Comment faire un oeuf d`autruche à la coque - Vizille

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Comment faire un oeuf d`autruche à la coque - Vizille
Comment faire un œuf d’autruche à la coque ?
Il est peu probable que vous ayez à résoudre ce problème, car un œuf d’autruche, ça pèse
entre un et deux kilos (figure 1) et il vaut mieux le partager, ce qui n’est pas commode pour
un œuf à la coque. Par contre, vous aurez peut-être l’occasion de manger un œuf d’oie, ou
peut-être le caprice de vouloir manger des œufs de perdrix à la coque. Ou peut-être encore
voudrez-vous ajuster la cuisson de vos œufs de poules selon leur taille, qui peut elle aussi
varier un peu.
Figure 1. Œuf d’autruche
http://www.lemanger.fr/index.php/ultime-oeuf-a-la-coque-loeuf-dautruche/
Quoi qu’il en soit, le problème que nous posons est celui-ci : comment faut-il régler le temps
de cuisson d’un œuf selon sa taille ?
La réponse est que le temps de cuisson  souhaitable est proportionnel au carré d2du diamètre
d de l’œuf, que l’on peut mesurer avec un pied à coulisse (figure 2).
La diffusion de la chaleur.
Essayons de justifier ce résultat. Au temps t=0, l’œuf, qui est à la température ambiante
(T1=20 °C par exemple) est plongé dans l’eau bouillante (à Tb=100 °C). La chaleur pénètre
peu à peu dans l’œuf. On dit qu’elle diffuse. Le blanc se réchauffe d’abord, puis le jaune. Il
faut retirer l’œuf de l’eau quand son centre à atteint la température souhaitée Tf. Cette dernière
dépend du goût du consommateur, mais nous en dirons plus par la suite.
Figure 2. Mesure du petit diamètre d’un oeuf
La diffusion de la chaleur se fait sous l’effet d’une différence de température. Comme le
centre de l’œuf est plus froid, la chaleur est attirée par le centre de l’œuf. L’énergie qui
traverse une surface donnée par unité de temps (courant d’énergie) est proportionnelle au
gradient de température dT/dx. Ce courant d’énergie J n’est pas le même en tous les points à
l’intérieur de l’œuf : il diminue au fur et à mesure qu’il pénètre dans l’œuf, car il perd un peu
d’énergie qui sert à réchauffer l’œuf. L’énergie abandonnée par unité de longueur est dJ/dx.
L’élévation de température qui en résulte est proportionnelle aussi à dJ/dx. Comme J est
proportionnel à dT/dx, l’élévation de température par unité de temps est proportionnelle à la
dérivée seconde d2T/dx2. Si un œuf B est deux fois plus gros qu’un œuf A, d2T/dx2 est 4 fois
plus petit, et il faut 4 fois plus de temps pour cuire l’œuf B.
Pour les amateurs d’équations.
Le raisonnement précédent ne vous convainc pas ? Il n’est en effet pas très précis. Pour faire
un raisonnement précis, il faut des équations. Et pour écrire les équations, il faut introduire les
dérivées partielles de la température T, qui est une fonction des deux variables t et x. A côté
de sa dérivée par rapport à x il faut introduire sa dérivée par rapport au temps t, que nous
appellerons T / t . Le courant d’énergie à travers une surface S est alors J  ST / x , où
la constante de proportionnalité  s’appelle la conductivité thermique. L’énergie fournie par
unité de temps à un volume Sa est  aJ / x  aS 2T / x 2 et l’élévation de température est
donnée par T / t  C 2T / x 2 , où nous avons introduit la capacité thermique massique
C. Et maintenant, tout est clair : si un œuf B est p fois plus grand qu’un œuf A, il suffit de
multiplier x par p et t par p2 pour que l’équation garde la même forme. Le temps de cuisson de
l’œuf B est donc p2 fois plus long que celui de l’œuf A. Il est donc proportionnel au carré des
dimensions de l’œuf, par exemple son petit diamètre.
Le raisonnement précédent ne vous convainc toujours pas ? Vous avez raison ! Nous avions
imaginé, pour simplifier, un œuf unidimensionnel. Dans un vrai œuf il y a trois coordonnées
x, y, z. L’équation de propagation de la chaleur est alors

T / t  C  2T / x 2   2T / y 2   2T / z 2

Et le résultat est le même : si un œuf B est p fois plus grand qu’un œuf A, il suffit de
multiplier x, y, z par p et de multiplier t par p2 pour que l’équation garde la même forme. Le
temps de cuisson de l’œuf B est donc p2 fois plus long que celui de l’œuf A. Pour que ce
résultat soit strictement exact, il faut que les deux œufs aient la même forme et la même
structure interne. Si le rapport du grand au petit diamètre n’est pas le même, ou si le rapport
des masses du jaune au blanc est un peu différent,  ne sera pas exactement proportionnel à d,
mais l’erreur commise ne devrait pas être énorme.
Et si je n’ai pas de pied à coulisse ?
En l’absence de pied à coulisse, vous avez probablement une balance. Vous pouvez donc
déterminer la masse M de l’œuf. Il est vraisemblable que la masse volumique moyenne de
tous les œufs est à peu près la même. La masse est donc proportionnelle au volume, qui est
proportionnel au cube du petit (ou du grand) diamètre en admettant que tous les œufs ont à
peu près la même forme. Le diamètre est donc proportionnel à M1/3, et la règle est que le
temps de cuisson est
=k M2/3
où k est une constante qui dépend du consommateur. Elle dépend aussi de la température
initiale de l’œuf. La figure 3 montre le temps de cuisson en fonction du diamètre pour un œuf
initialement à température ambiante, et pour un œuf sorti du réfrigérateur.
Figure 3. Temps nécessaire (en ordonnée et en minutes) pour faire un œuf à la coque. En abscisse : le
petit diamètre en centimètres.
Jacques Villain
Bibliographie :
A. Rigamonti, A. Varlamov, J. Villain. Le kaléidoscope de la physique (Belin 2014)

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