Vidéo 1 : Jean Louis Barrault

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Vidéo 1 : Jean Louis Barrault
Amélie Pinçon, document sous licence CC-BY-SA
L.A. Les Paravents, Jean Genet, 1961 (p.306-307)
Vidéo 1 : Jean Louis Barrault :
https://www.youtube.com/watch?v=kfDKKxZ5yQM
Vidéo 2 : Jean Louis Barrault :
http://www.ina.fr/fresques/jalons/fiche-media/InaEdu01307/les-paravents-dejean-genet-mis-en-scene-par-jean-louis-barrault
Site consacré aux Paravents :
http://www.algeriades.com/news/previews/article1399.htm
Introduction :
– autre pièce qui fait scandale, après Le Mariage de Figaro
– l'argument de la pièce : la guerre contre l'Algérie. Pièce écrite par Genet
en 1961 mais jouée au théâtre de l'Odéon par Jean-Louis Barrault la
première fois en 1966, c'est-à-dire 4 ans après la fin de la guerre
d'Algérie.
– Ce qui choque : langage cru et certaines scènes scatologiques :
« À cause de la scène où les soldats français voient mourir leur lieutenant et
viennent en guise d’hommage lui péter à la figure. En insultant ainsi un officier
mort pour la patrie, on accusa Genet d’insulter l’armée française. L’extrême
droite, les anciens combattants se mirent de la partie, la presse de droite se
déchaîna... jusqu’à l’intervention à la Chambre des députés d’André Malraux,
alors ministre de la Culture, pour défendre la liberté d’expression et calmer les
esprits1. »
– critique de l'armée française mais pas manichéen.
« Pour Blin, "Les Paravents est davantage un texte contre l’armée
française, contre toutes les armées, qu’un texte de réhabilitation des
Algériens. Dans toutes ses pièces, Genet est clairement du côté des
opprimés et dans Les Paravents toute sa sympathie va aux Algériens. Il
n’oppose pas les bons Algériens aux méchants militaires français, pas
plus que dans Les Nègres il n’opposait les bons Noirs aux méchants
Blancs. Il dénonce la crapulerie des oppresseurs et par un jeu de miroir il
dénonce les opprimés2". »
– Genet : provocateur, connaît la prison. Dénonce l'ordre bourgeois. Autre
pièce très connue Les Bonnes.
Problématique : En quoi ce texte constitue-t-il une dénonciation à la fois de
la guerre mais aussi de la fascination qu'on peut avoir pour elle ?
Vocabulaire :
– Saïd : prénom arabe masculin signifiant heureux
1http://www.algeriades.com/news/previews/article1399.htm
2http://www.algeriades.com/news/previews/article1399.htm
– « rombière » : femme d'âge mur, prétentieuse. Terme péjoratif.
– Infidèle : étymologiquement c'est celui qui n'a pas la foi, notamment
pendant les Croisades.
– Sarrasin : c'est ainsi que les croisés appelaient les musulmans
I Une dénonciation de la guerre
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a) Une guerre brutale
voir sujet d'écriture d'invention
la peur du lieutenant face au sergent : « vous n'en pipez mot » l.1,
« Vous craignez d'en parler » l.7, « j'ai reculé » l.14
l.20 « il tue même les enfants... les fillettes » : s'en prend à la partie la
plus innocente de la population
champ lexical de la mort, du crime l.23 « il tue si bien, si froidement
parce qu'il est au pouvoir »
accumulation « armés, bottés, casqués », rythme ternaire : peut-être
référence à des SS ?
Un mort sur scène, le général. Presque sorte d'ironie tragique car il
meurt en prononçant justement le mot « mort » l.34. Des morts des
deux côtés. Pas un monde manichéen (cf citation de Blin dans l'intro).
« je croyais pas qu'on puisse aller... » l.30 Le lieutenant est coupé. La fin
de la phrase : qu'on puisse aller jusqu'à tuer des enfants ? Ce n'est pas
dit mais suggère le pire....
b) Des acteurs grossiers et impitoyables
– langage extrêmement cru. Grossièreté langagière qui peut symboliser
une grossièreté morale : « n'en pipez mot », « rombière », « merde, la
pluie »...
– Mais deux réactions différentes face au sergent : d'un côté l'admiration
du Général (didascalie « admiratif », « hargneux ») et de l'autre la peur
du lieutenant (didascalie « d'une voix blanche »).
– Le Général incarne la force brute et le lieutenant la peur mais ne résiste
pas et applique les ordres...
– Lieutenant : un personnage qui pourrait être un double du spectateur : a
peur du sergent. Mais plutôt que de se rebeller, va dans le sens de son
lieutenant : « je l'avoue, j'ai reculé, mais je vais me ressaisir » l.14 avec
la conjonction « mais ».
– Critique de la hiérarchie : il tue par devoir moral, paradoxalement.
c) Un texte « contre toutes les armées »
– référence au héros de la Chanson de Roland avec la mention de l'épée,
« une Durandal » l.22
– référence aux croisées avec à la fois référence à la Chanson de Roland
(fiction), mais aussi par le vocabulaire employé.
– « l'Infidèle » l.19 : étymologiquement c'est celui qui n'a pas la foi,
notamment pendant les Croisades.
– Sarrasin l.21 : c'est ainsi que les croisés appelaient les musulmans.
– Rappel de l'héroïsme guerrier du chevalier Roland mais cette fois,
transposition dans le contexte de la guerre d'Algérie. Les Algériens
assimilés aux Sarrasins dans la bouche de l'armée française.
– Critique de l'armée en général et pas que de l'armée française car fait
référence à une autre époque.
II Une dénonciation de la fascination qu'on peut avoir pour la guerre
a) La guerre comme un spectacle
– champ lexical à relever : « armés, nottés, casqus mais aussi poudrés,
cosmétiqués, fardés » l.31-32. Opposition marquée par le « mais » entre
deux champs lexicaux. Force guerrière rime avec raffinement.
– Sorte de théâtre.
– Toute la fin, avec le jeu de mise en scène : « rafale de mitraillette » dans
didascalie à laquelle fait écho « une autre rafale » qui est cette fois la
pluie. Sorte de moment poétique, comme si la pluie lavait les crimes ?
Théâtralisations, beauté du spectacle avec la pluie qui tombe sur scène ?
Contraste entre la pluie qui tombe, symbole de lavage et la situation, et
opposition avec le « merde, la pluie ».
– Champ lexical du théâtre pour faire la guerre : « acteur et metteur en
scène ». Le monde est devenu un théâtre.
– Sorte de jeu de miroir : la pièce dénonce ce qui se passe dans le monde
et le monde est devenu un théâtre où tout n'est que jeu de masque et
esthétisation.
→ Or, si la guerre est un spectacle, alors, il devient qqch de beau à regarder,
une œuvre esthétique à contempler.
b) Une image ambiguë de la guerre
– l.19 « chaste cruauté des chroniques sarrasines » : oxymore !
– l.14 « aussi beau monstre » : oxymore. Rappeler l'étymologie du
« monstre » comme ce qui est montré. Dimension du spectacle de foire.
– La guerre est dénoncée mais on dénonce aussi la façon qu'on a d'admirer
la guerre. Champ lexical de la beauté.
– À la fois fascination et répulsion.
– Fascination pour le mal.
c) Une critique du mythe de l'honneur et de la gloire
– véritable mythe de l'honneur avec la référence épique à La Chanson de
Roland. Champ lexical du héros : « beauté », « notre modèle ». Le
Sergent comme une idole « se sait aimé » l.28
– Le héros : celui qui est grand par ses faits d'armes, légendaires. Ici, pas
une grandeur mais au contraire une dénonciation des crimes.
– Réflexion sur la conception du héros
– Dénonce le non-sens : l.16 « reculé ? Ressaisir... ? » interrogation.
« quand la mort nous aura tués » l.33.
– Sens du titre : « les paravents sont ceux derrière lesquels les gens
abritent leur égoïsme leur sordidité leur cupidité leur vulgarité etc etc
toujours au dépends de cette misère dont on ne s'occupe jamais assez »
(Barrault).