I Forme urbaine et climat - LEMA
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I Forme urbaine et climat - LEMA
Confort Thermique – Jacques Teller, Université de Liège I Forme urbaine et climat Durant la renaissance italienne, lorsque des écrits de l’antiquité ont été republiés, Léon Battista Alberti et, ensuite, Andrea Palladio ont rappelé les observations de Tacite, selon lesquelles des parties de Rome devenaient excessivement chaudes durant l’été. Tacite signalait ainsi que les rues élargies sous le règne de Néron étaient devenues moins saines qu’auparavant. Palladio recommandait dès lors que les rues soient « larges et amples » dans les villes au climat froid, étant donné que ces rues seraient ainsi plus « agréables, commodes et belles ». Par contre, dans les villes au climat chaud (comme Rome), des rues « étroites et bordées de maisons hautes » seraient plus « saines ». Ces écrits étaient manifestement inspirés de ceux de Vitruve, qui, dès l’époque de l’empereur Auguste, donna des instructions détaillées pour l’établissement de villes coloniales considérant des aspects climatiques. Vitruve était tout particulièrement concerné par la question du vent et la manière de le contrôler en adoptant une orientation particulière lors de la constitution de nouveaux établissements humains. Ces écrits devaient trouver un écho tout particulier auprès des colons espagnols, lors de la conquête des Amériques. Ainsi les conclusions de Vitruve devaient-elles être intégrées dans la « Loi des Indes », édictée par le Roi Philippe II d’Espagne en 1573. Une même démarche a inspiré Thomas Jefferson, au début du XIXème siècle, lors de sa conception d’un plan de ville idéal en forme de damier. De nos jours, il est exceptionnel que l’on ait à édifier une ville à partir du néant. En outre, un projet urbain, même local, n’est jamais indiscutablement déterminé par le climat particulier du lieu où il s’inscrit. Même dans des climats extrêmes (urbanisme sibérien, architecture de haute montagne, villes tropicales etc.), la part qui relève du climat n’est pas toujours clairement identifiable et les contraintes qu’il génère restent, le plus souvent, associés à d’autres facteurs, économiques, symboliques ou esthétiques, dont il est hasardeux de prétendre qu’ils ne soient pas les seuls décisifs. C’est pourquoi le climat apparaît généralement aux yeux des décideurs en tant que facteur modifiant du projet urbain et rarement comme un facteur dominant de design. On parle donc à son propos d’ingénierie de correction plutôt que de conception. Quoi qu’il en soit, la prise en compte du climat dans le projet urbain présente quelques avantages appréciables que l’on ne peut négliger. Elle permet tout d’abord d’augmenter la satisfaction des usagers en leur procurant un environnement plus confortable et plus attrayant. Ensuite, d’un point de vue économique, la bonne gestion du climat permet souvent d’élargir la durée de l’usage, journalier et saisonnier, des équipements publics et privés en fournissant des protections ou des corrections climatiques appropriées et donc de « rentabiliser » plus rapidement les investissements consentis. Enfin, elle affirme l’incrustation locale du projet qui pourrait conduire à un régionalisme naturel souvent recherché par les urbanistes ainsi que les décideurs politiques. On constate en outre que, à trop négliger les facteurs climatiques dans le cadre de l’aménagement urbain, le risque est grand de voir se développer des microclimats locaux extrêmement néfastes. Dans certains centres urbains, on enregistre en effet des températures de 1,5 à 5,5°C supérieures à celles de la campagne environnante. Paris a ainsi connu une augmentation de ses températures de 2,2°C en un siècle et on constate que depuis quatre-vingt ans, les records de chaleur enregistrés à Shanghai, Tokyo ou Baltimore augmentent d’environ 0,5°C tous les dix ans. Dans les climats chauds, cet effet, connu comme l’îlot de chaleur, a des répercussions importantes sur la demande de climatisation et, par là, sur les productions de 1 Confort Thermique – Jacques Teller, Université de Liège CO2. Dans certaines villes, l’îlot de chaleur a pris des proportions telles que le réchauffement urbain est capable d’engendrer son propre régime de précipitations. Cela a été révélé en 1996 à Atlanta, lors des Jeux Olympiques. Les innombrables îlots de chaleur de cette ville du sud des Etats-Unis seraient ainsi responsables d’au moins six orages à cette période. En dégageant la nuit de la chaleur accumulée pendant la journée, les toits et la chaussée réchauffent au dessus d’eux une couche d’air. Ce phénomène entraîne la formation d’une brise thermique, c’est-à-dire un vent vertical, qui fait monter les masses d’air chaud. En s’élevant, celles-ci se refroidissent, se condensent et retombent en pluie sur place. Bien entendu, le confort thermique des espaces ouverts est également affecté par ces perturbations du climat local. C’est particulièrement vrai dans les villes situées au sud de l’Europe, où les conditions climatiques locales deviennent parfois insupportables durant la période estivale. Et les villes du nord ne sont pas à l’abri de tels phénomènes. Certaines typologies urbaines peuvent ainsi avoir un effet très néfaste sur le régime des vents. On ainsi mesuré que certains immeubles tours pouvaient induire une accélération de l’ordre de 150% de la vitesse de vent mesurée en site vierge. Bien entendu, ceci conduit à des désagréments très importants pour les usagers de l’espace public, situation assez paradoxale lorsque l’on sait qu’un aménagement adapté permet de réduire la vitesse du vent à 25% ou 50% de sa valeur en site vierge. L’aménagement ou la rénovation des espaces ouverts urbains apparaît dès lors comme un enjeu majeur des nouvelles politiques urbaines. Outre ses composantes esthétiques et paysagères, cet aménagement mobilise aujourd’hui de nombreuses compétences techniques orientées vers la maîtrise des performances d’ambiance. L’ingénierie thermique fait partie de ces compétences et a fait l’objet de nombreux développements ces dernières années, tant en terme de dispositifs de correction des ambiances thermiques (protections contre le vent, brumisation, chauffage radiatif p.ex.) qu’au niveau des connaissances en matière de modélisation et d’analyse. Ainsi les modèles des années 70, essentiellement basés sur la recherche d’un confort stationnaire et uniforme, font aujourd’hui la place à des approches plus dynamiques, privilégiant la faculté d’adaptation des usagers. Ce dynamisme apparaît comme une composante essentielle du confort thermique extérieur, en raison de la diversité des publics et des fonctions que sont susceptibles d’accueillir les espaces ouverts urbains. Il s’agit dès lors de prendre cet aspect en considération dans le cadre de projet de rénovation urbaine. On peut considérer que quatre variables externes affectent principalement les conditions du confort thermique. Il s’agit du rayonnement énergétique, du vent, de l’humidité et de la température extérieure. Ces différentes variables peuvent être plus ou moins contrôlées, au travers de réactions individuelles (niveau d’activité, type de vêtement etc) ou de dispositifs énergétiques (colonnades, ventilation etc). Selon les conditions climatiques locales et saisonnières, une personne peut préférer de rester assise ou de marcher au soleil, de profiter d’une brise de vent frais ou se réfugier à l’ombre d’un bâtiment. Les espaces ouverts urbains ont été conçus et sont corrigés de manière à répondre à ces différentes attentes et à procurer un maximum de choix aux individus. 2