La Bible condamne-t-elle l`homosexualité ? « La Bible est contre
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La Bible condamne-t-elle l`homosexualité ? « La Bible est contre
La Bible condamne-t-elle l’homosexualité ? « La Bible est contre » entend-on souvent pour appuyer une opposition au mariage homosexuel. Mais n’est-ce pas aller un peu vite en besogne ? La Bible n’est pas le Code civil. Plus de deux, peut-être trois millénaires nous séparent des cultures qui l’ont produite…. En ce temps-là, comment hommes et femmes vivaient-ils leur conjugalité ? La réponse a de quoi édifier les gens rangés que nous sommes devenus ! En effet, s’il existe dans la Bible une tendance incontestable vers la monogamie, bien exprimée à la fin du second récit de la création : « C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair » ? (Genèse 2, 24), n’oublions pas que la loi juive admet le concubinage, les relations sexuelles libres avec des esclaves, la polygamie (!) et aussi le divorce, au seul bénéfice de l’homme (Deutéronome 24, 1-4). Et les hommes qui le pouvaient tenaient harem (Lévitique 18, 18). Les rois, en particulier, tels David et Salomon, en possédaient de conséquents, peuplés souvent d’étrangères. Aux premiers siècles de notre ère, le Talmud fixera la limite à 4 épouses pour un particulier et à 18 pour un roi…. Tout ceci pour rappeler qu’on ne peut pas absolutiser notre modèle dominant actuel, celui du mariage. Nos choix sont toujours liés à des cultures précises. Israël avait fait les choix de ses besoins. Il était numériquement tout petit et souvent menacé d’invasion. Il ne pouvait qu’encourager le « civisme » des polygames. A contrario, l’homosexualité, infertile pour la procréation, avait peu de chance de trouver un écho favorable. Les catholiques d’aujourd’hui, pourvus d’autres besoins et d’autres valeurs, auraient mauvaise grâce à s’abriter derrière l’interdit biblique des relations homosexuelles (Lévitique 18, 22), d’autant plus que le christianisme a clairement signifié sa rupture avec les prescriptions de la Loi juive. Outre ce recours, les opposants au mariage citent souvent la parole « Homme et femme il les créa » (Genèse 1, 27). Là encore, c’est aller vite en besogne. Les hommes et les femmes partagent à eux deux et à eux seuls l’ensemble de la condition humaine. Chacun est donc institué comme l’autre de l’un. Cette différence est « la » référence, fondamentale, mais elle n’est pas la seule : s’y ajoute la différence des générations (verset 24, cité plus haut). Différence de sexe et de génération sont donc constitutives du genre humain. Je voudrais faire remarquer que l’homme et la femme ne deviennent un couple que bien longtemps après leur création, au chapitre 4, et j’en déduis que la différence instituée dépasse de loin l’exercice de la sexualité. Elle s’y épanouit peut-être, mais elle ne s’y résume pas. Par conséquent, croire que l’orientation homosexuelle écraserait la différence fondatrice me semble lui donner trop de poids. Il y a quantité de manières de vivre la différence. Et, que je sache, un homosexuel homme reste un homme, une homosexuelle femme reste une femme. Auraient-ils psychiquement changé de sexe, comme le soutenait une école ancienne ? J’en conclus que c’est un abus de prétendre que l’orientation homosexuelle invalide la parole du livre de la Genèse. Ces deux exemples illustrent, chacun à sa manière, la tentation fondamentaliste. Les religions ont un rapport ambigu à leurs textes fondateurs. Elles reconnaissent volontiers leur désuétude formelle et la nécessité de l’interprétation, mais dans les faits, elles flirtent avec le fondamentalisme, leur péché mignon (pas si mignon que ça, puisqu’il dégénère souvent en crime !). Or, juifs et chrétiens ont le moyen de ne pas continuer à trottiner derrière la lettre du texte car la Bible elle-même leur enjoint d’interpréter. S’ils croient la recevoir du ciel comme une norme surplombante, ils la trahissent. Lui être fidèle, c’est l’actualiser, et surtout s’y s’exposer. S’aventurer, au risque qu’elle vous change. Au risque aussi de se tromper, mais mieux vaut se tromper que d’enfouir son talent. J’observe malheureusement que cette servilité à la lettre est étrangement sélective. Nous ne demandons pas à la Bible la permission d’aller dans l’espace. Nous y allons. Mais lorsqu’il s’agit de questions éthiques, le recours à la Bible se fait plus pressant et plus rigide, sans doute parce que notre relation à nousmêmes est en jeu. Or, puisque c’est à notre cœur que ces questions font appel, c’est lui qui doit répondre. Ainsi, me semble-t-il naturel, lorsqu’on invoque la Bible, de considérer d’abord et surtout l’attitude de Jésus, lui qui avait la parole du cœur dans toutes ses relations humaines. Certes, Jésus n’a rien dit sur les relations sexuelles entre gens du même sexe. Pourtant, il éclaire indirectement ce sujet lorsqu’il rappelle que le sabbat (manière de parler de l’ensemble de la Loi) est fait pour l’homme et non le contraire. La Loi aide-t-elle à vivre ou conduit-elle à la mort ? Voilà « sa » question, la nôtre aussi. Deux mille ans plus tard, nous sommes toujours invités à nous demander : « qu’aurait fait Jésus ? » Je ne peux, en ce qui me concerne, que répondre : « Jésus aurait demandé que la loi aide les personnes homosexuelles à vivre et non à mourir ». Parce qu’il existe aujourd’hui un besoin que la loi doit régler. Et parce qu’une loi vraiment au service des êtres humains ne peut être faite pour la seule majorité. Elle doit aussi savoir protéger les minorités. Telle est exactement la visée de Jésus lorsqu’il réintègre les lépreux, les femmes, les publicains. Sa conception de l’humanité est « maximaliste ». Au banquet de la vie, il invite tout le monde. Le chrétien, une fois qu’il a répondu avec tout son cœur à cette question autrement que moi, peut-être - a dit ce qu’il avait à dire. Après, c’est le citoyen en lui qui doit parler. Pour savoir comment « organiser » ce « plus » de justice sans mettre en péril les représentations collectives de la conjugalité, de la parentalité et surtout de la filiation. Car une minorité peut aussi en cacher une autre, encore plus fragile, celle des enfants. Vaste responsabilité, pour plus d’humanité, espérons-le. Anne Soupa