Paolo Assenza
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Paolo Assenza
Paolo Assenza Ombres vivantes , par Marie Frétigny Plasticien italien, Paolo Assenza reprend les choses de l’art à leur origine, lorsqu’une jeune femme, voyant partir son amant à la guerre, décida de garder l’empreinte de son ombre sur un mur. Depuis lors, les temps ont changé, les ombres se sont éclatées en reflets multiples et la vieille légende est traitée par l’artiste sur le mode de la fragmentation, d’esprit beaucoup plus contemporain. Paolo Assenza est né 1974 à Rome. Il a étudié la photographie, la publicité et la scénographie à l’Accademia di Belle Arti de Rome. Au sortir de l’école, il devient l’assistant de Bruno Aller, un peintre abstrait dont l’influence le marque fortement même s’il décide assez tôt de réintégrer la figuration dans sa propre peinture. La fréquentation du sculpteur Maurizio Mochetti a aussi été une influence déterminante. L’artiste a travaillé dans le quartier de San Lorenzo à Rome, en symbiose avec une communauté artistique active, à qui des précédents célèbres comme Bruno Ceccobelli, Gianni Dessì, Giuseppe Gallo, Nunzio, Piero Pizzi Cannella et Marco Tirelli ont ouvert la voie. Peinture cathodique La peinture telle que la conçoit Paolo Assenza est une technique plurimillénaire, une tradition au cœur de la culture italienne. Cependant la peinture contemporaine doit compter avec d’autres mediums, apparus notamment dans les dernières décennies. C’est donc une peinture informée que nous propose Paolo Assenza. L’artiste se passionne pour les écrans, particulièrement la télévision, ce rectangle lumineux qui attire l’œil et capture le regard. Les visages de la série Monologo Cathodico se révèlent à la lumière artificielle de l’écran. La télévision ne transforme pas seulement notre vision du monde par les images et fictions qu’elle diffuse ; comme objet, comme source de lumière, elle bouleverse la réalité qui l’environne en la passant à travers ce qui ressemble au crible coloré et démultipliant d’un kaléidoscope. Le réel moderne est souvent perçu et présenté de manière fragmentée. Depuis plus d’un siècle, avec l’apparition des avant-gardes, l’intégrité des formes s’est perdue, et le phénomène s’est encore accentué avec le post-modernisme à la fin du vingtième siècle. Paolo Assenza traduit cet état de fait avec ses silhouettes superposées qui correspondent aux différentes ombres d’une même personne placée devant plusieurs sources lumineuses. La superposition des différents profils évoque les figures aplaties de Mario Ceroli : Paolo Assenza s’inscrit dans une tradition nationale qu’il entend renouveler. Pour dessiner ses silhouettes, Paolo Assenza réalise dans son atelier un décalque des ombres de ses modèles, qui se détachent sur le mur au moyen d’un projecteur. Il utilise le plus souvent de la peinture acrylique : la couleur en aplats est utilisée dans une fonction de remplissage de la forme, déterminée par les contours de la silhouette : ce sont les « velature », ou voiles de peintures aux tons dégradés d’un même chromatisme. A partir de 2007, Paolo Assenza décide de compliquer cette superposition des ombres et se met à découper la surface du tableau au moyen de lignes verticales ou horizontales. Ces bandes en aplats et leurs contrastes colorés viennent rythmer la toile. Elles évoquent aussi les codes-barres informatiques qui viennent orner les marchandises que nous consommons. Avec Paolo Assenza, nous sommes toujours dans cette dialectique entre la fragilité d’une apparition humaine et les tentatives d’ordonnancement de cette magie par des moyens technologiques. Le mieux étant quand la technologie vient finalement à l’appui de l’apparition. Pour évoquer la télévision par exemple, Paolo Assenza travaille avec une minutie d’artisan, reprenant ses chromatismes jusqu’à obtenir une harmonie qui le satisfasse. Les couleurs sont souvent plus vives au début (avec des contrastes parfois acides) mais le travail se fait le plus souvent dans sens d’un adoucissement. De plus, les lignes viennent dessiner un espace en trois dimensions compliqué : les aplats marquent des plans différents et permettent de créer une profondeur, comme dans les Giocatori di carte (Joueurs de cartes), de 2008. La figure humaine est le sujet principal de cette œuvre, une figure qui s’offre sans cesse brouillée au regard. Ce sont des figures prises dans le quotidien de l’artiste, des enfants jouant, des amis, autoportraits. Quelques détails subsistent, mais c’est à l’ombre qu’est dévolue la tâche de suggérer l’essence de la personne. La ligne est tout ce qui permet d’identifier une personne, elle en marque les singularités (un profil, une posture), tandis que l’ombre vient dire de manière plate, grise, une présence. La combinaison des deux évoque de manière magique une personne. Vidéos, performances et installations Paolo Assenza peint sur des toiles de formats très différents. Il s’intéresse aussi à la peinture murale, et a été ainsi invité en résidence pour décorer une chambre dans le cadre du projet de l’hôtel Albornoz. Cet hôtel, situé à Spolète en Ombrie s’est donné la vocation de devenir un lieu de création artistique. Paolo Assenza à apprécié la dimension immédiate de l’entreprise : la projection sur la paroi murale lui paraît plus naturelle que sur toile. La décoration s’intitule La gaia assenza (la gaie absence) : détournant le lieu commun de la solitude de la chambre d’hôtel, l’artiste a peuplé le lieu de figures qui produisent un effet de continuité avec les habitants de la chambre. Renouant en 2006 avec les fresques maniéristes, il ne joue pas cependant sur le trompe-l’œil, mais convoque une sarabande de spectres, qui s’amusent de leur propre ombre. Ces préoccupations à teneur très picturale trouvent pourtant à s’exprimer dans d’autres médiums. Pour le festival de court métrage Molise Film festival 2009, Paolo Assenza a présenté une vidéo, Specchio acrilico (miroir acrylique). Le point de vue adopté est celui d’un poste de télévision qui regarderait son spectateur : le regardeur est regardé, suivant le principe souvent efficace du renversement. Le spectateur en question est une femme seule, et qui mange des chips de manière compulsive. Son visage, éclairé de bleu par la lumière caractéristique de la télévision, reflète les émotions provoquées par le programme. La vision est régulièrement brouillée par les lignes mouvantes, le signe distinctif de l’artiste étant ici retravaillé avec la donnée du mouvement, mais ici les couleurs sont agressives et artificielles : ce sont celles de la mire plutôt que les accords délicatement bleutés de la peinture. Le secret de la présence, et la douce impossibilité de l’absence sont les thèmes de prédilection de cet artiste au nom prédestiné. Quand nous nous oublions devant un écran, quand nous effectuons nos gestes quotidiens sans même y accorder d’attention, quand enfin nous quittons rapidement un lieu sans penser y laisser de trace, l’artiste capte nos ombres et les restitue và la lumière de l’œuvre.