L`efficacité américaine
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L`efficacité américaine
Bern, April 24th, 2008— Nr.17 L’efficacité américaine Le Vaudois Daniel Charbonnier, de retour des Etats-Unis, prodigue désormais les techniques américaines de l’efficacité et de la décontraction dans le service. EMMANUEL MANZI Quelles sont les principales différences dans le service à la clientèle entre les Etats- Unis et la Suisse? La différence la plus importante concerne le pourboire qui, aux Etats-Unis, n’est pas compris. Cela incite le personnel des hôtels et des restaurants à se surpasser dans leur service. Car ces professionnels du tourisme gagnent leur vie grâce aux pourboires. Ces derniers, entre 15% et 20% de l’addition, représentent le 70% de leur salaire. Est-ce pour cette raison que la clientèle serait mieux servie aux Etats-Unis qu’en Suisse? Il est évident que ce système motive fortement le sommelier d’un restaurant ou le réceptionniste d’un hôtel. Mais les employés de ces corps de métier pourraient tout autant être motivés en Suisse puisqu’ils bénéficient, eux aussi, d’un pourboire qui est compris dans leur service à la clientèle. Sans compter qu’ils peuvent espérer un pourboire additionnel et spontané de la part du client. En Suisse, c’est à ce stade critique que les employés de la restauration et de l’hôtellerie manquent souvent des opportunités de renflouer leur porte-monnaie. Quelles sont donc ces règles d’or que l’on prône aux Etats- Unis? Il faut que le serveur regarde le client dans les yeux, lui sourie, lui dise bonjour, l’appelle par son nom s’il le connaît, lui propose une table ou l’accompagne à sa table préférée. Il faut qu’il l’invite à s’asseoir en lui tendant la chaise, lui donne la carte des menus en main propre et ne la pose pas juste sur la table, et qu’il lui fasse aussitôt des suggestions des spécialités du lieu. Cela dépend d’abord de la volonté, de la capacité de l’exploitant ou du patron à changer sa façon de diriger et d’organiser le travail. Car c’est lui qui devra motiver ses troupes et leur inculquer un autre mode de fonctionnement. Même si le but n’est pas d’américaniser la Suisse, mais de rendre plus performant le service à la clientèle. Il ne faut pas non plus le faire attendre? Tout à fait! Un client ne doit pas attendre plus de deux minutes avant qu’on lui demande s’il désire quelque chose à boire. Il faut lui répéter la commande qu’il a passée. Une fois le repas servi, le serveur retournera demander si tout se passe bien. Une fois que l’hôte aura terminé de manger, il ne faut pas le laisser avec son assiette vide pendant quinze minutes, ou attendre qu’il appelle un membre du personnel. Il faut anticiper ce genre de situation en venant débarrasser la table et en lui proposant un dessert. Si le serveur voit arriver une famille, il est de bon goût qu’il suggère aux parents quelque chose à manger pour leurs enfants. Et si un client vient dîner seul, il est de bon ton de lui proposer un journal, un magazine pour le distraire. Samira Singhvi-Charbonnier and Daniel Charbonnier Founders of «Minds in Motion» «Les conseils que nous prodiguons passent par l’apprentissage d’un état d’esprit e n mouvement.» Un établissement manque souvent de personnel pour être aux petits soins du client… Si le nombre de serveurs et de serveuses s’avère insuffisant dans un établissement, ce n’est pas son renfort qui empêchera les employés en fonction d’adresser un sourire, un «au revoir» ou un «à bientôt» aux clients. Il ne faut pas se cacher derrière de faux problèmes. Au risque d’accuser un manque à gagner pour l’entreprise et son personnel. Tout relève d’une attitude adéquate dans le travail. C’est dans cet esprit-là que vous avez baptisé votre entreprise «Minds in Motion»? Comment peut-on devenir un professionnel apprécié dans le service à la clientèle? Aux Etats-Unis, dans tous les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration, il existe une culture très prononcée du service à la clientèle. L’exercice de ces corps de métier exige une éthique professionnelle, une attitude à adopter, des procédures à apprendre et à suivre… Quelles réticences observez-vous en Suisse pour transposer ce modèle américain? Daniel Charbonnier Managing Director «Minds in Motion» «Le serveur doit regarder le client et lui suggérer les spécialités du lieu.» Absolument. Nous l’avons créée, ma femme et moi, aux Etats-Unis, et l’avons appelée ainsi car les conseils que nous prodiguons aux professionnels de la branche passent par l’apprentissage d’un état d’esprit en mouvement; un état d’esprit où nos cinq sens de la vision, de l’odorat, du goût, du toucher et de l’ouïe doivent être constamment en éveil. De Begnins à Beverly Hills en passant par l’EHL Daniel Charbonnier, 36 ans, est un enfant de Begnins, au-dessus de Nyon. Il est titulaire d’une maturité commerciale et diplômé de l’Ecole hôtelière de Lausanne (EHL). Il a ensuite travaillé pendant douze ans aux Etats-Unis. Il a commencé comme cuisinier en Floride puis est devenu responsable d’un restaurant à Toronto. C’est toutefois en Californie qu’il a passé la majeure partie de son temps. Au «Four Seasons Hotels and Resorts Beverly Hills», dans l’activité du «room service», avant d’endosser la responsabilité du management des deux restaurants de l’hôtel. C’est alors que Daniel Charbonnier fonda à Beverly Hills le premier nightclub au nom de Larry Flynt, le célèbre éditeur américain de magazines pour adultes. Il s’est occupé par la suite d’un casino à Los Angeles et a créé, il y a deux ans, son entreprise de conseils en services, «Minds in Motion», avec sa femme Samira, une Londonienne titulaire d’un MBA (Master of Business Administration) en hôtellerie et tourisme de l’Université de Cornell à NewYork. Leur entreprise a pris racine à Lausanne il y a dix mois. www.mindsinmotion.ch FRANCOIS PILET— Mardi 11 décembre 2007 Un sourire hollywoodien pour secouer le monde de l’hôtellerie suisse PARCOURS Après une carrière dans les palaces et les clubs huppés de Beverly Hills, un jeune Vaudois a créé son entreprise pour mettre un peu de soleil californien dans l’hôtellerie helvétique. Choc des cultures garanti. *** «Bonjour, mon nom est Bob, comment puis-je vous aider?» La formule magique de l’hospitalité à la sauce américaine se prononce avec un immense sourire découvrant une tempête de dents bien blanches. Satisfaction garantie. Cette musique-là, Daniel Charbonnier la connaît par cœur. Il en a joué, l’a orchestrée, même, dans un des palaces les plus flamboyants de Californie, le Four Seasons de Beverly Hills, bercail des superstars, théâtre de toutes les frasques hollywoodiennes. Lors de ce parcours initiatique de onze ans aux Etats-Unis, ce Vaudois formé à l’Ecole hôtelière de Lausanne – qu’il s’est payée en bossant au McDo – a dirigé des rangs entiers de serveurs et de cuisiniers, tous très au clair sur les deux notes de leur partition: décontraction et efficacité extrême. Avec comme seule baguette, le pourboire qui remplit si bien les poches des plus habiles. L’aplomb énergique de ce selfmade-boy de Begnins a même séduit Larry Flint, éditeur pornographe fondateur du magazine Hustler devenu une légende vivante aux Etats-Unis. Client régulier du Four Seasons, le milliardaire ne donnait pas de gros pourboires. Mais Daniel Charbonnier avait toujours le sourire aux lèvres, ce qui lui a valu d’être choisi pour prendre les rênes du mythique Hustler Club pendant quatre ans. Saut dans l’eau froide Après cette décennie passée outreAtlantique, «peut-être un peu trop européen dans l’âme», le Vaudois est rentré au bercail cet été avec sa compagne pour lancer Minds in Motion, une société de conseil spécialisée dans l’hôtellerie. Un retour qui a tout du saut dans l’eau froide, dans ce pays où la vie semble couler au ralenti et où l’efficacité du service hôtelier reste encore à des années-lumière de ce qui est la règle outre-Atlantique. RETOUR AU PAYS - Après 11 ans aux EtatsUnis, Daniel Charbonnier est revenu avec son épouse, Samira, ils viennent de créer Minds in Motion. Photo:Jean-Christophe Bott «Le service, c’est comme une mayonnaise, résume Daniel Charbonnier. Elle peut prendre de mille façons différentes et si cela réussit, vous ne savez pas pourquoi. Il faut savoir anticiper les besoins, savoir quand parler et quand se taire. Aux Etats-Unis, cet exercice est parfaitement naturel. J’ai connu des serveurs qui n’aimaient vraiment pas les gens, des types parfaitement asociaux qui se faisaient 300 dollars de pourboire en six heures.» Un monde de différence avec ce qui forme encore et toujours le ventre mou de l’hôtellerie-restauration helvétique, entre le bal désabusé et nonchalant des serveurs de pizzeria et les dessus de lits usés jusqu’à la corde des hôtels 4 étoiles des stations vaudoises. Redéfinir les priorités «La conscience de l’importance du service est réelle», tempère toutefois l’entrepreneur de 36 ans qui multiplie les présentations chez son public cible d’hôteliers, d’écoles hôtelières ou dans les divisions cantonales de GastroSuisse. «La conjoncture est si prometteuse, notamment avec la perspective de l’Euro 2008, que les gens s’attendent à de très bonnes affaires. Mais c’est comme toujours; ils commencent par compter les serviettes et les assiettes. La qualité de l’accueil, le service, le sourire, c’est le plus dur. Et c’est souvent le souci qui vient en dernier.» Pour autant, l’idée de Daniel Charbonnier n’est pas de driller le personnel hôtelier au sourire californien. «Aux Etats-Unis, l’argent vite fait est le seul moteur mais ce n’est pas la seule façon de faire. Il faut convaincre, expliquer, surtout, que l’exigence de la clientèle a évolué.»