Courant fort

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Courant fort
Un bulletin pour rester au courant de la scène énergétique
Numéro 6 - Novembre 2015
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Nous plaçons ce bulletin dans le contexte de la Conférence de Paris sur le changement
climatique - avec des contributions qui ne remettent pas en cause ses fondements scientifiques, mais qui proposent de nouvelles perspectives sur les priorités à lui donner et sur
les moyens à engager.
Adaptation plutôt qu’intervention
Dans l’AGEFI du 24 novembre 2015, Pierre Bessard,
directeur de l’Institut libéral (Genève, Zurich), tempère le débat.
Il n'est pas nécessaire de remettre en question la
science sous-jacente à l'activisme politique sur le
climat, ni de considérer la thèse anthropologique
des changements climatiques comme un complot
ou un programme-alibi de redistribution des richesses du Nord vers le Sud pour penser que
l'adaptation est infiniment plus efficace que l'intervention.
Le célèbre scientifique Bjorn Lomborg, directeur
du Centre du Consensus de Copenhague, estime
que si tous les objectifs formulés avant la prochaine
conférence des Nations-Unies sur le climat étaient
tenues, l'effet cumulé des mesures pourrait être,
dans le meilleur des cas, imperceptible….
Le sommet de Paris sur le climat est souvent présenté de façon dramatique comme la conférence
qui sauvera le monde
ou guérira la planète.
La réalité est complètement
différente.
Non seulement les
mesures promises par
les États auraient un
impact négligeable à
des coûts démesurés, mais, et c'est peut-être un
soulagement, il n'est même pas certain qu'elles
puissent être mises en œuvre. À en juger par l'historique de conférences similaires, la même approche qui échoue depuis près de trente ans n'est
pas devenue plus prometteuse. Les États-Unis
n'ont jamais ratifié le protocole de Kyoto, qui a été
abandonné par le Canada, la Russie et le Japon.
Après plusieurs renégociations, il n'a guère plus de
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substance. «La seule raison pour laquelle les objectifs de Kyoto ont été presque atteints à court terme
fut la crise financière de 2008», constate Bjorn
Lomborg.
À la place du gaspillage de ressources dans le subventionnement et la répression énergétiques que
poursuivent les gouvernements, le Consensus de
Copenhague plaide pour une approche basée sur la
recherche et le développement: il s'agit de faire en
sorte que les énergies vertes deviennent moins
onéreuses que les énergies fossiles à travers la
technologie.
… la réalité est que les politiques climatiques actuelles ne contribueront pas à stabiliser le climat et
que leur impact sera indétectable. «Cela indique
clairement que si nous voulons réduire les effets
sur le climat de façon tangible, nous devons trouver
d'autres moyens d'y parvenir», conclut Bjorn Lomborg.
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Le GIEC envisage beaucoup
plus de nucléaire!
Le résumé technique du rapport1 du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du
climat (GIEC2) confirme juste avant la Conférence
de Paris que l'énergie nucléaire fait partie de la solution pour réussir la transition énergétique. Voici
quelques extraits :
«Les scénarios atteignant
des concentrations atmosphériques d'environ 450 à
500 particules par milliers
d'équivalent dioxyde de
carbone (ppm CO2 éq), d'ici
à 2100, sont caractérisés
par un triplement, voire un
quadruplement de la part globale de l'approvisionnement provenant de sources à zéro et faible teneur en carbone, telles que les énergies renouvelables, l'énergie nucléaire, les énergies fossiles
avec captage et stockage du CO2 (CSC), et de la bioénergie avec CSC (BECCS), d'ici à 2050, par rapport
à 2010», -- «Le secteur de l'approvisionnement en
énergie offre une multitude d'options pour réduire
les émissions de gaz à effet de serre(GES). Ces options comprennent : (…) les technologies d'approvisionnement en énergie à faible émissions de GES,
comme les énergies renouvelables, l'énergie nucléaire, et les énergies fossiles avec CSC».
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Un éminent professeur
suisse de climatologie jette
un froid
La Suisse devrait réduire de 60% ses émissions
d'ici à 2030 et uniquement par des mesures nationales. Mais, avec seulement 6,4 tonnes d'équivalents CO2 rejetées par an et par habitant contre 9,3
dans l'Union européenne et 19,6 aux États-Unis -, la
Suisse possède déjà une économie relativement décarbonée. Ce qui rend difficile la possibilité d'atteindre des engagements aussi élevés.
«Mais une réduction de 30% sur le territoire me paraît déjà importante, parce que
2030
c'est
presque demain»,
souligne Martin
Beniston, professeur de climatologie à l'Université de Genève. «Et la Suisse n'a que
peu de leviers sur lesquels agir. Elle ne possède pas
d'industrie lourde et son énergie est nucléaire et
hydroélectrique. Le plus gros potentiel de réduction réside dans les secteurs du bâtiment et des
transports»…. Quoi qu'il en soit, ces différentes mesures devraient permettre de réduire les émissions
de 30% d'ici à 2030. À moins qu'une autre donnée
ne vienne perturber l'équation: «Si la décision de
sortir du nucléaire, qui assure 40% de notre
production électrique, est mise en application,
par quoi va-t-on remplacer l'atome?», interroge
Martin Beniston. «Si c'est par des centrales à gaz,
cela pourrait faire bondir nos émissions de 10% à
12%!» Journal 24Heures du 13 novembre 2015
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Priorités fallacieuses
Dans le Figaro du 5 novembre 2015, le journaliste
Charles Jaigu fait part d’un entretien avec Guillaume Sainteny, éminent spécialiste français de
l'environnement. qui conteste dans un livre très argumenté le primat du réchauffement climatique
dans nos priorités environnementales et qui expose les vraies priorités d'une écologie intégrale entendre par là le fait que la protection de la nature
doit être prise en compte par tous les aspects de
nos choix collectifs, de la fiscalité aux transports, de
l'habitat à l'agriculture… Il ne joue pas la partition
de Claude Allègre et des innombrables climatosceptiques qui nient les effets de l'action humaine
sur le climat, par allergie à l'idée qu'un consensus
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scientifique puisse être instrumentalisé par
quelques ayatollahs verts… En attendant, Sainteny
martèle surtout une idée simple. L'action humaine
sur la planète est à quintuple détente: sur la pollution de l'air et celle de l'eau, sur la déforestation, la
biodiversité, et finalement sur le climat. La question du climat est la dernière
venue dans l'ordre des bouleversements suscités par la
prospérité de l'espèce humaine sur la planète Terre.
«Je constate que le dérèglement climatique n'est pas la
cause, mais la conséquence
des autres crises écologiques», nous dit Saintenv. Ainsi, par exemple, la déforestation est-elle responsable de «20% des émissions supplémentaires de gaz à effet de serre». Cela
fait donc de lui, selon la bonne formule de Jean
Louis Bourlanges, «un climato-relativiste».
Ce premier constat en amène un autre: pourquoi
s'obséder de la seule question des émissions de gaz
à effet de serre? A quelques semaines de l’ouverture de la COP21, la vanité du multilatéralisme climatique saute aux yeux. Pourquoi tant d'envolées
sur le climat, et si peu sur le reste? Et à quoi servent
elles, sinon à créer une chambre d'écho médiatique
mondiale qui mobilise un petit peu de notre temps
d'attention disponible? Car ce n'est pas la pression
diplomatique internationale qui a fait bouger la
Chine dans la bonne direction ces dernières années. Ce sont les catastrophes environnementales et notamment la pollution- qui ont contraint les
autocrates chinois à adopter une ligne différente.
De même, si la France est de loin la meilleure
élève de la classe, c'est pour des raisons «très
antérieures à l'instauration d'une politique climatique, comme le développement du nucléaire,
de l'hydro-électricité, la désindustrialisation, les efforts d'efficacité énergétiques qui ont suivi la crise
pétrolière, et un climat tempéré».
Bref, la COP21 remue beaucoup d'air, mais ne
change pas le fond de l'air. En 2009, la conférence
sur le climat avait obtenu un «Fonds vert» de 100
milliards de subventions pour lutter contre le gaz à
effet de serre dans les pays émetteurs. Aujourd'hui,
il est encore question de le renforcer. «Il vaudrait
mieux obtenir la diminution des subventions publiques aux énergies fossiles, qui représentent 548
milliards de dollars dans le monde, dont 90% sont
versés dans les pays émergents, qui sont aussi des
pays producteurs», écrit Sainteny. «Si ces subventions étaient abandonnées d'ici à 2020, outre les économies d'énergies et la réduction de la pollution qui
en résulterait, les émissions mondiales de gaz à effet
de serre seraient réduites de 5,8%» explique- t- il.
Plutôt que de s'agiter en palabres globales, Sainteny défend l'idée qu'on serait mieux inspirés de
penser des politiques adaptées à nos territoires
respectifs. Il se défend d'un souverainisme environnemental - «la Corrèze plutôt que le Zambèze»,
comme on disait jadis - mais il souligne néanmoins
avec pertinence qu'aujourd'hui, en ces temps de
lutte contre les seules émissions de gaz à effet de
serre, «les bénéfices de la politique environnementale deviennent de moins en moins nationaux».
Pourquoi la France, dont l'électricité est déjà
décarbonée à 92%, devrait-elle engloutir des
budgets dans l'amélioration de ce résultat? Serait-ce pour écouler la production d'éoliennes venues d'Allemagne? Mauvaise idée! À force de concentrer le tir sur le seul climat, on en oublie des
biens communs qui relèvent directement de notre
patrimoine national, et où les résultats nationaux
sont médiocres, comme le souligne Sainteny. C'est
le cas pour la qualité de l'air, de l'eau, mais aussi
pour la biodiversité, ou la France est très exposée à
cause des territoires d'outre-mer, qui sont des trésors de la nature, et notamment la Guyane ou la
Nouvelle-Calédonie. Conclusion: «Rien en France
paraît justifier le primat climatique». Ce constat,
Sainteny le fait en soulignant qu'il n'y a jamais eu
«de grand débat national là-dessus ; cela s'est fait de
façon insensible». Ce glissement progressif vers
l'injonction climatique permet à «certains intégristes de justifier des atteintes à d’autres secteurs
de l'environnement». Sainteny donne l'exemple du
diesel, désormais bien connu, et qu'on a laissé prospérer car il émet désormais moins de C02, sans reconnaître qu'il produit d'autres microparticules
polluantes et nocives pour la santé publique. Mais
la protection des paysages est un autre sujet. Dans
un pays qui a inventé le concept de site classé dans
les années 1930, le patrimoine paysager doit rester une priorité, surtout dans une économie qui
mise sur le tourisme plus que les autres. Sainteny nous apprend que les seules entorses à la loi
littorale ont été justifiées par les écolos au nom du
climat, pour autoriser la construction d’éoliennes.
[En gras, les corrélations suisses des constats de Guillaume Sainteny, Réd.]
Livre : LE CLIMAT QUI CACHE LA FORÊT, Guillaume Sainteny, Éditions Rue de L’Échiquier, 268
pages, 18€
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Apprentis-sorciers du climat
préindustrielle, la géo-ingénierie n’est donc plus une
option. C’est même devenu une nécessité.»
Alain Clerc, ancien responsable de la politique internationale suisse en matière d’environnement. Le
Temps, publié le mercredi 25 novembre 2015
… Les lecteurs ont bien compris. Il ne faudra pas lésiner sur la dépense et, si besoin, on s’appuiera sur
la détresse des pays du Sud. C’est ce que dit la nouvelle représentante française au GIEC qui réclame
plus de moyens pour aider ces pays «qui ne disposent pas de centres de recherches capables d’aider à
la décision, pour s’adapter au changement climatique…» L’aveuglement des thuriféraires de la géoingénierie est époustouflant. Sans doute profitentils des pertes de repères de nos sociétés en désarroi.
«Terra Nova», serait-ce le nom de code d’une opération de déshumanisation menée par les Nations
Unies avec la complicité de la France? Deux articles
récents, l’un publié par un Centre de réflexion
proche du gouvernement socialiste et l’autre par
un quotidien du soir français le laissent sérieusement supposer….Et cette opération est engagée
sous le nez et la barbe de millions d’écologistes qui
attendent naïvement des engagements contraignants de la communauté internationale à l’issue
de la COP21.
…. Pour que la COP soit un succès aux yeux de la
France, il faut au moins une entente sur un autre
pan de cette négociation: l’acceptation d’un engagement sur le financement de mesures d’atténuation des conséquences des changements climatiques, en d’autres termes, les mesures d’adaptation par le biais de la géo-ingénierie. Sous ce vocable rassurant, on entend des projets visant notamment à injecter des millions de tonnes de sulfates dans la stratosphère pour réfléchir une partie
du rayonnement solaire ou à «fertiliser» les océans
pour augmenter leur absorption de dioxyde de carbone sans se préoccuper des impacts de ces scénarios sur l’ensemble du monde vivant. C’est le premier pas vers le chaos planétaire avec l’assurance
de faramineux coûts écologiques.
Dans le second article, le journal «Le Monde»
s’érige en propagandiste de l’approche technicoéconomique (13.11.2015) en n’hésitant pas à parier sur l’échec des négociations: «… Les difficultés
de la communauté internationales à répondre aux
problèmes contribuent à mettre sur le devant de la
scène une variété de techniques présumées capables
de contrer le changement climatique…». Et sans
scrupule, il plaide la cause: «Pour rester sous le seuil
des 2°C de réchauffement par rapport à la période
Une fois encore, comme pour toutes les négociations environnementales, les Occidentaux, principaux responsables du réchauffement, sont à la manœuvre. Avec Descartes à la rescousse, ils suggèrent ces effarantes perspectives d’un asservissement total de la nature pour réduire les effets du
réchauffement. Au détriment des plus pauvres et
au profit de la grande industrie qui a toujours moqué les postures écologistes. Mais, ce qui est nouveau, avec l’appui d’une cohorte d’écologistes et
d’un gouvernement socialiste! Des entreprises seront dorénavant autorisées – avec la bénédiction
des États réunis à Paris – à instrumentaliser nos
océans, nos terres, notre atmosphère dans le délire
utopique de réduire les transformations que nous
avons déjà infligées à la planète par notre manque
de discernement!
…L’accord qui sera discuté à Paris envisage également l’instauration d’un système de dédommagement pour les événements climatiques catastrophiques. Les Occidentaux s’y opposent car, argumentent-ils, la responsabilité des pays industrialisés dans les changements climatiques est discutable et qu’il est difficile de déterminer les responsabilités. Dont acte. Mais dans les propositions de
géo-ingénierie qu’ils préconisent, les risques d’un
désastre écologique planétaire sont incomparablement plus élevés. Il serait dès lors juste qu’ils s’engagent d’emblée (avec les autres signataires de
cette vision mégalomaniaque) à en accepter toutes
les conséquences financières.
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.energiesuisse.net un réseau-citoyen de toute la Suisse qui plaide - pour le bien de l’économie et de la population suisse - en
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ainsi qu’une consommation économe et rationnelle de l’énergie, selon les principes de la Constitution fédérale (Art. 89). Une
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économiste HEC Lausanne) - Pour la version allemande : Irène et Simon Aegerter (docteurs en physique de l’Université de
Berne) - (Pour la version allemande «Hochspannung», voir le site www.energiesuisse.net)
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