N 169-EXE - L`Essentiel
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N 169-EXE 12/03/10 10:32 Page 28 Chien CONGRÈS L’ichtyose du golden retriever Une dermatose génétique fréquente Lors des dernières journées annuelles du GEDAC à Toulouse, une communication a été faite à propos des recherches récentes concernant le dépistage de l’ichtyose chez le golden retriever. Les résultats qui ont été présentés sont issus du travail réalisé collectivement par Eric Guaguère (Lomme, 59), Emmanuel Bensignor (Cesson, 35), Catherine André (CNRS Université Rennes 1, 35) et Guillaume Queney (Antagene, Lyon-Limonest, 69), avec la participation de Frédérique Degorce-Rubiales (Toulouse, 31) et de Jacques Fontaine (Bruxelles, Belgique). Les ichtyoses constituent un groupe de dermatoses génétiques (génodermatoses) rencontrées dans de nombreuses races canines (cavalier King Charles, Jack Russel terrier, terrier du Norfolk…) mais particulièrement fréquentes chez le golden retriever : dans cette race, 30 % des individus développent des signes plus ou moins marqués de la maladie. L’ichtyose est un trouble génétique de la cornéogenèse (ou kératinisation) se traduisant par une accumulation anormale de squames à la surface de la peau. La maladie tire son nom de la forme en écailles de poisson des squames. Cette étude vise deux objectifs : • faciliter le diagnostic, le dépistage et la prévention chez le chien • faire progresser la recherche à propos des formes analogues d’ichtyose rencontrées chez l’homme. Guaguère et coll. propose une étude prospective clinique, histopathologique et génétique à partir de 40 cas cliniques *. Des signes cliniques très précoces Les premiers signes d’ichtyose apparaissent rapidement après la naissance, souvent entre 3 semaines et 3 mois. Dans 80 % des cas, le diagnostic est établi avant l’âge de 5 ans. Les propriétaires consultent généralement à cause du mauvais état du pelage du chien : le poil est terne, sec et cassant et les squames pavimenteux donnent un aspect « marbré » au pelage. Ces squames apparaissent d’abord blanchâtres puis pigmentées. La peau a aussi tendance à brunir. Les ichtyoses, des maladies présentes chez le chien et chez l’homme © Éric Guaguère Les ichtyoses humaines sont en effet des dermatoses sociales très handicapantes et parfois très graves. Chez le chien comme chez l’homme, il s’agit d’une maladie monogénique mais divers gènes ont été identifiés (10 sont connus chez l’homme), conduisant à différentes maladies. Accumulation généralisée de larges squames blanchâtres à la surface de la peau. Elle a tendance à devenir rugueuse et sèche, comme du papier de verre. Une fois le pelage tondu, les squames sont adhérentes à la peau. Le prurit est généralement absent ou très modéré, sauf lors de complications infectieuses rares. 40 % environ des golden retrievers sont hétérozygotes pour le gène de l'ichtyose. Aspect cutané pavimenteux dû à des squames adhérentes à la peau. © Éric Guaguère Les premiers cas documentés d’ichtyose chez le golden retriever datent de la fin des années 1990. Depuis le début des années 2000, on constate que l’incidence de cette maladie a augmenté dans plusieurs pays européens ainsi qu’aux Etats-Unis. Une des publications de 2009 de N°169 du 18 au 24 mars 2010 28 N 169-EXE 12/03/10 10:32 Page 30 Chien CONGRÈS La prévention repose sur la sélection génétique © Éric Guaguère Un travail très important de recherche génétique a été réalisé par l’équipe de Catherine André (CNRS de Rennes) afin d’identifier la mutation génétique à l’origine de l’ichtyose du golden retriever. Peau hyperpigmentée en région ventrale, rugueuse au toucher (effet « papier de verre »). A la différence de ce qui est observé chez l’homme où certaines formes d’ichtyose sont mortelles, la maladie canine ne s’accompagne pas de troubles généraux. Diagnostic de l’ichtyose Dans les formes graves, le diagnostic est relativement simple. Acause des nombreuses squames observées en région dorso-lombaire, le diagnostic différentiel doit cependant inclure l’hypothèse d’une cheyletiellose, maladie avec laquelle l’ichtyose a été souvent confondue. Lorsque les signes sont discrets, le diagnostic s’appuie sur l’anatomopathologie. S’il s’agit bien d’une ichtyose, les examens montrent un épiderme très plissé (avec une membrane basale en guirlande), une hyperkératose compacte très éosinophile parfois accompagnée d’une hypermélanose, un télescopage des kératinocytes entre eux et des cornéodesmosomes très nombreux et persistants, signe probable de l’absence d’une desquamation normale des cellules de l’épiderme, il s’agit d’une ichtyose par rétention. Un traitement palliatif toute la vie du chien Pour améliorer l’état du pelage, le propriétaire devra réaliser des shampooings (hebdomadaires ou bi-hebdomadaires) kérato-modulateurs et émollients ; la pulvérisation d’émollients non gras de façon quotidienne est très utile. A partir du recrutement initial de 150 cas, l’ADN de 20 chiens atteints a pu être comparé à celui de 20 chiens sains. Grâce à l’analyse de plus de 50 000 marqueurs sur tous les chromosomes, il a finalement pu être mis en évidence que 100 % des golden retrievers atteints portent la même mutation à l’état homozygote. Cette mutation est absente dans d’autres races, ce qui confirme l’hypothèse que pour chaque race affectée par l’ichytose, un gène différent doit pouvoir être identifié. A l’échelle de la population étudiée, 40 % des golden retrievers sont hétérozygotes pour le gène en question (porteurs sains), 30 % portent la mutation à l’état homozygote (chiens atteints) et 30 % ne présentent pas la mutation (chiens sains). Le nom du gène de l’ichtyose du golden retriever n’a pas été communiqué lors de cette présentation car une publication et un brevet sont en cours de dépôt. En revanche, le test de dépistage est disponible depuis le 1er mars 2010 : il est commercialisé par la société Antagene, fondée et dirigée par Guillaume Queney. Grâce à un simple frottis buccal envoyé au laboratoire, il est maintenant possible de faire analyser l’ADN d’un chien et de repérer s’il est ou non porteur de la mutation génétique responsable de l’ichtyose. Ce test permettra bien sûr d’aider au diagnostic de l’affection qui sera ainsi mieux traitée mais il sera surtout très utile pour repérer les porteurs sains chez les futurs reproducteurs afin de limiter la diffusion du gène. La transmission se fait en effet sur le mode autosomal récessif : lorsque deux porteurs sains (hétérozygotes) sont accouplés, la portée issue du croisement comptera 25 % de chiots atteints, 25 % de chiots sains et 50 % de porteurs sains. I Pascale Pibot Docteur vétérinaire Le laboratoire Virbac parrainait cette communication. Un régime riche en acides gras oméga 3 à longue chaîne semble également présenter un intérêt. La contrainte du traitement au long cours est très difficile à accepter par les propriétaires. Il arrive que certains soient tentés d’abandonner leur chien plutôt que d’envisager de le soigner toute sa vie. * Sources - Cadiergues MC, Patel A, Shearer DH et al. Cornification defect in the golden retriever: clinical, histopathological, ultrastructural and genetic characterisation. Vet Dermatol 2008; 19(3): 120-9. - Guaguère E, Bensignor E, Küry S et al. Clinical, histopathological and genetic data of ichthyosis in the golden retriever: a prospective study. J Small Anim Pract 2009; 50(5): 227-35. - Mauldin EA, Credille KM, Dunstan RW et al. The clinical and morphologic features of nonepidermolytic ichthyosis in the golden retriever. Vet Pathol 2008; 45(2): 174-80. N°169 du 18 au 24 mars 2010 30