Purple Turtle parle et danse le break C`est quoi, le hip

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Purple Turtle parle et danse le break C`est quoi, le hip
Purple Turtle parle et danse le break
C'est quoi, le hip-hop? Et qu'est-ce que ça veut dire, être autochtone? Grosso modo, le
hip-hop provient des communautés noires du sud de Turtle Island, aux États-Unis. Il
englobe les graffitis, le break dance, les activités de maître de cérémonie et de discjockey. « Autochtone » veut dire « premier peuple d'un territoire ». La fusion du « hiphop autochtone » correspond à la naissance d'une nouvelle génération de communautés
de jeunes autochtones, avec un nouveau style de vie. Les peuples autochtones ont
toujours vécu et utilisé leur environnement en vue de l'expression de leur humanité, et
cette perception s'est accentuée pour devenir plus manifeste après la colonisation.
Aujourd'hui, l'expérience autochtone s'affirme prodigieusement, grâce à la possibilité de
la documenter par écrit au moyen d'une langue commune (l'anglais).
La subculture hip-hop, à laquelle participent actuellement les peuples autochtones,
compte parmi les mouvements de conscience humaine les plus forts, les plus précieux et
les mieux respectés. Que faisons-nous avec cette information? Comment les peuples
autochtones participent-ils à cette culture? Comment est-elle utile, comment est-elle
nuisible? Les paroles du hip-hop autochtone composent les meilleurs témoignages de
notre histoire humaine, de notre évolution et de notre désévolution. On peut observer la
fusion de notre époque sur terre à travers le travail visuel et la documentation des artistes
hip-hop autochtones. C'est très important.
Où peut-on voir l'expression autochtone? Ou mieux : dans quel contexte est-elle
invisible? La télévision grand public, les films à grand succès, les stations de radio, les
structures gouvernementales, et même les édifices. L'étiolement de l'expression
autochtone est un signe de colonisation. Certaines personnes n'ont qu'un crayon et du
papier pour documenter leur expression personnelle. La création parlée devient le
dénominateur commun. Par exemple, le hip-hop autochtone est très accessible et dépasse
les barrières culturelles. Que disent-ils? Que font-ils, et comment cela affecte-il la
communauté mondiale? Dans le refrain de la chanson Baphela Bantu BMedicine de Ron
Harris (alias Ostwelve), il écrit : « Be a medecine to yourself in a world that's becoming
poisonous, be a light in your own darkness in the silence to the noisiness1... » D'Afrique,
il a ramené des histoires à propos d'organismes communautaires qui soutiennent les
jeunes Africains des bidonvilles, privés de services essentiels; ces organismes utilisent le
hip-hop comme outil de contact. Ces conditions de vie sont comparables à celles des
réserves d'aujourd'hui, et plusieurs jeunes se sont tournés vers le hip-hop comme
principale source d'expression. Leurs paroles témoignent de ces conditions de vie et
documentent simplement la vie quoditienne, sans censure.
« Cards are definitely stacked against us, house rules in this yard that fenced us, how
cruel are these guards that sensed us trying to escape culturally condensed us2… » À la
fin de la chanson d'Ostwelve, on entend ce discours : « Yo from Africa to the Americas to
the Asias… Baphela Bantu: People Are Dying, you have to take it in your own hands to
be a medicine to your people, not a venom, silence the noise within you… Baphela Bantu
- The People Are Dying3. » Ostwelve est un jeune artiste autochtone qui a eu une
expérience de voyage de première main dans un pays en développement, et qui est revenu
partager son message avec un public bien précis: le « nous » collectif représenté par les
peuples autochtones.
J'ai découvert que plusieurs artistes s'adressent directement à leur peuple en chanson.
Christie Lee Charles, alias Miss Christie Lee, chante dans la langue musqueam. « These
words I have to say ain’t like anything you ever heard in your day, straight spittin’ my
ways, this is how I play […] you and me be living in a time that they was living for […]
believe it or not we the future of history so stop living your life like it was a mystery4…
» Quand elle dit « we », « you » ou « your », je sais qu'elle s'adresse directement à moi en
tant que personne autochtone. Plusieurs de ces artistes évitent la culture grand public et
sont très à l'aise dans leurs propres communautés. Les événements communautaires, les
assemblées et les cabarets autochtones accueillent volontiers les artistes hip-hop et
trouvent que ça vaut la peine de les inclure. Une de mes premières expériences du hiphop autochtone remonte à un spectacle de Tribal Wizdom, au début des années 1990.
Kinnie Starr m'a énormément influencée en tant qu'artiste, ainsi que plusieurs autres
jeunes artistes autochtones, à l'époque et encore aujourd'hui.
C'est dans ce contexte que j'ai découvert le hip-hop autochtone, et que j'en ai moi-même
fait un peu. J'étais très à l'aise avec la création parlée, puisque je viens d'une nation qui a
une tradition orale. Comme les autres jeunes autochtones à l'époque, j'étais attirée par le
caractère familier de la situation lamentable des pauvres communautés noires qui
chantaient, dansaient et peignaient pour s'en sortir. Il y avait des points communs avec
cette culture rebelle. Cela ne venait pas seulement de la musique rap et des graffitis, mais
aussi de la culture de la planche à roulettes, puisque celles-ci étaient étroitement liées et
dépassaient les barrières de classe et de race. Lors de ces rassemblements qui survenaient
un peu partout dans la ville, et à l'époque où le Mouvement de la jeunesse autochtone
(NYM) a ouvert une section à Vancouver, Redwire Magazine a commencé à paraître, et
c'est alors que j'ai rencontré plusieurs jeunes artistes. Derek Edenshaw, alias Manik
1derful, un maître de cérémonie désormais bien connu, a fait son apparition et nous a mis
en contact avec une communauté diversifiée de hip-hop urbain, « nous » les jeunes
activistes autochtones du NYM. C'était une alliance parfaite, puisque les jeunes étaient
déjà tellement familiers avec la culture noire, par le biais des médias. Le jeune Derek
allait servir de catalyseur, d'intermédiaire et de maître de cérémonie pouvant représenter
et situer notre milieu, avec ses défis.
Le hip-hop a influencé ces jeunes artistes et informé aussi leur production visuelle, tel
qu'en témoigne très clairement le travail d'Andrew Dexel, un jeune peintre remarquable
qui a débuté comme artiste de graffitis, et Corey Bulpitt, un jeune sculpteur établi, de la
nation haida, qui travaille actuellement avec des jeunes à la réalisation de murales de
graffitis dans le style de la côte du Nord-Ouest. Dexel combine les graffitis et les formeslignes de la côte du Nord-Ouest d'une façon claire et présente, touchant de nouveaux
publics partout où il expose son travail. Ces pionniers ne sont pas nécessairement des «
experts » en leur domaine, que ce soit la peinture, le rap, les graffitis ou la danse hip-hop,
mais il s'agit d'un genre tout à fait unique pour notre temps, qui vaut la peine d'être
discuté. Ces regroupements, subcultures, équipes, peu importe comment on les appelle,
sont pris très au sérieux par leurs pairs. Ils sont souvent adulés et respectés pour le
langage qu'ils créent et pour les signifiants culturels qui contribuent à l'enrichissement et
au sens qu'ils produisent à partir de nos environnements culturels.
Naturellement, nous voyons aujourd'hui les résultats de cette activité sous forme de
structures sociales, de règles et de lois – de langage parlé et implicite, de mouvement et
de changements imminents. On m'a déjà présenté comme un danger l'influence de la
culture pop et du hip-hop dominant. Lors d'une rencontre publique, j'ai parlé de
l'importance de la culture hip-hop pour les jeunes et de leur utilisation de cette culture
comme moyen d'expression non censuré. Un homme qui s'est présenté comme exprisonnier m'a prévenu du danger du rap de gangsters, et comment les gens s'en servaient
pour répandre des menaces et inculquer leurs idées aux jeunes, dont l'agressivité de gang
et les bagarres internes. Je pense aussi que le hip-hop conscient est en danger par rapport
au hip-hop dominant, et qu’il peut devenir la proie de quelques esprits ignorants.
Je pense aussi qu'il faut élargir le débat pour vraiment toucher le cœur de la question.
Nous avons maintenant une vision à grande échelle, à cause du nombre grandissant de
jeunes autochtones qui font leur chemin, à cause d'un vaste processus de documentation
et d'une participation à la culture dominante. Ces jeunes parlent de leur niveau de vie, de
leurs communautés, leurs espoirs et leurs craintes, et il nous faut les écouter. Il nous faut
ouvrir les yeux et voir vraiment ce qu'ils proposent, et non seulement comme un dernier
recours permettant d'éviter des grandes catastrophes : il faut s'en servir comme une
ressource de première main qui nous guidera dans nos rôles d'adultes et de gardiens.
Comme pour toute forme massive de communication, on entendra des déclarations
sentimentales, il y aura de grandes craintes généralisées et beaucoup de « documentation
» à étudier, mais nous devrions vraiment nous compter chanceux. Les jeunes autochtones,
les peuples autochtones, les peuples indigènes, les adeptes du hip-hop présentent leurs
idées, font des liens, tirent des conclusions et posent des questions importantes. Si nous
utilisons ceci comme base de discussion, nous pouvons voir qu'ils ont vraiment précisé
l'équation plus précise pour nous en révéler exactement l'essence. En tant qu'adultes,
éducateurs, aidants, historiens et même, simples êtres humains, nous devons honorer cette
subculture de la même manière que nous honorons nos familles. Ce faisant, nous nous
honorons nous-mêmes, nous honorons nos peuples et notre humanité.
Skeena Reece, co-commissaire
Traduit de l'anglais par Denis Lessard
Notes
1. « Sois ta médecine dans un monde empoisonné, une lumière dans le noir, dans le
silence au milieu du bruit... »
2. « Tout se joue contre nous, les règles dans cette cour qui nous enferme, les gardes
cruels ont senti qu'on voulait s'échapper, nous ont contenus culturellement... »
3. « Salut de l'Afrique à l'Amérique et à l'Asie […] Baphela Bantu : les gens sont en train
de mourir, c'est à toi d'être une médicine pour ton peuple, pas un venin, fais taire le bruit
qui est en toi [...] Baphela Bantu – les gens sont en train de mourir. »
4. « Ces mots que je dois dire ne ressemblent à rien de ce que tu as déjà entendu, je
crache ce que j'ai à dire, c'est comme ça que je joue […] toi et moi on vit à une époque
dont ils rêvaient […] crois-moi ou non, on est le futur de l'histoire, alors arrête de vivre ta
vie comme si c'était un mystère… »

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