XXVII° Dimanche du Temps Ordinaire (B) Le mariage de la Vierge

Transcription

XXVII° Dimanche du Temps Ordinaire (B) Le mariage de la Vierge
XXVII°DimancheduTempsOrdinaire(B)
LemariagedelaVierge
LemariagedelaViergeMarie
JacquesSTELLA(Lyon1596–Paris1657)
Huilesurtoile,entre1640et1645
360x450cm
MuséedesAugustins(Toulouse–France)
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ÉvangiledeJésusChristselonsaintMarc10,2-16.
Des pharisiens l’abordèrent et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un
mari de renvoyer sa femme ? » Jésus leur répondit : « Que vous a prescrit Moïse ? » Ils lui dirent :
« Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. » Jésus
répliqua : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle. Mais, au
commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son
père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont
plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » De
retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur déclara : « Celui
qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé
son mari en épouse un autre, elle devient adultère. » Des gens présentaient à Jésus des enfants pour
qu’il pose la main sur eux ; mais les disciples les écartèrent vivement. Voyant cela, Jésus se fâcha et
leur dit : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux
qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière
d’un enfant n’y entrera pas. » Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.
Commentaire
Lepeintre
Formé à la cour des MEDICIS à Florence, il fera la rencontre de Jacques CALLOT (dont le style l’influencera
profondément)puisàRomedeNicolasPOUSSINquileformaauclassicisme.Ilendevintl’ami,etcetteamitiélui
feradel’ombre.Beaucoupnevoitenluiqu’uncopieurdePOUSSIN,avistropinjuste.DeretourenFrance,Louis
XIII lui donnera le titre de peintre du Roi sur proposition du Cardinal DE RICHELIEU. Son œuvre, tout en étant
empreinte de classicisme reste marquée par une vision réaliste, particulièrement des antiques, et sera d’une
grandeinspirationreligieuse.
CetableauestunmodèlepourlatroisièmedesquatorzepiècesdelatenturedelaViedelaViergecommandée
parlechanoineLEMASLEpourNotre-DamedeParis,maisconservéedepuis1739àlacathédraledeStrasbourg.Il
estactuellementexposéauMuséedesAugustinsdeToulouse.
Cequel’onvoit
LeMuséefaitunecourteprésentationdel’œuvre:
Dansunemiseenscèneélaborée,Stellaplacedespersonnagesauxattitudesquelquepeumaniérées,dans
un temple d'architecture romaine, dont la perspective est parfaitement rendue. Plusieurs jeunes hommes,
surlapartiegauchedelatoileetverslefond,tiennentdesbaguettesdeprétendants;l'und'euxlabrisesur
son genou. La délicatesse de la gamme chromatique, ainsi que la grâce des attitudes, sont typiques du
classicismedeStella.Lepeintreaexécutécetteœuvreenlaconcevantvraimentenvuedesatraductionen
tapisserie:ainsi,lesguirlandesdefeuillagequi,au-dessusdespersonnages,coupentlesarcsenpleincintre
sansraisonapparente,appartiennentenfaitàlaborduredelatapisserie
Ilestdifficiledetrouveruneœuvred’artquiillustrelapremièrepartiedel’évangiledecejour.C’estpourquoiil
mesemblaitqueletableaud’unmariagepermettaitd’aborderlaproblématiqueposéeauChrist.Etc’estencore
plusbeaulorsqu’ils’agitdumariagedelaVierge.
Lalégende
Lesévangilescanoniquesn’endisentrien.Lesartistessuiventenfaitlerécitdesévangilesapocryphesetdela
LégendedoréedeJacques DEVORAGINE.LorsqueMarie,élevéedansleTemple,atteintl’âgede14ans,legrandprêtre,pourseconformeràlaloideMoïse,veutluidonnerunépoux.Ilfaitconvoqueràsondetrompetousles
descendantsdeDavid,célibatairesouveufs.Celuidontlabaguettefleuriraseral’épouxdeMarie.C’estJosephqui
estdésignéparlafloraisondesabaguette.Notonsqu’elleestsouventreprésentéesouslaformed’unlis,symbole
de son mariage virginal. Ce récit est évidemment emprunté à celui de la désignation d’Aaron comme grandprêtredanslePentateuque(Nombres17).Ilserécuse,parcequ’ilestvieux,qu’iladéjàdesfilsetqu’ilneveut
pointprêteràrireauxenfantsd’Israël.Maislegrand-prêtreluiexpliquequ’ilnedoitpasenfreindrelavolontéde
Dieuclairementmanifestéeparunmiracle.«Dieut’aélupourépouxdelaVierge.Prends-la.»
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Lascènequenousvoyonsestrelativementsimple,sansgrandesymboliquecomplexe.Quelquesdétailsviennent
simplementrendreplusvivantlesujet.Ledépitdesjouvenceauxévincésparcebarbonsemanifested’unefaçon
plusoumoinsviolente:aupremierplan,l’und’euxbrisedecolèresabranchesurlegenou,alorsquelesautres
s’éloignentverslefonddelagalerie.ÀcôtédeMarie,sescompagnescontemplentlascène,toutenretenantun
enfantquinedemandequ’àjoueraveclechien.L’assistantduprêtrequicélèbrelemariagedeJosephetMarie,
regarde,interrogateur,versl’hommeencolère.Ilporteuneétoledediacre,etdanssesmains,lerouleaudel’acte
du mariage. Derrière le grand-prêtre, qui d’un regard convainc Joseph, porte une tenue liturgique qui
rappellerait presque celle d’un Pape. Derrière lui, portant deux candélabres, deux jeunes garçons semblent
presqueabsentsàlascène.
Notonslebeaudécorantiquedanslequelsedéroulecettescène.Onpeutyvoirunrappeldel’Ombrie.Eneffet,la
traditionveutquel’anneaudumariagedeJosephetMariesoitconservéenItalie,àPérouse.Silacérémoniese
conformeauxusagesdel’Occident,ledécorrestefidèleauxcoutumesdesJuifspourlesquelslemariagen’était
pasunsacrement.Lascènenesepassepasdansuneégliseouunechapelle,maisenpleinair,devantleTemple
deJérusalemoùlaViergeavaitétéélevée.Laguirlandedefleursetdefruitsquidominentn’estqueleprojetde
borduredel’œuvrepourlescartonsdestapisseries.
Joseph est habillé d’une tunique blanche couverte d’un grand manteau jaune, signe de son veuvage. À la main
gauche,iltientsafameusebaguettefleurie.Ilpassel’anneaunuptialaudoigtdelaVierge.Surunetuniquecorail,
elleporteunmanteaubleu,signedesafidélité.Seslongscheveuxblondssontceintsd’unecouronnedefleurs
blanches.
Importancedumariage
LesthéologiensduMoyen-âgeontinstituédesdiscussionssansfinsurlanaturedumariagedeJoseph.A-t-ilété
marié ou simplement le protecteur de la Vierge? Comment qualifier le lien qui les unissait? Peut-on nommer
époux ceux qui vivent ensemble sans avoir de relations charnelles? À un tel point que jusqu’au code de droit
canoniquede1983,onappelaitmariagedeJosephlemariageblancdedeuxépouxquirenonçaientmutuellement
àtouteunioncharnelle!
Ce texte tombe bien le jour où notre Pape ouvre la deuxième session du Synode sur la famille. Cette seconde
rencontredesévêquesetexpertsautourduPapedevras’affronteràtouteslesquestionsrelativesaumariage.Le
sujetestarduetcréébiendesremousauseindelaCurie,maisaussidesfidèles.
Le Catéchisme de l’Église catholique nous explique: «L'alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une
femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des
conjointsainsiqu'àlagénérationetàl'éducationdesenfants,aétéélevéeentrebaptisésparleChristSeigneuràla
dignitédesacrement»(CEC1601).C’esten1215,auIV°ConcileduLatran,quelesPèresconciliairesajoutentle
mariage à la liste des sacrements. Puis au Concile de Trente, en 1563, l’Église ordonne que l’échange des
consentementsdoitêtrereçudevantunclerc.
Bien sûr, le mariage s’enracine d’abord dans les Écritures. Dès la Genèse, Dieu dit: «Faisonsl'Hommeànotre
image, comme notre ressemblance, et qu'ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux,
touteslesbêtessauvagesettouteslesbestiolesquirampentsurlaterre.Dieucréal'Hommeàsonimage,àl'image
deDieuillecréa,hommeetfemmeillescréa.»
Ainsi, comme le confirmera saint Paul, le mariage fait partie du dessein de Dieu, de son plan pour l’homme:
«Voicidoncquel'hommequitterasonpèreetsamèrepours'attacheràsafemme,etlesdeuxneferontqu'uneseule
chair:cemystèreestdegrandeportée;jeveuxdirequ'ils'appliqueauChristetàl'Église»(Ephésiens5,31-32).Le
mariagedevientlesignedel’unionsponsaleduChristetdesonÉglise.L’amourd’unhommeestd’unefemmeest
lerefletsaintdel’amourduChristpourleshommes.
L’Égliselira,aucoursdesonhistoire,lessignesdusacrementdumariagedansl’Évangile.Ainsi,l’indissolubilité
estclairementétablieparleChrist:«Despharisienss'approchèrentdeluietluidirent,pourlemettreàl'épreuve:
«Est-ilpermisderépudiersafemmepourn'importequelmotif?»Ilrépondit:«N'avez-vouspasluqueleCréateur,
dèsl'origine,lesfithommeetfemme,etqu'iladit:Ainsidoncl'hommequitterasonpèreetsamèrepours'attacher
àsafemme,etlesdeuxneferontqu'uneseulechair?Ainsiilsnesontplusdeux,maisuneseulechair.Ehbien!Ce
queDieuauni,l'hommenedoitpointleséparer.»«Pourquoidonc,luidisent-ils,Moïsea-t-ilprescritdedonnerun
actededivorcequandonrépudie?»«C'est,leurdit-il,enraisondevotreduretédecœurqueMoïsevousapermisde
répudiervosfemmes;maisdèsl'origineiln'enfutpasainsi.Orjevousledis:quiconquerépudiesafemme–pas
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pour "prostitution" - et en épouse une autre, commet un adultère.»» (Matthieu 19, 3-9, parallèle du texte
d’aujourd’hui).
Etpournousaujourd’hui?
Jevoisplusieursfaçonsderépondreàcettequestion…
D’abord,rendresensausacrementdumariage.
S’aimertouteunevien’estpasunleurre.Redonnonsgoûtànosenfantsdel’amourindéfectible.Maissurtout,par
notreproprefaçond’aimer,soyonsdessignesdecetamour.Onnepeutmieuxapprendreàaimeràunenfant
qu’enluitémoignantclairementdenotreproprefaçond’aimer.
Mettrel’amouraucentredenosvies.
Plusjevieillis,plusjemedisquec’estbienl’essentiel.EtcommelerappelleJeandelaCroix:«Ausoirdenotre
vie,c’estsurl’amourquenousseronsjugés». Sais-je aimer? Difficilement… Mais fais-je tout pour apprendre à
aimer?Voilàlavraiequestion!
Seconfieràlasaintefamille
EnpriantMarieetJoseph,ilspeuventnousaideràvivrenotrepropremariage.
Jésus,MarieetJoseph
envousnouscontemplons
lasplendeurdel’amourvéritable,
àvousnousnousadressonsavecconfiance.
SainteFamilledeNazareth,
faisaussidenosfamilles
deslieuxdecommunionetdescénaclesdeprière,
desécolesauthentiquesdel’Évangile
etdespetitesÉglisesdomestiques.
SainteFamilledeNazareth,
que jamais plus dans les familles on fasse
l’expérience
delaviolence,delafermetureetdeladivision:
quequiconqueaétéblesséouscandalisé
connaisserapidementconsolationetguérison.
SainteFamilledeNazareth,
queleprochainSynodedesÉvêques
puisseréveillerentouslaconscience
ducaractèresacréetinviolabledelafamille,
sabeautédansleprojetdeDieu.
Jésus,MarieetJoseph
écoutez-nous,exauceznotreprière.
PapeFrançois
Comprendrelesdifficultés
Carellessontnombreuses,etj’espèrequ’ellesserontfranchementabordéeslorsduprochainSynode.Jen’aini
mandat, ni même compétence, pour indiquer aux Pères synodaux le chemin à choisir. J’ai simplement une
pensée, et je l’espère, un cœur de Pasteur qui s’inquiète pour un certain nombre de couples qui vivent des
difficultés,pourtantd’hommesetdefemmesquisouffrent.
Cescas,quenousconnaissonstous,nedoiventpeut-êtrepasêtrelepointdedépartd’unethéologie,etencore
moins d’une loi. Ce serait faire d’un cas singulier un point particulier, puis d’un point particulier une règle
générale,etd’unerèglegénéraleuneloiuniverselle!Cen’estpascommecelaqu’onfaitdeslois.Oualors,onen
arrive à des inepties! On le voit chaque jour… Mais ce n’est pas non plus parce qu’on est responsable des lois
universellesougénéralesquel’onsedoitd’ignorertouteslessituationssingulières.
MaislessituationssingulièresnesontpasauniveaudesPèressynodaux,maisaunôtre.Siquelqu’unaquelque
choseàfaire,c’estnous!Quefaisons-nouspouraccueillirlescouplesensouffrance?Queltempstemps,quelle
amitiédonnons-nousàceuxquisouffrent?Commesavons-nousaccueillir,écouter,réconforterceuxquivivent
cestempsdifficiles?
Laissonslesévêquesprendredesdécisions.Faisons-leurconfiance,ilsontplusreçul’Esprit-Saintquenous!Ils
ont d’abord besoin de notre prière: célébrons aujourd’hui pour eux. Mais nous, soyons des cœurs, soyons des
êtresvrais,soyonsdesimagesduChristmiséricordieuxavectousceuxquinousentourentetquisouffrent.Etqui
souffrentparticulièrementdetoutescesquestionsdelafamille,ducoupleetdel’amour.Soyonsdesêtresvrais
quinecachentpasleursconvictions,quiensontfiers,maisquisaventaussiaccueillir,aimer,souteniretguider
ceuxquiontdumalàtrouverleurchemin,àdonnersensàleurvie,àvivreunesexualitédifférente.C’estlàque
sejouel’évangile!
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