Transcription de l`entretien avec Stanislas Kujawa

Transcription

Transcription de l`entretien avec Stanislas Kujawa
Stanislas KUJAWA : K
Enquêteur (Julien ROCIPON – Association Le Son des Choses) : J
J: Nous sommes le trente-et-un mai deux mille treize. Je vais vous demander de vous
présenter.
K: C'est-à-dire ?
J: De donner votre prénom, votre nom.
K: Alors je suis, je, je place le prénom avant ou après ?
J: Avant.
K: Avant. Je suis Stanislas KUJAWA. Actuellement j'ai, je suis né le vingt-quatre avril mil
neuf cent vingt-six. Bon.
J: Où ça ?
K: À MATHAUX : M, A, T, H, A, U, X, dans la, à côté de BRIENNE.
J: Et que faisaient vos parents ?
K: Ah, mes, mon père était teinturier, ma mère était sans emploi.
J: Et ils étaient arrivés à MATHAUX quand ?
K: Ils sont arrivés en France en mil neuf cent, mil neuf cent, en mil neuf cent vingt.
J: Pour quelles raisons ?
K: Ben, parce qu'en Pologne c'était, vous savez, c'était très difficile comme emploi et donc
il a profité de venir en France pour, pour son activité de teinturier, quoi. Oui.
J: Et il travaillait où en France ?
K: Ben, il a travaillé chez, aux établissements GILLIER. Ouais.
J: Ils avaient leur teinture ?
K: Chez GILLIER, oui, c'était important, hein, ils avaient, c'était la, la maison importante.
GILLIER avait, à l'époque, un nombre d'effectif d'environ trois mille personnes, hein.
Ouais.
J: Mais ça fait loin, MATHAUX !
K: Mais non, MATHAUX se trouve, d'ici, BRIENNE, ça fait une trentaine de kilomètres.
Ouais, c'est la situation de BRIENNE-LE-CHÂTEAU.
J: Ben, fallait faire les allers-retours ?
K: Ah non, il habitait, on habitait à TROYES, avant. Il avait, on avait une maison, là, dans
la, dans la rue de, comment dirais-je, rue des Hauts-Cortins, à côté du pont de CHÂLONS.
Ouais. Il avait fait construire et donc on avait, j'avais donc mon frère aîné qui était ajusteurmécanicien et accordéoniste, j'avais ma sœur, Marie, moi, Stanislas et après Joseph. On
était, on était quatre enfants. Ouais.
J: Mais alors vous êtes arrivés quand à TROYES ?
K: Comment ? Moi, je...
J: Vous, vous êtes né à MATHAUX ?
K: Oui.
J: Et quand est-ce que vous êtes arrivés à TROYES ?
K: Ah ben, à TROYES, c'était dans les, attendez, TROYES c'était les années, les années,
les années, pff, il a fait quand sa, attendez, faut que je me souvienne parce que...C'était à
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quelle époque, ça ? TROYES, moi je suis, j'allais à l'école, j'étais enfant de chœur, vingtsix, j'avais, ils sont nés, je suis né à MATHAUX, donc vingt-six, vingt-sept, vingt-huit,
trente, oh, je vous dirais environ dans les années trente, quoi. Les années trente, parce
qu'après j'ai fréquenté l'école libre Saint-Martin et j'étais en même temps enfant de chœur
à l'église de, de Saint-Martin, à l'époque, ouais. Et puis de là, après, bon, on a, on a quitté
le, le, l'école libre, là, vers mil neuf cent trente-sept, trente-huit. Mil neuf cent trente-sept
parce qu'en trente-huit j'ai fait l'école de bonneterie puis la guerre est arrivée, donc on a eu
l'exode. Puis après l'exode, ben, ma foi, y avait plus d'activité et j'ai été obligé de retourner
un petit peu à la campagne pour faire les, pour faire les blés, pour faire les, les foins, quoi,
pour faire une activité qui permettait d'avoir une sécurité au point de vue alimentation. On
avait du beurre, on avait du fromage, quoi, y avait pas de raison qu'on se, on se permettait
des fantaisies d'aller travailler à la campagne, quoi. Voilà la situation.
J: C'était quoi, l'école libre ?
K: L'école libre à Saint-Martin ? Oui, c'était l'école libre de Saint-Martin. C'est-à-dire c'était
dirigé par des instituteurs qui étaient libres et puis c'était, comment dirais-je, y avait donc,
on faisait notre première communion à l'époque.
J: Mais c'était quoi des instituteurs libres ?
K: Ben, c'est des instituteurs libres mais catholiques, quoi. Ah ouais. Ouais. Ah ben, oui, à
cette époque-là, le, on avait le catéchisme. Le, les prêtres de Saint-Martin venaient deux
fois par semaine. C'est, on avait ça, vous savez, je m'en, pff, y a des choses que je me
rappelle plus beaucoup.
J: Et vos parents étaient très religion ?
K: Ah oui, oui, oui. Mes parents étaient très religion. Ben, vous savez, la Pologne était très
catholique, hein. Ouais, ouais. Ouais, mon frère Étienne a fait sa communion, après c'était
ma sœur, après moi et puis après mon frère Joseph, quoi. Ouais.
J: Et vous étiez bon élève ?
K: Oui, je, je travaillais bien. Si, si, je travaillais bien, seulement après, lorsque l'exode est
arrivé, ben, on n'avait plus classe, quoi. La, l'établissement était fermé. Et j'ai été obligé
de, d'attendre après quelques années pour aller au service militaire, quoi. Et je suis allé au
service militaire lorsque j'ai eu mes dix-huit ans. Je me suis engagé dans l'armée de l'air.
Et dans l'armée de l'air, j'ai fait des classes à CHAUMONT et à ROMORANTIN. Après je
me suis retrouvé à MARSEILLE pour, pour être affecté à la base cinquante-deux à
BAMAKO et puis arrivé à l'époque de, en nous disant que si on voulait se faire
démobiliser, on pouvait se faire, alors je me suis fait démobiliser. Et comme j'avais suivi
des cours à, en mil neuf cent trente-neuf et quarante à l’école de bonneterie, je me suis
mis, j'ai dit :
-Faut que je fasse quand-même une activité.
Et je me suis mis dans, dans l'achat du matériel textile, quoi. Les métiers circulaires,
progressivement, et puis, bon, on est démarré à l'époque, c'était en mil neuf cent
quarante-six, quarante-sept. En quarante-huit, je me suis marié. Et donc l'activité a
continué, et je suis après parti, j'ai construit rue Étienne Pédron, cinquante-sept rue
Étienne Pédron. J'ai construit donc ma maison avec deux étages, avec, avec un, pas avec
un sous-sol, mais un, avec, comment c'est qu'on appelle ça, un rez-de-chaussée, j'avais
fait mon atelier de tricotage, quoi. C'est comme ça que j'ai bien commencé à travailler. Et
puis les années se sont écoulées, on a progressé, on a progressé. On s'est retrouvés
après, dans les années, au bout de sept ans, je suis, j'ai fait l'acquisition, l'achat de l'usine
BOISSEAU à SAINTE-SAVINE. Et on a donc déménagé, on est partis à SAINTE-SAVINE.
Et je me suis retrouvé, en même temps, l'acquisition de la villa Rothier, au neuf villa
Rothier qui appartenait également aux établissements BOISSEAU. Bon, pour l'instant, elle
est en statu quo, là, on a travaillé pendant, combien d'années, on est arrivés, chez
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BOISSEAU, on est arrivés en cinquante-neuf, cinquante-neuf, soixante, jusqu'en, après,
cinquante-neuf, soixante, et après on est, on a déménagé, on est partis à SAINTESAVINE...Oui, on a dû rester dix-huit ans à SAINTE-SAVINE et après on a construit
l'usine, là, dans la zone industrielle de LA CHAPELLE SAINT-LUC. On a construit un
bâtiment de soixante-dix mille mètres carrés et on s'est installés à LA CHAPELLE SAINTLUC. Donc là c'était le grand boum parce que nous avions quatre-vingts métiers
circulaires, on avait cent quatre-vingt-dix personnes à la confection du, on, on faisait le
tissage, le, la teinture c'était la teinturerie de Champagne qui nous effectuait donc la
rotation, et le grattage était fait chez nous, et la, le, la coupe était fait chez nous, la
confection était fait chez nous. On était, on était spécialisés dans le vêtement de sport,
dans le survêtement de sport comme les établissements CAMUSET à ROMILLY, quoi. On
avait une excellente clientèle. On avait à peu près mille points de vente dans les magasins
de sport et ça a continué jusqu'en mil neuf cent quatre-vingt-dix. Puis en quatre-vingt-dix,
c'était la venue, la venue des vêtements chinois. Donc c'était du dumping. Ils arrivaient
avec un survêtement à l'époque qui valait, attendez voir, c'était, à cent francs, mais nous
on, on arrivait à cent quatre-vingts. Alors on n'était pas compétitifs, il a fallu donc fermer
l'établissement, quoi. Et depuis, ben, l'établissement est fermé, chacun est parti de son
côté. Mon fils est parti à l'étranger et puis moi j'avais cessé mon activité. J'avais, j'arrivais
à quatre-vingts, j'avais donc quatre-vingts, attends, que je dise pas de bêtises parce
que...C'était, j'avais, j'avais, quatre-vingts, quatre-vingts, attendez-voir, à quel moment
fallait prendre sa retraite ? Je me souviens plus. Attendez-voir, j'ai quatre-vingts, j'avais
soixante, soixante-trois ans. Ouais, ouais. Ouais, ouais. Bon. Bon, ben, c'est bien. Alors
qu'est-ce qu'on a vu. On a fait un tour du problème, là ?
J: Quand vous étiez enfant, vous, vous avez déjà été voir ce que faisait votre père, en
teinturerie ?
K: Non. Non, non.
J: Il vous, il vous en parlait ?
K: Non. Non, non. Non, moi je, moi c'était l'école de bonneterie que j'avais fait alors je me
suis axé là-dessus et puis j'étais un garçon assez dynamique, hein. Alors j'avais été en
rapport avec un directeur de chez ***, un nommé Monsieur TOURNOUX, qui m'avait bien
conseillé puis j'étais parti là-dessus. Puis, puis j'ai beaucoup travaillé à la réparation des
métiers circulaires, hein. Je savais, j'en ai passé des jours et des nuits, hein, à réparer les
métiers parce que c'était des métiers très anciens, donc il fallait les remettre en état. Et
pour les mettre en état, ils étaient très fatigués. Ah ouais, enfin,...
J: Parce que comment ça se, comment, où est-ce qu'elle était ce, l'école de bonneterie ?
K: L'école de bonneterie, elle se situait à côté de la, à côté de la piscine. C'est le bâtiment
à droite, là. Parce qu'y avait deux écoles de bonneterie. Y avait l'école de bonneterie qui
était, où c'est qu'elle était celle-là d'école de bonneterie ? Je sais qu'y en avait une à, je
m'en souviens plus. Où c'est qu'elle était l'école de bonneterie ? Moi je sais que la nôtre,
elle était à côté de la piscine. L'autre, je, je sais, je, parce que vous posez des questions
comme ça c'est difficile d'y répondre parce que faudrait que la mémoire elle revienne,
quoi, pour pouvoir, pour voir un petit peu où que c'est qu'était l'école de bonneterie.
L'école de bonneterie, où c'est qu'elle se trouvait ? C'était pas avenue Pasteur, c'était pas
dans ce secteur, je peux pas vous dire. L'école de bonneterie, je peux pas vous dire, je, je
me souviens, je sais qu'y en avait une mais je me souviens plus. L'école de bonneterie où
c'est qu'elle pouvait être, l'école de bonneterie ? Ah, vous savez, faut que je réfléchisse,
hein, c'est difficile de pouvoir vous répondre, hein. Non, je sais que la mienne elle était à
côté de la piscine.
J: Aux Jacobins ?
K: Les Jacobins, ça serait peut-être ça, oui, peut-être les Jacobins, parce que...
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J: Mais la vôtre ? Elle était en, elle était en face ?
K: Ouais, c'était un des bâtiments en face, y avait des bâtiments en face de l'autre côté,
vers chez DESGREZ, vous savez, l'usine DESGREZ, là, y avait l'usine DESGREZ. Je
pourrais pas vous dire. Vous savez, c'est tellement vieux, ça. Ça, à l'époque, ça fait
combien d'années de, de... ? Combien d'années, c'est, on était...
(Sonnerie de téléphone)
Tiens ! Je m'excuse. Ça doit être Grégoire, ça.
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K: Non, c'est plus loin. C'était vers, on continuait tout droit, après le boulevard, sur la
droite. C'est en face de, aujourd'hui y a, y a un imprimeur qui est là, y a, ils ont un
bâtiment, là. Et moi je, on était là à l'école. Ça a duré deux ans, quoi. Puis, ben, après
c'était fermé, y a eu les, la mobilisation, tout ça, tout le monde, les professeurs, la plupart
ils ont été, ils ont été, oui, dans l'armée, hein. Bon. On s'est retrouvés tout, on s'est
retrouvés, je vous dis, après que, on s'est retrouvés à la campagne. Fallait travailler à la
campagne, y avait rien à faire pendant quelques années, quoi. Y avait pas d'autre activité.
J : Et, et l'école, ça se passait comment ?
K: Comment ça ?
J: La formation.
K: À, là-bas ? Ah ben, la formation, c'est-à-dire que, on avait des, on avait des livres et des
questions à poser. Les professeurs nous posaient des questions. Et puis sur la formation
de la maille, des aiguilles, vous voyez, de ce qui est en rapport dans le domaine du textile,
quoi. Ouais. Et c'est ce qui m'a permis d'évoluer après. Lorsque je me suis retrouvé seul,
je me suis dit, il faut que je fasse quelque chose. J'étais, j'avais un tempérament de, de,
j'avais un tempérament de, de dire, eh ben, aujourd'hui, faut que je fasse quelque chose et
je suis parti pour, pour faire du textile, donc. J'ai fait l'acquisition, l'achat de matériel et puis
je suis parti à, à continuer dans le, dans, dans le circulaire, quoi.
J: Et y avait des, y avait des stages qui étaient proposés ?
K: Non, mais j'avais été faire, c'était le circulaire, c'est-à-dire que j'avais, ah oui, parce que
je, j'ai oublié quelque chose, avant de faire du circulaire, je m'étais mis en rapport avec la
maison DELOSTAL qui lui avait du matériel dans le chaussant. Comme, ah ben, oui, ah
ben, alors faudrait que je revienne dessus, parce que...
J: Allez-y. Reprenez.
K: Oui, je reprends parce que quand j'étais plus jeune, à seize ans, dix-sept ans, j'avais,
quand j'avais ma formation, que j'ai été, ma formation que j'ai faite là-bas à, à l'école, j'ai
eu, à côté de chez moi, y avait une petite usine qui, qui, une usine qui, qui était de, qui
avait des métiers rectilignes, et qui faisait du bas. Elle faisait du bas et y avait des petits
métiers pour faire du, de, de la chaussette alors fallait, fallait donc, attendez, je mélange
tout, parce que, c'est pour ça que, je vous dis, si j'ai, j'ai un programme comme ça, il faut
que je revienne un petit peu sur le passé. Parce que, pourquoi le contremaître il est venu
me chercher ? Oui, parce que ma sœur était raccoutreuse et le contremaître était venu me
chercher en me disant :
-Ben, vous avez fait l'école de bonneterie. Est-ce que vous pouvez faire, rebrousser, faire
du rebroussage sur métier rectiligne ?
-Ben, j'ai dit, oui. J'en ai fait.
Alors il m'a dit :
-Vous venez, j'ai un métier, j'ai un huit têtes et vous allez donc essayer de remailler les
chaussettes.
Alors j'ai fait du remaillage et puis après j'ai fait des longs et puis après je faisais des, de la
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semelle, pour faire de la semelle pour les chaussettes. Et puis quand le, le long était fini,
on envoyait ça à la, sur, sur une personne qui avait une machine Mirror pour coudre.
Parce qu'à l'époque y avait de la couture pour les chaussettes. Y avait beaucoup de
couture. Et après, la, la couture était terminée, on, on envoyait ça dans une maison qui,
oh, j'ai des absences de mémoire, qui faisait du, ben, comment qu'on appelle ça ? De la,
de la forme, pour former les chaussettes. Alors c'est comme ça que les chaussettes sont
parties, on faisait former les chaussettes. Mais ça, faudrait que je fasse un écrit de tout ça,
parce que, voyez, vous me posez des tas de questions, mais, y a des choses qui me
reviennent avant d'être dans le circulaire. C'est pour ça qu'après, quand j'ai eu le
circulaire, j'avais plus de, j'avais des notions de maille, de, de tricot et puis des, de la façon
de pratiquer mais là, les questions à me poser, c'est difficile d'y répondre comme ça.
Parce que, pensez, ça fait combien d'années que ça s'est passé ! Pff, on est, on est, on
est en ce moment en deux mille treize et, deux mille treize et à l'époque c'était donc, on a
dit, en quarante-six, quarante-sept, quarante-huit. Alors, voyez, quarante-huit, pour aller à
cinquante, ça fait deux ans. Cinquante pour aller à quatre-vingts, et aujourd'hui, ça fait
combien, hein ? Ah oui.
J: Et tout à l'heure, vous m'avez parlé de, de l'exode.
K: Oui ?
J: Vous vous souvenez du jour où ça s'est passé ?
K: L'exode ? Quand les Allemands sont venus ? Oui.
J: Mais avant ? Le moment où vous êtes partis ? Vous vous souvenez comment ça s'est
passé ?
K: Ah ben, ça s'est passé, oui, parce qu'on nous a dit :
-Les Allemands arrivent.
On était sur la voie ferrée à, sur la route de, sur la voie ferrée qui, qui, qui reliait TROYES
à CHÂLONS. Y avait beaucoup de, de, de, de comment, de, de, de militaires qui partaient
sur CHÂLONS. Ils étaient mobilisés. Et alors après, on nous a dit :
-Ben, faut partir. Les Allemands vont arriver, ils vont tout vous faire sauter. Faut, faut
évacuer.
Puis on est, on est partis, quoi. Oh puis y a, pff, oui, on est partis. On est partis, dans ces
moments-là, bon, on n'avait pas de, on avait des, des bicyclettes avec des remorques. Y
avait pas de voitures, hein. Et on est, on s'est posés à, on est allés à AUXERRE, jusqu'à
CLAMECY, puis à CLAMECY on nous a dit :
-Ben, vous pouvez faire demi-tour.
On est revenus, on est revenus sur TROYES. On était partis à peu près une quinzaine de
jours, quoi. Ouais, ouais. Alors y a des tas de choses que je pourrais dire, mais là c'est
trop rapide ce qu'on fait parce que, faut avoir un petit bouquin puis noter au fur à mesure.
Là, c'est difficile, hein, c'est difficile.
J: Et vous êtes partis, y avait qui quand vous êtes partis ?
K: Ben, avec mes parents. Mes parents puis mes, mes frères, et puis ma sœur. On était
tous, tous partis ensemble, quoi. On a dormi à AUXERRE. Et y a eu un bombardement à
AUXERRE. Je me souviens dans la nuit, un bombardement. Après, le lendemain, on a
quitté AUXERRE pour aller à CLAMECY. Et de CLAMECY, après, on est revenus sur
TROYES. Voilà. Oh, on avait du chemin, hein, à l'époque, hein. On est...
J: Et y avait du monde, ou y avait pas grand-monde ?
K: Oh oui, il, sur la route ? Ah ! Oui, y avait du monde sur la route. Tout le monde évacuait,
on était les uns derrière les autres, hein. Ah, oui. Et comment je suis revenu à TROYES ?
Ah oui, je suis revenu à TROYES parce que mes parents, comment que ça s'est
passé que je suis revenu ? Ils sont revenus après, eux. Oui, parce que mon frère était
beaucoup plus âgé, il conduisait déjà une voiture. Et puis sur le bord de la voiture, on a
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récupéré une voiture qui était là, en stationnement et, avec mon frère, on a, il est, on l'a
mis, il l'a mis en route, il l'a mis sur pieds et puis on a demandé du carburant à un officier
allemand qui était là. Il nous a donné cinq litres de carburant pour pouvoir rentrer à
TROYES. On avait mis la voiture en route et puis avec mon frère on est rentrés avec la
voiture à TROYES. Et mes parents sont revenus après. Quelques jours après, ils sont
revenus. Ah ouais. Ouais, c'est des choses qui me reviennent comme ça. Mais vous
savez, hein, il m'est difficile de dire après comment ça s'est passé.
J: Parce que c'était facile de trouver à manger ?
K: Je me souviens plus.
J: Parce que si ça a duré quinze jours...
K: Ben oui. Je sais pas, je me souviens plus du tout, faudrait que, je sais pas. Ma sœur est
partie, mon frère, lui, il aurait pu me le dire, mais maintenant il est fatigué, hein. Je me
rappelle plus du tout comment l'alimentation, comment l'alimentation se présentait. Je
pourrais plus vous dire, je me rappelle plus du tout de ça. Je sais que, lorsqu'on est arrivés
à TROYES, le canal était vidé, tout le canal, hein. Y avait des chevaux qui étaient, qui
avaient pas mangé, ils étaient tous, vous savez, allongés dans le canal. Ils, ils vivaient
plus, quoi, ils étaient...Ouais, enfin. Pour l'instant, voilà. On va en rester là, pour l'instant.
Qu'est-ce que vous en pensez ?
J: Parce que le canal allait beaucoup plus loin que maintenant ?
K: Le canal il était ouvert, il allait jusqu'à BARBEREY, puis là jusqu'à NOGENT. Mais là il, il
était vide. Y avait plus d'eau. Ouais, y avait les chevaux qui étaient crevés, qui, qui, qui
étaient allongés dans le canal, quoi. Ben oui, y avait, y avait des, savez, c'est pour ça,
après les pompiers sont venus pour évacuer tout ça, parce que ça sentait mauvais, surtout
que c'était au mois de juillet, hein. Ah oui, l'évacuation au mois d'août. Vous savez, le
vingt-cinq août c'était la Libération, hein. Donc on est quittés au mois de juillet. Ouais.
J: Et après, la, la vie s'est organisée ?
K: Comment ?
J: Après la vie s'est organisée ?
K: Ah oui, difficilement, hein, difficilement, hein. Ah oui. Ah oui.
J: Comment ça ?
K: Ben, parce que fallait ravitaillement, du ravitaillement, tout ça, vous savez. Et le, c'était
l'exode, hein. Les boulangers, les charcutiers, il fallait se lever à trois heures du matin,
parce que le charcutier, lorsque vous arriviez, y avait une queue qui était là. Alors arrivé à
dix heures, le charcutier il avait plus, il avait plus rien dans son, dans son étal, il avait tout
vendu, hein. Ah ouais. Enfin, voilà. Non, faudra qu'on se revoie pour, que je mette ça au,
au clair, parce que comme ça, ça m'est difficile de...10'32
J: D'accord. Bon, on va passer à d'autres choses, alors. Juste, quand vous vous êtes
installé à votre compte...
K: Oui ?
J: Est-ce que vous avez donné un nom de société ? Est-ce que vous aviez pensé à une
marque ?
K: Ah, à, à l'époque, on était, attendez-voir, de SAINTE-SAVINE pour aller à, oui, j'avais
acheté une marque puisqu'on faisait des sous-vêtements pour bébé, pour enfant, et la
marque c'était Dorémi, ah oui, c’est la marque Dorémi. C'était toute une marque pour de
la, la layette d'enfant, parce qu'on faisait de la layette pour les enfants. Alors on faisait des,
de la bouclette, de la bouclette rasée, on faisait des bermudas, on faisait beaucoup des,
des slips en, en éponge, voyez. On faisait cette, c'était la marque Dorémi. Et puis après,
on s'est mis justement à fabriquer de la, comme j'ai dit, oh, mais ça c'est, tout ça c'est
bien, mais j'ai dit : faut chercher à évoluer. Et c'est là que j'ai évolué sur du matériel
circulaire. Parce que le, oh, je mélange tout, parce que le matériel chaussant que je
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faisais, là, chez, à, dans la petite usine de bonneterie, je disais : c'est bien, le matériel
chaussant mais après il est venu, la venue, il est venu sur le marché des métiers anglais.
On appelait ça les métiers Komet, ils faisaient la, la chaussette entièrement. Alors y avait
plus besoin de faire de, y a juste la pointe pour remailler et puis la chaussette elle était
sortie. Alors que nous, il fallait faire le bord-côte, remailler le bord-côte, il fallait faire le
long, il fallait faire la semelle et il fallait faire après la couture, et après la forme. Alors,
voyez, toute l'opération qu'il fallait faire. Alors on appelait ça la chaussette Cachou. Ça se
vendait très, très bien, parce qu'à l'époque, on trouvait pas de chaussettes, tout ça, ça
partait comme ça, mais aujourd'hui...Ça partait comme chez le boulanger, comme des
petits pains, quoi. Et puis ça a duré et puis je me suis dit : mais ça va durer éternellement,
parce que si les métiers Komet sont sortis, on aura de la concurrence et on pourra pas
arriver au stade de la même, de la même tarification que ce que, notre chaussette
Cachou, quoi. Et de là, je me suis dit : faut que je me reprenne du métier circulaire, qui me
permettra de faire du tissu circulaire. Dans le tissu circulaire, je pourrai faire des maillots,
je pourrai faire des slips, je pourrai faire beaucoup de choses. Et c'est pour ça que je me
suis lancé dans le circulaire. Et puis dans le circulaire après y a eu des métiers beaucoup
plus modernes qui sont arrivés, quoi. Alors là, faudrait que je vous raconte tout ce qui s'est
passé, parce que là, y a eu des métiers, des métiers, des métiers, des métiers, hein. Alors
y a eu, pendant, pendant trente ans, y a eu une évolution dans le matériel circulaire, hein.
J: Et la, la marque Dorémi, c'était sur, c'était sur quel... ?
K: La marque Dorémi c'était sur, en même temps pour les enfants, voyez, la marque
Dorémi...
J: Mais c'était sur circulaire ou sur rectiligne ?
K: Ah non, sur circulaire. Ouais, et puis après, le, les représentants quand ils sont venus
chez nous, ils ont dit :
-On peut pas laisser la marque Dorémi sur du vêtement de sport. Pour les enfants, ça va
très bien mais pour les vêtements de sport c'est négatif, quoi.
Alors on a cherché la marque Footing. La marque Footing et, un échelon, attendez-voir,
parce qu'y avait déjà la marque Tricomaille, et puis après la marque Footing, et puis après
qu'est-ce que c'est qu'y a eu comme marque ? Alors c'est, ah oui, parce qu'après mon fils
il est venu et puis il a lancé la marque Sportonic. Ah oui, c'est ça, oui, oui. Mais je vous dis,
il faudrait, pff...
J: Mais la marque, la marque Dorémi...
K: Ouais ?
J: C'était une marque qui existait ou que vous avez trouvé ?
K: Oui, c'est, non, non, c'est une marque qui, qu'on avait rachetée à, à, parce que ce, ce,
le comment, le, ce, cet, je crois que ce monsieur-là a eu, il a eu un problème et ça a été
liquidé et c'est un commissaire-priseur qui nous l'a cédée. On l'a rachetée, oui, la marque
Dorémi, on l'a rachetée. Alors on avait gardé pour les enfants mais comme après on s'est
déroutés pour le vêtement de sport, tous les, le, tous les articles d'enfant, on les a, on les
a abandonnés, quoi. On a arrêté la fabrication.
J: Et la marque Footing alors, c'est venu comment ?
K: Ben, la marque Footing, c'est venu en, avec le vêtement de sport. Mais comme la,
Footing c'est un nom commun, ils ont dit :
-Oh ben...
On l'a gardé quelques années, quoi, comme, et la marque après ça a été Tricomaille, tricot
en maille, quoi, en survêtement. Mais enfin, y a tellement eu de choses !
J: Et comment elle a été trouvée cette marque ?
K: Ben, elle a été trouvée à force de chercher. Parce que les représentants, c'est pareil, ils
voulaient avoir une marque parce qu'on a, on était quand-même, on avait la marque du
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Coq sportif, hein, qui nous gênait sur le marché, hein, c'était, on était deux à faire du
survêtement, hein. Pardon.
J: Oui, vous étiez deux. Y avait une concurrence ?
K: Oui, c'était le Coq sportif. Et puis après, on était sur le marché, comme on était, on avait
des tarifs et puis une, une fabrication qui était très, qui était une fabrication qui était
vraiment, qui était très bonne, la plupart des vêtements de sport, avec les représentants.
Ils travaillaient énormément parce c'est, ils avaient des tarifs et puis une qualité de, de
tricot, hein, qui permettait de, de pouvoir vendre leurs survêtements facilement, quoi. Ah
oui, alors, là, on avait très bien travaillé, hein. Ça a duré longtemps. Alors le Coq sportif, il
a, il a, il a eu des difficultés parce que nous on arrivait sur un marché avec des tarifs et
puis avec une matière qui correspondait à un, à un beau vêtement de sport. Voilà.
J: Mais la marque Tricomaille, elle était moins connue ?
K: Oui, mais on l'a lancée sur le marché et puis ça s'est passé comme ça, parce que, bon,
bon, après, je peux pas vous dire exactement que, ce qui s'est passé, parce que...Après
mon fils il s'est, il est venu, il a dit :
-Moi, je veux, je veux fabriquer ma marque.
Il voulait fabriquer sa marque. Alors lui, sa marque de vêtements de sport, c'est-à-dire,
parce que nous on travaillait avec des magasins de sport et lui il voulait travailler avec des
grandes surfaces. Il avait des connaissances de chez Auchan, de chez comment,
Décathlon, et Décathlon on a travaillé énormément en fabrication des vêtements de sport.
Et c'est là qu'on a eu la marque Décathlon pour le vêtement de sport, parce que Décathlon
avait déposé sa marque et on lui mettait sa marque. Et puis Jean-Claude avait donc
déposé la marque Sportonic, pour les vêtements aussi de sport, avec les grandes
surfaces. Y avait deux, deux marques différentes, quoi.
J: Et c'était un vêtement différent ?
K: Non, non, non. C'était le même. C'était le même, mais avec deux marques différentes,
quoi. Ah non, la, la fabrication était la même, quoi.
J: Et le prix vendu, pour vous, c'était le même, ou pas ?
K: Ben, nous, le, pour les grandes surfaces, à l'époque y avait, savez, on, on manquait de
survêtements. Bon, le tarif c'était le tarif, hein. On disait un survêtement, bof, à l'époque,
savez, on était très, très bien placés, hein. C'est pour ça qu'on travaillait. On faisait six
tonnes de tissu par jour. Mais enfin, pas le, on faisait pas que du survêtement, y avait tout
le tricot. Y avait le tricot pour les maillots de corps, y avait du tricot pour les, les robes en
polyamide, y avait du tricot qu'on faisait après en rayures. Après y avait du tricot qu'on
faisait en bouclette rasée rayure, mais on avait une diversité de métiers qui nous
permettait de, de travailler dans tous les domaines. Mais dans les domaines qu'on vendait
le tissu, parce qu'on pouvait pas tout confectionner, quoi. Ouais. Enfin, voilà.
J: Et vous avez, vous avez participé à imaginer la marque Tricomaille, ou pas ?
K: Ben oui, oui, oui. À l'échelon, on avait fait Tricomaille avec nos boîtes de survêtements
Tricomaille. C'était, c'était bien parti. Si, si on n'avait pas eu les Chinois qui sont arrivés sur
le marché, on aurait encore travaillé, quoi. Mais on n'avait plus, la concurrence des
Chinois, c'était du dumping, pff. On pouvait pas lutter, hein.
J: Mais l'idée elle est venue de, de, d'où, elle est venue de qui, elle est venue comment ?
Tricomaille ?
K: Ben, le tricot en maille. Oui, ça, ça a plu quand-même, parce qu'y avait, y avait
énormément de magasins de sport qui, qui désiraient du Tricomaille. ***. Parce que le
vêtement était tellement beau et tellement, à des prix très compétitifs que, tout ce qui était
livré c'était vendu, hein. Ah, on travaillait bien, hein. C'était, d'ailleurs du mois de
septembre, lorsqu'on présentait nos collections à VERSAILLES, on était complets jusqu'au
mois de juillet. Ah oui, oui. Ah oui. Ah oui, ça, ça a duré, ça a duré jusque...Après c'est,
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c'est pas, c'est, c'est les Chinois après, hein.
J: Et y avait des modes ?
K: Ah ben, oui, oui. Y avait des modes. À chaque année, fallait faire la structure du
vêtement, inventer des bandes, faire des fantaisies, voyez. C'était pas le même vêtement,
hein, c'est, c'était un vêtement amélioré chaque année, quoi.
J: Ah, c'était tous les ans ?
K: Tous les ans. Oui. Oui, oui.
J: Y avait pas une mode hiver, une mode été ?
K: Non. Non, le vêtement il se vendait aussi bien l'été que l'hiver et puis on faisait
également beaucoup de survêtements pour les enfants qui rentraient en classe, hein. Ça
aussi, on en a fait du survêtement. Voilà. Mais après c'était, c'est parce que c'était
autorisé, puis après ils ont dit :
-Oh ben, non.
Ils avaient, ils avaient abandonné le projet, vous savez, pour les enfants, le survêtement.
On en faisait, mais on en faisait beaucoup moins parce que lorsqu'ils ont demandé, à
l'époque où ils ont demandé de fabriquer, c'était obligatoire pour entrer en classe, pour les
enfants. Alors y avait, y avait de, une activité pendant quelques mois pour fabriquer tous
ces vêtements, quoi. Voilà.
J: Mais le, ensuite, y a jamais eu de mode été, pour le survêtement, et de mode hiver ?
K: Non, parce que les, lorsqu'on travaillait au mois de mars, avril, mai, ces vêtements-là
étaient destinés pour la rentrée, pour la rentrée du mois de septembre. Alors, l'été ils en
vendaient toujours des survêtements : ceux qu'ils allaient à la plage, ceux qu'ils allaient,
vous savez, le, le vêtement il se vendait, pas en quantité comme au mois de septembre,
novembre, mais ceux qui partaient en vacances, ils avaient leur survêtement. Ils faisaient,
vous savez, ils faisaient du camping. Le matin ils se levaient, ils mettaient leur
survêtement, hein. C'était courant, ça. Voilà, puis...
J: Qui, qui, qui s'occupait des collections chez vous ?
K: Eh ben, on avait, on avait un garçon qui s'occupait des collections, puis on avait une
contremaîtresse également à l'atelier de confection. Mais on avait des sujets, avec un
collègue qui s'occupait beaucoup de, il était représentant dans les magasins de sport,
alors il voyait un petit peu ce qu'il fallait faire. Alors chaque année, on avait des réunions
au mois de juin et il nous disait :
-Voilà, c'est la tendance pour l'année prochaine, c'est ça, c'est ça.
On avait déjà une tendance de fabrication. Enfin...
J: Et c'est déjà arrivé de se tromper, de... ?
K: Ah ben y a eu des erreurs de faites, oui. Mais enfin, on peut pas dire qu'on a fait des
grosses erreurs, hein. Non.
J: C'était quoi, les erreurs ?
K: Ben, les erreurs, c'était des erreurs de nuances. Parce que des fois, il fallait, il fallait
faire beaucoup de noir, à l'époque des noirs, après du marine, après c'était du, du marron,
hein, vous savez, c'est des coloris qui, qu'on venait ajouter dans les survêtements, quoi,
parce que fallait pas toujours faire du noir. Une fois que le noir était fait une année, fallait le
retirer, quoi, hein. On allait sur, on avait une autre tendance, quoi. Ah ouais. Enfin, voilà,
voilà.
J: Et y avait, la marque, y avait un, elle était marquée sur... ?
K: Non, non, non, non. Non, non, elle était pas marquée, on a juste la vignette qui était
marquée, c'est tout. Ben, vous savez, on faisait pas de publicité en ce genre-là, hein. Non.
Non, non, y avait pas, nous on faisait pas de l'impression, y avait pas d'impression.
J: Et pareil pour Domino, y avait juste... ?
K: Tricofil, Tricomaille derrière. C'était une vignette, une grosse vignette. Ouais.
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J: Mais derrière le vêtement ?
K: Oui. Dans le, derrière le vêtement, oui.
J: Donc qui se voyait ?
K: Oui. Oui, oui. Ah oui.
J: Et...
K: Oui.
J: Et pour Domino, pareil ?
K: Domino ?
J: Domino, Dorémi !
K: Ah oui. Ah, Dorémi, oui, c'était pareil, c'était la même chose. Oui, Dorémi, les enfants,
ils ont bien travaillé, hein.
J: Mais y avait pas Dorémi quelque part ?
K: Ah non. Non, non. Non, Dorémi c'était la boîte qui était financée avec le sachet Dorémi.
J: Avec le ?
K: Un sachet. On mettait le vêtement dans un sachet aussi, en polyamide. Ouais.
J: Ah bon ?
K: Ouais. Oui, à l'époque, c'était des sachets.
J: Et, et y avait pas de pub ?
K: Comment ?
J: Pas de publicité ?
K: Non. On a fait juste de la publicité avec Tricomaille lorsque, sur les, les stades de
football pendant quelques années, on a fait la, on a fait de la publicité. Ça a coûté de
l'argent mais on n'aurait jamais pu faire de la publicité. Vous savez, la grosse publicité,
Adidas ou le Coq sportif, ça marquait beaucoup. Tricomaille, bon, on le faisait aussi mais
on n'a pas pu faire comme eux. Ils avaient une, ils faisaient une publicité toute l'année
tandis que nous on avait fait ça l'été, au mois de septembre pour la rentrée, ou au mois
d'octobre, je sais plus, ça durait deux mois, deux-trois mois, puis après on a abandonné
parce que ça coûtait, c'était un tarif élevé, hein. Ah oui.
J: Et alors qu'est-ce que vous avez fait comme publicité ?
K: Ben, celle-là, sur les stades. Oui.
J: Et c'est tout ?
K: C'est tout. C'était déjà pas mal. Ouais.
J: Et c'était dans quels stades ? Dans tous les stades de France ?
K: Oui, c'était à, on faisait ça lorsqu'y avait des grandes compétitions. On a, c'est une
société parisienne qui prenait en charge, c'est, nous on s'en occupait pas. Ils, ils faisaient
de la publicité, c'est juste le, le règlement qui était effectué chaque mois, quoi. Ah oui.
Ouais.
J: Et vous aviez des catalogues ?
K: Ah oui, oui. Y avait des catalogues, ça, y avait des catalogues. Ça y avait des
catalogues qui étaient distribués à...Non, là, de ce côté-là, c'était très bien organisé, hein.
Sinon que, la concurrence est venue, une fois que la concurrence est venue, c'est, c'était
plus la peine d'insister, hein.
J: Et vous me parliez tout à l'heure de tricot. Alors qu'est-ce que c'est, vous me parlez de
tricot, de maille...
K: Oui, ben, c'est-à-dire que, enfin, on, on tissait beaucoup de, de, de jersey, du jersey qui
était destiné pour plusieurs confectionneurs qui faisaient leur confection. Ils me
demandaient par exemple les, des tricots ajourés, ils me demandaient du tissu à maille
renversible, ils me demandaient des tissus à rayures, vous voyez. Tout ça, c'était pas pour
moi, c'était pour eux, mais c'est moi qui leur faisais leur tissu, quoi, je leur, je leur cédais
des pièces de tissu. Je faisais beaucoup de, enfin, je vais pas vous raconter parce que j'ai
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beaucoup dessiné des tissus pour la fabrication de vêtements de femme, aussi. Ah non,
on avait des tas de possibilités, hein.
J: Mais y avait différents métiers, alors ?
K: Ah ben oui, y avait quatre-vingts métiers ! C'était tout différent, hein. Y avait des métiers
avec des petits diamètres, des grands diamètres, y avait des jauges, des jauges douze,
des jauges quatorze, des jauges seize, des jauges dix-huit, des jauges vingt, des jauges
vingt-deux, des jauges vingt-huit, des diamètres différents. Ah, y avait, y avait ce qu'il
fallait.
J: Et Tismail, c'est autre chose ?
K: Ah ben, Tismail c'est une, c'est le monsieur, là, qui fait de la chaussette, hein, Tismail.
J: Parce que Tricomaille, Tismail, ça se ressemble comme nom.
K: Ouais, ouais. Ouais. Ben, Tismail c'est celui qui est installé là, rue Romagon, là-bas, il
fait de la chaussette, là. D'ailleurs il fait de la chaussette dans des, pour des joueurs de
football ou de basket, tout ça. Il fait, c'est de la meilleure chaussette que, c'est pas de la
chaussette courante, hein. C'est, c'est de la chaussette qui est étudiée, hein. Ah ouais.
Bon, ben, je pense qu'on va déjà arrêter là, hein, aujourd'hui, parce que...
J: D'accord. Et, juste une dernière chose, le chaîne et trame...
K: Ouais ?
J: C'est, vous, vous pouvez me dire ce que c'est ?
K: Ah oui, le chaîne et trame, c'est fait sur un métier rectiligne et dont la maille est,
comment dirais-je ? Comment je pourrais vous expliquer ça ? Le chaîne et trame c'est un
tissu qui est pas extensible, hein. Tandis que la maille c'est une maille extensible. Alors
que le chaîne et trame c'est deux tricots, c'est un tricot différent, avec des aiguilles
différentes. Et ça vous permet de mettre un tissu qui soit, comment dirais-je, je pourrais
vous dire ça, qui ne soit pas extensible, hein. Chaîne et trame c'est ça, comme votre
pantalon, ça, c'est du chaîne et trame. Alors que ça, c'est de la maille, voyez. C'est du
tricot en maille, ça.
J: Vous faisiez que de la maille ?
K: Que de la maille, voilà. Du chaîne et trame, on faisait, on n'a pas ce, on n'avait pas ce
genre de matériel. C'était des spécialités du Nord, le chaîne et trame. Mais nous on avait
simplement que du jersey, jersey de différentes façons, différentes choses, différentes
possibilités de réaliser des jerseys dans les conditions que le confectionneur me
demandait. Il nous disait :
-Tiens, est-ce que vous pouvez me faire un tissu ajouré ?
Je dis :
-Bon, on fait un tissu ajouré.
L'autre il disait :
-Ah ben, est-ce que vous faites du tissu rayé ?
Comme ça, voyez, comme votre pull. Alors on faisait du tissu rayé, hein. On avait des
compteurs pour faire le, la rayure. Alors d'autres nous demandaient ça pour des
fabrications de robes de femme. C'était des Parisiens qui me demandaient ça, alors c'était
fait sur des métiers interlock en jauge vingt-huit et c'était très fin, et puis alors je leur
faisais ça en écru. Eux ils se débrouillaient, ils prenaient les pièces, ils allaient chez le
teinturier, ils teignaient dans les coloris qui, qui à l'époque étaient demandés, quoi.
J: Vous m'avez dit : dans des métiers inter quoi ?
K: Le, s'il vous plaît ?
J: Vous m'avez, vous m'avez dit : dans, sur des métiers... ?
K: Interlock ! Oui, ben oui, parce que y a des métiers jersey, des métiers interlock, hein,
qu'on, qu'ont continué. Et le métier jersey ça vous permettait de faire différentes qualités
de maille et puis les interlocks de différentes mailles aussi, hein. C'était tout à fait différent,
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quoi.
J: Parce que tous les, tous les survêtements étaient en, en jersey ?
K: Ah, les survêtements, non. Ils étaient en double jersey. C'est-à-dire les, les vêtements
de sport c'était du molletonné. C'était un double, un jersey et à l'intérieur un tricot qui
faisait, qu'on grattait pour, pour lui donner de la doublure, quoi. Ouais, c'est ça qu'on
appelait le tissu molletonné.
J: Et ça c'est vous qui le faisiez ou c'était à la teinture ?
K: Non, c'est, là, c'était le, c'était la teinture, quoi, ça passait en teinture au grattage. Mais
le grattage on le faisait aussi chez nous. On faisait teindre les pièces et on grattait les
pièces chez nous. On avait des gratteuses, quoi. À l'époque, mais enfin c'était pour
gagner du temps, parce que les teinturiers ils étaient un peu dépassés aussi. Ils avaient
énormément de travail, quoi. On leur demandait de teindre et ils nous envoyaient les
pièces teintes et nous on faisait le grattage à la maison, dans l'atelier, quoi.
J: Et vous, vous avez travaillé avec, avec GESP, c'est ça ?
K: Non, avec la Champagne.
J: Avec la Champagne ?
K: Avec, avec SIX, SIX et puis son collègue, là, comment c'était ? LEVIELLE. Y avait
LEVIELLE, y avait SIX et LEVIELLE, tous les deux à la direction de la teinturerie de
Champagne, quoi. On a travaillé très, très, très longtemps avec eux, hein. Bah, jusqu'au
jour où on a arrêté, hein. Ah ouais. Bon, ben, voilà, ben, on a fait un petit peu le tour, hein.
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