La Lettre de l`Administrateur PNT n°17
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La Lettre de l`Administrateur PNT n°17
La lettre de l’administrateur salarié réprésentant les pilotes de ligne du Groupe Air France Bernard PÉDAMON Tous pilotes Air France - Brit Air - Regional Mars 2008 N° 17 Stratégie et Consolidation Le mouvement de consolidation s’accélère en Europe et aux Etats-Unis en raison d’un pétrole cher et de marges faibles, dans une conjoncture économique qui montre des signes d’essoufflement. A l’échelle mondiale, la signature d’accords de ciel ouvert entre États met fin progressivement aux protections nationales établies par les droits de trafic. Il en résulte une libéralisation des marchés du transport aérien longcourrier qui provoque dans un premier temps une augmentation de l’offre des compagnies aériennes et qui sera suivie dans un second temps par une phase de concentration quand les barrières réglementaires disparaîtront pour permettre des fusions transnationales. A un horizon qui reste cependant difficile à fixer, il n’est pas douteux que le transport aérien deviendra un secteur industriel comme les autres où le libre-échange sera la règle de marché et où le nombre d’acteurs se sera considérablement réduit. Le challenge pour le Groupe Air France KLM consiste donc à devenir l’un de ces grands groupes d’envergure L’avenir du Groupe et de ses mondiale, l’une de ces « multinationales du salariés dépend en partie de transport aérien » pour atteindre ce que les écola pertinence des choix qui nomistes appellent la taille critique. De fait le sont opérés maintenant. Groupe qui occupe déjà la position de numéro un du secteur participe activement au mouvement de consolidation en saisissant les opportunités du marché. Ainsi, plusieurs projets stratégiques de grande ampleur ont été présentés en Conseil d’administration dans une logique manquant parfois de lisibilité. Il faut en avoir conscience : l’avenir du Groupe et de ses salariés dépend en partie de la pertinence des choix qui sont opérés maintenant ; c’est pourquoi il y a lieu de bien mesurer les risques de chacun de ces projets stratégiques et d’examiner les différentes alternatives qui existent. Le premier projet est lié au rachat en décembre 2007 de la compagnie VLM qui dispose de « slots » sur l’aéroport de London City Airport. Cette acquisition s’inscrit dans la stratégie de déploiement du Groupe au départ de Londres de manière à combiner l’offre de VLM avec celle de Cityjet déjà présente sur cette plate-forme. La fusion des deux compagnies deviendra définitive quand les autorités de la concurrence britannique auront donné leur feu vert à cette acquisition. Le deuxième projet a pour objet d’investir 750 millions de dollars dans la nouvelle compagnie issue de la fusion de Delta Air Lines et de Northwest Airlines si cette fusion aboutit. Je reviendrai dans une prochaine lettre sur l’opportunité de cette décision qui relève de la stratégie du Groupe sur le marché nord atlantique. 1 Le troisième projet consiste dans l’offre de rachat d’Alitalia qui est commentée dans les pages suivantes. Le quatrième projet fait l’objet de négociations entre la Joint Cargo Team et China Southern pour la création d’une compagnie aérienne chinoise, commune aux deux sociétés dans le secteur fret. Peu d’informations ont filtré jusqu’à présent sur ce sujet qui n’a pas encore fait l’objet de discussions en Conseil d’administration. Cette prise de participation (à hauteur de 25 %) permettrait de s’installer sur les marchés asiatiques où la croissance est la plus dynamique comme l’ont déjà fait certains de nos concurrents, la Lufthansa par exemple. Elle serait également une réponse partielle aux difficultés que traverse le secteur fret en Europe, mais il faudra veiller avec la plus grande vigilance à ce que le développement de cette nouvelle compagnie ne se fasse pas aux dépens de notre secteur fret. Enfin le cinquième projet porte sur le rachat par KLM de la participation de Maersk dans Martinair dont 50 % des parts sont déjà détenues par notre allié néerlandais. L’idée serait de rapprocher le secteur fret de Martinair de celui d’Air France KLM au sein de la Joint Cargo Team. Les ressources financières à mobiliser pour ces cinq opérations, si elles se réalisent, vont dépasser les 2,5 milliards d’euros auxquels il faudra ajouter l’amende pour l’entente dans le secteur fret. Une partie du financement sera assurée par des fonds propres et l’autre partie par l’augmentation de la dette du Groupe. Celui-ci qui à juste titre a réduit son endettement depuis 2004 paraît en mesure de réaliser ces opérations capitalistiques. Mais il existe toujours un risque qu’il ne puisse faire face à tous ces engagements financiers en même temps, dans l’hypothèse où le ralentissement économique serait plus brutal que prévu. Cependant l’histoire des fusions montre que les problèmes résultent moins de considérations financières que de difficultés liées aux ressources humaines. En effet, de nombreux rapprochements échouent sur la capacité à mobiliser les équipes ou sur des questions de culture et d’identité. Les enjeux 2 humains sont donc fondamentaux. L’exemple du mariage Renault Nissan est à ce titre très éclairant ; il montre que pour redresser cette dernière il a fallu détacher au Japon un nombre important de cadres stratégiques de Renault et que cette saignée parmi les cadres a laissé le constructeur français exsangue pendant un certain temps. La question se pose donc de savoir si nous avons en interne les ressources humaines nécessaires pour mener toutes ces opérations de front sachant que le rapprochement avec KLM continue de mobiliser de nombreuses équipes. Vous l’avez compris les enjeux pour le Groupe Air France KLM ne sont plus nationaux, ils sont d’abord européens et bientôt mondiaux. Dans les années à venir d’autres opérations suivront et on peut penser que pour prendre pied un jour sur le continent asiatique il faille racheter une compagnie aérienne ou la créer ex nihilo pour devenir un acteur du transport aérien intra asiatique qui est appelé à une croissance très forte. Le chemin parcouru depuis 1994 est considérable mais rien n’est jamais définitivement acquis s’agissant de la pérennité d’une entreprise, c’est pourquoi la question de la taille critique est devenue l’une des priorités absolues du Groupe. Face à ce challenge, la représentation collective des pilotes de ligne doit à l’évidence s’adapter pour trouver les meilleures réponses possibles. Sur ce sujet, je vous livre quelques réflexions non pas comme des vérités bien sûr mais pour alimenter un débat et provoquer une prise de conscience. J’ai la conviction comme le disait récemment le président de Delta Alpa au Conseil d’Air France Alpa que les compagnies aériennes « appartiennent » à leurs salariés, notamment à leurs pilotes qui font pour la plupart d’entre eux toute leur carrière dans la même entreprise, en raison de la difficulté à passer d’une compagnie à une autre. Si de mauvaises décisions stratégiques sont prises, ce sont les pilotes qui en subiront le plus durement les conséquences négatives car la qualité du contrat de travail des pilotes dépend d’abord de la santé économique de la compagnie. Dans ce débat, il n’est pas question de vouloir prendre la place des dirigeants ou même de préconiser une forme de cogestion. Il s’agit en réalité d’être capables de se prononcer sur la pertinence des choix stratégiques qui sont faits, en portant sur eux un regard critique mais objectif. Lorsque ces sujets sont présentés en Conseil d’administration c’est ce que je m’attache à faire. Il me semble donc que nous devrions mener une réflexion approfondie sur le périmètre de notre champ d’intervention et de compétence lorsqu’il s’agit de sujets aussi importants que les fusions ou les acquisitions, les perspectives de développement, les achats d’avions ou encore la sécurité des vols en bref sur tous les enjeux stratégiques d’une compagnie aérienne. La deuxième réflexion est relative aux « nouvelles frontières » de la représentation de notre profession qui doivent s’adapter aux évolutions du périmètre du Groupe Air France. Il est devenu en effet de plus en plus difficile de développer une analyse qui se limite à la société Air France car sa stratégie est étroitement liée à celle de ses quatre filiales aériennes Brit Air, Regional, City Jet et Transavia, chaque compagnie apportant sa contribution dans le cadre du positionnement stratégique qui lui est dévolu. Il faut donc essayer de raisonner en termes de richesse et d’apport au Groupe et non plus en termes de menaces d’une compagnie vis-à-vis d’une autre. Pour les pilotes, cela signifie qu’à terme la question de la mobilité à l’intérieur du Groupe est posée et devra être examinée comme la question de la sélection unique. Le Groupe Air France forme le premier cercle dans lequel l’avenir de la profession se dessine et se construit. C’est donc progressivement à ce niveau que les perspectives stratégiques pour les pilotes devront être pensées et élaborées. Le deuxième cercle est formé par l’ensemble Air France KLM. Des liens étroits se sont noués entre les représentants des pilotes des deux compagnies et se sont traduits par plusieurs accords entre Air France ALPA et VNV. Ils ont pour objectif d’échanger des informations, de s’assurer que le développement des deux sociétés ne se fait pas au détriment d’un groupe de pilotes et au profit d’un autre ou encore de réfléchir à la convergence des contrats de travail. Ces liens ont vocation à se renforcer au fur et à mesure que l’intégration d’Air France et KLM sera plus poussée. Il y aura peut-être lieu d’accélérer ce mouvement si le projet de fusion entre Delta et Northwest aboutit, afin de pouvoir parler d’égal à égal avec nos homologues américains qui représenteront plus de onze mille pilotes. Le troisième cercle enfin sera formé par l’ensemble Air France KLM, Alitalia et Delta Northwest si des liens capitalistiques se nouent entre ces sociétés. Des rencontres ont déjà eu lieu avec les représentants des pilotes d’Alitalia et avec ceux des deux compagnies américaines. Dans un groupe de taille mondiale, la tentation sera grande pour les dirigeants de favoriser la croissance d’une compagnie aux dépens d’une autre pour profiter des différences de coûts ou de conditions d’exploitation. C’est à ces problématiques-là qu’il faudra apporter les réponses les plus pertinentes. L’action syndicale est appelée à s’internationaliser parallèlement à l’internationalisation du Groupe. La troisième réflexion est relative au mode d’organisation professionnelle nécessaire pour relever tous ces défis. Il paraît évident que pour peser de tout notre poids dans les négociations entre représentants des pilotes ou avec les dirigeants des compagnies nous aurons besoin d’un syndicat regroupé et professionnalisé s’exprimant d’une seule voix ; il n’est pas concevable en effet que les pilotes d’Air France ou de ses filiales puissent envoyer des signaux contradictoires à nos collègues européens ou américains ou au management. Une première étape tout à fait essentielle a été franchie avec la fusion du SNPL et du SPAC Air France ; il faut la saluer car c’est le sens de l’histoire. Ce mouvement est d’ailleurs entrain de créer une dynamique de regroupement au niveau des filiales. Je crains cependant que ce ne soit pas 3 suffisant ; la dispersion syndicale que nous connaissons encore dans le Groupe nous affaiblit plus qu’elle nous renforce face à nos interlocuteurs. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le taux de syndicalisation évolue en sens inverse du nombre de syndicats. Face à nous, il y a des responsables syndicaux étrangers qui représentent plus de 90 % des pilotes de leur compagnie, qui disposent de plus de moyens humains et financiers et qui parlent d’une seule voix. Le bon sens voudrait que nous adoptions le même type d’organisation. Mais le syndicat unique effraie encore une partie de la profession au nom de la pluralité d’opinions et probablement aussi au nom d’une exception française. La deuxième étape raisonnable que nous pourrions envisager consisterait à ce que, dans chaque compagnie, les pilotes ne soient plus représentés que par deux syndicats au maximum. Car tout le monde a bien conscience que la représentation, trop dispersée, d’une profession ajoute à la confusion ; elle alimente une forme de démagogie et de surenchère et plus grave encore elle nuit au travail de fond et induit l’idée que tout ce qui est obtenu est insuffisant ou qu’il suffirait d’un mouvement social pour en avoir plus. La réalité des négociations est naturellement bien plus complexe. La concertation sur chaque sujet doit être aussi ample que possible, le débat doit avoir lieu dans le respect des règles démocratiques et au final les décisions prises à la majorité doivent être respectées par tous. C’est pourquoi il me semble nécessaire d’aller plus loin encore dans le rapprochement des syndicats ; ma conviction est que ceux qui font le choix individuellement de ne pas adhérer à l’organisation professionnelle majoritaire devraient contribuer à ce que les voix syndicales dissidentes se regroupent en une seule entité. La lisibilité de l’action syndicale s’en trouverait considérablement améliorée et les débats de fond pourraient se dérouler sereinement. Aux défis de l’entreprise répondent des défis pour notre profession et il nous appartient collectivement de les relever en gardant toujours à l’esprit le sens de l’intérêt général. Rachat d’Alitalia par le Groupe Air France KLM Le Conseil d’administration d’Air France KLM, réuni le lundi 12 mars 2008, a autorisé le Groupe à soumettre une offre ferme de rachat de la compagnie Alitalia, assortie de plusieurs conditions suspensives. Avant d’aborder les questions de fond (projet Air France KLM pour Alitalia, alternatives stratégiques et risques d’exécution) que soulèvent cette offre, quelques mots sur le contexte dans lequel elle intervient : > L’Italie est le quatrième marché européen en termes de réservations long-courrier, devant l’Espagne et derrière la France. Le marché de la haute contribution long-courrier d’Italie du Nord, formée de régions parmi les plus riches d’Europe, suscite la convoitise des grandes compagnies européennes. > Alitalia traverse une crise économique et financière majeure malgré le dynamisme du transport aérien mondial depuis plusieurs années. Alors que ses principales homologues européennes affichent des résultats de bonne qualité, elle a un besoin vital et urgent de trouver un repreneur. 4 > Les dirigeants d’Air France KLM jouissent d’une crédibilité incontestable pour leur capacité à conduire un projet de rapprochement, à redresser et à développer une compagnie aérienne en difficulté tout en respectant son identité comme ils ont su le faire pour KLM. > Air France et Alitalia se connaissent bien et sont liées depuis plusieurs années par un joint-venture sur le marché France - Italie qui s’est révélé être profitable pour les deux parties en dépit d’une concurrence très forte des compagnies « low cost ». Elles sont toutes les deux membres de l’alliance Skyteam et les deux sociétés détiennent des participations croisées. 1. Le projet d’Air France KLM pour Alitalia et les alternatives stratégiques Une stratégie parfaitement clairvoyante est indispensable pour permettre le redressement d’Alitalia ; or il est assez frappant de constater que les projets industriels d’Air France KLM, de la Lufthansa et d’Air One n’ont pas, s’agissant du réseau, la même approche. • Le projet d’Air One selon les informations diffusées dans la presse proposait le quasi statu quo en réorganisant le réseau d’Alitalia autour de ses deux hubs de Milan Malpensa et de Rome Fiumicino. Sachant que ce scénario est à l’origine dans une large mesure de la situation actuelle d’Alitalia, on peut raisonnablement douter du bien fondé d’une telle stratégie qui répondait davantage à des objectifs politiques qu’à un vrai projet industriel. Par ailleurs on imagine mal comment une entreprise pesant sept fois moins en termes de chiffre d’affaires qu’Alitalia pourrait redresser une compagnie en grande difficulté, même avec le soutien de partenaires financiers. • Le projet de la Lufthansa pour la compagnie italienne prévoyait, selon la presse, un recentrage stratégique du réseau d’Alitalia sur le hub de Milan Malpensa mais aussi des réductions drastiques d’effectifs, une diminution forte de la flotte et la cession de plusieurs pans d’activité jugés non stratégiques. Aucune offre n’a finalement été déposée. • Le projet d’Air France KLM prévoit d’amplifier les décisions prises par les dirigeants d’Alitalia dans leur plan de redressement avec comme mesurephare l’abandon de Milan Malpensa comme plateforme de correspondances et l’organisation d’un hub moyen-courrier/long-courrier à Rome Fiumicino. De la pertinence de ce choix dépend très largement le redressement de la compagnie ; il me semble donc intéressant de se demander pourquoi la Lufthansa avait choisi Milan comme hub et pourquoi Air France confirme au contraire le choix de Rome. A première vue, il semblerait assez logique d’installer le hub d’Alitalia au cœur des centres d’affaires c’est-à-dire à proximité des régions les plus riches d’Italie que sont la Lombardie, le Piémont, la Vénétie… Une analyse plus approfondie montre que ce choix n’est probablement pas le plus judicieux : - Le hub de Milan n’a jamais atteint la taille critique ; il a été mis en place en dernier parmi tous les hubs européens et aura toujours été un foyer de pertes pour Alitalia. - Les centres économiques de l’Italie du Nord sont dispersés dans de très nombreuses villes Milan, Turin, Bologne, Venise, Vérone, Gênes, Florence, Trieste… peu éloignées les unes des autres. Les liaisons en avion sur des distances de moins de 300 kilomètres ne sont pas envisageables et le réseau ferroviaire et routier n’assure pas une alternative suffisante en particulier pendant l’hiver. En outre, Milan est mal placé en Europe par rapport aux autres hubs concurrents pour les liaisons vers l’Amérique du Nord. - Alitalia est depuis son origine une entreprise romaine dont les centres de décision sont à Rome et beaucoup de salariés n’ont jamais accepté cette délocalisation vers Malpensa. - Pour les liaisons point à point haute contribution en Europe et en Italie, les milanais ont toujours préféré l’aéroport de Linate. - Enfin et c’est probablement l’argument le plus solide, le centre de gravité du réseau domestique est à Rome, située au milieu de la péninsule italienne, et l’on sait que pour construire un hub efficace il faut absolument contrôler son marché domestique. Ces éléments militent donc en faveur du choix de Rome Fiumicino comme plate-forme de correspondances et ce recentrage stratégique apaise beaucoup de tensions dans la compagnie italienne. Il se fait au détriment de Malpensa dont l’activité devrait considérablement diminuer même si quelques liaisons long-courrier point à point seront maintenues au départ de Milan (JFK, NRT, GRU). La desserte de 5 l’Italie du Nord sera assurée pour les destination long-courrier via Rome FCO, Paris CDG ou Amsterdam SPL en utilisant la force commerciale d’Alitalia sur son marché intérieur pour diriger la clientèle vers ces trois hubs. L’aéroport de Milan Linate sera utilisé pour desservir les principales métropoles européennes en ciblant la clientèle haute contribution. Des mesures de diminution de l’offre, de réduction de la taille du réseau et de fermeture des lignes déficitaires (notamment à destination de la Chine et de l’Inde) complèteront la restructuration en profondeur du programme des vols d’Alitalia. Elles s’intègreront dans un plan industriel plus complet touchant à tous les secteurs stratégiques d’une compagnie aérienne. Celui-ci prévoit entre autre des mesures spécifiques à la flotte (réduction du nombre d’avions, densification des cabines économiques, augmentation du nombre de sièges business, nouveaux produits, politique de renouvellement à partir de 2010…) et une politique commerciale coordonnée avec celle d’Air France KLM (adhésion d’Alitalia au programme de fidélisation Flying Blue, combinabilité tarifaire, réorganisation du revenue management, du pricing, des forces de ventes…). L’audit mené chez Alitalia a montré que notre consœur italienne souffre moins d’un problème de coûts que d’un problème de recettes. C’est un diagnostic plutôt favorable pour redresser une société. Le premier objectif va donc consister à reconquérir le marché italien long-courrier dont les deux tiers sont détenus par les compagnies bout de ligne, en offrant à la clientèle italienne un produit renouvelé et de qualité. Par ailleurs, l’audit a mis aussi en évidence que l’intégration d’Alitalia dans le Groupe Air France KLM devrait générer des synergies importantes qui seront obtenues par l’amélioration substantielle du résultat d’exploitation combiné (grâce à l’augmentation de la recette unitaire R/SKO), par l’optimisation du réseau (grâce à la coordination des hubs de Paris, Amsterdam et Rome) et par la réduction des coûts. 2. Des risques d’exécution majeurs Si la pertinence du projet stratégique est une des conditions essentielles du redressement d’Alitalia, son exécution et sa mise en œuvre sont également très importants. Or, il apparaît clairement que les risques d’exécution de cette opération sont nombreux ; il convient donc de bien les évaluer pour mieux les surmonter. • Risques sociaux avec les salariés d’Alitalia Le plan proposé par Air France KLM conduit à réduire sensiblement les effectifs : - de 1 650 salariés à Alitalia dont environ 500 pilotes sur un total de 10 000 salariés et ; - de 400 salariés à Alitalia Servizi (filiale d’assistance et de maintenance). C’est incontestablement un plan social sévère, notamment pour les pilotes. L’abandon du secteur cargo, à l’horizon 2010, explique en partie ces chiffres. Le marché du fret aérien est situé en Italie du Nord où sont basés les cinq MD11 cargo, mais les soutes des avions passagers, qui constituent l’autre partie de l’offre, sont à Rome. Cette singularité géographique condamne l’avenir de la flotte tout cargo à 6 Alitalia, dans un environnement économique sous fortes tensions (pétrole cher et recettes faibles). Le départ de ces salariés devra être négocié dans les meilleurs conditions possibles et de préférence, sur la base du volontariat. Les personnels ayant eu à subir de nombreux plans de restructuration depuis dix ans sans que la situation économique d’Alitalia se rétablisse peuvent juger l’effort trop important ; c’est pourquoi l’accord d’une majorité de syndicats sur le plan de sauvetage est une des conditions suspensives associées à l’offre de rachat. Dans une entreprise de service, il est illusoire d’espérer redresser une compagnie sans le soutien de ses salariés. • Risques d’intervention des parties prenantes Il y a une tradition historique d’intervention de l’État italien dans la gestion de la compagnie nationale et à plusieurs reprises d’ailleurs, l’Etat a joué son rôle d’actionnaire principal en recapitalisant Alitalia. Le risque est donc, que même privatisée, cette compagnie soit encore soumise à des pressions des milieux politiques. Pour s’en convaincre il suffit d’observer les réactions des élus régionaux de Lombardie, du maire de Milan, du patronat italien ou encore du gestionnaire des aéroports milanais lorsque l’abandon de Malpensa comme hub a été annoncé. En outre la démission du gouvernement Prodi ne facilite pas le traitement de ce dossier en toute sérénité ; il n’est pas envisageable en effet de reprendre la compagnie italienne sans l’appui du gouvernement issu des élections des 13 et 14 avril 2008. Si celui-ci devait exprimer une forte opposition, le Groupe a annoncé qu’il renoncerait à son offre. • Risques liés aux ressources humaines Un projet stratégique de cette nature augmente la charge de travail des équipes dirigeantes. J’ai eu l’occasion d’évoquer plus haut la question de la dis- ponibilité des ressources humaines pour mener à bien cette opération, avec toutes celles qui sont déjà ou qui vont être entreprises. • Risques liés à la gouvernance d’un Groupe formé d’Air France, de KLM et d’Alitalia Une des difficultés identifiées dans les rapprochements entre sociétés tient à la complexité inhérente à la gouvernance des grands groupes. Alitalia sera une filiale du Groupe Air France KLM mais n’occupera pas la même position que la compagnie néerlandaise dans les différents organes de cet ensemble. Une structure complexe, assez similaire à celle qui lie Air France et KLM, sera mise en place ; elle aura pour objet de protéger les droits de trafic d’Alitalia en lui conservant sa nationalité italienne. Les principaux dirigeants exécutifs et membres des conseils d’administration seront désignés par les dirigeants d’Air France KLM. La tentative avortée de rapprochement entre Alitalia et KLM a coûté très cher à cette dernière et c’est sans grand enthousiasme qu’ils envisagent l’avenir avec la compagnie italienne ; nos partenaires néerlandais craignent un rééquilibrage dans la répartition des pouvoirs à l’intérieur du Groupe le jour où Alitalia sera redressée. Il faudra veiller avec la plus grande vigilance à maintenir les grands équilibres entre les différents partenaires. • Risques industriels - Il faudra obtenir des autorités aéroportuaires romaines des garanties en terme de qualité de service, un engagement et un soutien sans faille pour construire un hub performant et efficace à Rome Fiumicino sur un aéroport où le taux de contact des avions est inférieur à celui de Charles de Gaulle et qui n’a jamais réellement fonctionné dans ce modèle d’organisation. - Les relations entre Alitalia et sa filiale Alitalia Servizi devront être parfaitement clarifiées et les contrats renégociés. Cette dernière est à l’heure actuelle co-détenue par Alitalia et une holding publique Fintecna qui devra en prendre le contrôle en devenant l’actionnaire majoritaire. Une partie des salariés seulement rejoindra Alitalia, la plus grande partie restant salariés d’Alitalia Servizi. 7 • Risques financiers Le rachat d’une compagnie déficitaire et lourdement endettée dont la valeur des actifs est proche de la dette présente naturellement des risques financiers importants. Il y a lieu de s’assurer que le prix payé corresponde bien à ce que vaut l’entreprise et que cette opération soit créatrice de valeur pour le Groupe Air France KLM. • Risques juridiques - Une plainte a été déposée par le gestionnaire de Malpensa contre Alitalia réclamant des dommages et intérêts pour 1,2 milliards d’euros après son retrait annoncé de l’aéroport milanais. Le Groupe Air France KLM a fixé comme condition que cette société publique renonce à sa plainte. - Le rachat de Volare par Alitalia a été annulé par la justice italienne et la procédure d’appel d’offre doit être relancée provoquant une incertitude sur le périmètre exact de ce qui est racheté. - Les autorités européennes de la concurrence devront se prononcer sur le rachat d’Alitalia. Si des conditions trop draconiennes devaient être imposées, le Groupe se réserve la possibilité de renoncer à son offre. Cette présentation pour être complète devrait développer le volet financier de l’offre qui avec le projet industriel et sa mise en œuvre est un des éléments prépondérants du rachat d’Alitalia. Il pourrait se résumer de la manière suivante : des synergies estimées et intègre naturellement les nombreux risques inhérents à cette opération. Si le projet industriel est appliqué dans tous ses aspects, si toutes les conditions suspensives sont levées et si le prix payé correspond à celui qui a été proposé, cette acquisition sera créatrice de valeur pour le Groupe d’ici quelques années. Mais le rachat d’Alitalia par Air France KLM est loin d’être fait ; de nombreuses incertitudes tant politiques que sociales rendent encore sa conclusion incertaine. Même si je reste prudent vis-à-vis de ce projet au regard des risques qu’il comporte, la perspective de prendre le contrôle du 4e marché européen en rattachant Alitalia à l’ensemble Air France KLM peut donner un avantage compétitif indéniable au Groupe dans le mouvement de consolidation. Il peut se révéler également la meilleure réponse stratégique aux compagnies aériennes qui se forment au MoyenOrient et à notre principal concurrent, la Lufthansa, qui est le numéro un sur le marché de la haute contribution en Italie. Pour conclure, je laisse le dernier mot au Président de la compagnie qui a dit « toute stratégie comporte sa part de risques, mais le risque le plus grand c’est de n’en prendre aucun ». - une offre publique d’échange (OPE) sur 100 % du capital d’Alitalia avec une parité d’une action AF-KL pour 160 actions AZ (soit 0,10 € par action AZ équivalent à 138 M€), - au rachat d’obligations convertibles émises par Alitalia pour un montant total de 608 M€, - une augmentation de capital d’un milliard d’euros à l’issue de l’OPE. Pour plus de détails, je vous renvoie vers la presse économique et les différentes publications de la compagnie. Retenez que l’audit mené pendant la période d’exclusivité a mis en évidence que la situation d’Alitalia s’était encore dégradé - elle pourrait même se retrouver en cessation de paiement dès la fin du mois de mars si une ligne de crédit ne lui était pas ouverte - et que de nouveaux passifs étaient apparus. La proposition financière finale tient compte de cette dégradation de la valeur de l’entreprise, du montant de ses dettes et passifs, Vous pouvez recevoir cette lettre sur votre boîte e-mail en m’adressant un message à [email protected] 8 Contact mail : [email protected]