Seb : retour sur le contrôle
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Seb : retour sur le contrôle
03/11/2014 Cours : 65€ Seb : retour sur le contrôle Le concert n’est pas dissonant comme nous l’avions écrit dans une première étude. Mais les concertistes sont exigeants. Les associés de Venelle ont retrouvé l’usufruit de leurs titres en 2013 (dividende et droit de vote en AGO) ; ceux de Fédéractive les auront retrouvés d’ici 2019. Si le contrôle familial doit rester l’ADN du groupe, il faut recréer un centre de gravité. Sinon, il faut accepter de laisser plus de place aux indépendants. Seb est à la croisée des chemins. L’un ou l’autre chemin sera positif pour l’actionnaire minoritaire. 1. Introduction Dans une étude datée de mai 2014, nous avions isolé que les apports d’usufruit n’avaient pas été renouvelés chez Venelle Investissement, l’une des deux holdings d’usufruit qui organisent le contrôle familial de Seb. Cet élément nous avait incités à poser la question de la pérennité du contrôle familial. Même si la fin des apports d’usufruit est mécanique et même statutaire, il nous semble important de revenir sur le sujet du contrôle. L’engagement familial n’est pas remis en cause ; en revanche se pose la question des modalités de sa poursuite et de l’impact pour le groupe Seb. 2. Holdings d’usufruit : fin programmée d’une forme de contrôle Les holdings d’usufruit permettaient dans un cadre fiscal favorable d’organiser le contrôle du groupe tout en préservant une forme de liquidité pour les associés. Les associés se dessaisissaient de leur droit financier au profit de la holding qui encaisse le dividende et vote en assemblée générale ordinaire. En AGE, les nus-propriétaires gardent leur droit de vote. Depuis novembre 2012, le régime fiscal ne justifie plus ces apports. Ce qui explique qu’ils n’ont pas été renouvelés. Dans le cas de Venelle Investissement les retours d’usufruit ont eu lieu le 1er juillet 2013 comme le stipulaient les statuts. Les associés de Venelle ont donc retrouvé à cette date leur droit de vote en AGO, et encaissent chacun leur dividende. L’esprit reste puisque ils sont réunis avec FFP Invest jusqu’en 2013 et avec FSP depuis autour de pactes Jacob et Dutreil qui les lient, les premiers jusqu’en 2015 et les seconds jusqu’en 2019. Ces pactes permettent de déduire de la valeur de l’ISF 75% de la valeur du patrimoine si les actions sont détenues pendant 2 ans au moins et si 20% du capital est réuni. 2 Le cas de Federactive est un peu différent puisque cette seconde holding a une plus grande mainmise sur les actions. Mais Fédéractive qui votait en 2012 pour 20.3% des actions ne votait plus que pour 18.7% en 2013 ; et la baisse va être régulière jusqu’en 2019 comme le prévoit l’article des statuts de la holding ci-dessous : « Pour les titres Seb, les usufruits apportés expirant soit le 1 er juillet 2013, soit le 1er juillet 2014, soit le 1er juillet 2015, soit le 1er juillet 2016, soit le 1er juillet 2017, soit le 1er juillet 2018, soit le 1er juillet 2019, la société recevra l’ensemble des dividendes et autres fruits revenant à l’usufruitier qui seront distribués respectivement jusqu’à ces dates. » Au 31 décembre 2013, le Groupe Fondateur constitué de Venelle et de ses associés et de Fédéractive et de ses associés détient 42,63% du capital (dont Fédéractive : 22,54 % et Venelle Investissement : 20,09%). Ces actions représentent 57,73% des droits de vote. Les droits de vote de ces actions étaient collectifs en AGO. Ce n’est plus le cas pour Venelle ; ce ne sera de moins en moins pour Federactive. En AGE, les droits de vote étaient déjà dispersés. 3. L’esprit de famille La famille compte 228 membres. Difficile de comprendre l’esprit avec des signaux un peu contradictoires. Fédéractive se positionne comme un contre-pouvoir à Venelle avec à sa tête Pascal Girardot, qui n’a jamais eu de responsabilité opérationnelle au sein de Seb. Il dirige depuis 1997 sa propre société d’ingénierie financière Certual et gère le holding d’usufruit. 50 pages de statuts organisent les droits et devoirs des associés de Fédéractive : - Des droits de vote supplémentaires sont attribués pendant un an à chaque signataire du pacte qui aura voté selon les recommandations de Féderactive à l’AG de Seb. - Un dividende supplémentaire pour ceux qui accepteraient de réinvestir leur dividende Fédéractive en actions Seb. 3 D’apparence plus ouverte (Fédéractive souhaite s’ouvrir à des investisseurs non issus de la famille, mais n’a pas réussi à le faire depuis 2005), le mode de contrôle semble enfermer ses associés dans des montages financiers complexes. Les débats familiaux n’ont en général pas transpiré à l’extérieur du groupe sauf en 2011 quand Fédéractive a décidé de ne pas voter pour les résolutions annuelles concernant les plans d’actions gratuites et de stock-options (dont par construction les distributions du PDG). Des signaux un peu dérangeants sur la qualité du contrôle familial mais qui révèlent surtout des tempéraments humains. - L’alignement sur la stratégie de Seb semble peu discuté. Seb est le numéro 1 mondial qui doit continuer à croitre. Les familles ont été d’accord récemment sur deux opérations majeures pour le groupe : Moulinex et Supor. - L’alignement fiscal est clair aussi même si les modalités varient. Des pactes Dutreil et Jacob on été mis en place en parallèle du contrôle par Venelle ; ils viendront sans doute succéder au contrôle de Fédéractive. - Reste l’alignement financier qui est le sujet à traiter. On peut aisément imaginer que chacun des 228 membres de la famille n’a pas les mêmes besoins. Certains ne vivent que des dividendes de Seb. D’autres ont des ressources par ailleurs. D’autres encore peuvent souhaiter diversifier leur patrimoine, acheter un appartement… Autant de cas que d’individus. Au risque désormais de n’être pas en mesure de rassembler suffisamment de vote pour voter des étapes structurantes pour le groupe. Le groupe n’a jamais été dirigé par des personnes extérieures. 5 PDG issus de la famille se sont succédé à la tête du groupe depuis 1950. Cette proximité à la culture familiale a pu favoriser la prise de décision. Mais aujourd’hui, l’éparpillement des votes s’opère à un moment où Seb s’apprête à nommer à sa tête le premier manager non issu de la famille. Bertrand Neuschwander vient d’être nommé DGD, ce qui le met en première place pour ce poste s’il fait ses preuves. A l’heure où Seb s’apprête à entrer dans une logique plus managériale, il n’est pas invraisemblable de repenser le contrôle familial. 4 4. L’organisation de la gouvernance La famille est réunie : - Autour de 2 pactes : un pacte Venelle et un pacte Fédéractive. Autour d’une action de concert entre les deux holdings et leurs associés personnes physiques qui vise à « mettre en œuvre une politique commune de gestion durable vis-à-vis de la société SEB » En 2005 au moment de la signature du pacte entre Venelle et Fédérative ont été écrites les règles de composition du conseil d’administration de Seb ; le pacte n’a pas été renouvelé en 2009 mais les règles ont été reconduites : « Le non-renouvellement du pacte d’actionnaires du 5 novembre 2005 qui est arrivé à échéance le 5 novembre 2009 n’a donc pas mis fin à l’action de concert existant entre les parties au pacte au sens de l’article L. 233-10 du Code de commerce (D&I AMF n° 209C0644 du 12 mai 2009). Les représentants des deux holdings familiaux ont par ailleurs déclaré en Conseil d’administration leur volonté d’échanger avant toute décision importante et de maintenir leur accord antérieur sur la composition du Conseil telle que déterminée par le pacte de 2005. À cet égard, FÉDÉRACTIVE peut proposer la désignation de cinq membres du Conseil et VENELLE INVESTISSEMENT peut, quant à elle, proposer la désignation de quatre membres, avec une participation paritaire dans les Comités du Conseil. » Afin de maintenir l’organisation du conseil, il nous semble important que la famille soit de nouveau capable de revoter d’une même voix (notamment en AGO pour la désignation des administrateurs), ou alors qu’elle accepte d’amender les règles de gouvernance et d’ouvrir le conseil à plus d’administrateurs indépendants. Aujourd’hui seul Fédéractive rassemble 25% des droits de vote, chiffre qui va baisser tous les ans par construction. Le pacte de Fédéractive va d’ailleurs s’effriter un peu chaque année comme le stipulent ses statuts : « Le pacte Fédéractive s’appliquera pour des durées permanentes et consécutives qui prennent fin : (i) pour chaque action SEB, jusqu'à l’échéance de leur usufruit temporaire détenu par Fédéractive, (ii) pour chaque actions SEB dont l’usufruit n’a pas été apporté à Fédéractive, jusqu’au 1er juillet 2012 et (iii) pour les actions Fédéractive, jusqu’au 1er juillet 2012 » 5 Ainsi, si le fond n’a pas changé et que les actionnaires sont pleinement alignés sur la stratégie de Seb, la forme elle, a changé et doit conduire à : - Un amendement des règles de construction du conseil. Ou un moyen de voter de nouveau en commun. Le traitement du cas Hermes par l’AMF aura surement amené à réfléchir sur un éventuel changement du mode de détention. Les actionnaires de Seb pourraient être exemptés de lancer une OPA sur le groupe s’ils regroupaient leurs titres dans une holding en pleine propriété. Ce transfert aurait pour conséquence la perte des droits de vote double. Il n’est sans doute pas inenvisageable de convaincre les actionnaires de long terme FFP et FSP de rester au capital le temps de récupérer les droits de vote double. Il ne suffirait donc que de convaincre le quart des membres de la famille d’apporter leurs titres à la holding pour conserver une minorité de blocage, le temps de la retrouver avec les seuls membres de la famille. Statutairement, les droits de vote double sont octroyés après 5 ans ; toute modification des statuts qui réduirait la durée de détention des actions avant droit de vote double de 5 à 2 ans pourrait faciliter le transfert. 5. Seb Investir dans Seb, c’est investir aux côtés de ses 228 membres. Investir dans Seb c’est être sûr de toucher un dividende dont ne peut se passer une partie de la famille ? Ou c’est investir dans une société qui peut décider de ne pas verser de dividende pour financer une opération structurante ? C’est investir dans un groupe qui peut risquer de rater une opération majeure n’ayant pas réuni à temps les votes de ses actionnaires ? L’actionnariat familial a connu depuis le départ de nombreuses formes. Les éléments récents indiquent qu’il pourrait changer de forme de nouveau : - 6 Si l’engagement de la famille doit rester l’ADN du groupe, alors il faut réunir les familles dans une holding. Quitte à y mettre un peu de levier pour le consolider. Le groupe se redonnera alors un horizon nouveau avec un actionnariat de long terme capable d’accompagner les projets de développement. - Si les actionnaires veulent rester dispersés, alors les règles de gouvernance devront être amendées. Les actionnaires extérieurs sont de plus en plus critiques sur le mode de gouvernance familial en rejetant les résolutions qui visent à renouveler les membres de la famille, comme en témoigne le tableau ci-dessous. La famille doit les entendre. Seb : résultat des votes en AGO 2011 Pour Administrateurs Fédéractive Renouv. de M. Tristan Boiteux Renouv. de la société FEDERACTIVE Nomination de Sarah Chauleur Renouv. Hubert Fèvre Renouv. Cédric Lescure Administrateurs Venelle Nomination de Mme Laure Thomas Renouv. Venelle Renouv. Jérôme Wittlin Renouv. Jacques Gairard 91,18% 91,80% 2012 Contre Pour Contre 87,56% 12,37% 87,47% 12,35% Pour Contre 82,77% 82,50% 17,17% 16,45% 83,79% 82,86% 16,15% 17,08% 99,55% 99,80% 0,39% 0,14% 9,28% 88,36% 92,85% Public Nomination de M. Bruno Bich Renouv. de M. Jean Noël Labroue Nomination de Mme Yseulys Costes Renouv. Philippe Lenain Contre 11,62% 9,46% Autres actionnaires Ratification de FSP Ratification de la FFP INVEST Renouv. FFP PDG Renouv. TTA Pour 2014 8,70% 8,15% 88,02% 90,46% 90,69% 2013 7,11% 89,56% 90,82% 11,04% 9,86% 9,09% Seb est aujourd’hui à la croisée des chemins. Tout mouvement dans un sens ou dans l’autre se fera au bénéfice de l’actionnaire extérieur. Nous maintenons un biais favorable dans ce cadre. 7