Qu`est ce qu`une apiculture agroécologique ?

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Qu`est ce qu`une apiculture agroécologique ?
Qu’estcequ’uneapiculture
agroécologique?
Clémence Hervé, Stagiaire UMR LEREPS / ENFA, 2 route de Narbonne, 31326 Castanet-Tolosan
Nicola Gallai, MCF UMR LEREPS / ENFA, 2 route de Narbonne, 31326 Castanet-Tolosan
Jean-Pierre Del-Corso, MCF UMR LEREPS / ENFA, 2 route de Narbonne, 31326 Castanet-Tolosan
Résumédelacontribution:
Dans cette étude, il est étudié le comportement et les pratiques des apiculteurs et se pose les
questions: qu’est ce qu’une pratique apicole agroécologique? Est-ce que les apiculteurs de MidiPyrénées ont des pratiques agroécologiques? Quels sont les déterminants de leurs choix de
pratique? Pour répondre à cette question, des enquêtes ont été mené en Midi-Pyrénnées et la
méthode du «scoring» utilisée. Celle-ci permet de calculer un IPAAE (Indice global de Pratiques
Apicoles Agro-Écologiques) pour chaque apiculteur. Sur la base de cet indice, les apiculteurs
enquêtés ont été classé dans différents niveaux pratiques (de faiblement agroécologique et
fortementagroécologique).Lesrésultatspréliminairesmontrentquedesgroupesd’apiculteursavec
des caractéristiques similaires se retrouvent dans les mêmes catégories. Par exemple, les
apiculteursayantlespratiqueslesmoinsagroécologiquesontplusde40ansalorsqueceuxquiont
despratiquesplusagroécologiquesontmoinsde30ans.
L’objectifdelacontribution
Le principe de l’apiculture repose avant tout sur la production de miel. Le dictionnaire Larousse
définitl’apiculturecommel’« Artd’éleveretdesoignerlesabeillesenvued’obtenirdeleurtravail
dirigé,lemiel,lacireetlesautresproduitsdurucher ».Dansl’imaginairecollectif,l’amalgameest
largementrépanduentreapicultureetrespectdel’environnementetdel’abeille.Maisl’apiculture
est avant tout un genre d’agriculture. Pourquoi n’existerait-il pas une apiculture productiviste à
mettreenparallèleauxexploitationsavicoles,porcinesouautres ?Certes,ilestdifficiledefairede
l’apiculture hors-sol, de parquer des abeilles et de maîtriser clairement leurs apports issus de
l’environnement, mais il est tout à fait possible de jouer sur leur productivité grâce au
nourrissementetauxtranshumancesetencorebiend’autrespratiques.Oncritiquedéjàlargement
les pratiques de l’agriculture productiviste laitière, porcine et avicole, et on sait qu’il existe des
modesdeproductionalternatifsàcesagricultures:
Qu’enest-ilpourlaproductionapicole ?Letermed’agroécologiepeut-ils’appliqueràl’apiculture ?
Est-ilpossibledepratiqueruneapiculturerespectueusedel’abeilleetdesonenvironnementtouten
produisant suffisamment de miel pour dégager un revenu décent pour l’apiculteur ainsi qu’en
préservantlapérennitédel’activitédepollinisationetsonbiotope ?Peut-onproduireunetypologie
d’apiculteurs en fonction de leurs pratiques apicoles ? Quelles sont les pratiques apicoles les plus
tenuesparlesapiculteursdelarégionMidi-Pyrénées ?Etenfinsurquelsaxespourrait-onorienter
desformationsapicolesàviséeagroécologique ?
En résumé, qu’est-ce que l’apiculture agroécologique ? Quelles sont les caractéristiques des types
d’apiculture pratiques en Midi-Pyrénées ? Sur quelles pratiques doit-on orienter l’information en
vuededévelopperetfavoriserl’expansiondecetteapiculture ?
L’originalitédusujetauregarddelaquestiondudéveloppementrégionaletterritorial
Cette contribution s’inscrit dans le volet4 du projet SEBIOREF. Ce projet traite de la biodiversité
dans les paysages ruraux et des services écosystémiques rendus par cette biodiversité et plus
particulièrement les services de pollinisation et de protection des cultures (régulation des
ravageurs). Le volet4 est destiné à l’analyse des logiques d’acteurs dans la gestion d’un bien
communqu’estlepaysage.Plusprécisément,ilestsupposéquelepaysageestdépendantduservice
écosystémique qu’est le service de pollinisation. Ainsi l’analyse de la gestion de ce paysage se fait
parlebiaisdelagestiondesinsectespollinisateursetlaperceptionquelesdifférentsacteursontde
cesinsectes.
Le projet SEBIOREF traite de la biodiversité dans les paysages ruraux et des services
écosystémiquesrendusparcettebiodiversitéetplusparticulièrementlesservicesdepollinisation
et de protection des cultures (régulation des ravageurs). Il porte sur des objets de recherche de
différentesnatures.Toutd’abord,lespratiquesdesagriculteursetdesacteursdespaysagesruraux
qui organisent le territoire en fonction des services écosystémiques attendus. Le projet SEBIOREF
envisage aussi d’appréhender les logiques d’acteurs, individuelles et collectives, leurs niveaux de
perception de la biodiversité en général et celle associée à la pollinisation et à la régulation des
ravageurs en particulier. Ces logiques et perceptions sont importantes à considérer puisqu’elles
vontinfluencerleschoixdepratiquesagricolesmisesenœuvredelaparcelleaupaysage.
Les apiculteurs jouent un rôle prépondérant direct ou indirect dans la gestion des paysages
puisqu’ils garantissent la fourniture d’un service de pollinisation. Ce travail présenté à l’école
chercheur se concentre sur les apiculteurs et la perception qu’ils ont de leur métier et la
« relation »qu’ils entretiennent avec les abeilles. Il tend à analyser leurs pratiques en lien avec la
notiond’agroécologieensupposantqueplusleurspratiquestendentversl’agroécologieetplusils
aurontunegestiondurabledecelle-cietdoncdespaysages.
Laméthode
L’objectif est de comparer les pratiques des apiculteurs avec des indicateurs de bonnes pratiques
ditesagroécologiquesetd’analyserlesdifférences.Ainsi,dansunpremiertemps,lalittératurenous
apermisdedéfinircequ’estuneapicultureagroécologiqueetd’endégagerlesnotionsimportantes:
viabilité de l’exploitation et respect de l’abeille. Ces notions ont été transformées en variables
techniques que l’on est allé chercher par le biais d’enquêtes fermées auprès des apiculteurs de la
régionMidi-Pyrénées.
Lesréponsesnousontpermisdecalculerdesscoresentre0et1pourchaquevariabletechniquepar
apiculteur. Par la suite, nous avons créé un IPAAE (Indice global de Pratiques Apicoles AgroÉcologiques) par apiculteur en agrégeant ces scores. Cet indice quantifie la mise en place de
pratiquesagroécologiquepourchaqueapiculteur.Enfin,lesapiculteursayantchacunobtenusleur
score, ils sont ensuite répartis par classe d’effectif égal entre un IPAAE « Très faible », un IPAAE
« Faible »,unIPAAE« Fort »ouunIPAAE« TrèsFort »,l’IPAAE« Trèsfort »désignantlesapiculteurs
ayantlespratiqueslesplusprochesd’uneapicultureagroécologique.
Le terrain d’étude s’étend à l’ensemble de la région Midi-Pyrénées et la sélection des apiculteurs
provient des bases de données de l’ADAM (Association pour le Développement de l’Apiculture en
MP)etduSAMP(SyndicatdesApiculteursdeMP).Lapérioded’entretienadurédu13avrilau30
juin2016soitdurantdeuxmoisetdemi.Lequestionnairecomprenddesdonnéestechniquesafin
d’estimer les scores et l’IPAAE, des données socio-économiques afin d’expliquer les différences de
niveauxentrelesapiculteursetenfindesdonnéesqualitativesafind’intégrerlaperceptionqueles
apiculteursontdeleurmétieretlarelationqu’ilsentretiennentavecl’environnement.
L’analyse des données a pour but de voir l’évolution des pratiques des apiculteurs et d’expliquer
leursdifférencesparlesdonnéessocio-économiques.Dansl’étatactueldel’étudeseule,uneanalyse
descriptiveetuneACMontétéréalisées.Àmoyenterme,uneanalyseéconométriqueseraeffectuée.
Lesrésultatsattendus
L’analyse préliminaire des résultats a permis de mettre à jour deux profils types d’apiculteurs. Le
profil1 à l’Indice de Pratiques Apicoles Agro-Écologique (IPAAE) « Très faible » est représentatif
d’uneapicultureproductivistequisecaractérisepardesexploitationsutilisantungrandnombrede
ruches, chacune d’elles produisant beaucoup de miel, miel vendu à très faible coût. Ce profil est
également caractérisé par des apiculteurs professionnels, appartenant à une tranche d’âge
correspondantaux« 40-50ans »ethabitantdanslesdépartementsdeplainesagricolestelsquele
TarnleTarn-et-GaronneainsiqueleGers.Pourtendreversuneapicultureplusagroécologique,ces
apiculteurs devraient être sensibilisés à l’importance de l’environnement dans lequel ils placent
leurs abeilles (vent, intrants), au stress des abeilles induit par les transhumances à répétition, à
l’impactdel’utilisationdeproduitschimiquestelsquel’amitrazesurl’abeilleetsurl’Homme,ainsi
qu’à l’importance de laisser aux abeilles leur liberté de construire, d’essaimage naturel et de
fécondationmultiple.
Leprofil2àl’IPAAE« Trèsfort »estreprésentatifd’uneapicultureagroécologiquequisecaractérise
pardesexploitationsdepetitetaille(peuderuches),tenuespardesapiculteursjeunes(« Moinsde
30ans »),habitantsdansleszonesmontagneusesdelarégion.Cetypedeconduiteproduitpeude
miel qui est donc valorisé de façon importante avec un « coût très élevé ». Pour améliorer les
pratiques du second profil, il serait surtout utile d’appuyer les informations sur les méfaits d’une
apiculturesurmonoculture(67%d’entreeuxlapratiquentencore),ainsiquesurceuxduproduit
detraitementchimiqueanti-varroasnommésApivar®(encoreutilisépar47%d’entreeux).
La dimension partenariale et/ou l’intérêt potentiel pour l’action et la décision des acteurs
dudéveloppementrural
Cette étude a été réalisée dans le cadre d’un stage de Master2 avec la collaboration de deux
partenaires: l’ADAM et le SAMP. Ce dernier a été fortement impliqué dans le stage puisqu’il a coencadrélastagiaireetluiafourniuneaidelogistique.Lesdeuxpartenairesontparticipéàtoutle
processusd’enquête:delaréflexionsurlaproblématiqueàlamiseenplaceduprotocoled’enquête.
L’étudeamenéàdesrésultatsintéressantsentermesderecherche,maisaussientermesd’action
sur le terrain. Ainsi dans la suite à donner, nous souhaitons 1) recommencer l’enquête en
impliquant plusieurs autres acteurs tels que les agriculteurs, décideurs locaux et utilisateurs d’un
paysagesurunterritoireplusrestreintqu’estlevaldeGascogneet2)partagernosrésultatssurles
actionsàmeneravecnotrepartenairedelaDRAAFduprojetSEBIOREF.
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