Cour du travail de Liège Arrêt

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Cour du travail de Liège Arrêt
Expédition
Numéro du répertoire
Délivrée à
Pour la partie
N° d'ordre
2014 /
R.G. Trib. Trav.
12/425/A
Date du prononcé
le
€
JGR
25 août 2014
Numéro du rôle
2013/AN/162
En cause de :
S.A.H.F
C/
OFFICE NATIONAL DE SECURITE
SOCIALE
Cour du travail de Liège
Division Namur
13e chambre - Namur
Arrêt
+ Droit de la sécurité sociale des travailleurs salariés – Cotisations –
Rémunération – Avantage complémentaire à la sécurité sociale – Doublement
des allocations familiales – Catégorie déterminée du personnel – Octroi à la
seule secrétaire de direction par ailleurs épouse de l’administrateur-délégué –
Incidence d’une discrimination éventuelle à l’égard des autres membres du
personnel – Catégorie de personnel ne comprenant qu’un seul travailleur –
Incompatibilité avec l’octroi d’un avantage social – Rémunération déguisée –
Loi du 27/6/1969, art.14 et 45 ; Loi du 12/4/1965, art.2 ; A.R. du 28/11/1969,
art. 19 à 19quater
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N° d'ordre
EN CAUSE DE :
LA S.A. H.F
appelante, comparaissant par MMes Paul Crahay et Pascale Babilone, avocats, et
comparaissant par cette dernière.
CONTRE :
L’OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE, en abrégé O.N.S.S., établissement public dont
le siège est sis à 1060 BRUXELLES, Place Victor Horta, 11, inscrit à la B.C.E. sous le
n°0206.731.645
intimé, comparaissant par Me Luc-Pierre Maréchal, avocat.
*
*
*
MOTIVATION
L’arrêt est fondé sur les motifs suivants :
1. Quant à la recevabilité de l’appel.
Il ne résulte d’aucune pièce ni élément du dossier que le jugement dont appel
aurait été signifié.
L’appel, régulier en la forme, est recevable.
2. Les faits.
- Mme H
, ci-après l’employée, est occupée par la société H.F, ci-après l’appelante, société dont son
mari est l’administrateur-délégué. Elle occupe la fonction de secrétaire de direction.
- Lors d’un contrôle effectué par les services de l’Inspection sociale, il apparait qu’elle perçoit
en complément à sa rémunération l’équivalent des allocations familiales (soit 273,17 € par
mois) non déclaré à l’O.N.S.S.
- Lors du contrôle, l’employée n’a pas pu expliquer pourquoi elle recevait cet avantage.
- Le 21 février 2012, l’O.N.S.S. décide de régulariser la situation en incluant dans la
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rémunération l’avantage accordé à cette seule employée. Il se fonde sur le fait que
l’avantage n’est accordé qu’à un seul travailleur, par ailleurs épouse de l’administrateurdélégué, alors que d’autres sont aussi dans les conditions pour en bénéficier en telle sorte
que « le but n’est pas de compléter les allocations familiales mais d’octroyer une prime à un
travailleur en particulier ».
3. La demande et la demande reconventionnelle.
Par requête contradictoire du 20 mars 2012, l’actuelle appelante conteste
l’inclusion de l’avantage dans la rémunération à assujettir à la sécurité sociale.
Par conclusions du 3 octobre 2012, l’O.N.S.S. entend voir la société appelante
être condamnée à lui verser la somme de 3.564,16 € représentant les cotisations éludées,
majorées des intérêts légaux sur les cotisations (2.740,76 €), relatives à l’octroi de l’avantage
durant la période allant du 3e trimestre 2008 jusqu’au 31 mars 2010, l’avantage ayant été
réduit depuis le 1er avril 2010 et ramené à 50 € par enfant ce qui est conforme à une
directive interne de l’O.N.S.S. pour faire échapper cet avantage à l’assujettissement à la
sécurité sociale.
4. Le jugement.
Le tribunal estime que les sommes versées en complément aux avantages de
sécurité sociale ne peuvent être qualifiées comme telles dès lors que l’employée n’a pu
donner aucune explication lorsqu’elle a été entendue, que si l’objectif avait été de venir en
aide aux parents qui ont des enfants, il ne se justifie pas de n’intervenir que pour la seule
secrétaire de direction et de négliger les parents ayant un bas salaire et enfin que l’article 45
de la loi exige que tous les travailleurs placés dans la même situation jouissent du même
avantage.
Il rejette la demande principale et fait droit à la demande reconventionnelle.
5. L’appel.
L’appelante relève appel au motif que l’article 45 de la loi n’interdit pas qu’un
avantage d’ordre social complémentaire ne soit accordé qu’à une seule catégorie de
bénéficiaire et que les arguments retenus par le tribunal ne sont pas pertinents.
6. Fondement.
6.1. Les textes.
La loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la
sécurité sociale des travailleurs prévoit :
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Article 14 :
§ 1er. Les cotisations de sécurité sociale sont calculées sur base de la rémunération des
travailleurs. Toutefois, le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, élargir ou
restreindre la notion ainsi déterminée.
§ 2. La notion de rémunération est déterminée par l’article 2 de la loi du 12 avril 1965
concernant la protection de la rémunération des travailleurs. Toutefois, le Roi peut, par
arrêtés délibéré en Conseil des Ministres, élargir ou restreindre la notion ainsi déterminée.
Article 45 :
Tout employeur qui accorde volontairement à son personnel des avantages d’ordre social
complémentaire de ceux qui résultent de la présente loi doit les accorder sans distinction à
tous les travailleurs de son entreprise appartenant à une même catégorie.
Dans les entreprises qui occupent plus de vingt travailleurs, ces avantages doivent être
accordés suivant un règlement établi avec le concours de représentants du personnel qui
seront désignés selon une procédure fixée par arrêté royal.
Un 3e alinéa, qui ne vise que les pensions complémentaires et non les autres avantages
complémentaires à la sécurité sociale, a été ajouté par la loi du 5 mai 2014 (et donc ne
concerne pas les cotisations réclamées dans le cadre de l’action soumise à la Cour) :
Cet article n’est pas d’application aux pensions complémentaires telles que visées à l’article
3, § 1er, 1°, de la loi du 28 avril 2003 relative aux pensions complémentaires et au régime
fiscal de celles-ci et de certains avantages complémentaires en matière de sécurité sociale.
L’article 2 de la loi du 12 avril 1965 dont il est question à l’article 14 susvisé
précise :
La présente loi entend par « rémunération » :
1° le salaire en espèces auquel le travailleur a droit à charge de l’employeur en raison de son
engagement ;
2° le pourboire […] ;
3° les avantages évaluables en argent auxquels le travailleur a droit à charge de l’employeur
en raison de son engagement.
Le Roi peut, sur proposition du Conseil national du Travail, étendre la notion de
« rémunération » telle qu’elle est définie à l’alinéa premier.
Toutefois, ne sont pas à considérer comme rémunération, pour l’application de la présente
loi :
1° les indemnités payées directement ou indirectement par l’employeur :
a)
comme pécule de vacances ;
b)
qui doivent être considérées comme un complément aux indemnités dues par
suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ;
c)
qui doivent être considérées comme un complément aux avantages accordés
pour les diverses branches de la sécurité sociale ; […].
Les articles 19 à 19quater de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en
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exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la
sécurité sociale des travailleurs reprennent diverses exceptions.
Selon l’instruction de l’O.N.S.S. 2014/021,
« Les montants qui doivent être considérés comme un complément à un avantage octroyé
par une branche de la sécurité sociale ne constituent pas de la rémunération. Dans ce cadre,
la notion d’avantage social doit être interprétée de manière restrictive. Il ne peut s’agir que
de compléments :
- aux pensions légales ;
- aux allocations de chômage, en ce compris l’allocation octroyée par l’ONEM aux personnes
en interruption de carrière professionnelle ;
- aux allocations familiales ;
- aux indemnités accordées en cas de maladie (professionnelle ou non) ou d’accident (de
travail ou non).
Un complément à une allocation telle que, par exemple, le revenu d’intégration ou une
allocation octroyée à une personne handicapée ne relève pas d’une de ces catégories et,
pour cette raison, n’est pas exclu de la notion de rémunération.
Les avantages que l’employeur accorde en complément à un avantage social sont exclus de
la notion de rémunération. Par conséquent, les cotisations ordinaires de sécurité sociale ne
sont pas dues sur ces derniers. Cela n’implique toutefois pas qu’aucune cotisation spéciale
ne soit due sur ces avantages. C’est, par exemple, le cas pour les compléments aux pensions
légales passibles d’une cotisation de 8,86 %.
[…]
En règle générale, pour déterminer si un avantage possède le caractère de « complément »,
l’O.N.S.S. considère que l’octroi de cet avantage ne peut pas avoir pour conséquence
d’entraîner la perte de l’avantage social.
En outre, il doit ressortir clairement des raisons de l’octroi, de la nature et de la façon dont il
est calculé qu’il s’agit effectivement d’un complément à l’avantage social.
Les primes versées par un employeur auprès d’une société d'assurances (par exemple dans
le cadre d’une assurance hospitalisation) en vue de permettre à ses travailleurs et à leur
famille de bénéficier d’une intervention complémentaire en cas de maladie ou d’accident
(de droit commun ou de travail) sont également exclues de la notion de rémunération. Cette
exclusion joue uniquement, tant pour les contrats d’assurance individuels que pour les
assurances groupe, dans la mesure où les avantages auxquels ces primes donnent lieu
constituent eux-mêmes un complément à un avantage social. Si les primes sont versées par
le travailleur lui-même à une société d’assurances, leur remboursement par l’employeur
sera également exclu de la notion de rémunération ».
6.2. Leur interprétation.
1
https://www.socialsecurity.be/instructions/fr/instructions/table_of_content/dmfa/201402/content/salary/particularcases/suplements_at_socialbenefits.html
Voir aussi M. MORSA, La notion de rémunération en sécurité sociale, Larcier, 2008, p.47.
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Comme le relève B. SMEESTERS, « La définition légale de la rémunération servant
de base de calcul n’est pas concomitante à l’avènement du système de sécurité sociale. En
effet, l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 ne contenait pas de définition de la rémunération.
Cette notion est définie dans l’article 2 de la loi du 12 avril 1965. Avant l’entrée en vigueur
de cette législation, c’était l’Office belge de sécurité sociale qui, principalement sur la base
de la doctrine et de la jurisprudence en matière de législation du travail ou de l’adage
accessorium sequitur principale interprétait cette notion de façon empirique : confronté à de
préoccupations contradictoires visant d’une part à encourager l’octroi par les employeurs
d’avantages sociaux complémentaires et, d’autre part, à éviter la tendance à éluder
l’obligation de cotiser par le paiement de rémunérations déguisées, il considérait comme
rémunération « toutes les sommes et avantages alloués par l’employeur en vertu du contrat
de travail ou d’un usage constant pour autant qu’ils concernent une période d’activité du
travailleur, de même que toutes les sommes et avantages que l’employeur doit accorder en
vertu de prescriptions légales ou réglementaires, même en cas de suspension ou de rupture
du contrat de travail », tout en assortissant cette conception d’une série d’exceptions. C’est
dès lors dans un souci de sécurité juridique qu’il a été envisagé de remplacer l’interprétation
administrative par une définition légale. La reconnaissance par la Cour de cassation du
caractère d’ordre public des dispositions légales fixant les bases de calcul des cotisations de
sécurité sociale contribue à renforcer cette sécurité juridique »2.
En ce qui concerne plus spécifiquement les avantages accordés en supplément
aux sommes versées dans les diverses branches de la sécurité sociale, le principe doit être
que les indemnités versées par l’employeur, comme un complément à des prestations
familiales, ne constituent pas de la rémunération. La partie qui entend soutenir le contraire
en a la charge de la preuve3.
La Cour du travail de Gand4 statue en sens inverse au motif que la loi concernant
la protection de la rémunération doit être interprétée de manière restrictive et que dès lors
toute exception est de cette nature.
Si l’exception doit en effet s’interpréter de manière restrictive, il n’en découle
pas pour autant que la charge de la preuve doit être mise à charge de celui qui invoque
l’exception. Le principe dégagé par la loi consiste à exclure de la rémunération tout avantage
complémentaire à la sécurité sociale. Dès lors qu’une partie invoque et établit qu’il s’agit
d’un avantage complémentaire à la sécurité sociale, elle fait supporter par l’autre partie la
preuve qu’il ne s’agit en réalité pas d’un avantage complémentaire mais de rémunération
déguisée.
2
B. SMEESTERS, « Les cotisations ordinaires » in Sécurité sociale des travailleurs salariés – Financement du
régime, Guide social permanent, Partie I, Livre I, Titre II, Chap. II, 1 – n°50 à 70.
3
B. SMEESTERS, « Les cotisations ordinaires », op.cit., n°520 et Cour trav. Bruxelles, 8 juin 1978, R.D.S.,
1978, p.113, note D. PARISIS-DRESSE.
4
Cour trav. Gand, 3 janvier 2013, R.G. n°2011/AR/265, O.N.S.S. c/ A.
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Il faut donc tenir pour acquis que la charge de la preuve du caractère non
rémunératoire d’un avantage complémentaire à la sécurité sociale repose sur celui qui
soutient qu’il est de nature rémunératoire.
*
*
*
Il n’incombe pas à l’O.N.S.S. de rétablir, par une directive au demeurant non
produite émanant de son comité de gestion (issue selon l’Office d’une pratique fiscale
mettant en œuvre l’article 38, §1er, 11° alinéa 1 du C.I.R. 1992, dans sa version antérieure au
1er janvier 2013, par une circulaire administrative du SPF Finances du 16 décembre 2002),
une distinction selon le montant de l’avantage, montant qu’il fixe à 50 € par enfant et par
mois et au-delà duquel il entend déduire que l’avantage ne rentre plus dans un complément
à la sécurité sociale.
En effet, ce faisant, l’Office réintroduit par la fenêtre une interprétation
administrative alors que le législateur a précisément voulu donner une définition légale et
assurer la sécurité juridique.
*
*
*
Quant à l’obligation d’un octroi qui serait dépourvu de caractère discriminatoire
à l’égard des autres membres du personnel, le texte de l’article 45 impose seulement que
l’avantage complémentaire soit reconnu « à tous les travailleurs de [l’]entreprise
appartenant à une même catégorie ».
Il a été jugé que la relative modicité du complément versé, variable en fonction
du niveau d’enseignement suivi par l’enfant, et l’absence de toute relation avec les
prestations de travail permettent d’écarter toute intention rémunératoire et que par
ailleurs, il n’est illicite ni d’accorder des avantages à une catégorie de travailleurs (cadres et
employés, d’une part, et ouvriers, de l’autre) dès lors que l’article 45 de la loi n’interdit de
distinction qu’entre une même catégorie de travailleurs, ni d’établir une distinction dans les
montants accordés entre les employés et les cadres5.
De même, l’octroi d’un avantage complémentaire aux allocations familiales aux
seuls cadres ne contrevient pas à la loi dès lors qu’il est accordé à une catégorie de
travailleurs, ce qui est un critère objectif, et que la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre
certaines formes de discrimination ne s’applique pas puisque les critères qu’elle énonce à
son article 4, 4°, ne sont pas concernés, y compris celui de la fortune qui ne vise pas les
5
Trib trav. Bruxelles, 13 juin 2013, Chron.D.S., 2013, p.165. Ce jugement fait l’objet d’un appel.
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revenus du travail6.
Il a a contrario été jugé que l’octroi d’un avantage, en l’espèce forfaitaire mais
inférieur au montant qu’il complète, à une catégorie de personnel (cadre) et pas à une autre
est discriminatoire dès lors que la charge financière d’un enfant est la même7, et, pourraiton même ajouter, supérieure pour un salarié qui gagne moins bien sa vie que pour un cadre.
Les dispositions légales permettent cependant à l’employeur d’accorder à une
partie du personnel un avantage complémentaire à la sécurité sociale et de ce fait de ne pas
devoir payer des cotisations de sécurité sociale sur cet avantage. La seule restriction, outre
le fait qu’il doit s’agir d’un avantage de cette nature, consiste à assurer l’octroi à tous les
travailleurs relevant de la même catégorie de personnel.
Cette restriction pose assurément problème lorsque seul un travailleur est
concerné parce qu’il est le seul à rentrer dans la catégorie visée par l’octroi de l’avantage
complémentaire.
Tant la loi que les arrêtés d’exécution ne donnent aucune précision sur la notion
de catégorie de personnel.
Dans la législation relative aux conseils d’entreprise ou aux comités pour la
prévention et la protection au travail, il existe diverses catégories de membres du
personnel : le personnel de direction, le personnel de cadre, les employés et les ouvriers,
sans oublier les jeunes travailleurs.
Que faut-il entendre par même catégorie de personnel dans la législation relative
à l’assujettissement à la sécurité sociale et plus spécialement à l’article 45 ?
La Cour estime qu’il suffit que la catégorie de personnel puisse être distinguée
sans discussion : il peut s’agir non seulement d’une des catégories visées ci-dessus mais
encore de toute catégorie identifiable dans l’entreprise (exemple, les travailleurs astreints à
un travail particulièrement pénible).
Cependant, une catégorie de membres du personnel ne peut compter une seule
personne mais bien un ensemble de travailleurs composant cette catégorie. Un avantage
social ne peut être alloué à un travailleur individuellement même s’il constitue à lui seul une
catégorie de personnel au sens de la loi du 20 septembre 1948. Tous les travailleurs
appartenant à la même catégorie doivent être concernés ce qui implique qu’il n’y en ait pas
qu’un seul. Si en matière de détermination de la catégorie de personnel représentant le
personnel, une catégorie peut ne comporter qu’un seul membre du personnel (ce qui ne se
6
7
Cour trav. Liège, 8e ch.21 mars 2014, R.G. n°2013AL/201.
Cour trav. Gand, 3 janvier 2013, R.G. n°2011/AR/265, O.N.S.S. c/ A.
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conçoit que pour le personnel de cadre ou de direction) parce que la catégorie est liée à une
fonction, il en va différemment pour l’octroi d’un avantage social complémentaire dont il
peut difficilement être admis que ce travailleur serait le seul dans l’entreprise à trouver un
intérêt à l’obtenir.
Accorder des avantages complémentaires à la sécurité sociale à un seul
travailleur revient à lui offrir une rémunération déguisée et non à le faire bénéficier d’un
avantage complémentaire à la sécurité sociale.
Il faut relever que si l’article 45, alinéa 2, permet dans les entreprises d’au moins
20 membres du personnel de prévoir l’octroi d’un avantage complémentaire par la voie
d’une concertation et l’établissement d’un règlement établi avec le concours de
représentants du personnel, aucune sanction n’est cependant prévue si la concertation n’est
pas respectée mais surtout la procédure à suivre n’a toujours pas été précisée dans l’arrêté
royal dont il est question à cette disposition. Il y a lieu dès lors pour le juge d’apprécier
uniquement si l’avantage répond aux conditions légales.
Enfin, le texte n’impose nullement que le contrat ou, s’il est accordé
ultérieurement, un avenant au contrat prévoit l’octroi de cet avantage. Cet octroi peut
découler, en l’absence d’arrêté royal, d’une décision unilatérale de l’employeur.
6.3. Leur application en l’espèce.
Il convient d’emblée de relever qu’il importe peu que le travailleur concerné
sache en quoi consiste exactement l’avantage contesté. L’argument que l’O.N.S.S. veut tirer
de la méconnaissance de ses droits par l’employée bénéficiaire est irrelevant.
De même, est aussi sans aucune incidence le fait que seule une catégorie
déterminée puisse revendiquer le droit à l’avantage complémentaire et non les autres
membres du personnel, fussent-ils même plus intéressés à en bénéficier compte tenu de la
hauteur de leurs revenus. Il n’y a donc pas lieu de s’interroger sur l’éventuelle discrimination
existante à l’égard de membres du personnel qui ne rentrent pas dans la catégorie
bénéficiaire.
Par contre, l’octroi d’un avantage social à une seule travailleuse, laquelle qui plus
est est l’épouse de l’administrateur-délégué, n’est pas compatible avec l’octroi d’un tel
avantage qui doit, de nature, être social, c’est-à-dire poursuivre un objectif social par la
majoration d’une prestation de sécurité sociale.
Si un tel octroi peut se concevoir s’il est différencié (montant variable selon les
catégories de personnel même s’il serait plus logique d’accorder à tous le même montant du
fait que le coût de la prise en charge des études d’un enfant est identique pour tous, voire
représente une charge plus importante pour un ménage à faibles revenus que pour un
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ménage à hauts revenus), il en va différemment lorsque seule l’épouse de l’administrateur
en bénéficie.
Il s’agit dans son chef d’une rémunération déguisée et non d’un avantage
complémentaire à la sécurité sociale accordé à une catégorie du personnel. L’objectif
poursuivi n’est pas de lui accorder un avantage social mais de majorer ses seuls revenus.
La décision de l’O.N.S.S. doit par conséquent être confirmée.
L’appel n’est donc pas fondé.
Indications de procédure
Vu les pièces du dossier de la procédure et notamment le jugement contradictoirement
rendu le 20 septembre 2013 par la 6ème chambre du tribunal du travail de Dinant (R.G. n°12/425/A),
Vu l’appel formé par requête reçue au greffe de la Cour du travail le 11 octobre 2013 et
régulièrement notifiée à la partie adverse le jour même,
Vu l’ordonnance rendue le 19 novembre 2013 sur la base de l’article 747 du Code
judiciaire aménageant les délais pour conclure et fixant la date de plaidoiries au 17 juin 2014,
Vu les conclusions principales et de synthèse de l’appelante reçues au greffe
respectivement les 20 janvier 2014, 9 et 12 mai 2014,
Vu les conclusions principales et de synthèse de l’intimé reçues au greffe
respectivement les 27 décembre 2013, 19 mars 2014 et 2 juin 2014,
Vu les dossiers déposés par l’intimé le 2 juin 2014 et par l’appelante à l’audience du 17
juin 2014 à laquelle les parties ont été entendues en l’exposé de leurs moyens,
Vu l’avis écrit déposé par le ministère public en date du 15 juillet 2014, avis notifié aux
parties le jour même,
Vu les conclusions en réplique de l’appelante reçues au greffe le 29 juillet 2014.
DISPOSITIF
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
après en avoir délibéré,
statuant publiquement et contradictoirement,
vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière
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judiciaire et notamment son article 24 dont le respect a été assuré,
vu l’avis écrit conforme de Madame Germaine LIGOT, Substitut général, avis
déposé au dossier de procédure en date du 15 juillet 2014,
reçoit l’appel,
le déclare non fondé,
confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, en ce compris quant
aux dépens,
liquide l’indemnité de procédure revenant en appel à l’intimé à 715 €,
condamne l’appelante aux dépens d’appel liquidés jusqu’ores à 715 € en ce qui
concerne l’intimé.
Ainsi arrêté par
M. Michel DUMONT, Président,
M. Kaerl ALLOIN, Conseiller social au titre d’employeur,
Mme Claudine WILMET, Conseiller social au titre d’employé,
qui ont assisté aux débats de la cause,
assistés lors de la signature de M. Frédéric ALEXIS, Greffier,
qui signent ci-dessous
Le Greffier
Les Conseillers sociaux
Le Président
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et prononcé en langue française, à l’audience publique de la TREIZIEME
CHAMBRE de la COUR DU TRAVAIL DE LIEGE, division de Namur, au palais de justice de
NAMUR, Place du Palais de Justice, 5, le VINGT-CINQ AOUT DEUX MILLE QUATORZE par le
Président et le Greffier.
Le Greffier
M. Frédéric ALEXIS
Le Président
M. Michel DUMONT

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