Troy a été exécuté.
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Troy a été exécuté.
Evénement3 Tribune de Genève | Vendredi 30 septembre 2011 Peine de mort «Troy a été exécuté. J’étais sa fenêtre sur le monde» Une Genevoise, Claudia Tramèr, a correspondu durant cinq ans avec Troy Davis, mis à mort il y a une semaine aux Etats-Unis. Sous le choc, elle s’est confiée à la «Tribune de Genève» L’essentiel UTémoignage Une habitante de Puplinge révèle sa relation épistolaire avec le condamné à mort, dont l’exécution a déclenché une vive polémique. UCorrespondance Cet échange suivi s’inscrit dans le cadre d’un projet d’une association fondée en 1993 par des membres d’Amnesty International. URemise en question Les doutes qui planent sur la culpabilité de Troy Davis pourraient encourager l’abolition de la peine capitale aux Etats-Unis. Laurence Bézaguet «L Elle apprend son décès par SMS Troy Davis ne verra jamais la Suisse. «Lors de la nuit de son exécution par injection, je me suis collée à mon ordinateur en quête d’informations. On a annoncé un sursis. Un de plus alors que sa peine capitale a été plusieurs fois différée. Je suis donc partie me coucher confiante», raconte Claudia Tramèr. Or, quand elle s’est réveillée, son ami était déjà mort: «C’est une proche qui m’a envoyé un SMS pour me témoigner sa sympathie. Un vrai choc! Je ne m’y attendais pas.» Une semaine après, cette bénévole n’a toujours pas réalisé: «Je ne peux pas croire que je ne recevrai plus de lettres de lui.» La dernière en date lui est parvenue à la fin d’août. «Une belle louange sur notre Contrôle qualité Cette mère de famille engagée dévoile avec beaucoup d’émotion la dernière lettre de son ami. Dans celle-ci, il la remerciait encore d’être entrée dans sa vie. LAURENT GUIRAUD La peine de mort aux Etats-Unis Evolution du nombre d'exécutions depuis dix ans 66 2001 71 2002 65 2003 2004 59 2005 60 53 2006 2007 2008 42 37 2009 52 2010 2011 46 37 I. CAUDULLO. SOURCE: REUTERS, DPIC e combat contre la peine de mort doit continuer. Tels ont été les derniers mots de Troy avant son exécution. C’est pour mon ami que j’ai décidé de témoigner aujourd’hui.» Les yeux humides, encore sous le choc, Claudia Tramèr a échangé des lettres avec lui durant cinq ans. Elle dénonce, révoltée, le sort réservé à ce Noir américain, bel homme de 42 ans, mis à mort le 21 septembre dans le pénitencier de Jackson, dans l’Etat de Géorgie (lire ci-contre). «Comment peut-on exécuter quelqu’un qui est probablement innocent? Car de très forts doutes planent sur la culpabilité de Troy dans le meurtre d’un policier blanc à Savannah en 1989. Sept des neuf témoins à charge sont revenus sur leur déposition. Au fil des années qui nous ont liés, j’ai fini par être, moi-même, convaincue de son innocence. Il l’a d’ailleurs toujours clamée.» Long silence… Domiciliée à Puplinge, dans la campagne genevoise, cette femme distinguée de 50 ans, mère de trois garçons, a correspondu durant cinq ans avec cet homme «très attaché à sa famille et croyant profondément en Dieu. Jusqu’au bout, il a pensé qu’il allait s’en sortir. Il avait plein de projets pour l’avenir. Il voulait se marier et avoir des enfants, donner des conférences sur la peine capitale et sur sa vie en prison. Il était prêt à accepter n’importe quel travail à sa sortie du pénitencier, mais rêvait de devenir comptable car il avait des facilités en maths. Il espérait aussi venir en Suisse pour me voir ainsi que ma famille. Il me demandait de prier pour lui.» Situation au 29 septembre 2011 Dans 23 pays en 2010 En 2010, 23 pays au moins auraient procédé à des exécutions judiciaires, soit quatre de plus qu’en 2009, affirme Amnesty International. Dans son dernier rapport sur la peine de mort, l’organisation écrit que 527 exécutions au moins ont eu lieu en 2010, mais que ce chiffre n’inclut pas les milliers d’exécutions auxquelles la Chine aurait procédé l’année dernière, car dans ce pays, ces statistiques sont classées «secret d’Etat». Parmi les autres pays qui ont pratiqué le plus d’exécutions, on trouve l’Iran (au moins 252), la Corée du Nord (au moins 60), le Yémen (au moins 53), les Etats-Unis (46) et l’Arabie saoudite (au moins 27). C.MA. riche correspondance. Il me disait que j’étais venue dans sa vie de manière si inattendue. Il me remerciait pour notre magnifique amitié, alors que les vrais amis sont si rares de nos jours.» Soixante mois d’échanges soutenus à raison d’une lettre par mois, ça laisse des traces. Cette femme engagée dans diverses causes ne remerciera ainsi jamais assez Lifespark qui lui a permis de vivre une telle expérience. Fondée en 1993 par des membres d’Amnesty International, cette association met sur pied des correspondances avec des condamnés à mort aux EtatsUnis. Trois cents membres, en grande majorité des femmes, essaient par ce biais de donner aux détenus des couloirs de la mort un peu d’humanité et d’espoir. Besoin de correspondants «Avec Troy, on parlait de tout, de ses conditions de vie, de nos joies et de nos soucis. Il ne se plaignait presque jamais; il dénonçait parfois la nourriture dégueulasse et souvent froide, sans oublier les restes de repas sur les plateaux mal nettoyés et sa chambre minuscule…» Claudia Tramèr lui envoyait aussi des photos de famille, des cartes postales des vacances et des extraits de journaux: «Pour lui, j’étais une fenêtre sur le monde.» L’absence va être rude: «Troy n’est plus de ce monde, mais il y a beaucoup d’autres condamnés qui sont en attente d’une correspondance.Lifespark recherche ainsi de nouveaux bénévoles.» L’association le répétera sans doute le 10 octobre prochain, à l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort, «contraire à la dignité humaine». «Je penserai tout particulièrement à Troy ce jour-là, conclut Claudia Tramèr. Il aurait fêté son 43e anniversaire le 9 octobre!» Voir aussi www.lifespark.org Une exécution qui a choqué U L’exécution de Troy Davis, le 21 septembre dernier dans un pénitencier de Géorgie, a profondément marqué les Américains. «C’était un cas important en raison des doutes persistants sur la culpabilité de Troy Davis», explique Deborah Denno, professeur de droit à l’Université de Fordham à New York spécialisée dans les questions de peine de mort. «Son exécution avait été stoppée plusieurs fois auparavant et sa couleur de peau a probablement joué un rôle.» Troy Davis, un Afro-Américain de 42 ans, a été exécuté après avoir été reconnu coupable du meurtre de Mark MacPhail, un policier, le 29 août 1989. Au cours de son procès, sept personnes avaient témoigné l’avoir vu abattre MacPhail, et deux autres avaient affirmé que Davis leur avait avoué être l’auteur du meurtre. En 2009, la Cour suprême des Etats-Unis avait ordonné à un tribunal fédéral de Géorgie de rouvrir le dossier. En juin 2010, les avocats de Troy Davis ont présenté des documents, dans lesquels 7 des 9 principaux témoins revenaient sur leur témoignage. Mais ils n’ont pas convaincu le tribunal de Géorgie qui a confirmé la peine capitale contre Troy Davis. Le 20 septembre dernier, la Commission des pardons de Géorgie a refusé de stopper l’exécution et a été imitée le lendemain par la Cour suprême. «Le cas de Troy Davis a réveillé des doutes sur la peine capitale, mais il est dur d’évaluer précisément son impact», précise Deborah Denno. «Il Troy Davis Exécuté le 21 septembre 2011 en Géorgie s’inscrit plutôt dans un contexte qui voit la peine de mort être de plus en plus remise en question aux EtatsUnis.» Ces dernières années, le New Jersey, le Nouveau-Mexique et l’Illinois l’ont abolie. Depuis 1999, le nombre de condamnations à mort a diminué de 60% aux Etats-Unis, selon des statistiques du Death Penalty Information Center à Washington. La peine de mort à toujours existé outre-Atlantique, mais elle a été suspendue par la Cour suprême entre 1972 et 1976, pendant que cette dernière se penchait sur sa constitutionnalité. Depuis 1976, il y a eu 1271 exécutions, la dernière en date s’étant déroulée mercredi en Floride. Et 3200 personnes sont actuellement dans les couloirs de la mort. Selon de récents sondages, six Américains sur dix soutiennent la peine capitale «Elle existe depuis si longtemps qu’elle fait partie de notre identité nationale», ajoute le professeur Denno. «Mais je pense que les Etats-Unis vont inévitablement y mettre un terme un jour, même si cela va prendre encore beaucoup de temps. L’exécution de Troy Davis est l’un des nombreux facteurs qui vont finir par conduire à la disparition de la peine de mort.» Jean-Cosme Delaloye New York