Par l`Europe

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Par l`Europe
PAR L’EUROPE
Christophe Lamiot Enos
Une femme t’apostrophe devant le Grand Bazar, pour te reprocher d’aller « sans culotte ».
Cette femme arrêtée dans
son automobile près
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le G.B., à elle la
déculottée : elle appelle
assise de sur ses fesses
jalouse du noir filet
entrevu à travers ton
pantalon, envieuse aussi
de ton derrière en amour.
Dîner sur la terrasse petite, très près les maisons.
Une fois prêt le repas,
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à la terrasse nous nous
asseyons, aujourd’hui lampe
allumée, pour voir plus loin
que le bout de nos fourchettes ;
et voici de la lumière
ce soir qui tombe, lenteur
que revient, sur les façades
toi au bain—flottements, blancs.
Petit-déjeuner.
Avec la montre au poignet
dont le fermoir, parfois, prend
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dans ta robe, je prépare
les œufs. Tu disposes sur
un plat la charcuterie,
le pain grillé, les fromages
dont, supérieur, le morceau
affiné, de Brokkelkaas
plaisir les dents qui le coupent.
A un restaurant dans Gand.
Nous nous asseyons là, où
il ne faut pas trop bouger—
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traversé l’obscur boyau
avec son bar, seule éclaire
les bruits, la chaise sous peine
de tomber de l’estrade au
coin. Une serveuse vient.
Il y a beaucoup de monde.
Le silence sur nos lèvres.
Bières blanches.
En chemin, surprise du
quai, le pavé au trottoir
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notre promenade sort
sur cette terrasse bien
peuplée, une Hogarten, une
Dentergem, le vieux fromage
servi en cubes faisant
avec la moutarde, effet
de soleil et d’ombragé.
A la fête du mariage d’Arthur.
Sur l’estrade, où une mère
tient, philosophe, son fils
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puis défilent les convives
faisant remplir leur assiette
vois ces quelques corps qui dansent
dans la nuit, dans cette nuit
sur ces planches, devant ces
chaises vides et les restes :
voyons, voyons telle estrade.
Chez Koen et Ann.
Quant au petit jardin du
fond, nous y introduit la
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salle à manger. La cuisine
agrandie, en surplomb, nous
suspend. De l’autre côté
il y a l’eau du canal
qui ne bouge presque pas.
Le frigo ouvert ne donne
pas plus de fraîcheur que ça.
Le groupe Blanchot.
La fumée des cigarettes
tire ce premier étage
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vers le haut. L’ameublement
minimal et les peintures
à refaire mettent en
scintillement, sur la table,
quelques verres. Dans le livre
partagé, les discours entrent
et sortent. Et de la sorte.
Bruxelles avec Sophie.
Tombent, tombent comme pluie
de la vigne vierge en fleurs
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sur le repas et Sophie
les pétales. Doux honneur
des toits, du ciel, d’aujourd’hui
dans la fin d’après-midi
jusqu’à la terrasse, ah oui
sur les assiettes, sans bruit :
il faut en manger ? Saveur ?
Visite de Ann à la clinique.
Le lit recueille la mère,
le père prend l’enfant dans
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ses bras. Dehors, des oiseaux
innombrables n’ont de cesse
de se percher sur les grues
d’un chantier près la clinique ;
par grandes flopées s’étendent
déployés ; puis, des fils, ailes
repliées, le jour, ils bordent.
Chez tes parents le soir (arrivée).
Le rond-point de gazon fait
tourner sur le pavé. Par
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la nuit résonnent, maison
pour la maison, les pins en
carré. Se dessine, entrée
passée, au-dessus, un lieu
vide ; des lits le meublant,
bordés de draps blancs, qui donnent
multiples, un effet d’écho.
Chez tes parents, déjeuner.
Posée sur l’herbe, la nappe
s’enfonce un peu sous le poids
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des assiettes, des plats. Les
insectes se manifestent
en surgissant alentour—
notamment dedans les verres.
Le grand soleil de midi
par lui, redouble, finit
allégé, le déjeuner.
Chez tes parents, dîner.
Dehors, il y a de l’air
qui prend les hanches, les
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lève. La lumière, plus
forte sur les arbres, fait
s’ouvrir la gorge. Sous le
bout des doigts, la peau s’étire :
bourdonnement près les vignes
d’abeilles butinant. La
présence des bois, non loin.
Promenade dans les bois.
Sans sous-bois, les mêmes arbres
recouvrent, çà et là, un
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vallon. Quelques promeneurs
allant sur leur bicyclette
aux parties plus dures, passent
en bordure de l’allée
sable. Certains sentiers partent
à travers les plantations.
Rouille au sol : rousses aiguilles.
Au pub à Wrexham.
Distribuer également
à ceux qui jouent, les dessous
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battus (les dessous de bocks).
Il y en a de deux sortes.
Chacun avec sa main peut
demander à qui il veut
un échange de dessous—
de dessous de bocks, pardi.
Le jeu, alors, se poursuit.
Au pub près Wrexham, la nuit.
Les bières tirées au bar
à la pinte, sous les lampes
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à ras le gazon s’allument
lentement, du bruit, des vaches
debout, dans, voisin, le pré.
Tête nue, bras de chemise
de la campagne, la nuit
arrive par un chemin
étroit, arrangé de haies.
A la piscine de Wrexham.
Pour et contre ma sortie :
si je me retourne trop
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vite arrivé au mur, la
paire de shorts que je porte
sans élastique à serrer
me descend, descend jusqu’aux
genoux ; pour traverser
la ville au retour (Wrexham)
je vais à grands pas, nu torse.
Petite fille à la gare de Wrexham.
Sourire séducteur en
guise de bonjour, ne perds-
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tu pas l’Irlande, petite
fille venue t’asseoir à
côté de moi : tu demandes
à voir la bague que j’ai
au doigt, si marié je suis,
pour reprendre après photo
ton errance par les trains.
Petites filles à la gare de Wrexham.
L’une s’assoit tout près moi,
une autre s’assoit près elle
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et la troisième debout
la plus âgée, contrôlant
notre conversation : ces
yeux n’ont pas l’innocence
des petites sans détour
(nomades, parents, les suivent
au long, les routes, les voies).
Dans le parc de Chester.
Deux jeunes filles anglaises
de l’autre côté de l’arbre
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à feuillage parasol
se taisent. Toutes deux, elles
regardent sur la pelouse
en face, les Italiens
jouant au football. Puis repoussent
les deux garçons qui n’hésitent
pas, vifs, à se proposer.
Dans le parc de Chester (II).
« Paolo, viens ! » Un garçon,
jeune, jouant sur la pelouse
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au ballon avec les autres
Italiens, arrive, parle
à la belle, assise, sur
convocation de celui
dont l’Anglaise les avances
a rejetées. Maintenant :
elle et Paolo se voient.
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