Nouvelle course pour Keolis et Transdev - SIA Partners

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Nouvelle course pour Keolis et Transdev - SIA Partners
Stratégie et entreprises
Reportage
Nouvelle course pour
Keolis et Transdev
Le marché est en pleine croissance. Et les entreprises de VTC
ne se contentent pas de chasser
sur les terres des taxis. Elles peuvent également s’accaparer un
marché dévolu aux opérateurs
traditionnels. Vortex en est l’illustration : avec 2 700 chauffeurs,
l’entreprise est devenue un acteur
majeur du transport de personnes à mobilité réduite,
gagnant des appels d’offres face
à Transdev.
Les atouts d’une
structure existante
VTC À quelques jours d’intervalle, Keolis et Transdev ont pris chacun une
participation dans des entreprises de VTC. Signe d’une évolution stratégique
majeure vers des relais de croissance ou évolution naturelle bien préparée ?
2PAR AYMERIC GUITTET
inq milliards d’euros. Le
chiffre d’affaires de Keolis
est en nette hausse en
2015. Présente dans 15 pays, la
filiale de la SNCF a transporté
trois milliards de passagers dans
les secteurs du métro automatique, du tramway, de l’interurbain et du ferroviaire. Son frère
ennemi Transdev fait mieux,
C
avec 6,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et une présence
dans 19 pays.
À l’instar des géants de l’informatique tels Google ou Facebook,
les deux cadors français sont
attentifs aux jeunes pousses.
Celles qui changent le jeu sur le
marché du transport, bouleversent les usages, attirent de nou-
Lancer une activité,
c’est lui donner un
avenir. Nous avons
choisi d’incuber
Greentomatocars
dans une structure
déjà existante.
PAUL DE ROSEN,
directeur commercial
et développement
Transdev VTC.
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veaux clients et se servent des
nouvelles technologies.
Le 21 mars, LeCab a annoncé un
« partenariat commercial et capitalistique » avec Keolis. La startup, lancée en 2012, se présente
comme le leader du véhicule de
transport avec chauffeur (VTC)
en France. En mai 2016, elle était
présente dans 23 agglomérations
et comptait 1 700 chauffeurs dans
ses rangs. Quelques jours plus
tard, Transdev a pris une participation chez Navendis, entreprise
spécialisée dans l’offre de VTC
aux entreprises. La jeune société
a une particularité : elle emploie
ses 200 chauffeurs en CDI.
Faut-il voir un changement
d’époque avec ces rapprochements entre deux mondes hier
si distincts ? Une inflexion stratégique majeure, prélude d’un
mouvement plus global des
grands opérateurs vers le VTC ?
www.connexiontt.fr
Mais pour Paul de Rosen, Directeur commercial et développement, Transdev n’a pas attendu
2016 pour se positionner sur le
VTC et le Transport à la demande
(TAD) : « avant Navendis, nous
avions déjà un axe fort de TAD :
une activité taxis et VTC aux EtatsUnis, aux Pays-Bas et en Angleterre, le VTC partagé Supershuttle
aux aéroports de Paris et de Beauvais, et Greentomatocars dont la
particularité est d’être éco-responsable et destiné prioritairement
aux entreprises ». Greentomatocars est une création de Transdev. Un service de VTC développé
à Londres et présent seulement
en Île-de-France. La branche
française a été cédée à Navendis
Notre interface
de programmation
est très flexible.
BENJAMIN CARDOSO,
fondateur de LeCab.
.../...
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Reportage
en échange de la prise de participation dans son capital. « Lancer une nouvelle activité, c’est lui
donner un avenir. Nous avons
choisi d’incuber Greentomatocars
dans une structure déjà existante.
Chez Navendis, elle aura des choix
de développement intéressants ».
Greentomatocars va donc se rapprocher de Navendis et de son
modèle économique, destiné
entièrement aux entreprises et
avec des chauffeurs salariés.
Profiter d’une structure déjà établie pour se déployer rapidement
sur le TAD est également le choix
de Keolis : « avec LeCab, on a été
séduits par une équipe, une technologie, des produits bien développés et identifiables. C’est une
forme moderne de TAD »,
explique Arnaud Van Troeyen,
directeur adjoint en charge de la
stratégie et du développement
chez Keolis.
Renforcer l’offre sur les
plateformes numériques
Avec le but avoué de Keolis de
se développer sur tous les segments de la mobilité, l’intégration
de LeCab dans son offre va passer
par les nouvelles technologies.
« Notre interface de programmation est très flexible », argumente
Benjamin Cardoso, fondateur de
LeCab. Elle peut s’intégrer dans
les applications smartphones de
Keolis, par exemple à Bordeaux ».
Arnaud Van Troeyen ajoute : « Le
but, c’est de développer une mobilité alternative à la voiture indi-
Il n’est pas question
de faire de gros
investissements,
mais de mettre
un pied dans
le secteur VTC.
ARNAUD AYMÉ,
associé chez Sia Partners.
viduelle. Et pour cela, offrir aux
utilisateurs une appli la plus complète possible ».
De l’avis de Gaëlle Lesteven, chercheuse à l’École nationale des
ponts et chaussées, les frontières
pourraient alors devenir « très
floues », avec « l’émergence d’un
transport individuel avec chauffeur, comme on a le transport collectif avec chauffeur ». L’exemple
le plus parlant est Padam : une
ligne virtuelle, avec des stations
et une destination, se matérialise
lorsqu’un certain nombre de
réservations est effectué. On est
à mi-chemin entre le VTC, le
covoiturage et les transports en
commun. Le service, destiné à
l’origine aux retours de soirée, a
désormais évolué vers les trajets
quotidiens domicile-travail.
Pour Transdev, Navendis et
Supershuttle vont suivre des chemins parallèles qui se croiseront
: « Supershuttle comme les VTC
de Navendis sont des plateformes
de mobilité et vont également
intégrer des plateformes spécialisée, touristiques pour Supershuttle, comme Expedia, et «
voyages professionnels » pour
Navendis ».
Appuyer les candidatures
aux appels d’offres
La facette digitale a plus d’un
avantage. Elle sert également
d’atout dans la réponse aux
appels d’offres des autorités organisatrices de transport. Pour
Arnaud Aymé, associé chez Sia
Partners, l’idée côté opérateurs
de transport « n’est pas de faire
de gros investissements, mais de
mettre un pied dans le secteur VTC
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et pouvoir communiquer, dire
dans les appels d’offres que l’on a
des partenariats digitaux, des
collaborations avec des start-up ».
C’était la démarche de Keolis avec
Moovit, et que l’opérateur compte
poursuivre selon les cas : « Notre
partenariat avec LeCab est industriel et stratégique. Si LeCab fait
une proposition pertinente pour
volet du service de transport, par
exemple dans une grande ville,
répondra ensemble à l’appel d’offres. Mais cela ne sera pas systématique ».
Chez le couple Navendis-Transdev, l’optique est un peu différente : « comme nous nous
situons sur une optique BtoB
(business to business, ndlr), notre
intérêt est dans un premier temps
de répondre à des appels d’offres
d’entreprises. Nous visons les
clients grands comptes, tels Airbus,
SNCF ». Avec l’idée de construire
une « offre commune » entre
Supershuttle, et Navendis pour
« consolider l’axe de développement auprès des entreprises »
explique Paul de Rosen.
changer la manière de se déplacer dans certains territoires,
notamment ruraux. Le but : remplacer par du TAD les bouts de
lignes peu fréquentés et mal desservis.
Pour Arnaud Aymé, la nouvelle
alliance opérateurs-VTC va permettre de « rabattre les parcours
terminaux sur les VTC, quand le
transport public effectue toujours
la partie principale. C’est un critère
de différenciation, avec des services supplémentaires à la clé, par
exemple aller chercher les bagages
au sein même de la maison ». Si
Keolis et LeCab refusent pour
l’instant d’indiquer des projets
précis, Arnaud van Troeyen parle
de « développer d’autres produits,
complémentaires du VTC et sur
des bases technologiques communes, qui se rapprochent plus
du TAD public, et en voiture partagée ».
Pour Transdev, l’objectif est également « d’enrichir l’offre de transport individualisé à destination
des collectivités locales ». Sans
renier le transport public, mais
en envisageant une complémentarité : « nous voyons le transport
comme un ensemble, constitué à
la fois de transports publics classiques et de transports individualisés « à la demande » innovants.
Ils existent à la fois en eux-mêmes
et dans leur complémentarité »,
détaille Paul de Rosen. « Cela va
dans le sens de l’agrandissement
des AOT : elles couvrent un territoire plus étendu et moins dense.
Sud Pays basque, par exemple, ce
sont des radiales de 60 km.
Ces territoires ne peuvent donc
pas être desservis uniquement par
des moyens classiques ». En plus
de Navendis et Supershuttle, et
pour répondre spécifiquement
à l’enjeu de la faible densité dans
certaines zones, Transdev va lancer un service hybride : Fleetme.
« Il s’agit de covoiturage courte
distance. L’utilisateur (conducteur
ou passager) planifiera son trajet
sur l’application. Sur certains trajets, cela a vocation à intégrer le
réseau de transports publics , en
complétant le réseau de bus ».
L’interface va être prochainement
testée à Auxerre, Beauvais ou
Avignon et Le Havre.
Gaëlle Lesteven en conclut : « Ni
noir ni blanc, on voit l’émergence
d’un transport public intermédiaire ». l
Développer
d’autres produits,
complémentaires
du VTC et sur
des bases
technologiques
communes qui
se rapprochent plus
du TAD public, et en
voiture partagée.
ARNAUD VAN TROEYEN,
directeur adjoint
en charge de la stratégie
et du développement
chez Keolis.
Repenser le transport
public en bout de ligne
Arnaud Van Troeyen de Keolis
l’évoque sans ambages : « la pertinence d’avoir un transport public
avec une fréquence élevée et des
trajets permanents n’est pas toujours valide économiquement. Il
est parfois plus adapté de se tourner vers le TAD avec un système
de réservation préalable, ou d’assurer des fins de service avec des
véhicules plus adaptés».
Les VTC, appuyés par les opérateurs, pourraient, à court terme,
www.connexiontt.fr
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