1050 Bruxelles S. Bachy 2 L’enseignement des concepts informations présentées aux cours. Les taxonomies de Gagné (Rieunier, 2000) et de Bloom (Anderson et Krathwohl, 2001) ont été utilisées comme grille de lecture pour définir les types de connaissances et les types de processus cognitifs mis en jeu. Les étudiants ont appris a reconnaître les concepts et à développer des stratégies pour les apprendre. Pour mesurer l’impact de ces pauses méthodologiques nous proposons une évaluation quantitative et qualitative. Ce document est divisé en quatre parties. La section 1 expose notre contexte d’enseignement et définit le concept de concept. La section 2 analyse l’ancien dispositif avec le modèle intégré de Lebrun et décrit les adaptations réalisées sur base du tableau des variables de Raynal et Rieunier ( Rieunier 2000). Les sections 3 et 4 évaluent le nouveau dispositif. 1. Contexte et concept 1.1 Le contexte Nous enseignons le cours de phonétique dans la Haute Ecole Léonard de Vinci, à l’Institut Libre Marie Haps dans le département de logopédie et d’audiologie. Le cours de phonétique est un cours de base dispensé le premier semestre de la première année (BAC1). Parmi les types de connaissances évalués lors de l’examen en juin 2004 les deux questions concernant les concepts (questions de classification et de définition) ont été moins bien réussies par les étudiants. 1.2 Question de concept Un « concept » c’est l’association d’une étiquette avec un ensemble de propriétés (Barth, 1987) définissant une idée (Rieunier, 2000) qui reprend les informations les plus importantes (Vial, 2001). S’inscrivant sous forme de nœuds dans des réseaux sémantiques (de Vecchi et Carmona-Magnaldi, 1996), les concepts sont liés entre eux. Ils servent à catégoriser/classifier/définir les connaissances (Bloom dans Anderson et Krathwohl 2001) et donc à interpréter notre environnement comme un ensemble d’objets reconnaissables. Résultant d’une construction des connaissances de l’individu au gré des interactions avec son environnement, les concepts peuvent différer d’un individu à l’autre par des combinaisons différentes d’attributs (attributs S. Bachy 3 L’enseignement des concepts internes ou externes de Robert 2006, attributs essentiels et non essentiels de Barth, 1987). Par exemple « la résonance » peut s’expliquer par l’observation du verre qui se brise lorsqu’il entre en résonance avec une fréquence très aigue, par la bouteille remplie d’eau dans laquelle on souffle et qui ne produit pas le même son si la quantité d’eau est modifiée, etc. Ces exemples observables permettent de tirer une série de propriétés : il faut une cavité (résonateur) qui a des caractéristiques physiques (volume, matière, etc), il y a une fréquence de résonance propre à l’objet qui entre en vibration lorsqu’elle rencontre une fréquence proche. La modification du résonateur entraîne une modification de la fréquence de résonance. La résonance est le phénomène se produisant lorsqu’un résonateur est excité par une vibration à une fréquence donnée, appelée fréquence de résonance. Elle est liée aux caractéristiques physiques du résonateur (volume, forme, matière). Grâce à d’autres exemples comme le pont de Takoma (pont qui se brise par effet de résonance avec le vent), la balançoire, etc l’observateur peut ajouter aux propriétés déjà définies que le phénomène de résonance, amplifie un mouvement (la vibration) lorsqu’il rencontre une fréquence proche de sa fréquence de résonance. Ces exemples indiquent que la fréquence de résonance d’un système est une fréquence naturelle de vibration à laquelle l’énergie donnée au système (« poussée » dans le cas de la balançoire, « onde sonore » pour le verre, « onde du vent » pour le pont) est amplifiée. Quand nous parlons, notre conduit vocal1 peut être schématisé par une suite de tubes dont les fréquences de résonance nous en apprennent beaucoup sur les sons produits… 1 Le conduit vocal est le terme qui désigne la cavité remplie d'air qui s'étant de la glotte (larynx) aux lèvres. Cette cavité n'est pas rigide, et sa forme peut-être modifiée par le mouvement d'articulateurs (la langue par exemple). S. Bachy 4 L’enseignement des concepts Le conduit vocal, du larynx aux lèvres (et aux narines) est une structure tridimensionnelle complexe (forme courbe). C’est la position des articulateurs qui va déterminer le mode de propagation de l’air et donc les sons produits. En parlant, l’individu transmet une série de fréquences à nos quatre résonateurs : le pharynx, la bouche, le nez et les lèvres. Ils ont des formes différentes que nous pouvons modifier avec la langue, le voile du palais, les lèvres et le maxillaire inférieur. La modification des cavités de résonance détermine les fréquences qui sont amplifiées. Celles-ci s’appèlent les formants. La différence entre un « i », un « a », un « u » s’explique par ce phénomène d’amplification de certaines fréquences par le passage du son dans les résonateurs. 2. Analyse de l’ancien dispositif et adaptations Différents outils d’évaluation sont présentés dans cette partie. Dans le point 2.1 nous présentons le modèle intégré de Lebrun qui a servi de base à notre évaluation. Le point 2.2 reprend le sous-modèle de Biggs. Ce point introduit également les taxonomies de Bloom et de Gagné utilisées pour le nouveau dispositif. Le point 2.3 présente le sous-modèle de Barbier et Lesne. Le point 2.4 traite du pentagone d’apprentissage de Lebrun lui-même. Enfin le point 2.5 propose le nouveau dispositif avec le tableau des variables de Raynal et Rieunier (2000). 2.1 Présentation du modèle Lebrun croise trois modèles (2005, p. 191) pour déterminer un dispositif de qualité: - L’alignement constructiviste de Biggs (objectifs-méthodes-outils) (Lebrun 2005) que nous pouvons évaluer en analysant la cohérence des interactions entre ces trois objets, - Les trois champs de Barbier et Lesne (Laloux, 2002) :le champ de la vie quotidienne, professionnelle et sociale (objectifs), le champ des phénomènes relatifs au cadre institutionnel des programmes de formation (méthodes) , le champ des activités pédagogiques (outils) qui situent la démarche, - Et son propre modèle « le pentagone d’apprentissage » (IMAIP) Informations, Motivation, Activités, Interactions et Productions que nous évaluerons par la présence des cinq ingrédients pour un dispositif de qualité ( Lebrun 2005). Bigg objectif méthodes outils s Champ Lebrun b Champ motivati on informati activités productio Champ interacti on Barbier et Lesne S. Bachy 5 L’enseignement des concepts Figure 1 – Un modèle pour réfléchir à la qualité d’un dispositif pédagogique 2.2 L’alignement méthodes-objectifs-outils de Biggs Les objectifs de cours en 2004 étaient essentiellement répartis en objectifs généraux et spécifiques Un exemple d’objectif spécifique était formulé de la manière suivante : « Après cette leçon de 2 heures, les étudiants de BAC1 en logopédie seront capables de définir la résonance ». Les méthodes utilisées visaient à exposer, expérimenter et interroger les étudiants et les outils favorisaient les questions (questions-guides de TABA dans Rieunier 2000) ou les comparaisons (métaphore de de Vecchi et al, 1996). Selon Biggs (Lebrun 2005), développer des compétences demande une cohérence entre les trois objets : objectifs, méthodes et outils. Objectif s Compétences et activités de l’apprenant Méthodes Figure 2 – Alignement constructiviste de Biggs par Lebrun (2005) Outils S. Bachy 6 L’enseignement des concepts Si le dispositif de 2004 semble cohérent il ne met pas suffisamment l’accent sur ce qui est spécifique dans l’objectif de pouvoir « définir ». Développer des compétences spécifiquement pour l’apprentissage des concepts demande d’autres choix qui ne peuvent se faire que si on a précisé au préalable les types de connaissances visées (la taxonomie de Gagné) et les types de processus cognitifs mis en jeu (taxonomie de Bloom). Le tableau ci-dessous reprend l’ensemble des deux taxonomies. Anderson et Krathwohl (2001) définissent une dimension qui concerne le processus cognitif (the cognitive process dimension), elle est issue des travaux de Bloom et une dimension qui concerne le type de connaissances (the knowledge dimension) proche des travaux de Gagné parce qu’on y reconnaît la distinction entre les connaissances des faits, des concepts (englobant les principes) et des procédures. Tableau 1 - Taxonomie de Bloom revisitée simplifiée d’après le site http://coe.sdu.edu/eet/Articles/bloomrev/index.htm The knowledge dimension The cognitive process dimension remember understand apply analyse evaluate create Factual knowledge Conceptual Knowledge Procedural Knowledge Metacognitive Knowledge Connaître les types de connaissances (faits, concepts, principes, procédures, stratégies) – dans ce cas-ci les concepts et les types de processus cognitifs (mémoriser, comprendre, appliquer, analyser, évaluer et créer) permet d’élaborer une stratégie d’apprentissage. Or, tout porte à croire que les étudiants deviennent plus compétents lorsqu’ils deviennent conscients des stratégies qu’ils utilisent (Rieunier, 2000 ; de Vecchi & Carmona-Magnaldi, 1996 ; Barth, 1987 ; Taba cité par Rieunier, S. Bachy 7 L’enseignement des concepts 2001). Plus les étudiants sont conscients de leur apprentissage, plus facilement ils peuvent créer des stratégies et des modèles (Bachy 2006) pour mobiliser leurs compétences. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de faire des pauses méthodologiques. Les pauses méthodologiques concernent essentiellement la prise de conscience de son propre fonctionnement intellectuel (métacognition) par l’étudiant. Les connaissances métacognitives sont les stratégies d’apprentissages et l’analyse des systèmes de traitement de l’information que tout individu met en œuvre pour apprendre. Pour les concepts, il s’agit de préciser aux étudiants les types de processus cognitifs mis en jeu, les méthodes (interrogatives, expérimentales, expositives), les démarches (inductives et déductives), les outils (métaphores, etc). L’introduction des pauses méthodologiques répond à ce type de connaissances que nous n’exploitions pas auparavant. D’après Raynal et Rieunier, (Rieunier 2000) elles devraient améliorer de façon significative l’aptitude à traiter l’information. C’est ce que nous verrons grâce à l’analyse quantitative des résultats. 2.3 Les trois champs de Barbier et Lesne (1986 dans Lebrun 2005) Schématiquement nous avons représenté les trois champs ci-dessous : 8 L’enseignement des concepts Objectifs de la société Pertine Objectifs de Marie-Haps Champ 3 Champ 2 Champ 1 S. Bachy Objectifs du programme BAC1 Nos Objectifs prof B Objectifs prof C Nos Méthodes prof Méthodes prof Efficacité Efficacité Étudiant Étudiant Étudiant Figure 3 – Schéma des trois champs adapté de Barbier et Lesne par Laloux (2002) Ce schéma représente les trois champs : champ 1 : les objectifs de la société, champ 2 les objectifs de l’Institut et du programme d’études et le champ 3 nos activités pédagogiques. Il faut un lien pertinent entre les champs. L’efficacité interne se situe dans le champ 3 : niveau du cours. L’efficacité externe représente le développement des compétences qui répondent à nos objectifs, aux objectifs du programme, aux objectifs de l’Institut et aux besoins de la société. Le fait que les étudiants réussissent moins bien les questions concernant les concepts demande de reconsidérer l’efficacité interne de notre dispositif car sans doute que le transfert des connaissances lié à l’ancien dispositif n’a pas permis aux étudiants de répondre aux objectifs des champs 2 et 1. Les professeurs de pratique professionnelle (stage) ont notamment relevé certaines confusions entre des concepts ce qui confirmerait nos résultats et les liens entre ce qui se passe au cours et ce qui est transféré . L’introduction des pauses méthodologiques par rapport aux conceptions de Barbier et Lesne permettrait un meilleur transfert entre le cours et les activités sur le terrain. En effet, l’enseignant qui explique les stratégies, explique en fait les liens entre ses méthodes, les outils et les objectifs (champ 3) qu’il souhaite atteindre par rapport aux objectifs du programme (champ 2) et des besoins du terrain (champ 3). S. Bachy 9 L’enseignement des concepts 2.4 L’IMAIP de Lebrun, Le modèle IMAIP (informations, motivation, activités, interaction et production) permet d’évaluer le champ 3 de Barbier et Lesne : nos objectifs sont-ils atteints pour nous et pour les étudiants (efficacité interne) ? Figure 4 – Le pentagone d’apprentissage IMAIP (Lebrun 2005) Il permet de réguler les ingrédients sur base des buts poursuivis : sont-ils atteints, sont-ils satisfaisants? Notre évaluation formative en fin de chaque cours dans une perspective d’une régulation intentionnelle (Perrenoud 1998) nous laissaient croire que notre dispositif était de qualité parce que nous obtenions un pourcentage élevé de bonne réponses (80%). La discussion porte dès lors sur ce qu’on entend par « qualité ». L’analyse de l’évaluation certificative (présentée plus loin) nous a montré que notre ancien dispositif devait proposer d’autres types de contenu pour atteindre un nouvel objectif : apprendre à apprendre les concepts puisque les étudiants étaient moins performants pour ce type de connaissance et que nous y étions sensibles. Le contenu a été analysé grâce aux taxonomies de Gagné et de Bloom. Après avoir identifié les concepts et les types de processus cognitifs, nous avons modifié l’information en insistant sur l’apprentissage de stratégies. Les autres « ingrédients » déjà présents en 2004 ont été maintenus. 2.5 Réflexions et adaptation 2.5.1 Réflexions L’analyse de l’ancien dispositif par le modèle intégré de Lebrun permet les réflexions suivantes : S. Bachy 10 L’enseignement des concepts -Cohérence (Biggs) ne veut pas dire qualité : l’ancien dispositif était cohérent mais il ne répondait pas tout à fait à nos attentes qui n’étaient pas clairement formulées. La précision des objectifs grâce aux taxonomies de Bloom et de Gagné a permis l’élaboration de stratégies d’apprentissage spécifiques pour les concepts. -Pertinence (Barbier et Lesne) ne veut pas dire qualité : l’ancien dispositif proposait des objectifs pertinents par rapport aux objectifs institutionnels et aux objectifs de la société. Toutefois, les compétences développées étaient insuffisantes pour l’apprentissage des concepts. - IMAIP (Lebrun) ne veut pas dire qualité : l’ancien dispositif avait les cinq ingrédients : information, motivation, activité, interaction et production sans en avoir nécessairement le bon contenu. Préciser le type de connaissance et éplucher notre cours avec la taxonomie de Gagné en tête nous a permis de réajuster l’information donnée. 2.5.2 Adaptations L’analyse du dispositif met en évidence les adaptations suivantes à réaliser pour préciser nos objectifs spécifiques : - Analyser les types de connaissances (Gagné), - Analyser les types de processus cognitifs (Bloom), - Rendre conscient des stratégies (Rieunier, 2000; de Vecchi & CarmonaMagnaldi, 1996; Barth, 1987 ; Taba cité par Rieunier, 2001), - Apprendre à enseigner les stratégies. La grille de lecture proposée par Anderson et Krathwohl (2001) pour les taxonomies (présentée au tableau 1) se retrouve dans le tableau des variables de Raynal et Rieunier (1980 dans Rieunier, 2000, p. 156). Tableau 2 – Tableau des variables de Raynal et Rieunier (1980 dans Rieunier, 2000) S. Bachy 11 faits explications L’enseignement des concepts concepts principes méthodes stratégies atti Types d’apprentissage Éléments de stratégies Démarches Méthodes Techniques inductive déductive démonstrative analogique dialectique proactiv expositive interrogative active Techniques exposé démonstration expérience par simulation jeu de rôle d’animation : professeur Questionnement Exemples Expérience exercice compagnonnage enseignement expérienc Encouragement d’application programmé élève Consignes Synthèse, etc Représentation Objet réel photo vidéo maquette dessin schéma symbo du réel Support papier tableau à tableau transparents diapositives film craie papier Taille du travail individuel travail à deux travail en petit groupe group groupe citer expliquer classer appliquer inventer Niveau de performance Cet outil permet d’analyser les stratégies d’enseignement et de concevoir des leçons mesurées aux travers des deux taxonomies : celle de Gagné (ligne du dessus) et celle de Bloom (ligne du dessous). Il répond donc aux questions suivantes : Comment enseigner les concepts ? Et comment concevoir une stratégie d’enseignement pour l’apprentissage des concepts ? En effet il permet de détailler la stratégie comme l’ensemble : démarche, méthode, technique, support et outils en fonction du type d’apprentissage et du type de processus cognitif visé. Un exemple de leçon pour l’enseignement du concept « résonance » est repris cidessous dans le tableau des variables pour les concepts. S. Bachy 12 L’enseignement des concepts Tableau 3 – Tableau du dispositif pour le concept « résonance », groupe classe Objectifs : Après cette leçon de 2h, les étudiants de BAC1 seront capables de comprendre, analyser et évaluer le phénomène de résonance. Motivation Ce phénomène permet d’expliquer et d’évaluer des troubles phonétiques comme les accents, les imprécisions articulatoires… Démarche : -Représentation : pour vous le phénomène de Arche c’est-à-dire résonance représente quoi ? déductive et inductive -Exemples de départ (flûte et bouteille) et contre (Rieunier) exemples (pont) -définition -compréhension (corps humain) Méthodes : Méthode expositive et Vidéo du verre qui se brise, pont de Takoma, interrogative sonagramme (Formants) recherche d’attributs Qu’est-ce que ces exemples ont en commun, ont de (Barth) différent? Technique : exposé, démonstration, expérience (Taba), support avec vidéo, ordinateur, flûte, bouteille… Evaluation formative en fin de leçon : choix multiple à main levée 0Évaluation Evaluation certificative en juin : par écrit : « expliquez le phénomène de résonance » Les pauses méthodologiques visent l’explication de ce tableau auprès des étudiants. 3. Evaluation du dispositif sur base des résultats aux examens. Quel est l’impact de l’introduction des pauses méthodologiques ? 3.1 Précisions méthodologiques Nous comparons deux tableaux de résultats issus de 2004 et de 2005 réalisés à partir des examens de deux groupes d’étudiants. Les deux groupes ont suivi le cours lors du premier semestre de leur première année. L’examen s’est déroulé en juin et comportait le même type de questions avec la même répartition des points. Les critères d’évaluation des questions touchant les concepts sont les mêmes. Nous S. Bachy 13 L’enseignement des concepts attendons que les étudiants expliquent certains concepts par des exemples, le contexte, et les attributs essentiels. Les résultats sont à prendre avec une certaine précaution. En effet, les étudiants ne sont pas les mêmes et les questions, bien que calibrées de la même manière, sont également différentes. 3.2 Critères d’évaluation Une amélioration aux questions 1 et 7 de l’examen de 2005 pourrait montrer un impact positif des pauses méthodologiques sur l’apprentissage des concepts. 3.3 Résultats En 2004, le dispositif n’est pas axé spécifiquement sur les concepts. La moyenne des étudiants est très bonne mais on peut voir que les questions 1 et 7 qui évaluent les concepts sont largement moins bien réussies que les autres questions du style (schémas à compléter, choix multiples, synthèse, etc.) Tableau 4– Résultats à l’examen de 2004 Résultats à l’examen de 2005 Tableau 5 – En 2005, le dispositif comprend des pauses méthodologiques pendant lesquelles les étudiants apprennent les stratégies pour apprendre les concepts. L’examen comportait S. Bachy 14 L’enseignement des concepts exactement la même répartition des questions qu’en 2004. Les questions 1 et 7 portaient sur les concepts. Le résultat est à prendre avec précaution et nuance puisque la cohorte des étudiants n’est pas la même qu’en 2004. Néanmoins, les résultats indiquent une amélioration de 59% à 80% pour les questions de définition et de 59% à 63% pour les questions de classification. Notons une perte de 10% pour les choix multiples (question 8). 4. Evaluation du dispositif sur base de l’évaluation par les étudiants. Les étudiants se trouvent-ils compétents et apprécient-ils le dispositif ? Nous avons demandé aux étudiants d’évaluer l’activité d’enseignement en trois points : les objectifs, les méthodes et les outils et d’évaluer si ils se trouvaient compétents. Les énoncés sont issus du questionnaire de la Haute Ecole Léonard de Vinci (Belgique). Les étudiants peuvent répondre par ++, +, -, -- aux affirmations telles que : -les objectifs du cours sont présentés clairement -les contenus abordés correspondent aux objectifs -les exemples proposés illustrent bien la théorie -la méthode à suivre est clairement proposée -la méthode facilite le travail demandé -les outils sont clairement définis -etc Tous les questionnaires reçus en 2005 (une vingtaine), c’est-à-dire très peu par rapport au grand groupe initial (250 étudiants) indiquent qu’ils sont satisfaits (++, +) de l’activité d’enseignement. Par contre le sentiment de compétence est mitigé. Les remarques justifient, à juste titre, qu’ils attendent d’être confronté à la pratique pour savoir s’ils sont compétents et s’ils pourront utiliser à bon escient les concepts appris. Ce type d’évaluation quoique toujours très intéressant n’est malheureusement pas suffisant pour avancer des conclusions étant donné la faible proportion des réponses obtenues. Conclusion Suite au constat que les étudiants réussissaient moins bien les questions portant sur les concepts nous avons analysé et adapté l’ancien dispositif. Puis nous avons évalué si l’introduction des pauses méthodologiques favorisait un bon apprentissage des concepts. Nous avons d’une part utilisé le modèle intégré de Lebrun (2005) qui intègre l’alignement constructiviste de Biggs, les trois champs de Barbier et Lesne et son propre modèle d’apprentissage IMAIP. Ce modèle permet à l’enseignant de structurer S. Bachy 15 L’enseignement des concepts son dispositif pour qu’il soit cohérent, pertinent et de qualité. Toutefois, même si le changement dans notre dispositif peut venir renforcer les idées maîtresses des sousmodèles, il est difficile de mesurer l’impact de la métacognition par rapport à la notion de « qualité ». Nous avons d’autre part comparé les résultats quantitatifs pour mesurer l’impact des pauses méthodologiques sur l’apprentissage des concepts. Les résultats sont à prendre avec précaution étant donné que méthodologiquement tous les paramètres ne sont pas semblables. Néanmoins, nous observons une amélioration de 5 à 20% en 2005 avec le nouveau dispositif pour les questions sur les concepts. Enfin nous avons présenté l’évaluation des étudiants par rapport à notre activité. Nous avons sélectionné des phrases qui permettent de donner une appréciation sur les objectifs, les méthodes et les outils. Tous les étudiants qui ont participé (très peu) à cette évaluation non obligatoire sont satisfaits (+ et ++) de la façon dont se déroule le cours mais ils ont du mal à se considérer comme compétents par rapport à l’apprentissage des concepts. L’association des trois types d’évaluation montre une nouvelle fois qu’évaluer est une tâche complexe et que même s’il nous est permis de penser que l’apprentissage conscient de stratégie pourrait faciliter l’apprentissage des concepts nous n’avons pas trouvé jusqu’à présent un moyen de l’évaluer de manière significative. Listes des références bibliographiques Anderson, L. & Krathwohl, D. (2001). A taxonomy for learning, teaching and assessing : a revision of Bloom’s taxonomy of educational objectives. Addison Wesley Longman : Abridged edition. Bachy, S. (2006). Conséquences épistémologiques de la dimension interactionnelle dans la linguistique : Présentation d’un modèle. Actes du colloque de l’AIPU. Monastir. Bachy, S. & Simon, AC. (2006). Un DVD comme support d’apprentissage dans des cours de linguistique française. Actes du colloque de l’AIPU. Monastir. Bandura, A. (2004). De l’apprentissage social au sentiment d’efficacité personnelle. Paris : l’Harmattan. Barth, B.M. (1987). 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Liste des figures Figure 1 – Un modèle pour réfléchir à la qualité d’un dispositif pédagogique Figure 2 – Alignement constructiviste de Biggs par Lebrun (2005) Figure 3 – Schéma des trois champs adapté de Barbier et Lesne par Laloux (2002) Figure 4 – Le pentagone d’apprentissage IMAIP (Lebrun 2005) Liste des tableaux Tableau 1 - Taxonomie de Bloom revisitée simplifiée Tableau 2 – Tableau des variables de Raynal et Rieunier (1980 dans Rieunier, 2000) S. Bachy 17 L’enseignement des concepts Tableau 3 – Tableau du dispositif pour le concept « résonance », groupe classe Tableau 4– Résultats à l’examen de 2004 Tableau 5 – Résultats à l’examen de 2005