Un convive en Café Restaurant du Centre… - Ville de Beaumont

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Un convive en Café Restaurant du Centre… - Ville de Beaumont
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Un convive en Café - Restaurant du Centre…
Par ce plein mitan de la décennie soixante-dix, mon
simple cursus professionnel de fonctionnaire territorial avait bien voulu me faire prendre contact avec
notre délicieuse bourgade de Beaumont près Valence. Plus qu’une intime osmose devait s’établir
entre cette douce et accueillante collectivité et votre serviteur…Au point que trente-sept années plus
tard, ce joli paysage végétal et tendrement collinaire mais surtout tellement humain, constitue le cadre
de mon existence définitive, installée à vie, dans ce site d’excellence hautement attachant et porteur
de tant d’intérêts ajoutés. En déposant mon bagage dans ce secrétariat de mairie, de prime abord et
ceci pendant une durée approximative de six mois, il m’était, indispensable d’effectuer journellement
des inévitables allers et retours entre mon nouveau lieu de travail Beaumontois et mon domicile
Montilien fort éloigné requerrant du temps et de la fatigue accumulée. Et bien sûr, de me trouver dans
l’inévitable situation alimentaire, tous les midis se faisant, de mettre à profit un lieu restaurateur me
permettant de consommer mon repas méridien. Aussitôt, mon hôte municipal, Venant Martin, le
maire de ce Beaumont d’alors, me conseillait utilement de solliciter le restaurateur de la place du
Rasset pour m’accepter en convive régulier et fidèle rationnaire de ce lieu de bouches ouvrières.
Alors situées au cœur de la période historique
nationale des Trente Glorieuses, ces très mémorables années mettaient en évidence un commune de
Beaumont voyant sur sa vaste et comme stratégique territorialité…S’édifier massivement des
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constructions d’habitations unifamiliales dans de nombreux et même exponentiels lotissements et
groupes d’habitations. Ils fleurissaient de toutes de parts et même dans une certaine fièvre collective,
le reflet généralisé d’une pleine expansion économique florissante vivant sa meilleure époque et de
loin. La comparaison très naïve, pour le moins réaliste, faisait dire aux villageois que les maisons
poussaient à tout va comme des champignons et c’était peu décrire. Il s’agissait d’une évidence
concrète et visuelle, celle de tous les jours se faisant dans une fulminante émulation tellement
bâtisseuse et édifiante tous azimuts. Située à la frange périphérique de l’agglomération en chef-lieu
d’arrondissement de Valence, notre commune voyait se développer une forte demande en
constructions, constante et même allant au fil des années s’accentuant au point de faire de Beaumont
une collectivité inspirant un irrésistible et fulminant attrait, le fruit de la renommée de son corso
pascal…Mais aussi, au plan de la gestion municipale, cette réalité tangible impliquait la réalisation
d’investissements collectifs coûteux, urgents, à concevoir et à réaliser sans retard, de façon à
satisfaire des exigences vitales populaires. Tellement vivre à Beaumont et travailler à Valence, pour
autant de pères de familles se lançant dans l’œuvre de leur vie…Représentait une réalité, une
aspiration, presque un rêve, une convoitise, une détermination. Cette incidence directe à caractère
corporatif faisait se concerter naturellement toutes les entreprises de tous les métiers du bâtiment. Les
unes et les autres arrivaient à refuser du travail, tellement leurs carnets de commandes étaient saturés
à court et moyen terme. Elles se montraient complémentaires et unies dans le même objectif,
satisfaire la demande pressante immobilière. Les métiers allaient d’une maison à l’autre ; tous
solidaires se connaissant parfaitement, ce qui fluidifiait un travail collectif devenu serein et heureux,
en mettant à profit tant d’activités apportant une richesse économique partagée et profitable à tous.
Cette dynamique soutenue corroborait le dicton selon lequel, il était constaté et apprécié que, tout
était pour le mieux, quand le bâtiment allait bien.
Ce phénomène conjoncturel de première incidence
locale voyait naturellement autant d’ouvriers de tous les chantiers possibles, disséminés aussi dans les
espaces des communes limitrophes…Prendre leurs repas au village de Beaumont et évidemment dans
l’un des deux restaurants alors à la disposition de cette clientèle laborieuse, nombreuse et à satisfaire
dans l’urgence et dans la continuité… « L’auberge de la Tour » et « Le Café Restaurant du
Centre ». Le premier était géré par les époux Gony et le second, par les époux Pourret. Au cœur de
cette émulative circonstance participant à la richesse économique locale s’en trouvant confortée, il
m’était alors loisible de pénétrer dans ce restaurant à l’heure à laquelle convergeaient en nombre
autant d’ouvriers affamés et soucieux de se restaurer dans des conditions satisfaisantes. Ce qui était
parfaitement naturel. Tant la salle de restaurant arrivait à peine à donner la place à toute la demande
pressante, renouvelée et régulière au fil des jours ouvrables affairés. Chacun y passait le matin, au
moment du réveillant petit noir pour commander une table au midi suivant. Au village, alors, je ne
connaissais encore presque personne, hormis les élus et le personnel communal avec qui j’avais à
peine lié connaissance. Je prenais mon repas dans une solitude ne demandant qu’à évoluer vers des
connaissances potentielles. Tant prendre son repas individuellement ne présente que peu d’intérêts en
soi. Partager et échanger demeure une éternelle richesse, une faculté enviable et réconfortante, surtout
lorsque l’on est appelé à servir la population locale à l’hôtel de ville.
Ce bar restaurant était soudainement, à cette heure de
la journée, installé dans une pleine effervescence parleuse et même vociférante à l’excès. Trois
dévouées et compétentes personnes l’animaient dans la continuité en faisant face à la demande de la
clientèle se regroupant au même moment. Au bar, Yvette servait en ces moments privilégiés de la
césure du midi assoiffé. Il était servi des apéritifs de belles consistances partagées et aussi à
importante répétition, certainement à l’excès comme c’était le cas à cette époque dans tous les débits
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publics de boissons de l’entour et même d’ailleurs. Tant l’enceinte du café devenait alors
bruyante, alcoolisée et fumeuse à la fois. C’était aussi de ce temps pendant lequel, les contrôles
alcoolémiques routiers n’existaient pas encore en vigueur, de par une réglementation encore
historiquement permissive et en devenirs sévères tels que nous les connaissons raisonnablement
aujourd’hui…Tant au niveau de l’alcool que de la cigarette. Le maître de maison, Gilbert, cuisinier
en action fébrile et compétente, se trouvait au fourneau pour faire face à la satisfaction de plus d’une
cinquantaine de couverts journellement servis. Mauricette assurait le service des tables demandeuses
et exigeantes, en allant et en venant entre les salles de repas et la cuisine contiguë. C’était elle la
relation clients, la servante toujours très amène, communicante, accueillante et vive. Alors, survenant
dans cette enceinte très animée et le ventre bien creux, sur le coup de midi trente, Yvette me faisait
signe que je pouvais m’asseoir à une table à laquelle un couvert était installé et disponible. Il était
doté de sa bouteille de vin particulière et pleine, encore obturée de son opercule de conditionnement
industriel. Dans ce restaurant, la direction ne lésinait pas du tout et loin s’en fallait, sur la quantité de
picrate à mettre à la disposition du client à restaurer et surtout à satisfaire tout de go. Les métiers
manuels étant traditionnellement des occupations pénibles et les intéressés appelés par habitude et
convenance à être des fieffés buveurs. C’était une réalité sociologique, celle d’antan dont il fallait
tenir compte pour nécessairement posséder une clientèle solide et pérenne à la fois.
Il suffisait simplement de se servir, sûrement pour se
sentir bien et repus, pour certains jusqu’à la satiété et même en redemander pour être immédiatement
satisfaits. Pour quelque dizaine de francs de cette époque, vous aviez droit à un menu complet
particulièrement copieux mais assez huilé, à la façon généreuse du terroir en une cuisine familiale
simplette et très nutritive, certainement roborative. Inévitablement, non rassasiés, les gros appétits
pouvaient avoir accès sans limitation au rab et même jusqu’à l’épuisement de la richesse. Il s’agissait
d’une opulence non regardante, ce qui satisfaisait pleinement cette prud’homie des salariés du
bâtiment pluriel. Et puis, après que chacun ait consommé son sacro-saint café émoustillant et
vitalisant, ce petit monde laborieux et ponctuel à la tâche diversifié reprenait le chemin de son travail
du moment : Là-bas vers le Nord, au-delà de l’Ecoutay, à Moraye, Fontillon, aux Cantons, aux
Cros ou bien aux Mottes en même temps qu’à Pégase. Beaumont s’édifiait, s’aménageait,
s’équipait, occupait son espace constructible et forcément extensible selon des règles d’urbanisme
encore peu strictes. Nous étions en une époque à laquelle le Plan d’Occupation des Sols communal
n’étaient pas encore en vigueur mais à instaurer de toutes pièces prévoyantes. Construire sa maison ne
subissait pas encore autant de règles contraignantes qu’aujourd’hui, formalisées et pointilleuses.
Autre temps, autres réalités incidentes. Cette petite destinée qui fut la nôtre, s’accomplissait avec le
concours actif, précieux et intendant de ces deux restaurants dont celui du Centre où s’activaient en
permanence Gilbert, Yvette et Mauricette. C’était il y a de cela trente sept années accomplies.
Un convive en Café - Restaurant du Centre…
Jean d’Orfeuille

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