N°268 - Reflux Gastro-Œsophagien chez le Nourrisson et chez l`Enfant
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N°268 - Reflux Gastro-Œsophagien chez le Nourrisson et chez l`Enfant
Examen Classant National / Programme Officiel (2013) Question N° 268. Reflux gastro-œsophagien chez le nourrisson et chez l'enfant - Diagnostiquer un reflux gastro-œsophagien et une hernie hiatale aux différents âges. - Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient. Pr Eric DOBREMEZ (Chirurgie Pédiatrique, Bordeaux) et Pr Thierry LAMIREAU (Gastroentérologie Pédiatrique, Bordeaux) Pr Emmanuel SAPIN (Chirurgie Pédiatrique, Dijon) Novembre 2014 I - Définition Le reflux gastro-œsophagien (RGO) définit le passage, à travers le cardia, du contenu de l’estomac dans l’œsophage, en dehors de tout effort de vomissement. C’est une pathologie fréquente avec une prévalence estimée à 10% dans la population de 0 à 17 ans. On distingue 2 entités : - le RGO physiologique, très fréquent chez le jeune nourrisson, qui se traduit par de simples régurgitations après les biberons, sans complications - le RGO pathologique qui s’accompagne de complications et/ou persiste après l’âge de la marche II - Physiopathologie La survenue d’un RGO fait intervenir plusieurs facteurs anatomiques et physiologiques qui peuvent s’associer. - la défaillance du sphincter inférieur de l’œsophage (SIO) est le facteur principal du RGO. Le SIO est une zone de haute pression qui s’oppose au gradient de pression abdomino-thoracique favorisant la remontée du contenu de l’estomac vers l’œsophage à chaque inspiration. Une baisse permanente du tonus de base ou la survenue de relaxations transitoires inappropriées, survenant en dehors de toute déglutition, favorisent le RGO. - les facteurs anatomiques peuvent également intervenir : exceptionnellement une hernie hiatale par glissement, une malposition cardiotubérositaire avec ouverture de l’angle de His (qui peut accompagner une malformation comme l’atrésie de l’œsophage). - le ralentissement de la vidange gastrique peut être du à l’âge (jeune nourrisson), la nature du repas ingéré (liquide, osmolarité, pH, densité calorique). - l’hyperpression abdominale (obésité, couches trop serrées) - la position allongée (nourrisson, encéphalopathe) - l’activité physique, la distension thoracique et l’effort respiratoire (asthme, mucoviscidose), la prise de médicaments (théophylline) ou de toxiques (tabagisme passif, voire actif chez l’adolescent, rarement alcool). - une anomalie du péristaltisme œsophagien. - la pression différentielle abdomino-thoracique : avec une pression endo-thoracique négative (inférieure à la pression atmosphérique), ayant tendance à ouvrir la lumière du segment œsophagien endothoracique, et une pression intra-abdominale positive (supérieure à la pression atmosphérique) ayant tendance à comprimer la lumière digestive : ainsi, un segment œsophagien intra-abdominal court ou absent a tendance à avoir une lumière ouverte et donc un tonus du cardia abaissé. Le RGO est aggravé par : - l’hypersécrétion acide gastrique qui peut se voir dans certaines situations pathologiques comme la mucoviscidose ou le syndrome du grêle court. - une œsophagite peptique favorisée par : une diminution de la clairance oesophagienne, qui détermine la durée d’exposition de la muqueuse oesophagienne à l’acidité et dépends de la position du patient (orthostatisme), du péristaltisme oesophagien et de la sécrétion salivaire, et par une diminution de la résistance de la muqueuse oesophagienne, variable d’un sujet à l’autre. Certains de ces facteurs s’associent pour expliquer la fréquence du RGO chez le jeune nourrisson : - la faible longueur de l’œsophage intra-abdominal et pression insuffisante du SIO (notamment chez le prématuré). - le caractère liquide et volume des repas ingérés (120 à 150 ml/kg/j comparés à 40 à 50 ml/kg/j chez l’adulte), distension gastrique (air ingéré au cours de la tétée). - la position souvent allongée. - l’hyperpression abdominale (couches trop serrées). L’amélioration de ces facteurs explique la disparition progressive des régurgitations dans les premiers mois de vie III - Epidémiologie La prévalence du RGO varie selon l’âge. Les régurgitations touchent environ 85% des nouveau-nés, correspondant à un « reflux physiologique ». La maturation du système anti-reflux et la disparition des facteurs favorisants permet une disparition progressive de ces régurgitations au cours des premiers mois : 10 à 15% des nourrissons régurgitent encore à 12 mois. Après l’âge de la marche, des signes de RGO persistent chez environ 10% des enfants, qui présentent alors un « reflux pathologique ». Les signes d’alerte sont synthétisés dans la Figure 1. IV - Manifestations cliniques IV.1 - Les manifestations digestives Les régurgitations sont fréquemment observées, elles débutent généralement dès le premier mois de vie et surviennent typiquement après les biberons, sont favorisées par la position allongée ou les changements de position. Elles peuvent s’accompagner de véritables vomissements qui persistent chez l’enfant plus grand. Des douleurs post-prandiales peuvent exister et sont d’expression variable selon l’âge : pleurs après les biberons chez le nourrisson, épigastralgies chez l’enfant plus grand qui peut décrire également un véritable pyrosis ou des brulures pharyngées. Une attitude en hyper-extension du rachis est parfois observée. Chez le nourrisson, une œsophagite peut être évoquée devant des pleurs répétés lors de la prise des biberons. Une diminution de la prise de poids peut s’observer, elle est conséquence de la baisse des apports caloriques en raison de l’importance des rejets et/ou à une limitation des prises alimentaires liée aux douleurs. L’œsophagite peptique peut compliquer un RGO, elle se manifeste chez le nourrisson par des pleurs lors des repas, limitant la prise alimentaire et associée à une stagnation pondérale. Les enfants plus grands peuvent être capables de décrire une dysphagie douloureuse ou des brulures rétrosternales (pyrosis). Le saignement associé à l’œsophagite peut se traduire de façon chronique par une anémie ferriprive ou se manifester de façon aigüe par une hématémèse. Ces complications peuvent être révélatrices du RGO chez le nouveau-né ou les enfants ne pouvant exprimer leurs symptômes, comme les enfants encéphalopathes. Non traitée, l’œsophagite peut se compliquer de sténose œsophagienne ou d’endo- brachyœsophage. IV.2 - Les manifestations extra-digestives (Figure 2) IV.2.1 – manifestations respiratoires : Les relations entre manifestations respiratoires et RGO sont complexes. D’une part le RGO peut engendrer une véritable maladie respiratoire par l’inhalation de particules alimentaires et de sécrétions gastriques acides. Cette inhalation entraine une inflammation des voies aériennes et des alvéoles responsable de pathologie obstructive et de pneumopathie interstitielle chroniques. Le déclenchement d’un bronchospasme réflexe secondaire à la stimulation nociceptive des récepteurs du bas-œsophage est souvent associé. A contrario le RGO peut être secondaire à une pathologie respiratoire chronique, par la distension thoracique et l’aplatissement des coupoles diaphragmatiques ouvrant l’angle de His, les efforts respiratoires qui augmentent le gradient de pression abdomino-thoracique, l’inflation thoracique et les médicaments bronchodilatateurs qui entraînent une relaxation du SIO. Les principales manifestations associées au RGO sont : - les bronchopathies récidivantes - l’asthme non allergique per-annuel mal contrôlé - une toux spasmodique survenant en première partie de nuit (toux de primo-décubitus) - des pneumopathies lobaires moyennes récidivantes IV.2.2 – Manifestations ORL : Le RGO peut entraîner des laryngites ou de trachéites récidivantes, une dysphonie, une inflammation pharyngée chronique et des otites à répétition, plus rarement des paresthésies ou douleurs pharyngées. La responsabilité du RGO dans la survenue de rhinopharyngites récidivantes et d’otites moyennes chroniques est moins bien établie. La confirmation du RGO devant des manifestations ORL récidivantes se fait par la pHmétrie couplant des enregistrements dans le bas-œsophage et au niveau de l’œsophage supérieur. IV.2.3 - Malaises : Les malaises du nourrisson sont d’origine multifactorielle, avec un rôle central joué par l’immaturité des centres neurovégétatifs responsable d’une hyperréactivité vagale. Le RGO peut agir comme facteur déclenchant, l’acidité gastrique stimulant les récepteurs du basœsophage. Ces malaises peuvent se traduire par des apnées obstructives (laryngospasme) ou centrales, accompagnées de perte de connaissance, d’accès de détresse respiratoire avec cyanose, d’accès d’hypotonie et parfois de convulsions secondaires. Ces manifestations peuvent nécessiter des manœuvres de réanimation. La responsabilité du RGO peut être évoquée, notamment en cas de survenue des malaises après le biberon, chez un nourrisson qui régurgite, en particulier si du lait est retrouvé dans la bouche ou le nez. Devant un tel tableau, un bilan neurologique, cardiovasculaire voire métabolique, est néanmoins nécessaire avant d’incriminer un reflux physiologique dans la genèse de ces malaises. IV.2.4 - Cervicales : Les douleurs pharyngées liées au RGO seraient responsables d’attitude antalgique et/ou de contracture réflexe des muscles du cou, entraînant le torticolis dans le syndrome de Sandifer. IV.3 - Les manifestations selon l’âge Chez le nouveau-né le RGO physiologique se manifeste par des régurgitations simples. On gardera toujours à l’esprit la possibilité d’une sténose hypertrophique du pylore, devant des vomissements s’aggravant rapidement malgré le traitement postural et diététique. Le RGO peut se compliquer d’œsophagite se manifestant par des pleurs et une mauvaise prise de poids, voire une hématémèse. C’est l’âge de prédilection des malaises. Chez le nourrisson, les formes digestives du RGO sont les plus fréquentes (80% des cas), évoluant de façon favorable le plus souvent. Dans 20% des cas les manifestations respiratoires peuvent être révélatrices. Chez l’enfant plus grand, les régurgitations disparaissent généralement et sont inconstamment remplacées par des vomissements chroniques. Les manifestations respiratoires sont les plus fréquentes, nécessitent la recherche du RGO par pHmétrie associée à un bilan plus complet (immunitaire, allergologique, ORL, EFR). La responsabilité du RGO est souvent affirmée devant la disparition des signes sous traitement anti-reflux d’épreuve. Les épigastralgies et le pyrosis seront ensuite de mieux en mieux décrits avec l’âge. Il faut souligner qu’un grand enfant peut débuter un RGO alors qu’il ne présentait aucun signe dans la petite enfance. IV.4 - Les manifestations survenant sur terrain pathologique Il faut souligner la fréquence et la gravité du RGO chez les enfants : - opérés d’une atrésie de l’œsophage. Le RGO peut se compliquer d’oesophagite, entretenir une sténose de l’anastomose, la trachéomalacie ou être responsable de manifestations pulmonaires et laryngées. - encéphalopathes ou présentant un retard mental sévère. Le RGO étant longtemps méconnu et révélé par une hémorragie digestive. - atteints de mucoviscidose, le RGO pouvant aggraver les lésions pulmonaires, entraîner des douleurs gênant la prise alimentaire et retentissant sur la prise de poids. V - Examens complémentaires Différentes explorations peuvent mettre en évidence le RGO : - directement - indirectement V.1 - Méthodes directes : V.1.1 – pHmétrie œsophagienne La pHmétrie est la méthode de référence pour le diagnostic de RGO acide. Elle consiste à enregistrer le pH du bas œsophage au moyen d’une électrode. L’enregistrement se fait idéalement à domicile sur une durée prolongée (20 à 24h) permettant de rechercher le RGO dans les différentes circonstances physiologiques (repas, sommeil, différentes positions). L’analyse des données recueillies permettent de calculer différents paramètres : nombre de reflux, durée du reflux le plus long, durée moyenne des reflux, et surtout pourcentage de temps passé à pH <4. L’examen permet de quantifier l’exposition acide dans l’œsophage, un RGO pathologique étant confirmé en cas de pH<4 supérieur à 5% du temps. Il est utile également d’analyser de façon qualitative le tracé, de préciser la survenue nocturne ou diurne des épisodes de reflux et rechercher une corrélation temporelle entre des symptômes recueillis au cours de l’enregistrement et des baisses de pH. La sensibilité et la spécificité de la pHmétrie sont d’environ 95%. Néanmoins cet examen ne détecte que les reflux acides. Le développement récent de l’impédancemétrie œsophagienne capable de détecter les mouvements de liquide, acide ou non, dans l’œsophage permettra de mieux diagnostiquer les reflux non acides ou faiblement acides. V.1.2 - Transit OesoGastroDuodenal (TOGD) Le TOGD est irradiant et peu sensible car il ne visualise le RGO que dans la moitié des cas. Il garde par contre son intérêt pour rechercher des anomalies anatomiques associées au RGO (malposition cardiotubérositaire, hernie hiatale) ou des anomalies responsables de manifestations cliniques proches (arc vasculaires, fistule œsotrachéale). Il est donc indiqué seulement en cas d’échec du traitement médical ou lors d’un bilan préopératoire. Son intérêt réside principalement sur l’analyse de la vidange gastrique (rapidité des passages antroduodénaux). V.1.3 – Scintigraphie œsophagienne La scintigraphie œsophagienne au technétium permet de générer une courbe d’activité oesophagienne en fonction du temps mais sa sensibilité (60 à 70%) est médiocre pour le diagnostic de reflux gastro-oesophagien et cet examen est peu disponible. Elle peut être intéressante pour étudier la vidange gastrique ou mettre en évidence des inhalations sur les images pulmonaires. V.2 - Méthodes indirectes V.2.1 – Endoscopie L’endoscopie, réalisable à tout âge, est l’examen de référence pour le diagnostic de l’œsophagite peptique et de ses complications (sténose, endobrachyœsophage). La présence d’une œsophagite peptique se traduit macroscopiquement par des pertes de substance au moins épithéliales (érosions) plus rarement profondes (ulcérations) dont on précise l’étendue et le caractère circonférentiel ou non. Elle permet alors d’affirmer un RGO, mais sa normalité n’élimine pas ce diagnostic dans les formes non compliquées. L’endoscopie est indiquée devant des signes évocateurs d’œsophagite sans qu’il n’y ait de parallélisme entre l’importance clinique du reflux et celle des lésions muqueuses. Des biopsies peuvent être réalisées pour confirmer le diagnostic si les lésions macroscopiques sont discrètes. Dans la Figure 3, les autres étiologies d’œsophagite. V.2.2 – Manométrie La manométrie oesophagienne permet d’enregistrer les pressions aux différents niveaux de l’œsophage (corps, sphincters supérieur et inférieur). Elle n’objective pas le RGO mais peut mettre en évidence des facteurs aggravant comme une hypotonie du SIO ou des troubles du péristaltisme oesophagien altérant la clairance acide. Moins utilisée en pratique courante, elle peut être indiquée en cas de RGO rebelle aux traitements ou de suspicion de troubles moteurs (achalasie, dyskinésie). V.2.3 – Echographie abdominale Cet examen n’a pas de place dans l’exploration d’un RGO. Elle permet le diagnostic différentiel de la sténose hypertrophique du pylore chez le nouveau-né. V.3 - Stratégie des examens complémentaires et diagnostic différentiel Le diagnostic de RGO doit être clinique lorsque les signes sont typiques : régurgitations non compliquées chez le nourrisson, pyrosis et vomissements chez l’enfant plus grand. Dans ces formes typiques et non compliquées, d’évolution favorable sous traitement, aucun examen complémentaire n’est alors nécessaire. V.3.1 - En cas de malaises du nourrisson Le diagnostic de RGO peut nécessiter une pHmétrie éventuellement couplée à un enregistrement cardio-respiratoire pour rechercher une corrélation entre les symptômes et les baisses de pH, ainsi qu’un TOGD surtout pour éliminer d’autres causes (troubles de déglutition, arc vasculaire anormal, fistule œso-trachéale). Le bilan généralement plus complet, comprenant notamment des explorations neurologiques (EEG, échographie transfontanellaire), cardiovasculaires (ECG, radiographie de thorax, échographie, Holter), métaboliques (cycles glycémique, lactates, ammoniémie, chromatographie des acides aminés et organiques). V.3.2 - En cas de troubles respiratoires ou ORL récidivants La pHmétrie de longue durée est l’examen le plus performant pour le diagnostic de RGO, et doit analyser notamment la période nocturne. Le bilan comprend également des exploratoires allergologiques (tests cutanés, IgE spécifiques), pneumologiques (radiographie de thorax, EFR), immunologiques (dosage des immunoglobulines et sous-classes, numération de lymphocytes), ORL (recherche de foyer infectieux chronique, nasofibroscopie). La responsabilité du RGO dépendra de l’absence d’autres causes et de l’évolution sous traitement anti-reflux. V.3.3 - En cas de signes évocateurs d’œsophagite L’endoscopie est l’examen indiqué. Celle-ci sera effectuée facilement chez les enfants à risque, comme les enfants encéphalopathes ou ceux opérés d’une atrésie de l’œsophage. V.3.4 - En cas d’échec du traitement médical Un bilan complet est nécessaire : pHmétrie, endoscopie, TOGD, voire manométrie pour certains, afin de discuter du traitement chirurgical. La Figure 4 propose une vue synthétique de ces explorations complémentaires. VI - Traitement du RGO VI.1 - Le traitement médical Il est destiné à limiter les facteurs pathogènes et éviter les conséquences du RGO, en agissant sur ; volume et composition des repas, position, acidité gastrique, tonus du SIO, résistance de la muqueuse oesophagienne. VI.1.1 – Position L’orthostatisme est efficace pour limiter les remontées gastriques chez le petit nourrisson. La position en décubitus dorsal, enfant incliné avec la tête du lit surélevée (angle de 30° par rapport à l’horizontale) est facilitée par l’utilisation de harnais. La position en baby-relax est par contre déconseillée car elle augmente la pression abdominale. VI.1.2 - Mesures hygiéno-diététiques Elles consistent chez le nourrisson à diminuer les rations excessives, à fractionner l’alimentation en augmentant le nombre de biberons et réduisant leur volume, à épaissir le lait par des pectines cellulosiques (Gélopectose®), de mucilages (Gumilk®) ou d’amidon (Magicmix®, Thicken up®) ou par l’emploi de formules infantiles pré-épaissies (laits antirégurgitations AR). Chez l’enfant on peut limiter certains aliments comme le chocolat et les jus de fruits, et certains médicaments diminuant le tonus du SIO comme la théophylline. Il faut insister auprès des parents pour soustraire l’enfant d’un environnement tabagique. VI.2.3 – Médicaments Les prokinétiques améliorent le tonus du SIO et accélèrent la vidange gastrique mais leur efficacité est inconstante. La dompéridone (Motilium®, Motilio®, Péridys®) peut être utilisée à la dose de 2 mg/kg/j répartie en 4 prises avant les repas. Les anti-acides neutralisent l’acidité gastrique et protègent la muqueuse œsophagienne. On utilise des préparations à base de sels de magnésium ou d’aluminium (Phosphalugel®, Maalox®) qui se donnent avant les repas et les alginates (Gaviscon®) à prendre après les repas. Les anti-sécrétoires diminuent la sécrétion acide gastrique en agissant soit sur les récepteurs à l’histamine (anti-H2) soit en inhibant la pompe à protons (IPP). Le seul anti-H2 ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) chez le nourrisson et l’enfant est la cimétidine (Tagamet®) à la dose de 20 mg/kg/j, bien que la ranitidine (Raniplex®, Azantac®) soit la seule à être parfoit prescrite, à la dose de 10 mg/kg/j en 1 à 2 prises. Les effets secondaires des antiH2 sont surtout biologiques (leucopénie, thrombopénie, augmentation des enzymes hépatiques ou pancréatiques). Les IPP n’ont l’AMM qu’à partir d’un an, à la dose de 1 mg/kg/j en 1 voire 2 prises, ce sont l’oméprazole (Mopral®, Zoltum® : gélules à 10 et 20 mg) indiqué en cas d’œsophagite par reflux et l’ésoméprazole (Inexium® : sachet à 10 mg et cp gastrorésistants à 20 mg) indiqué en cas d’œsophagite par reflux ou de RGO symptomatique. Après 12 ans on peut utiliser également le pantoprazole (Eupantol® : cp gastrorésistants à 20 mg) à la dose de 20 mg/j. Les effets secondaires des IPP sont rares, essentiellement à type de diarrhée ou de céphalées. VI.2.4 – Traitement chirurgical L’intervention chirurgicale consiste à replacer l’œsophage abdominal en bonne position, resserrer les piliers du hiatus œsophagien et réaliser un montage anti-reflux dynamique. La principale technique utilisée est l’intervention de Nissen qui réalise un manchonnage de l’œsophage abdominal par la grosse tubérosité gastrique. Elle peut être réalisée par laparoscopie et s’avère généralement très efficace. Elle comporte néanmoins un certain taux d’échecs et/ou de complications à type de dysphagie, gastroparésie, dumping syndrome. Bien poser l’indication chirurgicale nécessite un bilan complet pour être certain du diagnostic de RGO (pHmétrie) et de ses complications éventuelles (fibroscopie), apprécier les conditions anatomiques (TOGD) et pour certains apprécier le pronostic (manométrie). VI.3 - Indications thérapeutiques Elles dépendent de l’âge de l’enfant, des complications, et du terrain. Elles sont résumées dans la Figure 5. VI.3.1 – Régurgitations simples du nourrisson Elles ne justifient pas de traitement médicamenteux. L’orthostatisme et les mesures hygiénodiététiques sont le plus souvent suffisants. VI.3.2 – RGO persistant ou compliqué En cas de régurgitations douloureuses et/ou persistantes chez le nourrisson, la prescription d’un antiacide et d’un prokinétique est justifiée. Une œsophagite par reflux constatée par endoscopie nécessite un traitement anti-sécrétoire par IPP pendant 4 à 8 semaines à partir de l’âge d’un an (AMM pour Inexium® 10 mg et Mopral® 10 mg). En l’absence d’AMM pour les IPP, les anti-H2 sont indiqués chez le nourrisson avant l’âge d’un an. Néanmoins, en raison de la meilleure efficacité des IPP, l’AFSSAPS recommande leur utilisation avant l’âge d’un an en utilisant ceux autorisés pour le jeune enfant (Inexium® 10 mg et Mopral® 10 mg). Après l’âge de 12 ans, un traitement d’entretien peut être proposé pour prévenir les récidives après cicatrisation d’une œsophagite par reflux (AMM pour Inexium® 20 mg et Eupantol® 20 mg). En cas de RGO acide symptomatique persistant, sans œsophagite, un traitement par IPP peut être proposé pendant 4 à 8 semaines (AMM pour Inexium® 10 mg à partir de 1 an ; Inexium® 20 mg et Eupantol® 20 mg à partir de 12 ans). En cas de manifestations extradigestives, un IPP peut être prescrit si le RGO acide a été authentifié par pHmétrie (AFSSAPS). VI.3.3 – Traitement chirurgical Les indications opératoires sont plus rares. L’intervention réservée à l’œsophagite grave, rebelle au traitement médical ou compliquée de sténose. Elle peut être exceptionnellement proposée chez le nourrisson, en cas de pneumopathie interstitielle ou de malaises graves pour lesquels la responsabilité du RGO est certaine. Chez l’enfant plus grand, elle peut se discuter en cas de vomissements chroniques gênant les activités quotidiennes et non améliorés par un traitement médical optimum et bien observé. Figure 1 : Les signes d’alerte Régurgitations ou vomissements chroniques chez le nourrisson Envisager des diagnostics différentiels + Signes d’alerte ? - Régurgitations simples du nourrisson Réassurance Traitement diététique et postural Education : signes d’alerte ? Complications ? + Mauvaise prise de poids Pleurs, gêne à l’alimentation Apports caloriques suffisantsnon ? oui Rechercher : Œsophagite APLV Autres diagnostics Disparition à l’âge de la oui marche ? non Surveillance + Conseils diététiques non Consultation spécialisée Reprise pondéraleoui ? Surveillance Signes d’alerte nécessitant des investigations en cas de régurgitations/vomissements chroniques : • • • • • • • • • • • • • • • • • Début des vomissements après 6 mois Vomissements bilieux Hématémèse Retard de croissance Diarrhée Constipation Fièvre Léthargie Hépatomégalie Splénomégalie Fontanelle bombée Macrocéphalie Microcéphalie Convulsions Météorisme abdominal Défense abdominale Suspicion de maladie génétique ou métabolique Manifestations extra-digestives (prendre un avis spécialisé) Respiratoires ORL Toux spasmodique nocturne Bronchopathies récidivantes Pneumopathies lobaires moyennes récidivantes Asthme non-allergique persistant Pneumopathie interstitielle Laryngites ou trachéites récidivantes Pharyngite chronique Otites ou sinusites récidivantes Erosions dentaires Existe-t’il une autre cause ? Existe-t’il une autre cause ? Bilan allergique, Cs ORL Rx thorax, EFR Test de la sueur Bilan immunitaire Fibroscopie bronchique Scanner thoracique Bilan allergique Cs ORL, Nasofibroscopie Bilan immunitaire oui non pH-métrie + impédancemétrie oesophagienne Diagnostic de RGO ? Rx thorax, TOGD ECG, échocardio EEG, écho crâne Bilan métabolique oui non Traitement spécifique Signes typiques de RGO associés ? Régurgitations Vomissements Pyrosis non non Existe-t’il une autre cause ? oui non Signes typiques de RGO associés ? Traitement spécifique Malaises du NRS oui Régurgitations Vomissements oui oui non pH-métrie + impédancemétrie oesophagienne Traitement du RGO oui Figure 2 : Les manifestations extra-digestives Diagnostic de RGO ? non Figure 3 : Autres causes d’œsophagite Reflux gastro-œsophagien Œsophagite à éosinophiles Infections : Candida albicans, Herpes simplex, Cytomegalovirus Maladie de Crohn Réaction du greffon contre l’hôte (GVH) Lésions post-sclérose ou ligature de varices œsophagiennes Ingestion de caustique Œsophagite médicamenteuse Œsophagite post-radique Maladies de système Epidermolyses bulleuses Maladie de Stevens-Johnson Lymphome Reflux clinique sans complication Pas d’examens complémentaires Mauvaise réponse au traitement hygiéno-diététique Symptômes atypiques : Respiratoires, ORL, malaises pHmétrie Pleurs incessants Pyrosis Hématémèse Dysphagie Fibroscopie œsophagienne Reflux prouvé par pHmétrie répondant mal au traitement médical Transit œso-gastro-duodénal Bilan préopératoire Figure 4 : Indication des examens complémentaires dans le RGO. Reflux « physiologique » Rassurer les parents Règles hygiénodiététiques Guérison à 18 mois Prokinétiques avant le repas Alginates le soir au coucher Reflux « gênant » Traitement par IPP possible après l’âge de 1 an Œsophagite peptique Avant l’âge de 1 an : Anti H2 ? (en pratique plutôt IPP hors AMM) Après l’âge de 1 an : IPP Reflux non maitrisé Chirurgie anti-reflux Figure 5 : Vue synthétique des indications thérapeutiques Points essentiels : - Le reflux gastro-œsophagien est très fréquent chez l’enfant. - La plupart sont non compliqués, de diagnostic clinique, d’évolution favorable et ne nécessitent aucun traitement médicamenteux. - Le RGO, comme son nom l’indique est une remontée de liquide gastrique. La présence de bile dans les vomissements doit éliminer ce diagnostic au profit de celui d’occlusion intestinale. - Méfiez vous de la sténose hypertrophique du pylore jusqu’à l’âge de trois mois. - Chaque examen complémentaire est indiqué dans des situations précises ; pHmétrie en cas de signes respiratoires, fibroscopie en cas de suspicion d’œsophagite et TOGD pour diagnostiquer des anomalies anatomiques. Ils font l’objet de références médicales opposables. - Le traitement est bien codifié, avec un éventail qui va des règles posturales et diététiques jusqu’à la chirurgie anti-reflux.