Au Brésil, Tudo bom* pour les coopératives !

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Au Brésil, Tudo bom* pour les coopératives !
)International(
reportage
Au Brésil, Tudo bom*
pour les coopératives !
Les coopératives brésiliennes participent au boom économique du géant de l’Amérique du Sud.
Sur ce marché émergent, des Scop ont entamé des partenariats.
L
e Brésil est le premier des
BRIC. Sous cet acronyme, se
cachent quatre pays émergents (Brésil, Russie, Inde,
Chine), dont la croissance
dans les dix dernières années
a été beaucoup plus rapide
que celle des pays industrialisés. Les coopératives brésiliennes ont
profité de ce boom économique. Pourtant, leur implantation est déjà ancienne,
avec surtout des coopératives agricoles
(qui représentent 5,4 % du PIB) et des
coopératives de santé. Globalement,
il existe plus de 7 600 coopératives en
activité, pour 7,6 millions de membres,
selon les statistiques de l’OCB, l’organisation des coopératives brésiliennes.
Coopératives d’affaires et
coopératives populaires
« Il existe au Brésil deux familles de coopératives, souligne Ana Dubeux, professeur
de sociologie à l’Université fédérale rurale de Pernambouc. Les coopératives d’affaires, surtout dans le secteur agricole, sont
apparues dès la fin du XIXe siècle, grâce à
des entrepreneurs venus d’Europe. Plus récemment, dans les années 1990, sont nées
les coopératives populaires. Ce sont des initiatives de personnes qui veulent compléter
leurs revenus dans un projet collectif, mais
aussi des reprises d’entreprises en difficulté
par leurs salariés. Du coup, ces coopératives
peuvent aller d’une dizaine de personnes à
plus d’un millier de salariés. »
Ana Dubeux évoque aussi une troisième
forme de coopératives, qui ne sont pas
très bien vues des Brésiliens, qui les surnomment les coopératives fantômes. Ces
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Rio de Janeiro, la capitale du Brésil.
coopératives de travail sont utilisées par
les gros conglomérats locaux, pour placer des salariés dans un régime de soustraitance, qui ne leur donne pas accès
à leurs droits sociaux. Malgré l’arrivée
au pouvoir du président Lula en 2002,
le cadre légal des coopératives n’a pas
évolué. Elles dépendent toujours de la
loi de 1971, qui les lient directement aux
pouvoirs publics. Une nouvelle loi est en
discussion depuis plusieurs années. Mais
en parallèle, les villes et les Etats de ce
pays fédéral ont commencé à appuyer
les coopératives. « Il existe aussi des incubateurs de coopératives et d’autres initiatives économiques, dans soixante-dix Uni-
versités du pays », complète Ana Dubeux,
qui intervient dans l’incubateur de son
établissement de Pernambouc.
Car les coopératives veulent contribuer
au développement d’un pays de 200
millions d’habitants. Le Brésil est devenue une puissance mondiale dans l’agroalimentaire, auto-suffisante sur le plan
énergétique (grâce à des ressources naturelles en hydrocarbures), qui s’industrialise rapidement et qui pourra compter sur les vecteurs de croissance que
seront la Coupe du monde de football de
2014 et les Jeux Olympiques de 2016. Un
bémol toutefois, avec le sort de la forêt
amazonienne, déboisée trop vite pour
PARTICIPER Avril . Mai . Juin 2011
servir les intérêts de grands groupes alimentaires ou faire de la place aux agrocarburants.
Les Scop présentes au Brésil
Des Scop interviennent ainsi sur ce créneau du maintien de l’agriculture paysanne et du commerce équitable. La Scop
bordelaise Cafés Michel travaille en lien
avec des caféiculteurs de la région de Sao
Paulo et la Scop Ekitrade a noué des partenariats directs (avec une coopérative
de producteurs de cachaça) et indirects
(via Oxfam Fairtrade) avec des producteurs de fruits et légumes.
Les volumes d’affaires sont plus importants pour les Scop qui interviennent
dans le secteur industriel, en pleine expansion. La jeune Scop Scoval, à Tavers
(Loiret), issue d’une reprise par ses salariés en 2006, s’est ouvert un marché au
Brésil il y a trois ans. « Nous avons proposé
nos produits à Mecaltec, une fonderie de
Joinville, près de Sao Paulo, indique Thierry
Cheneau, gérant de Scoval. Le Brésil a une
forte envie de se moderniser. Mais à des
conditions léonines, puisque nous avons
vendu nos brevets, en même temps que nos
machines, sinon, nous aurions eu des taxes
d’importation trop importantes. » Pour une
petite entreprise, Thierry Cheneau reconnaît que la prospection dans les marchés
émergents reste compliquée. Les affaires
ont été plus vite et plus fructueuses pour
la Scop de Grenoble Alma, qui a créé une
filiale dans la région de Porto Alegre en
PARTICIPER Avril . Mai . Juin 2011
Les Scop françaises ont signé des partenariats avec des entreprises brésiliennes
qui connaissent une croissance importante.
avril 2009, sur le modèle de sa filiale en
Chine. Pour Philippe Rouzeau, responsable export des logiciels industriels chez
Alma, le Brésil est un marché sur lequel
il faut évidemment être présent comme
les autres BRIC : « sur place, la filiale a
pour mission de commercialiser les logiciels
élaborés par les ingénieurs d’Alma, d’apporter un support technique à leur utilisation
et de trouver de nouveaux marchés. Une
dizaine de personnes ont été embauchées. »
Les perspectives sont déjà intéressantes,
puisque l’agro-alimentaire a besoin de
nouvelles machines-outils et puisque
le gouvernement a édicté de nouvelles
normes de sécurité pour les armoires
électriques, normes qu’Alma peut conforter. Alma a supporté tout l’investissement
dans cette filiale, avec le support de la
Coface pour assurer une partie du risque.
Les huit ans de la présidence de Lula ont
conforté la place des coopératives et leur
développement. L’avenir dira si avec Dilma Roussef, qui lui a succédé en début
d’année, elles prendront toute leur place
dans la croissance brésilienne.
Eric Larpin
* Tudo bom est le bonjour du Brésil. L’expression signifie aussi tout va bien.
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