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Voila quelques causes de couleurs dans les matériaux gemmes. La liste n’est
pas exhaustive, les phénomènes en jeu parfois très complexes et toujours sujets à des recherches en laboratoire (notamment sur les causes de couleurs
dans les diamants).
Bonne lecture ! Et n'hésitez pas à compléter / corriger ;)
Présence d’ions métalliques dispersés :
Exemple : Cr3+ dans le rubis mais aussi l’émeraude et l’alexandrite.
Les électrons de valence de l’ion peuvent absorber des photons de la lumière
visible et monter dans des états énergétiques plus élevés (états excités), leur
redescente vers leur niveau initial (niveau fondamental) se fait par vibration du
réseau / dégagement de chaleur / émission de photons. Voir la théorie du
champ cristallin.
Facteurs importants :
La valence de l’ion. Ex : dans le cas de la tourmaline Elbaïte
- Mn2+ en encagement octaédrique -> incolore
- Mn3+ en encagement octaédrique -> rouge
Les distances entre ion et atomes voisins liés (oxygène très souvent), ainsi que
le type de coordination de l’ion métallique ("cage").
Ex : Fe2+ dans le cas de l’almandin et du péridot, où le fer est un constituant
structural.
Coordination cubique déformée (8 atomes voisins vis-à-vis du fer) -> rouge
dans le grenat.
Coordination octaédrique (6 atomes voisins vis-à-vis du fer) -> vert dans le
péridot.
Transferts de charges (TC) :
Délocalisation d’un électron entre plusieurs ions sous l’effet de l’absorption de
certains photons d’énergie adéquate.
Entre ions métalliques (avec ou sans atome d’oxygène pontant) Ex :
- Fe2+ <--> Fe3+ dans le béryl aigue-marine : Le TC absorbe l’extrémité
rouge du spectre visible -> couleur résiduelle bleue.
- Fe2+ Ti4+ <--> Fe3+ Ti3+ dans le saphir bleu, absorption typique visible au
spectroscope.
Entre ions métalliques et oxygène
Ex :
- Fe3+ <--> O2- dans le saphir jaune, la citrine ou le béryl jaune. Absorption
dans l’UV jusqu’au extrémité violette, parfois bleue du spectre, production de
jaune, orange à brun par le TC.
- Fe4+ <-->O2- dans l’améthyste. Absorption de la partie centrale du spectre
visible, le rouge, violet et le bleu passent : couleur améthyste résultante.
Centres colorés :
Défauts dans la structure cristalline qui absorbent la lumière Ex :Diamants naturels verts.
Sous l’effet d’une irradiation, certains atomes de carbone sont délogés de leur
place dans la structure cristalline. (pour se loger dans un site interstitiel de la
maille cristalline, ce type de défaut est appelé défaut de Frenkel). Les atomes
de carbone voisins de la lacune possèdent donc des électrons non appariés
(liaisons pendantes) qui peuvent absorber certains photons de la partie rouge
du spectre avec une raie d’absorption diagnostique à 741 nm dite GR1 (General Radiation 1), la couleur observée à l’œil de ces diamants est donc le vert.
Electron piégé dans un puit de potentiel : Archétype de ce cas est la fluorite.
Un atome de fluor peut être éjecté de sa position atomique et donc laisser une
lacune derrière lui. Un électron délocalisé (voir théorie des Bandes pour le détail) peut alors se placer dans la lacune, créant un centre coloré dit F (de l’allemand "Farbe"). Cet électron piégé peut absorber certaines longueurs d’ondes
et être à l’origine d’une couleur. Par contre, si un rayonnement très puissant lui
est fourni, il peut quitter son puit. La couleur est ainsi détruite.
C’est vraisemblablement le cas du béryl Maxixe, l’énergie de la lumière du jour
(et des UV qu’elle contient) suffit à faire quitter son puit à l’électron.
Centre coloré à structure vibronique ( centre de couleur N3, Naturel 3) :
Nom barbare pour expliquer le cas des diamants jaunes de la série Cape.
L’azote présent en grande quantité dans le diamant se regroupe par 3 (agrégat
d’azote). Le doublet électronique libre des 3 atomes d’azote peut alors absor-
ber certaines longueurs d’ondes dans la partie bleue et il en résulte une couleur observable jaune.
Autre défaut à l’origine de la couleur :
Déformations plastiques dans la structure cristalline. Toujours à l’étude dans le
cas du diamant, sujet de recherche complexe, je ne m’attarde pas dessus.
Cause de couleur / Théorie des Bandes :
La création, par un dopage d’éléments particuliers, de niveaux d’énergie permis dans la bande interdite du matériau, permet de générer des couleurs intéressantes. Ex :
Cas du diamant bleu :
Carbone : 4 électrons de valence (orbitale hybrides sp3)
Bore : 3 électrons de valence.
Le dopage du diamant par du Bore permet de créer un niveau d’énergie accepteur d’électron dans la bande interdite du diamant, proche de la bande de valence du matériau. Sous le rayonnement lumineux IR jusqu’à 500 nm, le Bore
s’ionise en capturant un électron de la bande de valence. Seul le bleu passe,
d’où la couleur bleue de ces diamants. Si le dopage est suffisant, ces diamants
deviennent alors des semi-conducteurs et peuvent conduire le courant électrique.
Cas du diamant jaune canari :
Carbone : 4 électrons de valence (orbitale hybrides sp3)
Azote : 5 électrons de valence. **faible teneur**
Le dopage du diamant par de l’azote isolé permet de créer un niveau d’énergie
donneur d’électron dans la bande interdite du diamant, proche de la bande de
conduction du matériau. Sous le rayonnement lumineux du milieu du spectre
qui s’intensifie dans le bleu et violet, l’azote s’ionise en donnant un de ces électrons à la bande de conduction du matériau. Il en résulte une couleur jaune.
Diffraction :
Création de couleur spectrales pures Ex : Opale.
La lumière se diffracte sur la structure très particulière de l’opale (il est possible d’écrire des bouquins dessus, je resterai bref). La taille et l’ordonnance des
sphérules de silice vont générer différentes couleurs : avec des sphérules de
130nm à bleu / violet 250 – 300 nm à rouge. Les interférences constructives /
destructives de la lumière sont à prendre en compte.
Diffusion :
La structure interne et la grosseur des éléments composants ne répond pas
aux exigences de la diffraction. La lumière qui pénètre dans la pierre est déviée dans différentes directions par des
centres diffusants.
De type Rayleigh : Centre diffusants de dimensions inférieurs aux longueurs
d’ondes du visible. La diffusion perpendiculaire au rayonnement s'effectue avec
une plus grande efficacité pour la lumière bleu.
Ex : Effet Schiller dans la pierre de lune.
De type Mie : centre diffusants de dimensions de même ordre que les longueurs d’ondes du visible.
Ex : Astérisme
Inclusions colorées (matrice incolore) :
Une multitude d’inclusions/ corps étrangers colorés provoquent la couleur dans
un matériau incolore.
Ex : Quartz aventuriné, opale de feu (particules minuscules d’oxyde de fer),
pierre de soleil etc.
Voila la liste, non exhaustive, je le répète, de causes de couleurs dans les
gemmes. En espérant que ce mur de texte vous plaira autant à la lecture que
j’ai eu à l’écrire ! (l’effort est moins difficile quand on fait ce que l’on aime).
Sujet: Re: De la cause de couleur dans les gemmes
10:38
Sam 8 Nov 2008 -
Merci pour vos gentilles réponses. Voila un bonus pour compléter mon premier
message.
Explication de la couleur du rubis et de son spectre d’absorption :
Le schéma des niveaux d’énergie ci-dessous est pas mal fait je trouve. Il montre bien la montée en niveau d’énergie des électrons de la couche 3d du
chrome III vers les niveaux supérieurs en absorbant les photons situés dans le
jaune, vert et violet.
Seul le rouge orange et une partie du bleu-vert passe , comme on le voit à travers un spectroscope de poche :
On remarque aussi l'émission du chrome dans le rouge, qui renforce la couleur
de la gemme (et qui permet accessoirement de fabriquer des LASER avec un
cristal de rubis)
Sinon, pour le diamant, j’ai vu que cela intéressait Michel, donc voila un petit
complément.
Diamant type I : azote présent en tant qu’ impureté
Ia : Azote présent sous forme d’agrégat N3 : Série des diamants Cape : incolores à jaunâtres
N3 provoque une fluorescence bleue. + Diamants comportant de l’hydrogène
(H3) : brun, violet, bleu-gris, bleu, jaune-gris)
Ib : Azote isolé ~ 10 ppm Diamants jaune canari
Diamant type II : pas d’azote en quantité significative
IIa : Diamants purs, pas d’impuretés en quantités significatives, pas de fluorescence. Si déformations plastiques dans la maille suite à des contraintes mécaniques : couleurs rose, brun, violet.
EDIT : les diamants verts naturels appartiennent à cette famille, comme le fameux diamant vert de Dresde.
IIb : Diamants comportant du Bore en impureté. Diamants bleus (ex : Hope)
Dernière édition par Seb le Sam 8 Nov 2008 - 11:32, édité 2 fois
Sujet: Re: De la cause de couleur dans les gemmes
13:47
Mar 18 Nov 2008 -
Encore un message pour compléter les précédents, notamment sur l’importance des distances entre atomes.
Tout le monde connaît le rubis et l’émeraude cependant il est intéressant de
savoir que toutes ces gemmes sont colorées grâce au chrome III dans un environnement octaédrique (entouré par 6 atomes d’oxygène).
Diantre ! Pourquoi le rubis est-il rouge et l’émeraude verte dans ce cas ?
La réponse est dans la distance entre le chrome et les atomes d’oxygène qui
l’encadrent.
L’interaction entre l’oxygène et le chrome modifie les niveaux d’énergie des
couches externes de l’ion Cr3+. Les photons absorbés ne sont plus les mêmes.
Dans le cas du rubis, l’absorption du jaune, vert et violet est très intense, l’œil
ne perçoit que le rouge qui est transmis, d’où la couleur rouge du rubis.
Dans l’émeraude, l’absorption a lieu dans l’orange, et elle est moins intense,
on peut voir des absorptions du chrome dans le rouge. Le rouge et le vert sont
transmis par la gemme et atteignent l'œil.
Normalement, la couleur vue à l’œil devrait donc être brune (mélange de rouge
+ vert) mais l’œil humain a une forte prédilection pour le vert (nous sommes
capables de distinguer environ 10 000 nuances de vert différentes). Notre œil
« voit » le vert en premier et le résultat est que la pierre nous apparaît verte.
[On peut noter aussi que la lumière solaire, même si elle nous apparait blanche, est très riche en vert.]
Dernière édition par Seb le Mar 18 Nov 2008 - 15:02, édité 1 fois
Un petit complément sur les causes de couleurs.
Cas du béryl Maxixe et type Maxixe
Type Maxixe :
Lors de la croissance d’un cristal de béryl, des groupements carbonate (CO3)2peuvent être incorporés à la structure cristalline. Lors d’une irradiation de ce
béryl (naturelle ou artificielle en labo) ce groupement perd en électron et devient donc (CO3)-. L’électron célibataire restant absorbe une large gamme de
photon du rouge au vert, ne transmettent que le bleu et le violet, d’où l’extraordinaire couleur de ce type de béryl.
Maxixe :
Dans le cas du béryl Maxixe, trouvé originellement au Brésil, la coloration est
due à un groupement différent NO3 qui résulte de l’irradiation naturelle d’une
impureté nitrate (NO3)-.
Le processus est similaire au type Maxixe.
Chose intéressante dans ces béryls, les impuretés sont présentes dans les canaux de la structure béryl et sont orientées dans une direction perpendiculaire
à l’axe c du cristal. La couleur la plus intense est donc aperçue lorsque l’on observe la pierre par l’axe optique. Cela entraîne un dichroïsme très fort dans ces
pierres.
Autres cas intéressants
La fluorite bleue :
La fluorite (précisé lors de mon premier post), possède des défauts (centres F)
qui sont des lacunes en fluor. Lorsque qu’un ion yttrium Y3+ remplace un ion
calcium voisin d’une lacune occupée par des électrons libres, il se crée un centre complexe absorbant le violet et le jaune vert, provoquant une couleur
bleue.
Amazonite :
Le couleur particulière de l’amazonite est due à un remplacement par un ion
Pb2+ de 2 ions potassium K+. Soumis à une irradiation naturelle, le plomb de
vient Pb3+ (perte d’un électron). Si des molécules d’eau sont présentes près
de l’impureté plomb, cet arrangement particulier génère cette couleur verte de
l’amazonite.

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