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Histoire et Mémoire du Perray-en-Yvelines
Dans un article précédent, il a été brossé un
tableau général des travaux hydrauliques pour l’alimentation en eau du parc de Versailles1, aujourd’hui, il est
nécessaire de « zoomer » sur les travaux effectués au
Perray, sur leurs conséquences (et leurs bienfaits) pour
notre paroisse (nous sommes en 1685).
Un jour, un copain plutôt sarcastique m’a fait la
réflexion ironique suivante : « Allons bon, il y aurait un
étang au Perray ! », et moi de lui répondre sur le même
ton: « Non, Môssieur, il n’y a pas un étang au Perray, il y
en a trois ! » et j’énumérai: l’étang du Perray, l’étang de
Saint Hubert et l’étang de Pourras ! Il y en avait même un
quatrième qui a été asséché dans les années 1960,
lequel ? Eh bien « la Mare aux bœufs » qui se trouvait
au bout de la route de la Grande Brèche, dans le bois de
la Pommeraie. Ce n’était pas une mare mais un étang
puisque c’était un petit vallon barré par une digue. Voilà,
le décor est planté.
Avoir des étangs, c’est bien, mais il faut les
remplir… La plaine « bruyéro-perrotine », limitée par le
bassin versant de la Drouette (et du ru du Perray) à
l’ouest, par celui de la Guyonne au nord, celui de l’Yvette
à l’est, et celui de la Rémarde au sud, est à cette époque
un plateau marécageux (nous sommes toujours en 1685),
c’est-à-dire gonflé d’eau une grande partie de l’année2.
En y creusant des rigoles, il va être facile de drainer l’eau
vers les étangs, il suffira d’utiliser les petites pentes
naturelles du terrain (4 à 5 mètres de dénivelé au
maximum).
Nous pouvons dès lors compter cinq rigoles
principales; la première n’est pas une rigole de drainage,
mais sert à équilibrer les eaux des étangs de Pourras et
de Saint-Hubert avec l’étang du Perray. Pour les rigoles
de drainage, il y en a deux venant des Bréviaires, une
troisième venant du Roseau, la quatrième venant
d’Auffargis, plus précisément du bois des Vindrins (elle
est entièrement sur Auffargis).
Si les rigoles ont été creusées de « main
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d’homme », les étangs, eux, n’ont pas été creusés, mais
sont des vallons penteux avec quelquefois un petit cours
d’eau serpentant en leur fond et qui par suite de l’édification d’une digue en partie basse se remplissent d’eau3.
C’est le cas des étangs de la région, sauf de celui du
Perray qui ne reçoit que des rigoles, quoiqu’il conviendrait
de rechercher le point origine du ru des Vaux de Cernay.
Pour notre plus grand bonheur l’alimentation en
eau de Versailles constitue un assainissement de la
plaine du Perray même si telle n’était pas la finalité de
l’opération.
Je me souviens que dans ma jeunesse les rigoles
étaient « buissonnées », elles coupaient les vents
d’hiver et servaient d’abri, de nichoirs pour de
nombreuses espèces d’oiseaux. Un jour l’explorateur en
herbe que j’étais s’y trouva nez à nez avec un hibou
grand-duc. Je ne sais lequel des deux a été le plus effrayé
car il est parti sans prendre la peine de me le dire. Il y
avait même des « anacondas locaux » (en fait de
malheureuses
couleuvres).
Que
d’explorations
périlleuses avons-nous effectuées dans cette jungle.
Aujourd’hui ce ne sont plus que des fossés, sans oiseaux,
ni serpents.
Revenons à nos rigoles la première (n° 1) ne
présente d’intérêt que parce qu’elle « équilibre» les eaux
entre les étangs de Pourras et Saint-Hubert et du Perray;
elle commence au déversoir de l’étang de Saint-Hubert et
après une promenade dans le haut de l’Artoire4 (côté
Perray), elle se jette dans l’étang du Perray à droite de la
digue. Il y a celle dite de « Parfond » (n° 2) qui
commence vers la rue Neuve aux Bréviaires, traverse
toute la plaine de Pourras où elle recueille les eaux de la
rigole « aux Moutons », puis, passant par la Grenouillère
elle se jetait dans l’abreuvoir. Aujourd’hui, elle passe en
souterrain sous le Champ de foire pour se jeter dans
l’étang du Perray après être passée sous les voies ferrées
de la SNCF. Puis vient naturellement la rigole du « Pont
Marquant » (n° 3) qui commence à la mare commune au
Roseau (je ne la trouve plus au-delà), passe à la Mare au
Loup, puis sous le Pont « aux cochons », en réalité le
Pont Forget, puis sous la rue Verte pour rejoindre la rigole
du Coupe-Gorge après le Pont Marquant. Arrêtons nous
un instant, pourquoi le « Pont aux Cochons » ? C’est
une bien triste histoire que je vais vous conter. Autrefois,
les sangliers désirant se rendre du bois de la Pommeraie
au bois de Pourras traversaient la plaine du Perray en
passant sur le Pont Forget et de même au retour, enfin
pas tous, mais taisons nous, c’était dans les temps
anciens et les acteurs de cette tragédie ne sont plus. D’où
bien sûr cette dénomination. Et enfin la rigole du « Coupe
Gorge » (n° 4) qui prend naissance à la rue Neuve aux
Bréviaires (et forme la limite sud du Perray avec
Rambouillet), mais passant au Matz puis à la Croix Rouge
(commune des Bréviaires), au sud de la Renardière, elle
longe la queue de l’étang du Coupe Gorge (d’où son
nom), passe à proximité de l’étang dit « la mare aux
Bœufs » , traverse la RN 10 au lieu dit «la Boissière», se
prélasse derrière les propriétés de MM. le Comte Potocki
et le marquis de Brazey (à cet endroit, au Grand Amiral,
Les rigoles
nous l’appelions «le canal ») pour rejoindre le rigole du
pont Marquant audit pont et se rendre ensuite toutes deux
bras-dessus bras-dessous à l’étang du Perray en
contournant la residence des Cottages. A noter qu’il est
installé sur ce cours d’eau, à la hauteur de la digue de
l’étang, une vanne déversoir donnant directement dans la
retenue en demi lune après la vanne bonde dudit étang,
là où arrive l’aqueduc souterrain de l’étang de la Tour et
d’où part celui vers la retenue de l’étang de Saint Hubert.
Une question : est-ce la rigole du pont Marquant ou la
rigole du Coupe Gorge qui va du pont Marquant à l’étang
du Perray ? Il y a enfin la rigole des Vindrins (n° 5) qui se
jette dans la rigole aqueduc de l’étang de la Tour juste
avant la retenue du Perray, mais qui est entièrement sur
Auffargis. J’oubliais « les vidanges » de la Jaunière5 (n°
6) qui rejoignent la rigole plate à la sortie de l’aqueduc
venant de l‘étang de la Tour6.
Toutes ces rigoles appartenant au domaine royal
de Versailles étaient bornées avec des fleurs de lys. Ces
bornes, ou presque toutes, ont disparu. On peut en voir
encore trois au 13-15 rue de la Touche7 juste avant la
ferme de Monsieur Pascal Robin.
Précisons que les étangs sont des réservoirs
recevant les eaux drainées par les rigoles et ne se
déversent pas en permanence dans les aqueducs
conduisant l’eau à Versailles. Ces derniers passent par
les retenues, relient les étangs entre eux mais ne s’y
versent pas.
Mais, me direz-vous, qui a effectué ces travaux ?
Tout d’abord, ils furent effectués entre 1684 et 1685 suite
aux mesures de nivellement de l’abbé Picard qui a retenu
notre plateau parce que point le plus haut gorgé d’eau
proche de Versailles permettant une alimentation
gravitaire, donc sans machine (petite précision: « réseau
supérieur » signifie plus haut que le parterre d’eau de
Versailles (et la Grotte de Thétys). Le « réseau inférieur
» est lui plus bas et nécessite une machine de remontée
(moulin à vent à Satory)), sous le contrôle de Monsieur le
surintendant des bâtiments du Roi François Michel le
Tellier marquis de Louvois, sous la direction effective de
Monsieur Sébastien le Prestre de Vauban grand
architecte militaire du Roi avec l’aide du successeur de
l’abbé Picard en la personne de Philippe la Hire, son
disciple. Les ouvrages d’art (digues, aqueducs, retenues)
ont été réalisés par les ingénieurs du Roi et des ouvriers
spécialisés du royaume et quelquefois étrangers, par
contre les rigoles l’ont été par la main d’œuvre locale
(principalement les paysans heureux de trouver un
complément aux travaux des champs) encadrée par des
entrepreneurs de la région et la troupe en « camps d’été
» (dispositif aléatoire qui sera fatal au projet du canal de
l’Eure dont Versailles aurait pu tirer grand benefice ; les
soldats changeant leurs pelles contre des fusils durant les
guerres de Louis XIV).
Durant le règne de Louis XIV ce réseau,
appartenant au roi il est vrai, sera parfaitement entretenu.
Cela ne sera plus le cas ensuite, il faudra de nombreuses
interventions communales pour que les lieux soient
maintenus en état de fonctionnement. Et mieux encore, la
commune va entrer en guerre (guerre froide, bien sûr)
contre l’administration des Etangs et Rigoles qui remet
régulièrement en question « le droit de jouissance d’aller
abreuver les bestiaux à l’étang (du Perray) et d’aller y
laver le linge et lessiver ». Cette petite guerre « du lavoir
et du savon » durera 26 ans, par épisodes, de 1876 à
1902, avec un projet de privatisation du bien public (eh
oui, déjà à cette époque !). Les pages me manquent alors
je vous laisse le plaisir de lire Monsieur MAREST sur ce
sujet8.
Alors, à quoi servent ces rigoles ? Eh bien,
fermez les yeux et… Non. Ouvrez le livre9 de Pascal
Lobgeois et Jacques de Givry, feuilletez et admirez ces
merveilleux jeux d’eau, là seulement fermez les yeux,
imaginez visiter les jardins aux côtés de Louis XIV10 et
regardez ce que deviennent nos eaux de pluie. Soyons
fiers de nos rigoles. Voyez que ces chenilles qui strient
nos campagnes deviennent de si jolis papillons…
Malheureusement la création de la ville nouvelle de Saint
Quentin a occasionné la destruction d’une grande partie
de l’aqueduc de Trappes et les étangs supérieurs ne
seront plus jamais en mesure d’alimenter Versailles. Alors
aménageons-les pour notre agrément et pour le bonheur
de la faune et de la flore. Le C.E.R.F. s’y emploie avec
opiniâtreté.
Michel Jack MASSON
Auditeur
Remerciements à Madame Corinne Le Lhuern qui m’a
facilité l’accès aux cartes de l’ONF de Rambouillet.
1. Le Perray-Infos juillet-août 2008 p. 6 et 7
2. Du fait de son sous-sol argileux
3. Voir Pierre de Janti : les étangs du Roy in "Forêt, chasse et château
de Rambouillet" 1947
4. en gaulois, la Ritouare signifie près du gué (à cet endroit, la route
romaine traversait le Ru Peissonnier
5. = bois jaune (genets et ajoncs couverts de fleurs jaunes)
6. Unbe ancienne tour s'y trouvait, appurtenant peut-être à un domaine
de Mme de Pompadour
7. Touche, touchet, touchette : petit bois (terme encore employé au
Québec)
8. Dr Alphonse MAREST : Perray et Perrotins
9. Versailles, les Grandes eaux JDG Publications
10. Louis XIV Mémoires. Manières de visiter les jardins de Versailles
Texto
RECTIFICATIF
Quelques erreurs se sont glissées dans notre article de
septembre :
- Il fallait, bien sûr, échanger les pastilles 3 et 4 sur le plan
proposé.
- A la pastille 6, il convient de remplacer tractations par
atermoiements et c’était un groupe scolaire à part entière.
- A la pastille 7, l’immeuble communal n’a pas été
construit, il s’agit d’une réhabilitation d’un immeuble
existant déjà en 1933.
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