Les pétroles non conventionnels dans un contexte de prix dégradés
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Les pétroles non conventionnels dans un contexte de prix dégradés
Centre hydrocarbures non conventionnels Les pétroles non conventionnels dans un contexte de prix dégradés Sommaire 1/ Résumé 2/ Introduction 3/ De quoi parle-t-on 4/ Comment se forment les prix 5/ Le nouveau contexte 6/ Conséquences sur les non conventionnels américains 7/ Conséquence sur l’activité de forage 8/ Conséquence sur les productions 9/ En quoi les non conventionnels diffèrent des productions conventionnelles ou de l’offshore profond 10 / Conséquence sur l’évolution des prix 11 / Les coûts à moyen terme et leurs conséquences 12 / Les facteurs d’adaptation de l’industrie américaine 13 / Conclusion 1 Centre hydrocarbures non conventionnels 1 / Résumé La chute des prix du pétrole qui s’est produite à l’automne 2014 a considérablement changé la donne pour les pétroles non conventionnels américains. En coûts complets ceux-ci se situent dans le troisième quartile des pétroles mondiaux les moins chers à produire. Le prix actuel de 50 à 60 dollars par baril limite le nombre de nouveaux forages qui peuvent être réalisés de façon économiquement raisonnable. Une baisse de plus de moitié de l’activité de forage aux Etats-Unis s’en est suivie. Ce niveau de prix bas du pétrole n’est pas compatible avec l’approvisionnement du monde en pétrole à long terme. Mais les prix peuvent se maintenir à un niveau bas pendant le temps nécessaire d’une part à la baisse des stocks, d’autre part à la baisse des productions américaines de brut, lesquelles peuvent rester stables à terme de un ou deux ans. Le fait que les courbes de déclin des puits non conventionnels sont plus rapides que celles des puits traditionnels et le fait que les prix de production à court terme sont supérieurs à la plupart de ceux des pétroles traditionnels vont conduire à des adaptations rapides de l’industrie et des productions. Les productions vont se stabiliser à court terme puis, décliner et contribuer à l’équilibre du marché et au raffermissement des prix. E En l’absence du rôle régulateur que l’OPEP a désormais cessé de jouer, les pétroles non conventionnels américains peuvent ainsi devenir le facteur d’équilibre du marché. Dans le même temps l’industrie a déjà commencé à s’adapter très rapidement et la possibilité de baisse des coûts va jouer un rôle très important dans l’évolution. 2 / Introduction Depuis le début de l’année 2010, les pétroles dits non conventionnels nord-américains sont venu ajouter, en rythme instantané, une production de brut de 5 à 6 millions de barils par jour environ (pétrole et condensats) portant la production de pétrole mondiale hors OPEP de 52 (2010) à 56 (2014) millions de barils par jour. Ces quantités s’ajoutent aux 6,3 millions de barils équivalent pétrole de gaz produits par les mêmes techniques non conventionnelles. Dans le même temps, la consommation mondiale de pétrole évoluait de 88 à 91 millions de barils par jour. Jusqu’ à l’automne 2014, ces productions supplémentaires n’ont pas eu d’impact sur les cours du brut. Prix du WTI spot, FOB dollar par baril Source EIA 2 Centre hydrocarbures non conventionnels La demande et l’offre sont ainsi restées plus ou moins équilibrées pendant cette période. Toutefois, depuis le début de l’année 2014, les productions ont été significativement supérieures aux consommations. Ces dernières sont restées atones avec des prévisions régulièrement révisées à la baisse tandis que le rythme moyen de production est passé de 91,7 millions de barils par jour en moyenne pour Q1 2014 à 94, 11 en Q4 2014. Q1 91.05 91.7 Consommation Production Q2 91.4 92.39 Source EIA Q3 92.85 93.51 Q4 93.19 94.11 Sur période plus longue, un tel déséquilibre a déjà existé. Les prévisions de l’EIA sont qu’il faudra attendre l’année 2016 pour retrouver le retour à l’équilibre. Equilibre mondial offre demande (mbbl/jour) 01/10/2016 01/01/2016 01/04/2015 01/07/2014 01/10/2013 01/01/2013 01/04/2012 01/07/2011 01/10/2010 2,50 2,00 1,50 1,00 0,50 0,00 -0,50 -1,00 -1,50 01/01/2010 98,00 96,00 94,00 92,00 90,00 88,00 86,00 84,00 82,00 80,00 Evolution des stocks consécutive Production Mondiale Consommation Mondiale Source EIA Pour se faire une idée de l’impact possible de cet accroissement de la production aux Etats-Unis on peut aussi remarquer que ces cinq à six millions de barils supplémentaires ont été retirés du commerce international puisque produits aux Etats Unis et consommés localement. Ils sont une fraction significative des 56 millions de barils jours échangés régulièrement dans le monde. Commerce International de Pétrole (Mbbl/jour) 60 50 40 Reste du Monde 30 Japon 20 Europe 10 US 0 2010 2011 2012 2013 Source BP 3 Centre hydrocarbures non conventionnels Dans un contexte de prix bas, il est légitime de se demander si la production de pétroles non conventionnels Nord-Américains est destinée à se poursuivre, ou si, faute de rentabilité suffisante des investissements, cette production est destinée à s’arrêter. Pour tenter de répondre à la question, regardons le positionnement des non conventionnels américains dans l’approvisionnement global du monde en pétrole, et les évolutions possibles de celui-ci. 3 / De quoi parle-t-on On pourra se référer aux nombreuses publications du CHNC pour la définition et la description des hydrocarbures non conventionnels. Rappelons simplement ici qu’il s’agit d’hydrocarbures (pétrole ou gaz) contenus dans des réservoirs peu poreux et peu perméables, qu’il faut donc stimuler à l’aide de techniques spécifiques comme la fracturation hydraulique pour permettre l’extraction. Les pétroles non conventionnels américains sont produits dans essentiellement trois bassins, Bakken, Eagle ford et Permian ce dernier étant constitué des trois champs Avalon, Wolfcamp et Spraberry. Ces trois bassins concentrent en gros la moitié des plateformes de forage à l’œuvre aux Etats Unis, 70 % de la production de pétrole et une part plus faible de la production de gaz. Il faut noter qu’on mentionne ici les champs pétroliers essentiellement, en oubliant volontairement les champs gaziers. Ces derniers sont nombreux et sont les bassins dits de Marcellus, Haynesville, Eagle ford, Barnett, Fayetteville et Woodford. Sur ces derniers gisements, l’activité de forage a fortement diminué depuis la baisse des prix du gaz survenue en 2011. La production de gaz aux US n’a pourtant pas cessé de croître depuis lors, à la faveur : - De la continuation de l’exploitation sur les puits déjà forés De la mise en place de fracturations secondaires dans les puits déjà forés, à un coût très inférieur (25% environ) au coût d’un nouveau forage, De la continuation d’une activité de forage limitée aux zones les plus économiques. 4 Centre hydrocarbures non conventionnels 4 / Comment se forment les prix Selon la théorie économique, sur un marché où l’offre est égale à la demande, le prix d’une commodité est le prix de la ressource la plus chère disponible pour satisfaire une demande additionnelle. Les prix pourraient donc « en théorie » être représentés et prévus par la courbe qui présente les diverses sources possibles d’approvisionnement par ordre de prix de revient croissant. Cette courbe est assez bien représentée ci-dessous. La lecture de ce graphique est simple : Les 25 millions de barils les plus économiques sont produits au proche orient, à un coût compris entre 5 et 25 dollars par baril, les 15 suivants sont produits par les autres gisements conventionnels. Viennent ensuite les extractions de l’Arctique, les hydrocarbures de récupération assistée (Enhanced Oil Recovery ou EOR) puis la Russie. Les non conventionnels américains se situent dans une catégorie de coûts d’extraction qui va de l’offshore profond aux pétroles de la mer du Nord. Viennent ensuite les sables bitumineux, aujourd’hui considérés comme la ressource la plus chère. Les coûts présentés ici sont les coûts à long terme. Ils représentent en gros les prix du brut nécessaires pour déclencher des décisions d’investissement. Source : Advancy Consulting, EIA, Imerys analysis Evidemment les coûts de production ci-dessus sont indicatifs. Le bas des rectangles indique les coûts des champs les meilleurs dans la zone considérée, et le haut des rectangles les coûts des champs les pires dans la zone considérée. Les points bleus sont la moyenne de la zone considérée. Le FMI projette d’ailleurs une courbe similaire à l’horizon 2020. 5 Centre hydrocarbures non conventionnels Source FMI Cette courbe est prospective à l’horizon 2020 et donne une plus belle part aux pétroles non conventionnels américains (12 millions de barils / jour environ). Le mérite de cette présentation est de faire apparaître la fourchette de prix de production et le prix moyen. Notamment les non conventionnels américains se situent entre 50 et 75 $ par baril, avec une moyenne de 62. Toutes ces courbes ont un point commun : elles font apparaître le prix de revient de la ressource la plus chère nécessaire pour satisfaire à l’approvisionnement mondial, entre 80 et 100 dollars. Tant que le système était équilibré, (autrement dit tant que les producteurs les moins chers adaptaient leur production pour équilibrer le marché et maintenir les prix, rôle joué par l’OPEP jusqu’à mi-2014) le prix du pétrole se situait dans ces environs, aux variations près liées aux mouvements de stocks. Ces courbes nous enseignent donc que, dans l’hypothèse où la consommation mondiale de pétrole continue à croître lentement comme constaté depuis des années, le prix à long terme nécessaire pour maintenir les approvisionnements à long terme se situe autour de 90 dollars. Dans ce cadre, les pétroles non conventionnels se situent en gros dans le troisième quartile des ressources les moins chères à produire. Autrement dit, les pétroles non conventionnels américains deviennent non compétitifs après qu’un quart environ des ressources de la planète le sont devenues. Dans ces conditions, l’investissement dans les non conventionnels américains et dans toutes les industries associées a paru raisonnable aux acteurs économiques que sont les sociétés pétrolières, les parapétroliers et les banques prêteuses. D’où le succès et la croissance constatée de la production et du développement d’hydrocarbures non conventionnels aux Etats Unis. 6 Centre hydrocarbures non conventionnels 5 / Le nouveau contexte Au cours de l’année 2014 le déséquilibre relatif entre l’offre et la demande a conduit à une croissance régulière des stocks. Les pays de l’OPEP et les pays non OPEP ont augmenté leurs productions tout au long de l’année. Le monde non OPEP a augmenté sa production d’une quantité en gros équivalente à l’accroissement des productions américaines, cependant que les pays de l’OPEP augmentaient leur production, l’Arabie Saoudite cessant de jouer son rôle d’amortisseur. Production Opep et Arabie Saoudite depuis 2010 (ooo barils/jour) 15000 14500 14000 13500 13000 12500 12000 11500 11000 10500 10000 SEP MAY janv-14 SEP MAY janv-13 SEP MAY janv-12 SEP MAY janv-11 SEP MAY janv-10 38000 37500 37000 36500 36000 35500 35000 34500 34000 33500 33000 Opep Mensuel Opep Moyenne 12 mois Arabie SaouditeMensuel Arabie Saoudite Moyenne 12 mois Source EIA 59000 Production de pétrole non OPEP depuis 2010 (000 barils/jour)19000 Non OPEP 17000 55000 15000 53000 13000 51000 11000 49000 9000 janv-10 JUN NOV APR SEP FEB JUL DEC MAY OCT MAR AUG 57000 mensuel Non Opep Moyenne 12 mois US Mensuel US moyenne 12 mois Source EIA Ces deux phénomènes conjugués, liés à une consommation atone, ont produit une remontée des stocks très forte depuis le début du mois de janvier 2014, et ce après une période pendant laquelle les stocks ont plutôt régulièrement baissé. 7 Centre hydrocarbures non conventionnels Stock Mondial de Pétrole (millions de barils) 4400 4350 4300 Stock Mondial Mensuel 4250 4200 4150 Stock Mondial moyenne 12 mois 4100 4050 JUL APR janv-14 OCT JUL APR janv-13 OCT JUL APR janv-12 OCT JUL APR janv-11 OCT JUL APR janv-10 4000 Source EIA 6 / Conséquences sur les non conventionnels américains Si on rapproche la courbe des prix de la figure 1 de la courbe des approvisionnements de la figure 2, on parvient à une conclusion surprenante : Au prix actuel du baril de pétrole, 40 pourcents environ des productions mondiales ne sont pas rentables. Celles-ci incluent les hydrocarbures non conventionnels, mais aussi certains pétroles russes, bien des pétroles de la mer du Nord, etc. On pourrait en déduire que le prix actuel n’est pas soutenable à très long terme. C’est encore plus vrai si on regarde, non plus les coûts de production mais les prix nécessaires pour équilibrer les budgets des pays de l’Opep. La courbe ci-dessous démontre que pour équilibrer durablement leurs budgets de dépense, les pays de l’Opep ont besoin de prix du pétrole au minimum à 50 dollars pour le Koweit, et plutôt autour de 100 en moyenne. Le maintien des prix au niveau actuel n’est donc pas envisageable sur très longue période. La courbe des prix nécessaires aux pays de l’OPEP pour équilibrer leur budget 8 Centre hydrocarbures non conventionnels Dans ces prévisions les plus récentes, l’agence américaine EIA fait référence aux prix futurs du pétrole, (autrement dit, les prix auxquels un opérateur pourrait acheter à terme des quantités de pétroles jusqu’en 2020, ceci correspond en gros à l’équilibre des sentiments des acteurs du marchés sur l’évolution des prix). Ceci donne des prix remontant en pente douce vers 73 dollars en 2020. Un tel scénario de remontée lente donnerait une reprise assez modérée de l’activité de forage au fur et à mesure de la remontée des prix. Ce raisonnement est basé sur les prix à long terme. A court terme la situation est différente car ce sont les couts directs hors amortissement qu’il faut considérer. C’est la raison pour laquelle les productions se maintiennent, mais comme on va le voir, les productions non conventionnelles vont baisser plus vite que les conventionnelles. 7 / Conséquence sur l’activité de forage L’activité de forage a fortement baissé avec la baisse des prix, comme le montre la courbe d’évolution du nombre de plateformes à l’œuvre aux Etats- Unis produite par la société Baker Hugues. Nombre de plateformes de forage à l'oeuvre en Amérique du Nord, 2/6/2015 1/16/2015 12/26/2014 12/5/2014 11/14/2014 10/24/2014 10/3/2014 9/12/2014 8/1/2014 8/22/2014 7/11/2014 6/20/2014 5/9/2014 5/30/2014 4/17/2014 3/28/2014 3/7/2014 2/14/2014 1/24/2014 1/3/2014 2000 1900 1800 1700 1600 1500 1400 1300 1200 1100 1000 Source Baker Hugues En 2011 la chute des prix avait eu, de façon similaire un impact très important sur le nombre de plateformes de forage à l’œuvre dans les puits gaziers. Celle-ci avait alors été compensée par une augmentation quasi simultanée du nombre des forages destinés à l’extraction de pétrole ou d’hydrocarbures liquides. 9 Centre hydrocarbures non conventionnels Nombre de plateformes de forage à l'oeuvre aux Etats-Unis 2500 2000 1500 1000 500 0 Total 2/4/2011 4/29/2011 7/22/2011 10/14/2011 1/6/2012 3/30/2012 6/22/2012 9/14/2012 12/7/2012 3/1/2013 5/24/2013 8/16/2013 11/8/2013 1/31/2014 4/25/2014 7/18/2014 10/10/2014 1/2/2015 Gaz Huile En 2012 plusieurs phénomènes se sont conjugués pour limiter l’impact des prix du gaz sur la décroissance de l’activité. - - D’une part les forages nouveaux sur les puits à gaz ont été arrêtés, D’autre part les forages destinés à l’extraction d’hydrocarbures liquides ont cru à très grande vitesse. Par ailleurs, les productions d’hydrocarbures liquides ont souvent des quantités de gaz associés, (comme d’ailleurs souvent les productions de gaz génèrent des produits liquides ou condensats). Ces gaz supplémentaires ont continué à alimenter la croissance de la production Enfin on ne peut s’empêcher de mentionner le Quantitative Easing américain qui a permis l’accès à des financements extrêmement bon marché des projets de forage. Aujourd’hui, les mécanismes amortisseurs ci-dessus ne sont plus disponibles pour l’activité de forage. Il n’y a pas de substitution évidente à l’activité de forage de puits de pétrole dans un cadre où les prix du gaz et du pétrole sont tous deux dégradés. Les opérateurs qui cherchent un rendement de leur investissement se concentrent donc sur les champs les plus économiques, et une partie des gisements ne fait plus l’objet de nouveaux forages. 8 / Conséquence sur les productions A court terme, les puits en production restent en production. Autrement dit, les non conventionnels pendant un certain laps de temps sont produits à coût quasi nul. C’est la raison pour laquelle on n’assiste pas actuellement à une baisse des productions. On observe évidemment une baisse du nombre de forages, mais cette baisse n’aura d’effet qu’à terme. Il devient alors légitime de se poser la question des courbes de déclin des différents gisements pétroliers. Une singularité des puits pétroliers non conventionnels apparait. Leur courbe de décroissance est plus rapide que celle des puits conventionnels. On peut même, à partir des courbes de décroissance, estimer avec une certaine précision (et une certaine marge d’erreur!) les productions à venir et le nombre de forages supplémentaires nécessaires pour maintenir les productions en 2015 et 2016. Le calcul ci-après est réalisé sur le champ de Bakken avec certaines hypothèses. Comme les puits n’ont pas tous la même courbe de décroissance, le calcul est une approximation et donne des ordres de grandeurs. 10 Centre hydrocarbures non conventionnels Courbe type de décroissance d’un puits dans la zone de Bakken Déclin typique Année 1 : 65% Année 2 : 35% Année 3 : 15% Année 4 et suivantes:10% Age déclin prévisible par puits en 2015 Index de production Nb de Puits >6 500 14 10% 5à6 500 16 10% 4à5 750 17 10% 3à 4 1300 19 10% 2à3 1900 23 15% 1à2 1900 35 35% 0à1 Puits de 2015 Baisse 2015/2014 2200 100 65% 1779 100 0% 0.0% A l’aide de cette courbe et de l’information sur l’âge des puits, on peut estimer en fonction du nombre de forages réalisés en 2015 la décroissance de la production dans cette zone à la fin de 2015. Dans le tableau de droite ci-dessus, les index de production sont calculés en appliquant à une production de 100 (production de l’année 1) les taux de décroissance par année indiqués sur la courbe de gauche en fonction de l’âge des puits, soit une décroissance de 65 % pour l’année 2 par rapport à l’année 1, une décroissance de 35% pour l’année 3 par rapport à l’année 2 et ainsi de suite. Tous calculs faits on obtient une estimation de la décroissance possible en 2015 de la production sur le champ de Bakken, en fonction du nombre de puits forés pendant l’année qui vient. Déclin de la production de la zone de Bakken en fonction du nombre de forages de 2015 25% 20% 15% 10% 5% 0% -5% 1000 1100 1200 1300 1400 1500 1600 1700 1800 1900 2000 2100 2200 -10% -15% Source : Imerys estimate Autrement dit, sur ce champ particulier pour que la production à fin 2015 soit identique à celle de 2014, il faudrait que le nombre de puits forés soit de 1800, contre 2200 en 2014. Aujourd’hui, compte tenu d’une baisse du nombre de plateformes à l’œuvre, 123 à date, contre une moyenne de 185 l’année dernière, on aurait une baisse de 33% du nombre de forage, et une baisse des productions en fin d’année de 9 % environ par rapport à 2014. Au global, si on regarde l’ensemble des bassins pétroliers, le nombre de plateformes à l’œuvre a baissé de 30 % par rapport à la moyenne de 2014 11 Centre hydrocarbures non conventionnels Ces calculs sont évidemment des estimations, la courbe de déclin varie d’un puits à l’autre et ils n’ont que le mérite de donner des ordres de grandeur et non de proposer une prévision. D’après ce calcul et si on le généralise aux autres champs, la production de pétroles non conventionnels américains devrait rester stable ou baisser légèrement en 2015, sauf remontée brutale des prix qui conduirait à une reprise vigoureuse de l’activité. Une comparaison s’impose avec la chute des prix du gaz en 2011. Après la forte baisse des prix constatée sur le gaz en 2011 la croissance de la production de gaz a continué à un rythme soutenu. Production de gaz (Milliards de pieds cubiques aux Etats-Unis 6 5 4 3 2 Production Mensuelle Moyenne mobile 12 mois Prix ($/MBTU) oct.-2014 juil.-2014 0 avr.-2014 janv.-… oct.-2013 juil.-2013 avr.-2013 janv.-… oct.-2012 juil.-2012 avr.-2012 janv.-… oct.-2011 juil.-2011 avr.-2011 janv.-… oct.-2010 juil.-2010 avr.-2010 1 janv.-… 2300 2200 2100 2000 1900 1800 1700 1600 1500 Source EIA 9 / En quoi les non conventionnels diffèrent des productions conventionnelles ou de l’offshore profond La courbe de déclin des puits non conventionnels est beaucoup plus rapide que celle des puits traditionnels. Autrement dit, là où un puits non conventionnel réduira sa production d’environ 80 % en deux ans, ce temps est beaucoup plus long pour les puits traditionnels, et pour les puits offshore. En conséquence l’impact du prix sur la production est beaucoup plus violent. 12 Centre hydrocarbures non conventionnels 10 / Conséquence sur l’évolution des prix Il n’est évidemment pas question de se livrer à une prévision sur l’évolution des prix mais simplement de décrire quelques facteurs qui peuvent influencer ceux-ci à terme d’un petit nombre d’année. - La croissance industrielle aux Etats-Unis sous l’impact des prix bas du gaz. Des craqueurs d’éthylène sont en construction avec toute l’industrie de la chimie des plastiques associée, laquelle va relocaliser en Amérique des productions délocalisées en Chine depuis longtemps. Cette croissance concerne évidemment beaucoup le gaz mais va influer sur la consommation d’hydrocarbures liquides. - La baisse à venir, à terme de un ou deux ans des productions de pétrole, hormis une reprise vigoureuse des activités de forage. Quelques millions de barils par jours peuvent ainsi n’être pas produits et provoquer une crainte de pénurie. - La consommation de gaz, servie largement jusqu’à l’automne par des coproduits des exploitations pétrolières qui pourraient baisser à moyen terme, pourrait produire une tension sur les prix du gaz, déclencher de nouveaux forages, qui eux-mêmes généreraient du pétrole ou des condensats comme coproduits. - A contrario une remontée des productions américaines produirait de nouveau un surplus et une baisse des prix. - Evidemment l’attitude de l’OPEP et notamment de l’Arabie Saoudite sera un facteur déterminant dans la formation des prix, mais hors un retour de l’Organisation à son rôle régulateur, tout se passe comme-ci les Etats-Unis et leurs hydrocarbures non conventionnels prenaient le rôle de facteur d’amortissement et de régulation du marché que l’OPEP ne veut plus jouer. Une complication de la prévision vient du fait que les coûts marginaux, ou les coûts directs à court terme ont un agencement très différent de celui des coûts complets discutés plus haut. 11 / Les coûts à moyen terme et leurs conséquences Une question est de savoir si un puits est compétitif à long terme, autrement dit si les revenus prévisibles sur la vie du puits vont justifier l’investissement, une autre est de savoir, pour un puits déjà foré, si la production est économique. Du fait du déclin plus rapide de la production, un puits ou un ensemble de puits non conventionnels demandera des dépenses plus importantes pour maintenir ou accroître la production à terme de un ou deux ans. Donc dans le cas d’une baisse des prix brutale, là où les producteurs conventionnels vont continuer à produire à coût très faible des puits déjà forés, les producteurs non conventionnels auront besoin d’investir de nouveau assez rapidement. Selon le niveau de prix, ils peuvent choisir de ne pas le faire, en l’absence de rentabilité suffisante de l’investissement supplémentaire. Autrement dit, lors d’une baisse de prix du pétrole, les productions américaines vont baisser plus rapidement que d’autres productions conventionnelles. Ceci dessinerait donc le rôle que pourrait jouer l’industrie américaine de « production d’équilibre » pour la demande mondiale, c’est-à-dire que l’industrie est exposée à une forte variabilité. Ceci va induire inévitablement une adaptation forte de l’industrie, à la fois en capacité, mais aussi en compétitivité. 13 Centre hydrocarbures non conventionnels 12 / Les facteurs d’adaptation de l’industrie américaine L’industrie américaine a d’ores et déjà adapté ses capacités. Le nombre de plateformes à l’œuvre décrit ci-dessus en est une illustration. Pour l’instant il s’agit largement de mises sous cocon, et l’industrie est prête à un redémarrage rapide. Par ailleurs, si la nouvelle règle est que les puits doivent donner 10 % de retour sur investissement pour un baril entre 50 et 60 dollars, l’industrie va s’adapter et baisser les coûts. C’est ce qu’a fait l’industrie pétrolière depuis plus d’un siècle pour faire face aux situations de crise. Les possibilités de baisse des coûts sont liées à la compétitivité de l’industrie parapétrolière. Les technologies de forage, de fracturation, de soutènement évoluent considérablement, et il faut se souvenir que dans le cas des forages pour les pétroles non conventionnels, l’industrie est encore à ses débuts. Quatre ou cinq ans d’expérience au plus en ce qui concerne les forages horizontaux destinés au pétrole. On peut imaginer plusieurs facteurs de baisse des coûts dont notamment, - Tout d’abord, la diminution du nombre des échecs ou « puits secs » ou à très faible production des non conventionnels. La meilleure connaissance géologique des roches mères, et des gisements, permettra de mieux sélectionner les zones d’implantation des puits. Or les puits sans productions sont une composante significative des coûts d’extraction des non conventionnels. La diminution de leur nombre est un facteur d’amélioration des coûts. - La baisse (temporaire) des prix des services au puits (forage, complétion, etc.) liée à une moindre demande. - Le développement permanent des traitements de l’information et de la micro-sismique, qui permettent une vision de plus en plus précise des réservoirs. Ceci permet d’une part l’augmentation de l’efficacité des forages comme décrit ci-dessus, mais aussi la meilleure exploitation de chaque puits. - L’augmentation du nombre d’étages de fracturation par puits, - L’augmentation de la qualité des agents de soutènement (ou proppants), et la mise au point par les sociétés de services de formules d’optimisation de l’utilisation de ceux-ci. - L’amélioration continue de la performance des forages. La technologie de cesse d’évoluer et d’améliorer la productivité. - L’amélioration continue de la productivité des facteurs comme dans tout secteur industriel. Face à un défi tel que celui que pose la nouvelle donne économique pétrolière, les adaptations très rapides ont déjà commencé et se poursuivent rapidement. 14 Centre hydrocarbures non conventionnels 13 / Conclusion La baisse des prix du pétrole est une bonne nouvelle pour une grande partie des économies mondiales. Elle pose un défi nouveau à l'industrie pétrolière américaine et notamment à l’extraction des pétroles non conventionnels américains. Plusieurs facteurs laissent penser que le niveau de prix actuel n’est pas soutenable à long terme, mais que la situation peut durer un petit nombre d’années. Dans l’intervalle la production va se maintenir un an ou deux, puis déclinera en l’absence d’un rebond des prix. Cette baisse de la production peut elle-même avoir une influence à la hausse sur les prix, conduisant ainsi les Etats- Unis à jouer le rôle d’équilibre du marché que l’OPEP refuse désormais de jouer, jusqu’à ce que cette dernière prenne le relais. Nul doute que des adaptations industrielles sans précédent vont s’opérer. 15