COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE

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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
MONTRÉAL
DOSSIER :
C-2014-3992-5 (13-1532-1, 2)
LE 16 SEPTEMBRE 2015
SOUS LA PRÉSIDENCE DE Me PIERRE GAGNÉ
LE COMMISSAIRE À LA DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
c.
L’agent CARL LEFEBVRE, matricule 941
Le sergent DENIS ROUSSEAU, matricule 776
Membres du Service de la protection de la faune
DÉCISION
CITATION
[1]
Le 10 juin 2014, le Commissaire à la déontologie policière (Commissaire) dépose
au Comité de déontologie policière (Comité) la citation suivante :
« Le Commissaire à la déontologie policière cite devant le Comité de
déontologie policière l’agent Carl Lefebvre, matricule 941, et le
sergent Denis Rousseau, matricule 776, membres du Service de la protection
de la faune :
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1. Lesquels, à Salaberry-de-Valleyfield, le ou vers le 5 juin 2013, alors qu’ils
étaient dans l’exercice de leur fonction, ne se sont pas comportés de
manière à préserver la confiance et la considération que requiert leur
fonction à l’égard de monsieur Dany Tremblay, en lui manquant de
respect, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 5 du Code
de déontologie des policiers du Québec (Chapitre P-13.1, r. 1);
Lesquels, à Salaberry-de-Valleyfield, le ou vers le 5 juin 2013, alors qu’ils
étaient dans l’exercice de leur fonction, ont abusé de leur autorité à l’égard
de monsieur Dany Tremblay, commettant ainsi autant d’actes dérogatoires
prévus à l’article 6 du Code de déontologie des policiers du Québec
(Chapitre P-13.1, r. 1) :
2. en l’intimidant;
3. en portant sciemment contre lui une accusation sans justification;
Lesquels, à Salaberry-de-Valleyfield, le ou vers le 5 juin 2013, alors qu’ils
étaient dans l’exercice de leur fonction, n’ont pas respecté l’autorité de la
loi à l’égard de monsieur Dany Tremblay, commettant ainsi autant d’actes
dérogatoires prévus à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du
Québec (Chapitre P-13.1, r. 1) :
4. en l’arrêtant illégalement;
5. en le détenant illégalement;
6. en se livrant à des voies de fait sur sa personne;
7. Lesquels, à Salaberry-de-Valleyfield, le ou vers le 5 juin 2013, alors qu’ils
étaient dans l’exercice de leur fonction, n’ont pas exercé leurs fonctions
avec désintéressement et impartialité à l’égard de monsieur
Dany Tremblay, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 9 du
Code de déontologie des policiers du Québec (Chapitre P-13.1, r. 1). »
FAITS
[2]
Au début de l’audience, le procureur de l’agent Carl Lefebvre et du
sergent Denis Rousseau reconnaît que ceux-ci ont commis l’inconduite qui leur est
reprochée au chef 4 de la citation.
[3]
En conséquence, le Comité :
[4]
PREND ACTE que l’agent Carl Lefebvre et le sergent Denis Rousseau
admettent avoir eu la conduite dérogatoire décrite au chef 4 de la citation.
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La version du Commissaire
[5]
Le 5 juin 2013, M. Dany Tremblay est le sergent coordonnateur aux opérations
du Service de la protection de la faune au bureau de Valleyfield.
[6]
L’agent Lefebvre est le subalterne du sergent Tremblay, tandis que le
sergent Rousseau occupe des fonctions similaires à celles du sergent Tremblay, mais
au bureau de Granby.
[7]
La veille, à l’heure du souper, le sergent Tremblay a reçu un appel téléphonique
du sergent Rousseau lui demandant s’il assistera, le lendemain matin, à une
conférence téléphonique en vue d’une opération auprès de braconniers. Le
sergent Rousseau l’a informé que le lieutenant Ghyslain Thibodeau était au courant du
dossier.
[8]
Le sergent Tremblay n’est pas surpris de cet appel, puisqu’il leur arrive
régulièrement de s’entraider, particulièrement dans des dossiers de braconnage.
[9]
Le 5 juin 2013, vers 5 h 45, il se présente à son bureau situé au 640,
rue Cardinal à Valleyfield. À son arrivée, il voit le sergent Rousseau et l’agent Lefebvre
dans le stationnement.
[10] Il est en vêtements civils alors que le sergent Rousseau et l’agent Lefebvre sont
en uniforme.
[11] Il demande au sergent Rousseau ce qu’il fait là. Le sergent Rousseau lui dit qu’il
a changé d’idée et qu’il a décidé de tenir la conférence sur place.
[12] Le sergent Tremblay descend de son véhicule et se dirige vers l’entrée du
bureau. À ce moment, l’agent Lefebvre se place devant lui pour lui barrer le chemin et
lui dit : « Tu rentres pas au bureau à matin. » Le sergent Tremblay le regarde. À ce
moment, le sergent Rousseau s’adresse au sergent Tremblay en lui disant qu’il est là
pour procéder à son arrestation. En pointant sa veste pare-balle, il ajoute que tout ce
qui se dit est enregistré.
[13] Ensuite, le sergent Rousseau lui fait la lecture de ses droits après lui avoir dit
qu’il était accusé d’avoir proféré des menaces de voies de fait à l’endroit d’un agent.
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[14] Le sergent Tremblay est interloqué par la situation. Il décide de faire un pas vers
la porte, mais l’agent Lefebvre se replace encore devant lui pour l’empêcher de
poursuivre son chemin. Le sergent Rousseau l’informe qu’il est en état d’arrestation et
qu’il va le menotter.
[15]
Le sergent Tremblay restera menotté environ cinq ou six minutes.
[16]
Le sergent Tremblay témoigne :
« Dans ma tête, il n’y a rien de sérieux là-dedans, ça se peut pas. Donc, je
collabore, ben je collabore, veut veut pas, je collabore parce que je me suis
senti intimidé à ce moment-là. Il a pris une position offensive, position
d’attaque on dirait. Il a porté sa main à proximité de l’arme à feu, de son arme
à feu. Là, j’ai compris que c’était vraiment sérieux. Donc, j’ai reviré face au
mur, puis il m’a passé les menottes dans le dos. Je lui ai dit de faire attention
à mon épaule, que j’avais une bursite. Là, il a mis deux menottes pour ne pas
me faire mal à l’épaule. »
[17] Puis, l’agente Mireille Poirier, qui était à l’intérieur, sort du bureau et avise le
sergent Rousseau que la Sûreté du Québec (SQ) a été appelée et que des agents sont
en route.
[18] Peu après, le sergent Stéphane Gravel et l’agent Éric Larsen de la SQ arrivent
sur les lieux à bord d’une voiture de patrouille.
[19] Le sergent Rousseau va à leur rencontre et ils ont une brève discussion. Par la
suite, le sergent Gravel s’approche du sergent Tremblay et lui enlève les menottes en
lui disant : « Je pense pas qu’on ait besoin de te mettre les menottes » et il l’invite à
s’asseoir dans le véhicule de patrouille. Ils quittent ensuite en direction du poste de la
SQ.
[20] Le sergent Tremblay est conduit dans une salle d’interrogatoire, où on lui lit ses
droits de nouveau. On l’interroge sur des menaces de voies de fait à l’encontre de
l’agent Sylvain Sgroi survenues en 2011 ou en 2012. Dans le courant de l’avant-midi,
les policiers ajoutent une accusation de harcèlement criminel.
[21] Il contacte ensuite son avocat, Me Jacques Vinet, qui lui conseille de garder le
silence. Il obéit à cette consigne.
[22]
Il est mis en cellule jusqu’au début de l’après-midi.
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[23] Lors de sa libération, il signe une promesse de comparaître et s’engage à ne pas
entrer en contact avec les autres agents du bureau de Valleyfield.
[24] Puis, l’agent David Grenier de la SQ lui demande s’il possède des armes.
Il répond qu’il en a deux. Il se rend alors chez lui avec les policiers pour leur permettre
de les récupérer.
[25] Le sergent Tremblay a été accusé d’avoir mal entreposé des armes à feu1. Il a
plaidé coupable à cette accusation.
[26] Il a aussi reçu une lettre du lieutenant Ghyslain Thibodeau l’informant qu’il était
relevé provisoirement de ses fonctions avec solde.
[27] Le sergent Tremblay témoigne n’être jamais retourné au travail depuis ce jour.
Il est actuellement en pré-retraite.
[28] Finalement, aucune accusation de menaces de voies de fait ou de harcèlement
criminel ne fut portée contre lui2.
[29] Lorsqu’il témoigne sur la formation dispensée aux agents de protection de la
faune, il explique qu’ils sont formés initialement dans un centre situé à Duchesnay.
[30] À cela s’ajoutent des cours de formation continue. Le sergent Rousseau est
d’ailleurs l’un des instructeurs.
[31] Ces cours portent notamment sur le pouvoir d’arrestation des agents de
protection de la faune, la pose de menottes et l’emploi de la force.
[32]
En contre-interrogatoire, le sergent Tremblay précise que c’est le
sergent Rousseau qui lui a posé les menottes. Ce dernier est le seul qui l’ait touché
physiquement.
[33] L’agent David Grenier de la SQ a été assigné par le sergent Dominique Robert
comme enquêteur au dossier impliquant le sergent Tremblay.
1
2
Pièce C-4.
Pièce C-4, p. 129.
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[34] Le dossier d’enquête3
sergent Tremblay, notamment :
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contient
différents
documents
concernant
le
-
une dénonciation pour avoir entreposé des armes à feu contrairement au
règlement adopté en vertu de la Loi sur les armes à feu;
-
une demande d’intenter des procédures pour usage négligent d’armes à feu;
-
une promesse de comparaître et les conditions imposées au sergent Tremblay
relativement à l’accusation de harcèlement et de menaces;
-
un rapport à un juge de paix à la suite d’une saisie sans mandat (saisie des
armes à feu du sergent Tremblay);
-
la décision du procureur aux poursuites criminelles et pénales de refuser la
plainte de harcèlement.
[35] Le dossier contient également des déclarations de plusieurs personnes
impliquées dans le dossier de harcèlement et de menaces.
[36] L’enquête de l’agent Grenier s’est déroulée principalement le 5 juin 2013, afin
qu’il puisse prendre une décision avec le procureur au dossier sur la détention du
sergent Tremblay.
[37] L’agent Grenier témoigne que le sergent Tremblay a été remis en liberté à
14 h 31 le 5 juin 2013.
[38] En contre-interrogatoire, il affirme que le sergent Tremblay ne s’est pas plaint
d’avoir été victime de voies de fait de la part de l’agent Lefebvre ou du
sergent Rousseau, ni de quiconque. De plus, il ne s’est pas plaint d’avoir été intimidé
par qui que ce soit le 5 juin 2013.
[39] L’agent Martin Perreault est agent de protection de la faune au bureau de
Valleyfield. Il est par ailleurs délégué syndical.
[40]
3
En juin 2013, son supérieur immédiat est le sergent Tremblay.
Pièce C-4, p. 1, 3, 91 et 129.
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[41] Bien qu’il ait été en congé de maladie, l’agent Perreault a été informé de
l’arrestation du sergent Tremblay par un appel téléphonique reçu vers 6 h 15 le matin
du 5 juin.
[42] Il est informé de la problématique concernant M. Tremblay et il a eu par le passé
des discussions avec le lieutenant Thibodeau à ce sujet.
[43] Quant à l’agent Lefebvre, il est agent de protection de la faune depuis
septembre 2009.
[44] Il a assisté à la formation sur l’emploi de la force donnée par le
sergent Rousseau en avril 2013. La formation comportait également un survol des
pouvoirs d’arrestation. À ce sujet, il a retenu que, lorsqu’il est témoin d’un acte criminel,
il se doit de prendre action.
[45] Par ailleurs, il mentionne que le tableau du modèle national de l’emploi de la
force4 leur a été transmis lors de la formation.
[46]
Quant aux événements qui ont conduit à ceux du 5 juin 2013, il témoigne :
« Les menaces de voies de fait d’un agent devant un autre agent, c’était suite
à un échange qu’on avait eu, le sergent Tremblay et moi. Donc, j’avais
demandé à parler à notre lieutenant, puisqu’on avait pas un accord et suite à
ça, le sergent Tremblay s’est vu insulté, il dit : " Non, non, non, c’est moi qui
va parler avant toi à Ghislain (Thibodeau) ". Donc, on était les trois dans le
bureau du lieutenant et, dans le bureau, le sergent Tremblay s’est choqué et il
a dit : " si on serait en milieu carcéral, c’est pas comme ça que ça se
passerait ". C’est là qu’il m’a fait les menaces qu’il m’a dit : " En milieu
carcéral, il me sacrerait une volée, il me tasserait dans le coin. C’est comme
ça que ça se réglait " ».
[47]
L’agent Lefebvre témoigne que ces événements sont survenus en 2011.
[48] Il témoigne également que c’est le sergent Rousseau qui l’a contacté dans la
soirée du 4 juin 2013 pour l’informer que le sergent Tremblay serait arrêté.
[49] Les menottes qui ont été mises au sergent Tremblay étaient celles de
l’agente Poirier et du sergent Rousseau.
4
Pièce C-3.
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[50] Le sergent Rousseau et lui ont été suspendus à la suite de l’arrestation du
sergent Tremblay. Toutefois, ils ont déposé des griefs qui n’ont pas encore été
entendus.
[51]
L’agent Lefebvre témoigne :
« Peu de temps avant les événements du 5 juin, le lieutenant Thibodeau nous
a informé que tant et aussi longtemps que monsieur Pierre Bisson, qui se
trouve à être le responsable aux ressources humaines, serait en place,
qu’aucune mesure serait prise de la part du lieutenant Thibodeau face à
aucun agent que ce soit. »
[52] Interrogé sur le but de la démarche effectuée le 5 juin 2013, l’agent Lefebvre
témoigne :
« Chaque fois que j’ai rentré dans le bureau du lieutenant Thibodeau, le
lieutenant Thibodeau m’a demandé de tout lui donner les informations qu’il
avait, chose qui a été faite, et il m’a dit de passer par lui à chaque fois avant
et que, lui il se chargeait de transmettre ça aux personnes, personnes
mandatées.
[…]
Il faut que vous compreniez que le but de la démarche, c’est pas une
vengeance aucunement.
[…]
Non, c’est de cesser toutes les … le harcèlement, toutes les … c’était
vraiment rendu invivable et plus que le temps avançait, il y avait une gradation
là-dedans qui se faisait jour après jour. »
[53] Interrogé par la procureure du Commissaire sur la raison pour laquelle c’est le
sergent Rousseau qui s’est présenté à Valleyfield pour procéder à l’arrestation du
sergent Tremblay, l’agent Lefebvre répond :
« R. Je parle pas de l’arrestation sur le Code criminel, je parle d’une rencontre
avec …
Q. Si je comprends bien, le 5 au départ c’était une rencontre qu’il devait y
avoir, entre les membres du personnel de Valleyfield et le sergent Tremblay?
R. Oui.
Q. Quand est-ce que, puis à quelle heure ça devait avoir lieu, puis quand, puis
à quel endroit?
R. Ça devait avoir lieu le 5 juin, le matin vers 6 heures.
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Q. O.K. et qui était convoqué à cette rencontre-là?
R. Les agents du bureau de Salaberry-de-Valleyfield ainsi que le lieutenant
Thibodeau.
Q. O.K., alors je comprends que, techniquement, tous vos collègues devaient
être au bureau à 6 heures ce matin-là, y compris le lieutenant Thibodeau?
R. Oui.
Q. O.K. et à quelle heure est-ce que vous allez procéder à l’arrestation de
Dany Tremblay?
R. Vous me demandez à quelle heure que nous avons procédé ?
Q. Oui.
R. Dans les faits réels?
Q. Oui. Bien oui.
R. On a procédé un peu avant 6 heures, c’était six heures moins dix.
Q. O.K. qu’est-ce qui a fait que, à ce moment-là, vous décidez de pas tenir
une rencontre avec le principal intéressé et les autres agents, mais que vous
allez avec le sergent Rousseau procéder à son arrestation?
R. La raison principale pour que nous ayons procédé à l’arrestation avant que
les autres soient arrivés, c’était pour minimiser l’impact sur la réputation du
sergent Tremblay. On voulait qu’il ait … on voulait pas aller chez lui pour pas
que les voisins soient témoins de ça. On voulait impliquer le moins de gens
possible là-dedans. On voulait que ça soit low profile, si vous pouvez me
permettre l’expression. »
[54] Il admet que ce sont uniquement le sergent Rousseau et lui-même qui ont pris la
décision de procéder à l’arrestation du sergent Tremblay.
[55] Il témoigne avoir été frappé par le sergent Tremblay en 2011 après une
intervention auprès de braconniers. Il devait produire un rapport qui devait comprendre
le calepin de notes du sergent Tremblay. Il s’en est suivi une dispute et l’agent Lefebvre
s’est rendu au bureau du lieutenant Thibodeau pour lui soumettre le différend, ce qui
n’a pas plu au sergent Tremblay, qui lui a assené une gifle sur le derrière de la tête.
Il précise que le lieutenant Thibodeau a été témoin de la scène.
[56] Interrogé sur la raison pour laquelle ils n’ont pas contacté la SQ pour procéder à
l’arrestation du sergent Tremblay, il répond :
« Puisque nous, ce qui nous avait été enseigné, c’est que nous avions le
pouvoir et le devoir de procéder ainsi. »
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[57] À la suite des événements du 5 juin 2013, il a été suspendu trois jours par ses
supérieurs.
La version des intimés
[58]
Le sergent Rousseau est agent de protection de la faune depuis juin 1988.
[59] En octobre 1990, il a suivi une formation de seize semaines destinée aux agents
de protection de la faune.
[60] En 2011, il a été nommé sergent, poste qu’il occupe toujours. À ce titre, il a
quatre agents sous sa responsabilité.
[61] Par ailleurs, il est moniteur de tir depuis 2008. En avril 2013, il a donné une
formation sur l’emploi de la force avec l’agent Sylvain Séguin à Granby.
[62] À cette occasion, il a rencontré des agents du bureau de Valleyfield, dont
l’agent Lefebvre. Ils ont eu des discussions au cours desquelles il a été informé que la
situation était difficile et que l’atmosphère était mauvaise au bureau de Valleyfield.
[63]
Le sergent Rousseau témoigne sur ses démarches :
« R. Bien, quand j’ai discuté avec les personnes concernées, j’ai dit je vais
voir avec le lieutenant qu’est-ce qu’on peut faire.
Q. Vous parlez de quel lieutenant?
R. Le lieutenant Ghyslain Thibodeau.
Q. O.K., vous, monsieur Thibodeau, votre relation avec lui est-ce que c’est
votre supérieur immédiat?
R. Non.
Q. Ça se trouve à être qui, monsieur Thibodeau pour vous?
R. C’est le lieutenant du bureau de Valleyfield et de Sorel.
Q. O.K., il était responsable de plus d’un bureau.
R. Oui.
Q. O.K., comment s’est passé vos démarches … qu’est-ce que vous avez fait
comme démarches?
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R. Une semaine ou deux après les rencontres avec les agents de Valleyfield,
j’ai communiqué avec monsieur Ghyslain Thibodeau pour l’informer de ce
qu’on m’avait appris et puis j’ai eu d’autres conversations là, par la suite, avec
monsieur Thibodeau pour savoir comment allait le dossier, comment le
dossier cheminait à Valleyfield par rapport à monsieur Dany Tremblay.
Q. Vous le 5 juin, vous avez procédé à l’arrestation de monsieur Tremblay?
R. Oui.
Q. Qui était au courant le matin du 5 juin que vous étiez pour arrêter
monsieur Tremblay?
R. Monsieur Carl Lefebvre.
Q. Qui d’autre l’a su avant que ça se fasse?
R. Juste quelques instants avant, madame Mireille Poirier. »
[64] Il a contacté le lieutenant Thibodeau dans la soirée du 4 juin 2013. Ce dernier l’a
informé que le service des ressources humaines ne faisait rien dans le dossier du
sergent Tremblay. Le sergent Rousseau a suggéré un briefing avec le
sergent Tremblay pour essayer d’arranger les choses. Le lieutenant Thibodeau était
d’accord avec la suggestion. Le sergent Rousseau ajoute que, pour ne pas mettre le
lieutenant Thibodeau dans l’embarras, il allait dire au sergent Tremblay que c’était dans
le cadre d’un briefing opérationnel qu’il le convoquait.
[65] Il a ensuite parlé à l’agent Lefebvre pour l’informer de son intention de procéder à
l’arrestation du sergent Tremblay le lendemain, au bureau de Valleyfield, à 6 h.
[66] Il explique qu’il a choisi cette façon de procéder pour s’assurer qu’il n’y ait pas de
témoins de l’arrestation du sergent Tremblay.
[67] Donc, le 5 juin 2013, peu avant 6 h, le sergent Rousseau et l’agent Lefebvre, en
uniforme, sont à l’extérieur du bureau et voient le sergent Tremblay arriver.
L’agente Poirier est à l’intérieur du bureau.
[68] Le sergent Rousseau précise qu’il ne porte pas son arme de service, laquelle est
dans son véhicule dans un coffret verrouillé.
[69] Le sergent Rousseau se dirige vers le sergent Tremblay, lui explique son
intention de l’arrêter et lui fait la lecture de ses droits.
[70] Il lui fait également part des motifs de son arrestation et il procède à la mise des
menottes.
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[71] Peu après, les policiers de la SQ arrivent et ils prennent charge du
sergent Tremblay.
[72]
Le tout dure entre cinq et dix minutes.
[73] À la suite des événements du 5 juin 2013, le sergent Rousseau se voit imposer
une suspension sans traitement de 30 jours5 par son employeur.
[74] Il dépose alors un grief à l’encontre de la mesure disciplinaire. L’audition de
celui-ci n’a pas encore eu lieu.
[75] Interrogé sur les raisons qui l’ont amené à procéder à l’arrestation du
sergent Tremblay, il témoigne :
« R. Après discussion avec le lieutenant Thibodeau, qu’il se passait rien avec
les ressources humaines, parce que lui, il disait qu’il avait envoyé le dossier
aux ressources humaines puis qu’il y avait rien qui bougeait et après avoir
parlé avec monsieur Carl Gagnon, c’est là que moi-même, j’ai pris la décision
de procéder à son arrestation pour que ça cesse.
Q. Qu’est-ce qui devait cesser selon vous, monsieur Rousseau?
R. Le harcèlement. »
[76] Il est le seul, parmi les agents de protection de la faune, à avoir touché au
sergent Tremblay le matin du 5 juin 2013.
APPRÉCIATION DE LA PREUVE ET MOTIFS DE LA DÉCISION
Chef 1 (manque de respect)
[77] Le Commissaire reproche à l’agent Lefebvre et au sergent Rousseau de ne pas
s’être comportés de manière à préserver la confiance et la considération que requiert
leur fonction en manquant de respect à l’égard du sergent Tremblay.
5
Pièce P-2.
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[78] Sur ce reproche, la procureure du Commissaire mentionne que l’agent Lefebvre
et le sergent Rousseau ont manqué de respect à M. Tremblay en l’attirant dans un
guet-apens au vu et au su de l’agente Poirier, sur les lieux du travail. Cette façon de
faire affecte grandement la confiance et la considération du public à l’égard de
l’institution qu’ils représentent.
[79] À cet égard, le procureur des intimés rappelle que le contre-interrogatoire du
sergent Tremblay et l’écoute de l’enregistrement fait lors de l’arrestation6 confirment
que l’interaction du sergent Rousseau avec le sergent Tremblay s’est déroulée de façon
polie, sans brutalité ou injures, et sans qu’ils haussent le ton. Le sergent Rousseau a
agi de façon courtoise.
[80] Quant à l’agent Lefebvre, celui-ci n’est pas intervenu, ni par des gestes ni par
des paroles, à l’égard du sergent Tremblay.
[81] La seule exception est survenue lorsque le sergent Tremblay a dit à
l’agent Lefebvre : « Tu m’en veux pour le vrai ». L’agent Lefebvre lui a répondu : « Pas
autant que tu m’en veux ». Le sergent Rousseau est cependant intervenu
immédiatement pour dire « Pas de commentaires », ceci afin d’éviter tout débordement.
[82] La question qui se pose ici est de savoir si l’agent Lefebvre et le
sergent Rousseau ont manqué de respect à l’égard de M. Tremblay le 5 juin 2013.
[83] Il est difficile d’identifier ce qui constitue un manque de respect. Généralement
parlant, l’irrespect se définit par ce qui rabaisse l’autre, le nie dans ses droits ou dans
sa liberté.
[84] Ajoutons qu’il peut survenir des situations où une conduite involontaire peut être
irrespectueuse. Cependant, règle générale, une conduite irrespectueuse procède
toujours d’une volonté de toucher, d’atteindre l’autre.
[85] Dans le présent cas, la preuve et l’écoute de l’enregistrement7 démontrent que le
sergent Rousseau et, dans une moindre mesure, l’agent Lefebvre, puisque sa
participation était limitée, se sont comportés, lors de l’arrestation de M. Tremblay, d’une
façon tout à fait polie et correcte.
6
7
Pièce C-1.
Pièce C-1.
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[86] Le Comité ne peut voir dans la preuve présentée un manque de respect à l’égard
de M. Tremblay de sorte qu’il ne sera pas fait droit à ce chef de la citation.
Chef 2 (abus d’autorité - intimidation)
[87] Le Commissaire reproche à l’agent Lefebvre et au sergent Rousseau d’avoir
abusé de leur autorité en intimidant le sergent Tremblay.
[88] La procureure du Commissaire rappelle que le sergent Rousseau, lors de
l’arrestation de M. Tremblay, a porté la main à l’étui de son arme à feu. De plus,
l’agent Lefebvre et le sergent Rousseau ont tendu un guet-apens à M. Tremblay en le
convoquant sous de faux prétextes. Ces gestes visaient à intimider M. Tremblay.
[89] Le procureur des intimés souligne que, lors du contre-interrogatoire de
M. Tremblay, celui-ci a nuancé, sans les préciser, quelques-unes des affirmations qu’il
avait faites lors de son interrogatoire principal.
[90]
L’intimidation a été définie comme étant : « Inspirer de la crainte, de la peur;
faire perdre son assurance; à remplir de gêne, de timidité »8.
[91] À l’audience, M. Tremblay a mentionné s’être senti intimidé par les intimés et,
plus particulièrement, par le sergent Rousseau lorsqu’il l’a informé qu’il était en état
d’arrestation et qu’il allait le menotter.
[92] Dans le présent dossier, la preuve présentée et l’écoute de l’enregistrement9
convainquent le Comité que M. Tremblay était plutôt surpris et interloqué par son
arrestation qu’intimidé. Il ne s’est d’ailleurs pas plaint d’avoir été intimidé à
l’agent Grenier de la SQ.
[93] Le Comité retient de la preuve que, lorsque le sergent Rousseau a informé
M. Tremblay qu’il allait lui faire la lecture de ses droits constitutionnels, M. Tremblay
s’est écrié : « C’est une joke à matin ». De plus, lorsque le sergent Rousseau a informé
M. Tremblay qu’il était arrêté, ce dernier a répondu : « Arrêté? ».
[94] Lorsqu’enfin le sergent Rousseau a informé M. Tremblay qu’il allait le menotter,
ce dernier dit : « Es-tu sérieux là? » comme s’il croyait à une mauvaise blague.
8
9
Commissaire c. Champagne, 2011 CanLII 80314 (QC CDP), paragr. 68.
Pièce C-1.
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[95] Quant au fait que le sergent Rousseau aurait porté la main à son arme, la preuve
révèle que ce n’est pas ce geste qui aurait intimidé M. Tremblay. Cela lui aurait
cependant fait prendre conscience que les intentions du sergent Rousseau de procéder
à son arrestation étaient bien réelles.
[96] Avec égards, le Comité est d’avis que le Commissaire ne s’est pas déchargé de
son fardeau de preuve à l’endroit de ce chef et il n’y sera pas fait droit.
Chef 3 (abus d’autorité - accusation sans justification)
[97] Le Commissaire reproche à l’agent Lefebvre et au sergent Rousseau d’avoir
abusé de leur autorité en déposant une accusation sans justification contre le
sergent Tremblay.
[98] Pour la procureure du Commissaire, lorsqu’on arrête une personne, c’est qu’on
l’accuse d’avoir posé ou commis un acte criminel. Dans le présent cas, cela a été fait
sans justification, parce qu’il n’y avait pas eu de harcèlement criminel et qu’il n’y avait
pas eu de menaces, tel que l’enquête de la SQ l’a révélé.
[99] Le procureur des intimés souligne que le Commissaire doit démontrer que l’on a
porté une accusation et que celle-ci a été portée sciemment sans justification.
[100] Ce reproche porté par le Commissaire exige la démonstration de l’intention par
l’intimé de déposer une accusation sachant qu’elle n’est pas justifiée10.
[101] Comme l’a souligné le procureur des intimés, la preuve ne démontre pas qu’il n’y
a pas eu de harcèlement criminel de la part de M. Tremblay.
[102] Ce que la preuve démontre, c’est que l’agent Grenier de la SQ, après avoir
complété son enquête, a préparé une demande d’intenter des procédures11 qu’il a
ensuite soumise au procureur aux poursuites criminelles et pénales pour décision.
Le procureur a refusé la plainte, se disant dans l’impossibilité de présenter une preuve
hors de tout doute raisonnable12.
10
11
12
Commissaire c. Matte, 2008 CanLII 18644 (QC CDP), paragr. 334 et suivants.
Pièce C-4, p. 130.
Pièce C-4, p. 129.
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PAGE : 16
[103] Dans ces circonstances, le Comité est d’avis que le Commissaire ne s’est pas
déchargé de son fardeau de prouver que les intimés ont déposé une accusation
sachant qu’elle n’était pas justifiée. Il ne sera donc pas fait droit à ce chef de la citation.
Chef 5 (non-respect de l’autorité de la loi - détention illégale)
[104] Le Commissaire reproche à l’agent Lefebvre et au sergent Rousseau de ne pas
avoir respecté l’autorité de la loi à l’égard du sergent Tremblay en le détenant
illégalement.
[105] La procureure du Commissaire souligne que la détention, bien que brève,
demeure illégale compte tenu du fait que les intimés ont reconnu leur responsabilité
déontologique sur le chef de l’arrestation illégale.
[106] Le sergent Rousseau et l’agent Lefebvre prétendent avoir mal compris ou avoir
été mal informés sur leurs pouvoirs d’arrestation. Elle affirme que, quoi qu’il en soit,
l’ignorance de la loi ne peut constituer une défense en matière déontologique.
[107] Pour sa part, le procureur des intimés souligne le manque de formation et
d’encadrement des agents de protection de la faune quant à leurs pouvoirs
d’arrestation.
[108] La preuve a démontré que M. Tremblay a été arrêté à 5 h 43, le 5 juin 2013, face
au bureau de la protection de la faune à Valleyfield. Dans les minutes qui ont suivi,
M. Tremblay a été remis au sergent Gravel et à l’agent Larsen de la SQ, arrivés sur les
lieux13.
[109] La preuve démontre donc que M. Tremblay
sergent Rousseau et l’agent Lefebvre quelques minutes.
a
été
détenu
par
le
[110] De plus, comme le sergent Rousseau et l’agent Lefebvre ont reconnu leur
responsabilité déontologique au chef 4 concernant l’arrestation illégale de M. Tremblay,
il s’ensuit qu’ils doivent également être tenus responsables de la détention de celui-ci.
[111] En conséquence, il sera fait droit à ce chef de la citation.
13
Pièce C-4, p. 131.
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Chef 6 (non-respect de l’autorité de la loi - voies de fait)
[112] Le Commissaire reproche à l’agent Lefebvre et au sergent Rousseau de ne pas
avoir respecté l’autorité de la loi à l’égard du sergent Tremblay en se livrant à des voies
de fait sur sa personne.
[113] Le procureur des intimés souligne que la preuve démontre que l’agent Lefebvre
n’a pas touché au sergent Tremblay. De plus, il n’a pas participé à la pose des
menottes.
[114] Par ailleurs, M. Tremblay ne s’est aucunement plaint d’avoir été victime de voies
de fait de la part des intimés.
[115] La preuve a démontré que c’est le sergent Rousseau qui a posé les menottes à
M. Tremblay. En conséquence, il est évident que l’agent Lefebvre n’encourt aucune
responsabilité à cet égard.
[116] Mais, il y a plus. De l’écoute de l’enregistrement14, le Comité retient le passage
suivant :
« Sergent Denis Rousseau :
« Tu vas te virer contre le mur et je te mets les menottes Dany. La police
arrive dans la minute qui suit. »
Sergent Tremblay :
« Voyons donc! »
Sergent Denis Rousseau :
« Tu te tasses sur le mur, tu déposes tout à terre. »
Sergent Tremblay :
« C’est quoi cette histoire-là? »
Sergent Denis Rousseau :
« Tu vas voir Dany, c’est pas juste lui. »
[…]
« Je te demande de mettre tes mains sur le mur s’il vous plaît Dany. »
14
Pièce C-1.
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Sergent Tremblay :
« C’est beau la nature humaine. »
Sergent Denis Rousseau :
« Oui. »
Sergent Tremblay :
« Là, fais attention à mon épaule […] »
Sergent Denis Rousseau :
« Oui. On fait attention à ton épaule. Mets tes mains dans le dos, mets tes
mains dans le dos et ça va bien aller. »
[…]
« Je te menotte en arrière pour ma sécurité. »
[117] Le Comité comprend que M. Tremblay n’a pas opposé de résistance à la pose
des menottes par le sergent Rousseau.
[118] En conséquence, le sergent Rousseau n’a pas eu à employer la force pour ce
faire. Pour ces raisons, il ne sera pas fait droit à ce chef de la citation.
Chef 7 (désintéressement et impartialité)
[119] Le Commissaire reproche à l’agent Lefebvre et au sergent Rousseau de ne pas
avoir exercé leurs fonctions avec désintéressement et impartialité à l’égard du
sergent Tremblay.
[120] La procureure du Commissaire est d’avis que la preuve a démontré que, dans
les semaines précédant l’arrestation de M. Tremblay, le sergent Rousseau et
l’agent Lefebvre ont pris fait et cause pour leurs collègues sans distanciation.
[121] Le sergent Rousseau désirait, dans un premier temps, agir à titre de médiateur
entre ses collègues du bureau de Valleyfield et M. Tremblay. Pourtant, le 4 juin 2014,
il a changé d’idée et décidé de procéder à l’arrestation de M. Tremblay.
[122] Le procureur des intimés souligne que l’agent Lefebvre, qui était le seul impliqué
personnellement avec le sergent Tremblay puisqu’il travaillait avec lui, n’a eu qu’un rôle
très limité dans l’arrestation de ce dernier.
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[123] Quant au sergent Rousseau, il n’était pas impliqué personnellement dans les
événements survenus au bureau de Valleyfield.
[124] Le premier alinéa de l’article 9 du Code de déontologie des policiers du Québec15
(Code) se lit ainsi :
« 9. Le policier doit exercer ses fonctions avec désintéressement et
impartialité et éviter de se placer dans une situation où il serait en conflit
d’intérêts de nature à compromettre son impartialité ou à affecter
défavorablement son jugement et sa loyauté ».
[125] Dans l’affaire Renaud16, le Comité écrit :
« [88] Le sens du terme « de nature à » utilisé dans cet article ne signifie pas
que l’on doive nécessairement démontrer que le conflit d’intérêts en question
a effectivement compromis l’impartialité du policier ou affecté
défavorablement son jugement, mais qu’il est susceptible de le faire.
[89] Dans le présent dossier, le Comité doit donc déterminer en premier lieu
si l’agent Renaud s’est placé en situation de conflit d’intérêts. Si tel est le cas,
le Comité doit aussi déterminer si ce conflit d’intérêts a effectivement soit
compromis son impartialité, soit affecté défavorablement son jugement ou soit
qu’il était susceptible de le faire. »
[126] Dans le présent dossier, la preuve a démontré que, en avril 2013, alors qu’il
suivait une formation dispensée par le sergent Rousseau, l’agent Martin Perreault a fait
part à ce dernier des problèmes vécus au bureau de Valleyfield entre M. Tremblay et
l’agent Lefebvre. Dès lors, le sergent Rousseau l’a informé qu’il allait s’occuper de la
situation dans les prochains jours17.
[127] Le 9 avril 2013, dans le cadre d’une autre formation, le sergent Rousseau a
rencontré cette fois les agents Yvan Labonté et Lefebvre qui lui ont confirmé que
l’atmosphère au bureau de Valleyfield était très mauvaise en raison d’une
problématique avec M. Tremblay. Le sergent Rousseau a informé les agents qu’il allait
voir ce qu’il pouvait faire pour eux.
[128] De fait, quelques jours plus tard, le sergent Rousseau a contacté le
lieutenant Thibodeau pour l’informer de la situation.
15
16
17
RLRQ, c. P-13.1, r. 1.
Commissaire c. Renaud, 2011 CanLII 69402 (QC CDP).
Pièce C-4, p. 54.
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[129] Le 5 juin 2013, il a décidé de son propre chef de se rendre au bureau de
Valleyfield pour procéder à l’arrestation de M. Tremblay.
[130] L’agent Lefebvre a reconnu à l’audition et dans une déclaration à la SQ qu’il avait
participé à l’arrestation de M. Tremblay18 en compagnie du sergent Rousseau et de
l’agente Poirier.
[131] Le Comité est donc d’avis que le sergent Rousseau n’était pas en conflit
d’intérêts lors de l’arrestation de M. Tremblay, n’étant pas personnellement impliqué
dans la problématique qui avait cours au bureau de Valleyfield.
[132] Par contre, l’agent Lefebvre était intimement lié à cette situation puisqu’il se disait
victime des agissements de M. Tremblay. Cette situation était susceptible de
compromettre son impartialité ou d’affecter son jugement ou sa loyauté, ce que prohibe
l’article 9 du Code.
[133] Il n’aurait donc pas dû se mêler de l’arrestation de M. Tremblay.
[134] Il sera donc fait droit à ce chef à l’égard de l’agent Lefebvre, mais non à l’égard
du sergent Rousseau.
[135] POUR CES MOTIFS, après avoir entendu les parties, pris connaissance des
pièces déposées et délibéré, le Comité DÉCIDE :
Chef 1
[136] QUE l’agent CARL LEFEBVRE, matricule 941, et le sergent DENIS
ROUSSEAU, matricule 776, membres du Service de la protection de la faune, le
5 juin 2013, à Salaberry-de-Valleyfield, se sont comportés de manière à
préserver la confiance et la considération que requiert leur fonction à l’égard de
M. Dany Tremblay et que, en conséquence, leur conduite ne constitue pas un
acte dérogatoire à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec;
18
Pièce C-4, p. 31.
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Chef 2
[137] QUE l’agent CARL LEFEBVRE, matricule 941, et le sergent DENIS
ROUSSEAU, matricule 776, membres du Service de la protection de la faune, le
5 juin 2013, à Salaberry-de-Valleyfield, n’ont pas intimidé M. Dany Tremblay et
n’ont donc pas abusé de leur autorité à son égard et que, en conséquence, leur
conduite ne constitue pas un acte dérogatoire à l’article 6 du Code de
déontologie des policiers du Québec;
Chef 3
[138] QUE l’agent CARL LEFEBVRE, matricule 941, et le sergent DENIS
ROUSSEAU, matricule 776, membres du Service de la protection de la faune, le
5 juin 2013, à Salaberry-de-Valleyfield, n’ont pas porté sciemment une
accusation sans justification contre M. Dany Tremblay et n’ont donc pas abusé
de leur autorité à son égard et que, en conséquence, leur conduite ne constitue
pas un acte dérogatoire à l’article 6 du Code de déontologie des policiers du
Québec;
Chef 4
[139] QUE l’agent CARL LEFEBVRE, matricule 941, et le sergent DENIS
ROUSSEAU, matricule 776, membres du Service de la protection de la faune, le
5 juin 2013, à Salaberry-de-Valleyfield, n’ont pas respecté l’autorité de la loi à
l’égard de M. Dany Tremblay en l’arrêtant illégalement et que, en conséquence,
leur conduite constitue un acte dérogatoire à l’article 7 du Code de
déontologie des policiers du Québec;
Chef 5
[140] QUE l’agent CARL LEFEBVRE, matricule 941, et le sergent DENIS
ROUSSEAU, matricule 776, membres du Service de la protection de la faune, le
5 juin 2013, à Salaberry-de-Valleyfield, n’ont pas respecté l’autorité de la loi à
l’égard de M. Dany Tremblay en le détenant illégalement et que, en
conséquence, leur conduite constitue un acte dérogatoire à l’article 7 du
Code de déontologie des policiers du Québec;
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Chef 6
[141] QUE l’agent CARL LEFEBVRE, matricule 941, et le sergent DENIS
ROUSSEAU, matricule 776, membres du Service de la protection de la faune, le
5 juin 2013, à Salaberry-de-Valleyfield, ont respecté l’autorité de la loi à l’égard
de M. Dany Tremblay et que, en conséquence, leur conduite ne constitue pas
un acte dérogatoire à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du
Québec;
Chef 7
[142] QUE l’agent CARL LEFEBVRE, matricule 941, membre du Service de la
protection de la faune, le 5 juin 2013, à Salaberry-de-Valleyfield, n’a pas exercé
ses fonctions avec désintéressement et impartialité à l’égard de
M. Dany Tremblay et que, en conséquence, sa conduite constitue un acte
dérogatoire à l’article 9 du Code de déontologie des policiers du Québec.
[143] QUE le sergent DENIS ROUSSEAU, matricule 776, membre du Service de la
protection de la faune, le 5 juin 2013, à Salaberry-de-Valleyfield, a exercé ses
fonctions avec désintéressement et impartialité à l’égard de M. Dany Tremblay et
que, en conséquence, sa conduite ne constitue pas un acte dérogatoire à
l’article 9 du Code de déontologie des policiers du Québec.
Pierre Gagné, avocat
Me Christiane Mathieu
Procureure du Commissaire
Me André Fiset
Procureur de la partie policière
Lieu des audiences :
Montréal
Dates des audiences : 18 février et 4 juin 2015