Sortir ou non du diesel : Quand et comment

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Sortir ou non du diesel : Quand et comment
Sortir ou non du diesel :
Quand et comment ?
Communiqué de Presse
04 mars 2013
La confirmation du caractère carcinogène des particules émises par les moteurs diesel a récemment jeté le
pavé dans la mare alors que les propulsions automobiles amorcent leurs grandes mutations faire de moindre
émissions de CO2. Le fait que ce débat soit concomitant avec les difficultés des constructeurs français, dont
l’un des derniers bastions est justement le leadership sur la motorisation diesel, a contribué à passionner un
débat qui doit être rationnalisé : Comment et à quelle échéance gérer une sortie du diesel pour les véhicules
particuliers ?
Cette gestion doit être pilotée minutieusement et progressivement afin de respecter :
-
les normes de pollution locale (désavantageant le diesel émettant NOx et particules)
les objectifs de réduction d’émissions de CO2 (avantageant le diesel grâce à des moteurs plus
efficaces)
-
l’équilibre de la consommation française et européenne de carburant (compte tenu d’un deficit
durable et préoccupant de gazole et d’un excédent d’essence)
-
les volumes de vente et de production de constructeurs et équipementiers spécialisés
notamment Renault et PSA
-
le patrimoine automobile des ménages et entreprises qui pourrait être rapidement déprécié et
entrainer des effets de richesses négatifs délétères
-
les finances publiques
Le BIPE, cabinet d’études et de conseil, est capable de modéliser à horizon 10 et 20 ans l’évolution des
ventes par propulsion, dans différents contextes énergétiques et règlementaires. L’outil propriétaire du BIPE
est en particulier capable de simuler les effets de différentes mesures gouvernementales sur les ventes de
véhicules diesel.
Sans même simuler de mesures dissuasives additionnelles, les motorisations diesel ont probablement atteint
aujourd’hui une pénétration maximum dans les ventes (72,9% en 2012 en France pour le véhicule
particulier), et une chute conséquente de leurs parts de marché est inévitable à horizon 2020 : de 42 à 48%
des ventes à horizon 2020. Cette baisse a plusieurs raisons :
-
Arrivée de la norme Euro 6 en 2014 renchérissant les véhicules diesel par l’ajout d’un dispositif de
dépollution, puis de la norme Euro 7 probablement vers 2020
-
Concurrence de motorisations essence toujours plus performantes (downsizing, hybridation…)
-
Augmentation relative du prix du carburant diesel hors taxe en raison du déséquilibre de raffinage
européen qui ne fera que s’amplifier jusqu’en 2020 en raison de la diésélisation du parc.
Extension dans toute l’Europe des zones à accès restreint pour les véhicules les plus émetteurs de
polluants locaux
De plus, à l’amorce d’une chute des ventes de véhicules neuf diesel, le marché de l’occasion risque de se
retourner, proposant des valeurs résiduelles moins importantes, incitant les acheteurs de neuf à se
détourner encore plus de cette propulsion. La question reste de connaître le seuil de non-retour entrainant
ce cercle vicieux.
Plusieurs règlementations peuvent être implémentées qui pourraient permettre de gérer la transition au
mieux en vue des 5 critères présentés ci-dessus.
-
Fin de la récupérabilité de la TVA sur le carburant diesel pour les entreprises. Aujourd’hui seule la
TVA sur l’essence n’est pas récupérable par les entreprises, ce qui explique les 97% de part de marché
du diesel dans ce segment qui fait près de 45% des immatriculations neuves. Cette mesure permettrait
au gouvernement d’économiser plus d’un milliard d’euros par an, salutaires en ces années de
contraintes budgétaires. Cette mesure pourrait rééquilibrer le parc entreprises et donc presque la moitié
des ventes neuves de manière assez rapide. Les hybrides essence seraient les grands vainqueurs de
cette mesure
-
Norme Euro 7. Aujourd’hui, et d’autant plus avec Euro 6, les véhicules diesel immatriculés rejettent peu
de particules et de NOx sur le cycle d’homologation NEDC. Il n’en est pas de même en conditions
réelles de circulation. Si le test d’homologation WLTP, censé rentrer en action en 2017, adopte des
conditions plus réalistes (température, accélérations…), les solutions techniques pour les satisfaire
pourraient renchérir de manière prohibitive les systèmes de dépollution. Les détails de ce cycle,
cruciaux, seront adoptés vers 2014 à l’échelle européenne, où le lobby du diesel est moins puissant
qu’en France. A moins bien sûr que l’excellence technologique française en la matière parvienne à
trouver des solutions en limitant les coûts additionnels.
-
Différenciation des bonus/malus et de la TVS pour les motorisations essence et diesel. Ces mesures
sont aujourd’hui exclusivement indexées sur le niveau d’émissions de CO2 et donc favorisent le diesel.
Si elles sont différenciées, se renchérissant pour le diesel, comme la taxe à la possession en
Allemagne, cela pourrait changer du tout au tout les avantages des deux motorisations, notamment la
TVS pour les entreprises qui peut représenter jusqu’à plusieurs milliers d’euros par an.
-
Augmentation de la taxe excise sur le carburant diesel. Une proposition d’harmonisation des taxes
excises européennes est proposée à la Commission. Cette harmonisation qui indexerait le niveau de
taxe au contenu énergétique, inverserait complètement les niveaux de taxation entre essence et diesel.
Elle est encore en discussion et ne sera appliquée, si elle l’est, qu’après 2017 et progressivement ;
néanmoins, on aurait alors une situation similaire à celle qui prévaut en Grande-Bretagne où les taxes
essence et diesel sont les mêmes. Le diesel y représente 50% des ventes contre 71% en France en
2011. Cette mesure pourrait rapporter plus de 4 milliards d’euros par an à l’état.
-
Instauration des ZAPA (Zones d’Action Prioritaire pour l’Air) avec des restrictions sévères pour les
motorisations diesel. Cette mesure est demandée par de nombreux habitants des centres-villes et
aurait des impacts très difficiles à quantifier. Tout d’abord parce qu’ils dépendraient très fortement de la
sévérité de la mesure (quelle taille des zones sanctuarisées ? quelle âge des véhicules exclus ?…),
ensuite parce qu’elle exigerait une redéfinition complète de la mobilité des personnes et des
marchandises dans des zones à forte densité de population. On a pu constater avec les tâtonnements
de cette année la difficulté de mettre en place un tel système.
Il est clair que pour des raisons d’équilibre pétrolier et de pollution locale, la France devra réduire ses ventes
puis son parc de motorisation diesel à moyen ou long terme. Les propulsions électrifiées et les améliorations
des moteurs-essence permettront sans doute de tenir les objectifs CO2. Néanmoins la transition devra se
faire en douceur, grâce à des mesures gouvernementales progressives, respectant un temps d’adaptation
pour la filière et avec un impact au moins neutre pour les caisses de l’état et les actifs des ménages et des
entreprises, ainsi que leur budget carburant.
Le BIPE complétera son analyse d’impact de ces mesures à l’occasion des livraisons 2013 de ses
Observatoires des Conjonctures et Prévisions des marchés automobiles (Club Auto.), des Energies et
propulsions nouvelles dans les transports routiers (Club ENTR), des Mobilités et arbitrages automobiles
(OMA), du déploiement des réseau de recharge VE (Clive), du Financement des Entreprises (OFIPE)…
Créé en 1958, le BIPE est une société d’études économiques et de conseil en stratégie auprès des grandes
entreprises privées et des pouvoirs publics. Ses cinquante consultants sont basés à Paris.
Contacts BIPE :
Éric Champarnaud – Associé, Vice Président
01 70 37 22 67 - [email protected]
Clément Dupont-Roc – Consultant Senior
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