Journal TdH n°107, p. 11 - Terre des Hommes Suisse

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Journal TdH n°107, p. 11 - Terre des Hommes Suisse
Formation des jeunes
par Souad von Allmen
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Mon avenir : électricienne et maman !
Parmi la trentaine de jeunes � lles et garçons qui ont suivi la première formation
accélérée en électricité et carrelage, Samantha �gure en tête du palmarès.
*Monnaie locale haïtienne
gardé par le papa... un homme qu’elle
a qui�é car il la ba�ait, abusait d’elle
et l’humiliait. De peur de représailles,
elle n’a pas validé la plainte qu’elle
était allée déposer à Kay Fanm, mais
c’est par le biais de ce�e association
qu’elle a été choisie pour suivre ce�e
formation intensive à l’Enam. « Dans
mon quartier, il n’y a pas d’électricité
et il est dangereux d’être dehors après
la tombée de la nuit. »
Samantha est animée d’une grande
force intérieure, poussée par un
besoin viscéral de gagner suffisamment d’argent pour récupérer
son �ls. « Ce�e formation m’a beaucoup appris. Avant, je n’avais aucune
expérience, maintenant je suis
devenue une professionnelle, capable
de réaliser toutes sortes de travaux.
Ici, en Haïti, c’est vraiment dur pour
un jeune de gagner sa vie. On va se
Projet soutenu par la Chaîne du Bonheur
© TdH, coordination Haïti
Samantha a 21 ans et vit avec sa mère,
sa sœur et son frère – son père est
décédé quand elle avait 6 ans – dans
l'un des quartiers populaires particulièrement défavorisés de Portau-Prince. Le séisme a juste lézardé
sa maison construite de matériaux
légers, contrairement à celle de sa
tante, complètement détruite. Depuis
plus de deux ans, ce�e dernière vit
dans un campement provisoire avec
ses quatre enfants. Chez Samantha,
l’eau du puits de la cour sert au nettoyage, tandis que l'eau potable doit
être achetée tous les jours. Et chaque
gourde* compte !
Samantha a un �ls de 3 ans et demi
qu’elle ne voit qu’une fois par semaine... car le manque de moyens
�nanciers de sa famille ne lui permet
pas de s’en occuper. Quel triste regard
lorsqu’elle précise qu’il est donc
regrouper à plusieurs de la promotion et proposer nos services dans le
quartier. »
Les jeunes sont accompagnés dans
ce type de démarches par l’équipe de
l’Ecole Nationale des Arts et Métiers
(Enam). Ce�e école, réputée dans le
pays pour le sérieux et la rigueur de
ses formations, est gérée par les Salésiens. Pour le Père Zucchi, « l’aide
internationale à haut niveau se fait
avec le gouvernement, et les Haïtiens
ne savent pas ce qui se passe réellement. Autour de nous, on ne voit pas
de résultats. Mais les petites organisations ont fait des e�orts considérables. Beaucoup a été réalisé du bas
de l’échelle ! »
Durant ce�e année 2012, une nouvelle volée d’une centaine de jeunes,
choisis parmi les bénéficiaires des
di�érents projets soutenus par Terre
des Hommes Suisse en Haïti, vont
se former en électricité, en carrelage
et, nouveauté, en hôtellerie-restauration. Des métiers d’avenir dans un
pays en pleine reconstruction. Car,
comme en témoigne le sociologue
haïtien Ely Thélot : « On doit non
seulement créer du travail, mais du
travail décent. La formation professionnelle entre dans ce cadre. On ne
peut construire un pays par l’assistance. Elle aide un moment, mais
il faut ensuite rendre sa dignité à la
personne en s’assurant que son pain
quotidien, elle le gagne, et que son
poisson de tous les jours, on ne le lui
donne pas ! »
terre des hommes suisse n°107 - août 2012
© Illustration, Sylvie Bleeckx