Intervention de Philippe Martinez du 6 juillet 2016

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Intervention de Philippe Martinez du 6 juillet 2016
Meeting JAPPY
PARIS, le 6 juillet 2016
Intervention de Philippe Martinez
Cher-e-s ami-e-s, cher-e-s camarades,
Nous sommes une nouvelle fois réunis pour afficher notre opposition à la loi travail
et réaffirmer qu’il y a d’autres alternatives dans notre pays et en Europe que des
reculs sociaux successifs pour le monde du travail.
Voilà plus de 4 mois que le mouvement et la contestation se sont installés dans la
rue et dans les entreprises. Voilà plus de 4 mois que les arrêts de travail et les grèves
se sont multipliés, que les discussions et les rencontres avec les salariés et les
citoyens dans les lieux publics se sont installés, notamment par le biais de la votation
citoyenne. Ainsi, alors que c’était la douzième journée de mobilisation, nous étions
encore 45 000 hier dans les rues de Paris, et plus de 100 000 partout en France,
quelque chose de tout à fait inédit et donc d’exceptionnel pour un 5 juillet.
Je voudrais avant toute chose, saluer l’engagement lui aussi exceptionnel de tous les
militants et militantes, des syndiqués, des salariés et des citoyens qui ont été des
millions à s’exprimer et à se mobiliser durant cette période. Je voudrais saluer celles
et ceux qui ont occupé leur entreprise pendant plusieurs semaines, celles et ceux
qui malgré les pressions subies ont posé pour la première fois des heures de grève,
celles et ceux qui se sont relayés nuit et jour pour assurer les piquets de grève.
Et pourtant, que n’a-t-on pas entendu pendant ces 4 mois sur le soi-disant
essoufflement du mouvement ? Chaque journée de mobilisation était annoncée
comme moins bien, plus faible et bien sûr c’était à chaque fois la dernière ! Et
pourtant, nous voici ici aujourd’hui.
Que n’a-t-on pas subi comme insultes, comme violences, comme tentatives
d’intimidation, comme provocations dont celles du Premier Ministre en tête, lui qui
a osé faire l’amalgame entre manifestants et casseurs !
Et que dire du président du MEDEF qui a été jusqu’à nous traiter de terroristes ?
Ils ont même eu la prétention d’interdire les manifestations, oui ! En France ! Dans
le pays des droits de l’homme ! Après que nous ayons dû, mobilisation après
mobilisation, essuyer les gaz, les vexations, les violences, après que nous ayons été
accusés d’avoir mis à sac un hôpital pour enfants : ils ont voulu interdire la
contestation dans la rue. Mais nous n’avons pas cédé. Et depuis 15 jours, nous
constatons tous qu’il est de plus en plus difficile d’accéder aux cortèges, fouilles,
palpations, interdictions diverses, c’est à se demander s’ils ne souhaiteraient pas
nous décourager de descendre dans la rue !
Et malgré tout ça, la mobilisation et la détermination sont toujours là.
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« Il faut savoir écouter le peuple », a rappelé le président de la République suite au
référendum en Grande Bretagne. Eh bien, M. HOLLANDE, écoutez le peuple dans
votre pays ! Ce projet de loi nous n’en voulons pas !
Ce projet de loi est largement minoritaire parmi l’opinion et principalement parmi
la jeunesse. Il est minoritaire parmi les organisations syndicales. Il est même très
contesté parmi les artisans, les petites et les moyennes entreprises. Il n’y a même
pas eu de majorité pour voter ce texte à l’Assemblée nationale. A deux reprises, le
gouvernement et son premier ministre ont dû utiliser le 49-3, l’arme la plus antidémocratique de notre constitution, sans qu’il n’y ait le moindre débat sur ce texte.
Vous n’avez pas été élu pour détruire le code du travail !
Et après, ils n’hésiteront pas à nous parler de dialogue social, de concertation, de
respect des engagements.
Où peut-on lire le texte suivant, je cite : « Il faut rétablir la hiérarchie des normes :
la loi est plus forte que l’accord collectif et lui-même s’impose au contrat de travail.
Si la loi peut permettre à des accords de déroger à ces dispositions, elle ne peut le
prévoir dans des domaines relevant de l’ordre public social : salaire minimum, durée
légale du travail, droit du licenciement, existence de la représentation du
personnel. »
Eh bien, pas dans une déclaration de notre intersyndicale, pas dans un tract de la
CGT, non. Ce texte figure dans la motion majoritaire votée au congrès du Parti
socialiste, il y a tout juste un an.
D’ailleurs vous vous rappelez tous du discours du Bourget : « Mon adversaire c’est la
finance » et aujourd’hui le Premier Ministre veut faire de Paris la première place
financière de l’Europe.
Nous, nous n’avons pas peur de la démocratie, le résultat de la votation citoyenne
qui a recueilli plus d’un million de réponses en moins de 3 semaines est sans appel.
Cette loi, les salariés, les retraités, les étudiants, les lycéens, et les privés d’emplois
n’en veulent pas.
Et nous avons tous bien compris que ce projet de loi est un cadeau au grand patronat,
permettant de généraliser le dumping social, de renforcer la précarité et de faciliter
les licenciements sans créer aucun emploi.
Beaucoup de camarades en Europe et dans le monde ont depuis 4 mois les yeux
tournés vers la France. Certains parce qu’ils ont déjà testé et désapprouvé les effets
d’une telle loi. D’autres parce qu’il se prépare la même chose dans leur pays. Les
luttes en Belgique en sont une illustration.
Les nombreux témoignages et messages des syndicalistes dans le monde attestent
que ce qui est remis en question aujourd’hui, c’est la France de la révolution, des
conquêtes sociales. Ce qui est remis en question, c’est bien le modèle social français
qui fait référence pour de nombreux travailleurs sur la planète.
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Ils veulent tellement mettre à terre ce modèle social qu’il semblerait qu’il leur soit
égal que cette loi travail viole de façon magistrale les conventions fondamentales de
l’OIT.
En effet, en 2012, le comité de la liberté syndicale de l’OIT s’est prononcé autour
d’un projet de réforme du gouvernement grec de l’époque qui organisait la
décentralisation de la négociation collective au niveau des entreprises.
Souvenez-vous, la Grèce était alors dans le viseur de la Troïka qui avait imposé au
pays un bouleversement des règles de négociation collective ressemblant de façon
troublante à l’article 2 de la loi travail.
Les conclusions du comité ne laissent aucun doute possible quant à l’infraction que
constitue ce type de réforme par rapport aux conventions de l’OIT.
« Le comité souligne que la mise en place de procédures favorisant
systématiquement la négociation décentralisée de dispositions dérogatoires dans un
sens moins favorable que les dispositions de niveau supérieur peut conduire à
déstabiliser globalement les mécanismes de négociation collective ainsi que les
organisations d’employeurs et de travailleurs et constitue en ce sens un
affaiblissement de la liberté syndicale et de la négociation collective à l’encontre
des principes des conventions 87 et 98 ».
Mais il n’y a pas que l’OIT... En effet, le projet de loi travail dans son ensemble viole
le Pacte des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Il y a quelques jours à peine, les experts du comité des Droits Economiques, Sociaux
et Culturels des Nations Unies ont rendu leur rapport. Il est accablant pour la France.
« Le Comité est préoccupé par les dérogations à des protections acquises en matière
de conditions de travail proposées dans le projet de loi travail (…), y compris pour
accroître la flexibilité du marché du travail, sans qu’il ne soit démontré que l’État
partie a considéré toutes les autres solutions possibles. Le Comité engage l’État
partie à s’assurer que les dispositifs proposés pour accroître la flexibilité du marché
du travail n’ont pas pour effet la précarisation du travail et la diminution de la
protection sociale du travailleur. »
Vous l’aurez compris, le projet de loi « travail » est hors-la-loi ! Il l’est doublement :
devant l’Organisation Internationale du Travail et devant les Nations-Unies.
Alors, non, nous ne sommes pas fatigués car notre combat est juste et légitime.
Au moment où nous fêtons les 80 ans des congés payés, une des plus grandes
conquêtes de la classe ouvrière, il est normal que nous nous en accordions et que
nous en profitions.
Mais le combat n’est pas terminé. Tout l’été, nous irons à la rencontre des salariés
sur leurs lieux de vacances au travers de la caravane des saisonniers en nous
adressant en priorité au plus précaires, à ceux qui travaillent dans le tourisme ou
dans la restauration. Nous sommes déjà présents sur le Tour de France au départ des
étapes et le long des routes.
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Non, nous ne sommes ni fatigués, ni résignés, que l’Elysée et Matignon entendent
bien ce message.
Nous préparons d’ores et déjà la rentrée et il nous faut déjà réfléchir vite à un
premier rendez-vous de mobilisation et ce dès le mois de septembre car ils ne nous
laissent pas d’autre choix que de poursuivre la mobilisation contre ce projet de loi
injuste et illégal.
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