N 169-EXE - L`Essentiel

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N 169-EXE - L`Essentiel
N 169-EXE
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Chien
CONGRÈS
L’ichtyose du golden retriever
Une dermatose génétique fréquente
Lors des dernières journées annuelles du GEDAC à Toulouse, une communication a été faite à propos des
recherches récentes concernant le dépistage de l’ichtyose chez le golden retriever. Les résultats qui ont été
présentés sont issus du travail réalisé collectivement par Eric Guaguère (Lomme, 59), Emmanuel Bensignor (Cesson,
35), Catherine André (CNRS Université Rennes 1, 35) et Guillaume Queney (Antagene, Lyon-Limonest, 69), avec la
participation de Frédérique Degorce-Rubiales (Toulouse, 31) et de Jacques Fontaine (Bruxelles, Belgique).
Les ichtyoses constituent un groupe de dermatoses génétiques
(génodermatoses) rencontrées dans de nombreuses races
canines (cavalier King Charles, Jack Russel terrier, terrier du
Norfolk…) mais particulièrement fréquentes chez le golden
retriever : dans cette race, 30 % des individus développent
des signes plus ou moins marqués de la maladie. L’ichtyose
est un trouble génétique de la cornéogenèse (ou kératinisation)
se traduisant par une accumulation anormale de squames à
la surface de la peau. La maladie tire son nom de la forme
en écailles de poisson des squames.
Cette étude vise deux objectifs :
• faciliter le diagnostic, le dépistage et la prévention chez le
chien
• faire progresser la recherche à propos des formes analogues
d’ichtyose rencontrées chez l’homme.
Guaguère et coll. propose une étude prospective clinique,
histopathologique et génétique à partir de 40 cas cliniques *.
Des signes cliniques très précoces
Les premiers signes d’ichtyose apparaissent rapidement
après la naissance, souvent entre 3 semaines et 3 mois.
Dans 80 % des cas, le diagnostic est établi avant l’âge
de 5 ans. Les propriétaires consultent généralement à
cause du mauvais état du pelage du chien : le poil est terne,
sec et cassant et les squames pavimenteux donnent un
aspect « marbré » au pelage. Ces squames apparaissent
d’abord blanchâtres puis pigmentées. La peau a aussi
tendance à brunir.
Les ichtyoses, des maladies présentes
chez le chien et chez l’homme
© Éric Guaguère
Les ichtyoses humaines sont en effet des dermatoses sociales
très handicapantes et parfois très graves. Chez le chien
comme chez l’homme, il s’agit d’une maladie monogénique
mais divers gènes ont été identifiés (10 sont connus chez
l’homme), conduisant à différentes maladies.
Accumulation généralisée de larges squames blanchâtres à la surface de la peau.
Elle a tendance à devenir rugueuse et sèche, comme du
papier de verre. Une fois le pelage tondu, les squames sont
adhérentes à la peau. Le prurit est généralement absent ou
très modéré, sauf lors de complications infectieuses rares.
40 % environ des golden retrievers sont hétérozygotes pour le gène de l'ichtyose.
Aspect cutané pavimenteux dû à des squames adhérentes à la peau.
© Éric Guaguère
Les premiers cas documentés d’ichtyose chez le golden
retriever datent de la fin des années 1990. Depuis le début
des années 2000, on constate que l’incidence de cette
maladie a augmenté dans plusieurs pays européens ainsi
qu’aux Etats-Unis. Une des publications de 2009 de
N°169 du 18 au 24 mars 2010
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CONGRÈS
La prévention repose
sur la sélection génétique
© Éric Guaguère
Un travail très important de recherche génétique a été
réalisé par l’équipe de Catherine André (CNRS de Rennes)
afin d’identifier la mutation génétique à l’origine de l’ichtyose
du golden retriever.
Peau hyperpigmentée en région ventrale, rugueuse au toucher (effet « papier de
verre »).
A la différence de ce qui est observé chez l’homme où
certaines formes d’ichtyose sont mortelles, la maladie
canine ne s’accompagne pas de troubles généraux.
Diagnostic de l’ichtyose
Dans les formes graves, le diagnostic est relativement simple. Acause des nombreuses squames observées en région
dorso-lombaire, le diagnostic différentiel doit cependant
inclure l’hypothèse d’une cheyletiellose, maladie avec
laquelle l’ichtyose a été souvent confondue. Lorsque
les signes sont discrets, le diagnostic s’appuie sur l’anatomopathologie.
S’il s’agit bien d’une ichtyose, les examens montrent un
épiderme très plissé (avec une membrane basale en guirlande), une hyperkératose compacte très éosinophile parfois accompagnée d’une hypermélanose, un télescopage
des kératinocytes entre eux et des cornéodesmosomes
très nombreux et persistants, signe probable de l’absence
d’une desquamation normale des cellules de l’épiderme,
il s’agit d’une ichtyose par rétention.
Un traitement palliatif toute la vie
du chien
Pour améliorer l’état du pelage, le propriétaire devra réaliser des shampooings (hebdomadaires ou bi-hebdomadaires) kérato-modulateurs et émollients ; la pulvérisation
d’émollients non gras de façon quotidienne est très utile.
A partir du recrutement initial de 150 cas, l’ADN de 20
chiens atteints a pu être comparé à celui de 20 chiens sains.
Grâce à l’analyse de plus de 50 000 marqueurs sur tous les
chromosomes, il a finalement pu être mis en évidence
que 100 % des golden retrievers atteints portent la même
mutation à l’état homozygote. Cette mutation est absente
dans d’autres races, ce qui confirme l’hypothèse que
pour chaque race affectée par l’ichytose, un gène différent
doit pouvoir être identifié.
A l’échelle de la population étudiée, 40 % des golden
retrievers sont hétérozygotes pour le gène en question
(porteurs sains), 30 % portent la mutation à l’état homozygote
(chiens atteints) et 30 % ne présentent pas la mutation
(chiens sains).
Le nom du gène de l’ichtyose du golden retriever n’a
pas été communiqué lors de cette présentation car une
publication et un brevet sont en cours de dépôt. En revanche,
le test de dépistage est disponible depuis le 1er mars 2010 :
il est commercialisé par la société Antagene, fondée et
dirigée par Guillaume Queney. Grâce à un simple frottis
buccal envoyé au laboratoire, il est maintenant possible
de faire analyser l’ADN d’un chien et de repérer s’il est
ou non porteur de la mutation génétique responsable de
l’ichtyose.
Ce test permettra bien sûr d’aider au diagnostic de l’affection
qui sera ainsi mieux traitée mais il sera surtout très utile
pour repérer les porteurs sains chez les futurs reproducteurs
afin de limiter la diffusion du gène. La transmission se
fait en effet sur le mode autosomal récessif : lorsque deux
porteurs sains (hétérozygotes) sont accouplés, la portée
issue du croisement comptera 25 % de chiots atteints,
25 % de chiots sains et 50 % de porteurs sains. I
Pascale Pibot
Docteur vétérinaire
Le laboratoire Virbac parrainait cette communication.
Un régime riche en acides gras oméga 3 à longue chaîne
semble également présenter un intérêt. La contrainte du
traitement au long cours est très difficile à accepter par
les propriétaires. Il arrive que certains soient tentés d’abandonner leur chien plutôt que d’envisager de le soigner
toute sa vie.
* Sources
- Cadiergues MC, Patel A, Shearer DH et al. Cornification defect in the golden retriever: clinical,
histopathological, ultrastructural and genetic characterisation. Vet Dermatol 2008; 19(3): 120-9.
- Guaguère E, Bensignor E, Küry S et al. Clinical, histopathological and genetic data of ichthyosis in the golden retriever: a prospective study. J Small Anim Pract 2009; 50(5): 227-35.
- Mauldin EA, Credille KM, Dunstan RW et al. The clinical and morphologic features of
nonepidermolytic ichthyosis in the golden retriever. Vet Pathol 2008; 45(2): 174-80.
N°169 du 18 au 24 mars 2010
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