Festival XS : court toujours

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Festival XS : court toujours
4 mars 2013
Le Soir Lundi 4 mars 2013
30 LACULTURE
Festival XS : court toujours !
SCÈNES
Le Festival XS ou les joies de la brièveté sur les planches
« Dans
l’atelier »
du Tof
Théâtre
Au Festival XS, les spectacles durent 25 minutes
maximum. Petits mais
costauds au National.
On y trouve même
une pièce de cinq minutes.
Et des conférences express.
Sommet en matière de minispectacle pour maxi-effet :
« Dans l’Atelier »
du Tof Théâtre.
S
V
oir en une soirée de un à neuf
spectacles. S’imbiber d’un univers en cinq minutes, pour s’immerger vingt minutes dans un autre.
Passer du cirque à du théâtre de marionnettes, de la création vidéo sur la
terrasse à une pièce de deux jeunes comédiennes dans le studio son. Naviguer
entre les créations à un prix ultra-démocratique (10 euros pour la soirée ou
18 euros pour trois jours) : la formule
XS.
Troisième édition déjà de cet événement qui rassemble de plus en plus de
monde avec ses « grands soirs des petites formes. » Pourquoi aime-t-on ce
tourbillon ? Parce qu’on s’y laisse porter
par sa seule curiosité. Parce qu’on y
aborde soudain la scène comme une dégustation de vins : on butine, on multiplie les verres et l’ivresse sans cracher le
jus précieux, gardant le souvenir d’un
regard singulier sur le monde. A fréquenter toute l’année des pièces à rallonge, de deux, trois heures, (voire huit
ou douze chez certains), on vit comme
une récréation ces incursions fugaces.
Qui dit court ne dit pas forcément léger.
« L’art a vocation de parler
du monde, tout comme les intellectuels. J’avais envie de les
confronter dans un festival. »
Peeping Tom y scrute les morts sous X.
Pogrom familial chez Axel de Booseré et
Maggie Jacot. Selma Alaoui et Aurore
Fattier jouent deux femmes en pleine
crise existentielle dans Chiennes tandis
que Lacrima d’Arne Sierens s’annonce
comme un lamento tempétueux sur
l’existence des gens des quartiers défavorisés. Sur les 18 spectacles, dont 13
créations, l’humour, le cynisme, la folie,
seront autant de rampes d’accès vers
des artistes singuliers. Des artistes
confirmés ou à découvrir, en théâtre,
cirque, danse ou marionnettes. « A
l’heure où les saisons se dessinent de
plus en plus tôt, où les budgets se
montent largement en amont, il est fondamental de préserver, en marge des
grosses productions, des espaces de liberté et d’expérimentation, analyse
Alexandre Caputo, programmateur du
festival. Préserver des zones de risques,
loin de la pression d’une grosse création
CRITIQUE
’il est une preuve que la concision
est mère de toutes les vertus au
théâtre, c’est Dans l’atelier du Tof
Théâtre. Au dernier Festival XS, Alain
Moreau jouait déjà avec la forme courte
et son spectacle A l’Ouest. Aujourd’hui,
c’est toujours avec une inventive brièveté qu’il fait perdre le nord à ses marionnettes. En 15 minutes, l’artiste nous emballe un thriller jouissif, dont le comique
trash ferait pâlir d’envie Tarantino. La
marionnette n’a pas du jus de navet dans
les veines. Pantin à moitié fini, son personnage tente de s’achever lui-même,
jusqu’à prendre le pouvoir sur ses manipulateurs et anéantir les intermédiaires
gênants. Dans Bistouri déjà, le Tof n’y
allait pas de main morte avec les objets
coupants et les frappes chirurgicales. Il
prouve encore que l’on peut séduire petits et grands avec un humour tranchant, littéralement.
Gentiment gore et hilarant, Dans
l’atelier ne devait durer que cinq minutes, conçu comme une sorte de préambule aux ateliers de fabrication de
marionnettes que propose Alain Moreau, notamment dans l’abonnement famille du Théâtre National. Parce que,
pour lui, il n’y a pas de marionnette sans
théâtre, il a eu l’idée de faire un minispectacle, comme une introduction
pour montrer qu’au-delà de manier cutter, polystyrène, colle et tarlatane pour
construire un corps et un visage, il
s’agissait aussi de donner une âme à sa
marionnette. Au bout du compte, le mini-spectacle dure quinze minutes,
quelques programmateurs ont vu des
étapes de travail et flashé sur la démarche et Dans l’atelier accumule déjà
près d’une centaine de dates, jusqu’au
Canada. En Belgique, il faudra attendre
Namur en Mai pour revoir débarquer
cet établi ambulant où se transforme
la… bête. Deux mains surgissent d’un
carton, puis un tronc sans tête. Un rectangle de polystyrène planté dans une
pique fera bientôt l’affaire pour commencer la besogne (avec l’aide de deux
manipulatrices géniales et discrètes). Et
voilà que ça scie dans le tas, que ça dessine des yeux au feutre, que ça perd
quelques doigts en route, que la tyrannie
s’installe. ■
Dans « Irregular », Limbos met en scène un «�doudou clandestin�», dans un avion, refoulé pour «�non-conformité�». ©
qui engage l’image et l’avenir d’une
compagnie. Ça explique que des artistes
comme Agnès Limbos, qui bénéficient
déjà de larges tournées et n’ont pas besoin de publicité, se retrouvent au XS.
Ils recherchent une zone de risques et de
liberté. » Expérimentation certes mais
Alexandre Caputo insiste sur le fait qu’il
s’agit de spectacles aboutis et non
d’ébauches ou d’extraits. D’ailleurs, certains spectacles des éditions précédentes ont ensuite pris leur envol dans
d’autres circuits culturels. C’est le cas du
fabuleux Au Sanglier des Flandres de
Bernard Van Eeghem, qui continue de
tourner sur les scènes francophones et
flamandes.
Il ne faudra pas manquer Lacrimosa
du Berlinois Bruno Pilz : spectacle de
cinq minutes pour deux spectateurs.
Entre marionnettes, vidéos et hologrammes, le spectacle opère un étonnant renversement de situation. On ne
vous en dit pas plus ! En plus de bousculer le format des spectacles, le XS refait le monde, avec le même esprit de diligence, à travers quatre conférences. En
vingt minutes, des intellectuels nous
font entrevoir d’autres possibles : La
justice fiscale, La ritournelle des affamés, Gouverner enfin le capitalisme et
Bruxelles petite ville mondiale. « L’art a
vocation de parler du monde, tout
comme les intellectuels. J’avais envie de
les confronter dans un même festival.
La demande était simple : présenter une
analyse et faire part de solutions en 20
minutes, tout en rendant le propos accessible à un public dès 16 ans. » ■
CATHERINE MAKEREEL
Du 7 au 9 mars, Bruxelles. www.theatrenational.be.
D.R.
« La courte forme,
une contrainte qui libère »
ENTRETIEN
vec sa dernière création, le formidable Dans l’atelier, Alain Moreau
excelle dans le court. Invité des éditions
précédentes du Festival XS avec Mr et
Mme Beaurestes, volet croquignolet des
Zakouskis Erotiks, et A l’Ouest, excursion onirique, son Tof Théâtre manie la
brièveté avec brio.
A
La petite forme ne date pas d’hier.
Est-ce plus tendance aujourd’hui ?
Mon tout premier spectacle, Le roi de
la frite, était une petite forme car
c’était un spectacle de rue avec une
marionnette qui cuisinait en direct,
de la patate à la frite dans le cornet.
En rue et en théâtre forain, la courte
forme est très courante. Et puis, il y a
eu le Petit Bazar Erotik : j’ai demandé
à huit compagnies européennes de
marionnettes un court spectacle sur
l’érotisme. Aujourd’hui, dans le domaine de la marionnette et du théâtre
d’objets, il y a une demande de plus
en plus grande pour les petites
formes. Dans les festivals, il y a de
plus en plus de soirées composées et
on nous demande si on n’aurait pas
une petite forme, en plus, dans nos
valises.
Cela reflète-t-il une habitude de
« zapping » chez le public ?
Chez l’artiste, paradoxalement, la
contrainte libère. Pour A l’Ouest, pré-
Registre court à l’atelier. © D.R.
senté l’an dernier au XS, je savais que
je pouvais prendre des risques car ça
durait 25 minutes. Le public est plus
tolérant. C’est une autre manière de
raconter : c’est un instantané.
Cela libère-t-il la créativité ?
J’aime qu’on me fasse des propositions comme Alexandre Caputo l’a fait.
Pour A l’Ouest, ça m’a mis le pied à
l’étrier pour explorer une marionnette
qui me suit depuis longtemps. J’ai rencontré un chorégraphe burkinabé qui
me fait danser avec cette marionnette.
J’ai envie de la mettre entre les mains
des Okidok pour développer un côté
clownesque. Je voudrais arriver à une
heure trente d’un seul en scène sans décor où le spectateur entre dans la tête
du personnage. ■
Propos recueillis par
C.Ma.
C.Ma.
Du 9 au 12 mai au festival Namur en Mai.
Le 23 juin à la Roseraie, Bruxelles.
Du 8 au 10 novembre au festival Bronkx, Bruxelles.
« Qu’est-ce qui vous a poussée à devenir écrivaine ? »
LITTÉRATURE Geneviève Damas, finaliste du prix des Lycéens, face aux élèves de La Louvière
qui vous a poussée
Q u’est-ce
à écrire ? Comment écrivez-vous ? Quand écrivez-
vous ? D’où vient votre inspiration ? Changeriez-vous quelque
chose à votre roman aujourd’hui ? Votre enfance vous a-telle servi ? Travaillez-vous avec
un plan ? Un flot d’interroga-
écrivains. La semaine dernière,
Geneviève Damas comparaissait
devant les 5es secondaires de
l’Athénée provincial de Morlanwelz, de l’Athénée royal de La
Louvière, de l’Institut provincial
d’enseignement secondaire de
La Louvière et les 6es de SaintJoseph, du Rœulx.
lence pèse entre la fin de la réponse et la question suivante.
Mais il y a toujours une main qui
se lève pour le briser. Des questions habituelles, comme celles
du début de cet article. Des
questions inattendues aussi.
« Avez-vous une relation fusionnelle avec un animal ? », de-
J’ai peut-être traversé une rivière
mais il m’en reste d’autres à
franchir. »
Les étudiants semblent ravis
de ces moments passés avec la
littérature. Geneviève Damas,
elle, est heureuse. Elle a pu parler de Marcel Proust, de Romain
Gary et de Salman Rushdie. « Et