Le grand désordre des forces de l`ordre

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Le grand désordre des forces de l`ordre
Le grand désordre des forcesde l'ordre
Accusés soit de laxisme, soit de violence, les flics, fatigués, vont finir par manifester !
ES ordres sont flous. "Les
syndicats de flics sont unaL
nimes : il y a du mou dans le
CC
commandement, du flou dans la matraque. Jean-Claude Delage, secrétaire national du syndicat Alliance,
observe " du retard à l'allumage. Il
y a de la confusion dans les instructions. Ça flotte un peu "· Rocco
Contenta, délégué parisien d'Unité
SGP, est encore plus sévère : ,, On
constate des dysfonctionnements
dans le maintien de l'ordre. >>
Sur une manif à haut risque,
comme celle du 14 juin, les forces
mobiles ont reçu pour mission de
sécuriser les flancs du cortège par
groupes de 10. D'ordinaire, pour
faire bloc, les CRS restent groupés
(140 hommes), tout au plus se scindent-ils en deux. Le 14 juin, les
groupes de 10 se sont vite fait déborder et, parfois, encercler. Et
comme le préfet leur avait donné
l'ordre de ne pas dégoupiller la
moindre grenade de désencerclement ...
Le casseur
court •••
Or le CRS est buté, voire un poil
militaire : '' Lorsqu'un CRS reçoit
un ordre, il l'exécute, explique un
haut gradé. S 'il n'en reçoit pas, il ne
bouge pas. ,, II n'en a pas reçu, le
14juin, pour protéger l'hôpital Necker, à l'intersection de la rue de
Sèvres et du boulevard du Montparnasse, lors de la énième manif antiloi Travail. Sur les images filmées
par des journalistes, et sur d'autres
filmées par des manifestants, on
voit deux casseurs munis d'un lourd
marteau briser les vitres de l'établissement. Puis un manifestant ou un passant- s'interposer. Les
flics positionnés à 20 mètres ne bougent pas une oreille.
Les politiques, eux, ouvrent la
bouche. Au soir de la manif, Valls
s'en prend aux casseurs qui ont « dévasté >> (sic) l'hôpital Necker. Les
poulets sur place, officiers comme
simples gardiens, assurent au « Canard »:" C'est de l'enfumage! Ces
actes sont intolérables, mais il s'agit
de vitres cassées, pas d'assaut, pas
d'attaque en règle. " Dans sa lettre
du 20 juin expliquant à Philippe
d'aller au carton, de chercher les fauteurs de troubles. C'est prendre des
risques. " Un haut gradé poursuit:
« On en attrape, des casseurs. A défaut de les surprendre en flagrant
délit, il est difficile de les confondre.
Surtout, la justice ne suit pas. "
Cazeneuve en est convaincu.
Selon sa propre comptabilité, les policiers ont, " depuis le début de ce
cycle de manifestations, procédé à
1 776 interpellations, donnant lieu
à 1 198 gardes à vue "· Se sont ensuivies " 95 condamnations en comparution immédiate "· Soit un ratio
de 10 %. " Attraper les fauteurs de
trouble, c'est possible, même si c'est
risqué, philosophe un chef poulet.
Mais encore faut-il apporter la
preuve de leur implication. Ce n'est
pas parce qu'ils ont une capuche
qu'ils sont coupables. Il faut des
Martinez les raisons de son refus images, des témoignages. Les juges
d'autoriser un nouveau défilé le 23, sont exigeants. "
Ce qui énerve passablement les
le ministre de l'Intérieur ne parle
pas de dévastation. Bernard Caze- poulets, leur ministre ... mais aussi
neuve donne raison à ses poulets et le parquet de Paris, qui trouve " intort au P remier ministre en faisant admissible que l'on inflige juste une
état de la" façade vitrée de l'hôpital amende de 700 euros à des délinNecker sérieusement dégradée " · quants, des racailles qui jettent des
Coût des dégâts estimé par l'Assis- canettes et d'autres projectiles sur
les policiers. D'ailleurs, nous faisons
. tance publiqu e : 200 000 euros.
systématiquement appel "· A en
croire ce magistrat, " l'exemple à
••. le CRS reste
suivre, c'est le tribunal de Marseille.
Ce ne sont pas les casseurs qui Là-bas, les condamnations à de la
vont payer la facture : ils courent prison ferme sont à la hauteur de ce
toujours. " L'objectif du maintien de qu'on est en droit d'attendre "·
Décentraliser toutes les manifs
l'ordre en France, rappelle JeanClaude Delage, c'est zéro blessé. En sur le Vieux-Port, voilà la solution!
Didier Hassoux
vertu de ce principe, c'est difficile
Drôle de pastis russe à Marseille
P
OUR les hooligans russes,
la baston est une activité
sérieuse, qui se prépare. Ainsi,
avant de mettre le feu au
Vieux-Port de Marseille, le
11 juin, leur leader était venu
en repérage . Le 30 mars,
Alexandre Shpryguin était à
Lille, le 31 mars, à Toulouse
et, le 1"' avril, à Marseille,
villes où l'équipe nationale allait disputer ses matchs de
l'Euro de football. Une descente qualifiée par son principal instigateur de " visite
d'études"· Niveau certificat de
castagnes?
Expulsé de France, le
18 juin, avec une vingtaine de
ses compatriotes pour cause
de " troubles à l'ordre public »,
le quadragénaire s'est repointé, le 20 juin, à Toulouse.
Un pied de nez éphémère : il
s'est fait de nouveau expulser
après la déculottée de son
équipe favorite face aux Gallois (0-3).
Lors de sa première visite,
le hooligan a avancé masqué.
D'abord en prévenant gentiment les autorités françaises
à Moscou de son déplacement -il a même été reçu officiellement par le consul. Puis
en effectuant, en France, la
tournée des popotes, rencontrant même des responsables
municipaux et préfectoraux de
sécurité. Un vrai petit ange ...
Une façon d'endormir les
autorités du foot européen.
Elles avaient pourtant été
averties. Depuis le début de
l'année, la Division nationale
de lutte contre le hooliganisme, composée d'une dizaine
de fonctionnaires, avait fait
part à l'UEFA du « risque important » que prenait l'organisateur en faisant jouer le
match Russie-Angleterre au
Vélodrome, le soir, après une
journée de beuverie au soleil.
" La sécurité ne les intéresse
pas, raille un grand flic. Ils
vendent un spectacle. Ils veu-
lent simplement que les violences ne nuisent pas au business. »
Avec Shpryguin, c'était loin
d'être gagné. Le camarade a
un sacré pedigree : s'il collabore étroitement avec le ministère des Sports de Russie,
cela ne l'empêche pas de fréquenter les milieux racistes et
d'extrême droite européens.
Dans les tribunes des stades,
comme à l'occasion de concerts
de groupes ultranationalistes,
il n'est pas rare de le voir bras
tendu et de l'entendre vociférer sa haine de tout étranger ...
Sa fédération des supporteurs
russes est constituée de « fac-
tions fascistes, surentraînées
et qui n'ont rien à voir avec le
foot », explique un diplomate.
En vue de l'Euro, dans plusieurs " notes d'information "
concernant les " activités des
associations européennes de
supporteurs >>, les flics français
avaient demandé " à l'ensemble des directions départementales de sécurité publique
d'être particulièrement vigilantes lors des déplacements
russes, notamment à Marseille,
Lille et Toulouse ».
Le message a dû se perdre
dans les eaux du Vieux-Port.
Plouf!