Liu Bolin

Transcription

Liu Bolin
Il occupe volontairement des lieux chargés d’histoire et de sens, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs. Incrusté au sein de
panneaux électoraux, dans des drapeaux, des murs ou des barrières, des symboles de la Chine (cité interdite, mausolée de
Mao Zedong) ou de l’industrialisation (bulldozer, panneaux publicitaires), il se métamorphose en fonction des diktats des
lieux.
Chargés de sens sociologique et politique, les décors qui avalent les silhouettes renforcent l'impression d'une comédie
humaine absurde. Les valeurs sont inversées : l'homme habituellement au premier plan occupe ici l'arrière-plan.
Paradoxalement, Liu Bolin s’enferme dans l’image pour ne pas être prisonnier d’un système.
Il se cache dans l’oppression pour ne pas y disparaître, ne pas y laisser sa peau. Au premier regard, la présence
humaine n'est quasiment pas discernable. C'est une petite irrégularité dans les volumes qui attire l’œil, juste avant la
compréhension. Piquée, la curiosité se met en branle et chaque photo devient alors un jeu : « trouver l'intrus ».
Mais Liu Bolin dénie radicalement la part ludique de son travail. « Il n'y a aucun jeu là-dedans, mon travail est profond
et sombre » revendique-t-il — un lien qu'il ne veut pas faire entre l'humour et le désespoir ?
Il pose la question du corps dans son environnement. Il soulève le problème de l’intégration dans un
contexte environnemental donné. Où est humain dans ces environnements urbains ?
L'artiste n’est plus
le créateur mais
avant tout un
support à la
création artistique.
L’artiste est
l’auteur de l’idée
de se rendre
invisible mais ce
sont les autres qui
le rendent
invisible.
Son art est engagé. Il vise à parler du corps politique justement parce qu’il a trait à l’esthétique, au régime du
visible et de ce qui est vu. Il pose la question de l’humain dans un monde en mutation. Comment se découpent
les corps dans les villes ? Quelles sont les répartitions et leur marge d’émancipation au regard d’une société ?
Parallèlement à ce travail, Liu Bolin continue de sculpter. Art de la dissimulation encore, mais cette fois avec des statues
d'hommes alignés, sans têtes, leurs mains rouges à hauteur des yeux, ou des petits hommes monochromes et maigrelets, à la
tête disproportionnée et au visage sans yeux (série « Red Hand »). « L'homme avance à l'aveugle dans le monde, il ne
voit pas clair. Il se cache à lui-même certaines choses, on lui en cache aussi. » commente-t-il.
Liu Bolin explore encore le thème de la disparition avec des installations de sculptures enflammées, série «Burning man ».
Des hommes métalliques, debout, brûlent continument sans pourtant se consumer. Le spectacle de ces autodafés sans fin est
dérangeant et réclame des explications. Liu Bolin répond : « Dans la tradition chinoise, l'élément “feu” est associé à la
couleur rouge qui est celle de la nation chinoise. L'homme en brûlant devient rouge. Ces statues reflètent la réalité
chinoise..» et « Dans la société chinoise, l'individu ne compte pas, c'est l'unité de travail qui décide de son sort. »

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